Le confédéralisme, spectre institutionnel (2)  Une inspiration internationale (1790-1945)

Namur, le 16 novembre 2019

La référence au confédéralisme apparaît souvent dans des moments d’intenses tensions politiques. C’est d’ailleurs ce qui rend son appréhension difficile et freine voire empêche généralement toute tentative d’en dégager les principes clairs, pour en établir une théorie générale ou pour le définir en tant que notion autonome, comme a pu le faire le juriste français Olivier Beaud pour le fédéralisme [1].

1. Séparation administrative, fédération et confédération

En Belgique, les idées de fédération et de confédération vont intéresser dès la fin du XVIIIe siècle ceux qui s’interrogent sur l’avenir des pays et recherchent une autonomie provinciale, régionale voire – concept hérité de 1830 et du conflit avec le roi Guillaume d’Orange – une séparation administrative [2]. Celle-ci avait notamment été proposée par Alexandre Gendebien (1789-1869), personnalité libérale montoise et futur membre du Gouvernement provisoire, un des principaux porte-paroles de la délégation belge envoyée à La Haye début septembre 1830. Lors d’une entrevue avec le ministre de l’Intérieur du Royaume uni des Pays-Bas, Edmond de la Coste (1788-1870), l’idée avait été exprimée par ceux qui se considéraient comme les représentants des Belges, de maintenir la dynastie Nassau à la tête de ce royaume, mais de confier au Prince d’Orange la fonction de vice-roi ou de lieutenant-général de la Belgique, avec une résidence continue à Bruxelles [3]. Cette solution à la crise entre La Haye et Bruxelles, qui plaçait la Belgique et les Pays-Bas sous le même sceptre, était celle qui unissait alors la Norvège et la Suède. Cette opinion fut également défendue à Amsterdam notamment dans un plaidoyer daté d’octobre 1830 et attribué à l’ancien ministre des Affaires étrangères Guisbert Charles Van Hogendorp (1762-1834) pour lequel l’idée de la séparation sous une même dynastie s’opposait à une séparation absolue de la Belgique et des Pays-Bas, de type monarchie constitutionnelle voire république fédérative et indépendante [4].

Dès lors, en 1894 consécutivement aux effets électoraux de la première révision constitutionnelle [5], puis en 1897 avec le projet de réforme de l’État de Julien Delaite (1868-1928) [6], puis encore en 1912, au Congrès wallon de Liège, mais aussi dans La Lettre au roi de Jules Destrée [7], l’idée de séparation administrative vient à nouveau au-devant de la scène politique. Ce concept est encore présent dans la mémoire collective, même si on lui reproche déjà son caractère flou et instable, voire son manque d’opérationnalité [8]. Néanmoins, comme l’écrira Destrée en 1921, ce mot de séparation, qui n’avait rien de bien effrayant avant la guerre, deviendra une sorte d’épouvantail [9]. C’est vrai que la Flamenpolitik était passée par là. À cette époque, une partie du Mouvement flamand a revendiqué le fédéralisme et l’a obtenu partiellement et momentanément dans le cadre du Raad Van Vlaanderen, mis en place en collaboration avec l’appui de l’occupant allemand. Ainsi, comme l’a montré l’historien Paul Delforge, le Vlaamsche Landsbond est créé à Bruxelles dès juin 1916. Dans le manifeste produit le 26 août de la même année, cette organisation flamande déclare poursuivre comme objectif principal la réalisation de la séparation de la Wallonie et de la Flandre, au sein d’une confédération de régions autonomes sous le nom d’États-Unis de Belgique. L’État confédéral ne conserverait comme compétence que les Affaires étrangères, les douanes, le système monétaire, la marine et les chemins de fer [10].

Fin du XIXe siècle,  à côté de l’idée de « séparation administrative », souvent brandie comme une menace, celle de confédération fait l’objet de réflexion et apparaît comme une formule plus constructive. Quand en 1897 le poète et homme politique libéral liégeois Albert Mockel (1866-1945) donne une description de la séparation administrative complète entre la Wallonie et la Flandre, il voit un parlement pour chacune d’elles, et l’union des deux petits États dans une chambre fédérale élue paritairement [11]. On retrouve cette parité dans le projet déjà mentionné du chimiste liégeois Julien Delaite qui conçoit un Parlement fédéral, composé de députés wallons et flamands en nombre égal, comme en Autriche, où les deux parties de l’Empire ont le même nombre de députés à l’Assemblée législative [12]. Au Congrès wallon de juillet 1912, pendant le vaste débat qui fut mené autour de l’idée de séparation administrative, le député socialiste liégeois Léon Troclet (1872-1946) imaginait une confédération des États-Belgique-Unis, dans lesquels la Flandre et la Wallonie seraient associées avec les Pays-Bas et le Grand-duché de Luxembourg [13]. La formule renvoyait manifestement aux événements de la Révolution dite brabançonne de 1789. En effet, lorsque, en conflit avec leur empereur Joseph II d’Autriche, les États généraux se réunissent en congrès souverain à Bruxelles en janvier 1790, à l’invitation des États de Brabant, les provinces s’unissent et se confédèrent sous la dénomination d’États belgiques unis (Article 1 de leur Traité d’union) [14]. Ainsi, après s’être déclarées libres et indépendantes, les différentes provinces s’émancipent de la couronne de l’empereur d’Autriche, jugé trop centralisateur, et créent un État fédératif [15]. Elles délèguent leurs intérêts collectifs – organisation et entretien de l’armée, relations avec les puissances étrangères, frappe de la monnaie [16] – à un Congrès souverain des États belgiques unis renouvelable tous les trois ans. Comme l’indique l’historien Henri Pirenne (1862-1935), pour établir leur République belge, les révolutionnaires ont pris comme modèle la Constitution américaine, sans les droits politiques ni les garanties démocratiques qu’elle contient [17]. La Constitution belgique de 1790 refuse à toute province le droit de sécession [18].

Certes, ce type de confédéralisme nous renvoie davantage à des formules provinciales que régionales, mais nous devons nous souvenir que, certainement jusqu’en 1967, au Congrès des socialistes wallons des 25 et 26 novembre à Verviers, l’option d’une régionalisation sur base des provinces était restée une trajectoire crédible chez de nombreux élus, wallons comme flamands d’ailleurs [19]. D’ailleurs, depuis le projet Delaite, certains projets de fédéralismes régionaux étaient eux-mêmes fondés sur l’assemblage des provinces [20].

2. Le gouvernement national incomplet selon Émile de Laveleye

Fédéralisme et confédéralisme sont théorisés en Belgique au XIXe siècle. J’ai montré ailleurs [21] l’influence directe d’Émile de Laveleye (1863-1892) sur le Mouvement wallon.  Cette personnalité de niveau européen, voire mondial, qui enseigna à l’Université de Gand, mais aussi l’économie politique à l’Université de Liège de 1863 jusqu’à sa mort, rendit populaires les analyses sur la Constitution américaine d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), de James Bryce (1868-1928) et d’Albert Shaw (1857-1947) [22].

Dans le chapitre de l’ouvrage Le gouvernement dans la démocratie, intitulé Le Régime fédératif, Émile de Laveleye rappelle que Tocqueville a exposé en quoi consiste le régime fédératif des États-Unis et le nomme, faute d’un terme plus adéquat, un gouvernement national incomplet. Dans la science politique allemande, écrit le professeur liégeois, on trouve le mot juste qui le définit : c’est un Bundestaat, un État fédératif, en opposition avec un Staatenbund, ou fédération d’États.

Dans l’État fédératif, le gouvernement central a le droit de faire des lois et d’en imposer le respect à ses agents : cours de justice, force publique, employés du fisc, et ainsi agir directement sur tous les citoyens de l’Union. Dans la fédération d’États, qui n’est en réalité qu’une alliance étroite et permanente d’États indépendants, le pouvoir central n’a de rapports qu’avec ces États et il n’atteint les citoyens que par leur intermédiaire [23].

Prenant l’exemple des États-Unis, de Laveleye note qu’en 1787, Alexander Hamilton (1757-1804) exposa avec une lucidité merveilleuse les principes fondamentaux qui doivent servir de base à un État fédératif, observant que c’est à lui que les États-Unis doivent la force d’union qui fait leur force. Et de Laveleye de citer Hamilton : Chaque État aura intérêt à payer le moins possible et à laisser payer le plus possible ses voisins. Les intérêts particuliers ont plus d’action sur les hommes que les intérêts généraux. Les États fédérés, ne consultant que leur avantage immédiat, seront autant de pouvoirs excentriques, suivant une direction opposée à celle du gouvernement de l’Union, et comme ils entraîneront leurs citoyens, la confédération sera sans cesse menacée de dissolution [24]. C’est évidemment une leçon de l’histoire…

Observant que Montesquieu, Rousseau, Bryce et Tocqueville ont vanté les avantages du système fédératif, de Laveleye cite l’auteur de La démocratie en Amérique qui disait voir dans ce système une des plus puissantes combinaisons en faveur de la prospérité et de la liberté humaines [25]. On comprend évidemment qu’Émile de Laveleye constitue une des sources du fédéralisme belge, pour les Wallons et les Flamands du reste, même si, au XIXe siècle, ce sont les premiers qui s’y intéressent [26]. Dans un autre chapitre de son livre, le professeur liégeois précise toutefois que lorsque l’histoire a créé un État unitaire, il peut être difficile de le transformer en fédération. Il propose alors de rendre aux provinces leur autonomie, en conservant au pouvoir central les attributions nécessaires pour le maintien de l’ordre et la défense de l’indépendance nationale [27]. L’État démocratique, qu’il décrit alors, ne doit être que la confédération des villes libres et des provinces autonomes [28].

Les Belges du XIXe et du XXe siècle savent donc bien que, à côté du fédéralisme, existe le confédéralisme. Ils ont bien sûr entendu parler de l’histoire américaine. Ils savent que les États-Unis ont fondé un système confédéral entre 1777 et 1781 sous la forme d’une union d’États, l’ont transformé en un État d’Union ou État fédéral en 1787 [29].

Néanmoins, comme le rappelait le politologue français Thierry Chopin (1972-), à la fin du XVIIIe siècle, au moment de la campagne de ratification par les conventions des États du projet de Constitution fédérale américaine, le terme de fédération est encore entendu dans son acception classique, c’est-à-dire comme synonyme de confédération [30]. Il n’est pas sûr qu’ils perçoivent clairement les différences, mais comme le souligne Chopin en citant Tocqueville : Le grand caractère qui distingue la nouvelle Union américaine de l’ancienne est celui-ci : l’ancienne Union gouvernait les États, non les individus. […]. Le nouveau gouvernement fédéral est bien véritablement le gouvernement de l’Union, dans tout ce qui est de son ressort ; il ne s’adresse point aux États, mais aux individus ; il commande à chacun des citoyens américains, qu’il soit né dans le Massachusetts ou la Géorgie, et non point au Massachusetts ou à la Géorgie, et il a des moyens qui lui sont propres de forcer chacun de ses individus à l’obéissance sans recourir à d’autre autorité que la sienne. […] L’action du pouvoir central sur chaque individu dans ce cas est directe et non indirecte [31].

Les Belges n’ignorent pas que les États sudistes ont voulu refonder une confédération – The Confederate State of America – en 1861 pour des raisons d’ailleurs largement économiques. C’est la cause principale de la Guerre civile.

3. L’État (con)fédéral en Belgique ?

Durant l’Entre-deux-guerres, dans un contexte marqué par la résurgence de projets autonomistes flamands portés par le Frontpartij et les partis fascisants Vlaams Nationaal Verbond (VNV) ou Verdinaso [32], les Wallons vont s’intéresser à nouveau de très près à ces questions, en particulier Fernand Dehousse (1906-1976), professeur de droit constitutionnel à l’Université de Liège, et Georges Truffaut (1901-1942), député socialiste liégeois, un des animateurs de l’Action wallonne avec Jean Rey et Marcel Thiry, notamment. Dans une étude que Truffaut et Dehousse signent en 1938 et qui est intitulée L’État fédéral en Belgique, ils indiquent que, à côté du fédéralisme dont la définition n’est pas unique puisqu’il désigne des formes diverses d’association entre deux ou plusieurs collectivités humaines, existe la Confédération d’États. Celle-ci, écrivent-ils, n’est pas aisée à caractériser, car il s’agit ici aussi, d’un mode très variable d’association. Souvent, notent-ils encore, la Confédération d’États se distingue assez peu de l’État fédéral [33]. Ces différentes formes sont donc le produit de l’histoire non de la raison, idée que le professeur Fernand Dehousse – et futur ministre des réformes institutionnelles du gouvernement de Gaston Eyskens en 1971-72 – répétera toute sa vie [34], à la suite de Jules Destrée. Dans un autre texte éclairant, daté de 1947, le professeur rappellera que les chercheurs ont consacré à ces concepts une abondante littérature qui pourrait remplir toute une bibliothèque et que la science politique ne sait toujours pas à quoi s’en tenir à ce sujet. Dès lors, indique-t-il à la manière de de Laveleye, toute la question est là, et elle n’est pas simple : où finit la Confédération d’États (le Staatenbund des Allemands) et où commence l’État fédéral (dénommé, par les mêmes, Bundesstaat). La réponse, dit Dehousse, est toute empirique : c’est le volume des attributions respectivement dévolues au pouvoir central dans la Confédération d’États et dans l’État fédéral. Si ce volume est réduit, on a, à notre avis, affaire à une Confédération d’États. S’il est important, l’association est un État fédéral [35]. Plus tard, lors d’un colloque organisé par l’Institut Destrée, en 1976, Fernand Dehousse évoquera comme autre différence l’existence ou non du droit de sécession [36]. Lors du Congrès national wallon de 1945 néanmoins, le professeur avait préconisé ce droit pour la Wallonie, considérant devant ses amis que le fédéralisme constituait un dernier essai de vie en commun dans le cadre de la Belgique [37].

1936-37 constitue un autre moment important pendant lequel le confédéralisme va se manifester en Wallonie. Lorsque Léon Blum (1872-1950) constitue le gouvernement du Front populaire, le 4 juin 1936 à Paris, en le fondant sur une majorité composée de communistes, de socialistes et de radicaux de gauche, certains à Bruxelles s’inquiètent du régime qui se met en place dans la République. Par le discours du roi du 14 octobre 1936, le Gouvernement de Paul Van Zeeland (1893-1973) et de Paul-Henri Spaak (1893-1973) dénonce les accords militaires signés avec la France depuis le 7 septembre 1920. Ces accords d’États-majors donnaient pourtant quelques espoirs de résister à l’Allemagne devenue hitlérienne depuis 1933. Face au retour à une neutralité dite des « mains libres », y compris de s’accommoder du Reich, comme Léopold III tentera de le faire plus tard, les Wallons s’exaspèrent. Le 21 novembre 1937, Arille Carlier (1887-1963), personnalité libérale carolorégienne, s’exprime au Congrès du mouvement La Concentration wallonne réuni à Tournai, pour revendiquer la reconnaissance de la souveraineté de l’État wallon, lequel doit avoir ses propres pouvoirs constitutionnels : législatif (un Parlement wallon), exécutif et judiciaire, ainsi que les autres attributs de la souveraineté extérieure : défense nationale, traités de commerce). En effet, pour l’ancien avocat stagiaire de Jules Destrée, la doctrine fédéraliste considérant les affaires étrangères comme une chose commune, il faut, dit-il, aller plus loin. Ce que Arille Carlier revendique alors, c’est la transformation de l’État belge unitaire et centralisé en une Confédération d’États : Wallonie, Bruxelles, Flandre. Le lien belge est maintenu par une union réelle ou personnelle [38]. Aux réticences des députés socialistes liégeois François Van Belle et Georges Truffaut, présents, qui demandent qu’on attende la fin des travaux de la Commission mise en place à Liège sous la présidence de Fernand Dehousse pour préparer un projet de fédéralisme, Carlier répond que le fédéralisme impliquant une politique étrangère commune ne convient plus et que la Wallonie entend disposer librement d’elle-même dans tous les domaines [39]. La résolution n’est finalement que très légèrement amendée. L’ordre du jour qui est voté affirme que la Wallonie ne pourra atteindre son idéal national, dans le cadre belge, que si la Belgique prend la forme d’États-Unis de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie [40].

Cette revendication de la Concentration wallonne montre à nouveau le caractère fluctuant du périmètre de l’État fédéral face à des enjeux que l’on peut qualifier de vitaux. Vitaux en effet, car, comme l’indiquait Jean Rey (1902-1983) un an plus tard : la neutralité, dans l’Europe de 1938, c’est en réalité la résignation devant une éventuelle servitude, c’est l’acceptation de la défaite de nos idéaux, c’est l’acceptation de vivre en nation d’esclaves plutôt que de combattre en peuple d’hommes libres [41]. Quelle formidable clairvoyance, tellement différente de la cécité de Paul-Henri Spaak [42] ! Aujourd’hui, en Belgique, les relations internationales sont attribuées aux entités qui disposent de la compétence considérée. Régions et communautés possèdent ainsi la capacité de signer des traités internationaux pour ce qui relève des compétences qui leur ont été transférées.

C’est aussi dans un contexte dramatique, celui de la Seconde Guerre mondiale, qu’un projet  clandestin voit le jour à l’initiative de la Fédération liégeoise du Parti socialiste belge et de sa Commission des Affaires wallonnes. Fernand Dehousse, qui y a largement contribué avec d’autres personnalités comme Jean Marcy, Simon Paque, Léon-Eli Troclet et Paul Gruselin, le qualifiera de vraiment très avancé et qui, même s’il conserve des éléments de l’État fédéral, se rapproche même beaucoup plus d’une Confédération étant donnée l’étendue des compétences qu’il donne aux États fédérés [43]. Le projet se présente sous forme de 14 résolutions. La résolution 2 indique que la Commission se prononce pour un système fédéral à trois membres, tout en indiquant à la résolution 3 que :

1° La Belgique est une Confédération d’États comprenant trois parties : Bruxelles, la Flandre, la Wallonie ;

2° Dans les États, tous les pouvoirs émanent de la collectivité ; dans la Confédération, ils émanent des États. La Confédération n’a d’autres attributions que celles qui lui sont expressément déléguées par les États ;

3° Le droit de sécession est reconnu à chacun des États membres (…) [44]. Notons que l’État bruxellois est composé des 19 communes de l’agglomération, même s’il peut être étendu par référendum. Le projet précise qu’un sort spécial pourrait être réservé au sein de la confédération aux cantons d’Eupen et de Saint-Vith ainsi qu’aux communes allemandes du canton de Malmedy. Nous sommes en 1944…

Ainsi, le confédéralisme est inscrit de manière presque aussi nette que le fédéralisme dans la revendication wallonne de la fin du XIXe siècle jusqu’à, y compris, la Seconde Guerre mondiale. L’observation de l’Après-Guerre ne fait pas apparaître une autre dynamique même si, le fédéralisme aboutissant, le confédéralisme sera diabolisé comme une menace. Comme l’avaient été la séparation administrative et le fédéralisme avant lui.

À suivre : Le confédéralisme, spectre institutionnel (3),  Une dialectique endogène  (1946 – 1995)

Philippe Destatte

PhD2050

 

[1] Thierry CHOPIN, Olivier Beaud, Théorie de la Fédération, dans Critique internationale, vol. 46, n° 1, 2010, p. 187-193. – Olivier BEAUD, Théorie de la fédération, Paris, PuF, 2ed., 2009. – Le juriste français n’hésite d’ailleurs pas à repartir de la définition du philosophe allemand Samuel Pufendorf (1632-1694) qui a inauguré la pensée politico-juridique moderne relative au phénomène fédéral. Selon Pufendorf, la confédération consiste en ce que plusieurs peuples, sans cesser d’être autant d’États distincts, s’unissent pour toujours en vue de leur conservation et de leur défense mutuelle, faisant pour cet effet dépendre de leur commun consentement l’exercice de certaines parties de leur souveraineté. Samuel PUFENDORF, Du droit naturel et des gens (De iure naturae et gentium), dans Œuvres complètes, Gesammelte Werke, Bd 4, 2 Teil, Berlin, Akademie Verlag, 1998, p. 685, cité dans Olivier BEAUD, Théorie de la Fédération…, p. 17. Beaud se réfère aussi au juriste italien Pellegrino Rossi qui définissait ainsi la (con)fédération en 1832 : Toute Confédération (Confederazione) est un état intermédiaire entre l’indépendance absolue de plusieurs individualités politiques et leur complète fusion dans une seule souveraineté. Ibidem, p. 17. – Yves LEJEUNE, L’État fédéral est-­il une bonne clé pour comprendre le fédéralisme. Un commentaire du livre d’Olivier Beaud, Théorie de la Fédération, dans Revue belge de Droit constitutionnel, 2009/2.

[2] Robert DEMOULIN, Les journées de septembre 1830 à Bruxelles et en province, Etude critique d’après les sources, p. 71n, Paris, Droz – Liège, Faculté de Philosophie et Lettres, 1934. – voir une lettre de de Potter à Gendebien écrite à Paris le 31 août 1830 où le premier évoque une « séparation administrative et parlementaire ». Théodore JUSTE, La Révolution belge de 1830, Appendice, p. 172, Bruxelles, 1872. – R. DEMOULIN, La Révolution de 1830, p. 24, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1950.

[3] Théodore JUSTE, Histoire de la Révolution belge de 1790, précédé d’un tableau historique du règne de l’Empereur Joseph II et suivie d’un coup d’œil sur la Révolution de 1830, vol. 2, p. 33 et 43, Bruxelles, Jamar, 1846.

[4] Séparation de la Hollande et de la Belgique, 22 octobre 1830, p. 43, Amsterdam, Diederichs Frères, 1830. (De Scheiding van Holland en België, ibidem). – R. DEMOULIN, Les journées…, p. 37.

[5] La division des deux parties du pays au point de vue des opinions deviendra plus sensible encore par la question des langues. La scission qui se fera au Parlement entre les deux éléments dont se compose le pays ira s’accentuant, et du Parlement s’étendra au reste du pays. Les Wallons perdront tout espoir de ramener l’entente avec les habitants de la partie flamande du pays sur le terrain politique ; la question des langues achèvera le divorce, et de là à une séparation administrative, il n’y aura qu’une faible distance. Gazette de Charleroi, 2 septembre 1894, p. 1.

[6] « Comité exécutif » dans L’Ame wallonne, 1er janvier 1898, n°1, p. 1. – Julien DELAITE, Étude d’un régime séparatiste en Belgique, Rapport présenté au Congrès wallon de Liège, p. 6, Liège, M. Thone, 1912.

[7] Sur cette lettre, voir Ph. DESTATTE, Catherine LANNEAU et Fabrice MEURANT-PAILHE dir., Jules Destrée, La Lettre au roi , et au-delà, 1912-2012, Liège-Namur, Musée de la Vie wallonne-Institut Destrée, 2013.

[8] Le député limbourgeois et ministre d’État catholique Joris Helleputte (1852-1925) n’était d’ailleurs pas contredit lorsqu’il affirmait à la Chambre en 1920 que l’autonomie politique pouvait s’entendre dans des sens différents : est-ce la séparation du pays en deux régions autonomes, ayant un souverain commun, réalisant ainsi un système d’union personnelle -, sous la souveraineté du roi Albert ? Ou bien est-ce la séparation absolue de façon à constituer deux pays distincts? Nous ne le savons pas très bien. De tout temps d’ailleurs, ceux qui se sont réclamés de la séparation administrative se sont gardés de définir leur système. L’honorable M. Destrée lui-même n’a jamais donné à cet égard des précisions à la Chambre. Je connais évidemment moins bien ce qui se passe au dehors ; ceci a d’ailleurs moins d’importance et moins d’autorité… Annales parlementaires, Chambre, 9 mars 1920, p. 502.

[9] Jules DESTREE, Wallons et Flamands… #, p. 152. – On peut évidemment contester l’idée que le concept n’avait rien d’effrayant, notamment si on se souvient de la résolution du congrès de juillet 1912 : « Le Congrès, toutes réserves faites au sujet des formes à donner à l’idée séparatiste ; émet le vœu de voir  la Wallonie séparée de la Flandre en vue de l’extension de son indépendance vis-à-vis du pouvoir central et de la libre extension de son activité propre ; désigne aux fins d’étudier la question une Commission, à raison d’un membre par quarante mille habitants. » #

[10] Paul DELFORGE, La Wallonie et la Première Guerre mondiale, Pour une histoire de la séparation administrative, p. 140, Namur, Institut Destrée, 2008.

[11] Albert MOCKEL, Camille Lemonnier et la Belgique, dans Mercure de France, tome 22, Avril-juin 1897, p. 101n.

[12] J. DELAITE, op. cit.

[13] Congrès wallon organisé par la Ligue wallonne de Liège, 7 juillet 1912, p. 40, Liège, Imp. Victor Carpentier, 1912.

[14] Traité d’union et établissement du Congrès souverain des Etats Belgiques Unis, Bruxelles, le 11 janvier 1790, dans Recueil des Ordonnances des Pays-Bas, 3e série, t. XIII, p. 418sv, reproduit dans L. VERNIERS, P. BONENFANT et F. QUICKE, Lectures historiques, L’Histoire d’après les sources, Histoire de Belgique, t. II, p. 229, , Bruxelles, De Boeck, 1936.

[15] Henri PIRENNE, Histoire de Belgique, vol. 3, p. 245, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1950.

[16] Ces provinces mettent en commun, unissent et concentrent la puissance souveraine ; laquelle elles bornent toutefois et restreignent aux objets suivants : à celui d’une défense commune ; au pouvoir de faire la paix et la guerre, et par conséquent, à la levée et l’entretien d’une armée nationale ; ainsi qu’à ordonner faire construire et entretenir les fortifications nécessaires ; à contracter des alliances, tant offensives que défensives, avec les puissances étrangères ; à nommer envoyer et recevoir, des résidents ou ambassadeurs, ou autres agents quelconques ; le tout par l’autorité seule de la puissance ainsi concentrée,  et sans aucun recours aux provinces respectives. L’on est convenu en même temps, de l’influence que chaque province, par ses députés, aura dans les délibérations et sur les objets repris dans le présent traité (Article 2).

[17] H. PIRENNE, Histoire de Belgique…, vol. 3, p. 245-246.

[18] Cette union sera stable, perpétuelle, irrévocable. Il ne sera libre à aucune province, ni à plusieurs, pas même à la pluralité, de rompre cette union, ou de s’en séparer, sous prétexte ou d’après un motif quelconque. (Article 11). Traité d’union et établissement du Congrès souverain des Etats Belgiques Unis…, op. cit, p. 229.

[19] Pierre BARY, Le provincialisme dépassé pour les socialistes wallons, C’est la Wallonie tout entière qui constitue une région, La création d’un exécutif et d’une assemblée à l’ordre du jour du prochain congrès de Verviers, dans Le Soir, 31 octobre 1967, p. 2.

[20] P. DELFORGE, Un siècle de projets fédéralistes…, p. 31. – Les projets (con)fédéralistes à base provinciale restent d’actualité chez certains chercheurs, voir par exemple : Filip REYNTJENS, Onze provincies als deelstaten, in De Standaard, 4 Juli 2019, p. 36. F. Reyntjens est professeur émérite en Droit et Politique – Institute of Development Policy (IOB) à l’Université d’Anvers.

[21] PhD Identité wallonne et fédéralisme

[22] Emile de LAVELEYE, La forme nouvelle du gouvernement aux Etats-Unis et en Suisse, dans La Revue des Deux Mondes, t. 77, 1886, p. 626-650. – La transformation du gouvernement local aux Etats-Unis, dans Revue des Deux Mondes, t. 94, 1887, p. 638-668. – James BRYCE, The Predictions of Hamilton and De Tocqueville,  – J. BRYCE, The American Commonwealth, Macmillan and Co, 1888.

[23] E. de LAVELEYE,  p. 71,

[24] Ibidem, p. 72. – (…) it will be the interest of each state to pay as little itself and to let its neighbors pay as much as possible. Particular interests have always more influence upon men than general. The several states therefore consulting their immediate advantage may be considered as so many eccentric powers tending in a contrary direction to the government of the union ; and as they will generally carry the people along with them, the confederacy  will be in continual danger of dissolution. Alexander HAMILTON, Speech to the New York Assembly, February 15, 1787, in Carson HOLLOWAY & Bradford P. WILSON, The Political Writings of Alexander Hamilton, Vol. 1, 1769-1789, p. 283, New York, Cambridge University Press, 2017.

[25] E. de LAVELEYE, Le gouvernement dans la démocratie…, p. 72.

[26] Ph. DESTATTE, Some questions regarding the birth of Federalist demands in Wallonia, in Ph. DESTATTE, L’idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde, p. 13-35, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 1999. – Ph. DESTATTE, L’identité wallonne, Essai sur l’affirmation politique de la Wallonie (XIX-XXèmes siècles), p. 63-64, Charleroi, Institut Destrée, 1997.

[27] E. de LAVELEYE, Le gouvernement…, p. 78.

[28] Ibidem, p. 80.

[29] Même si on peut considérer avec Olivier Beaud le caractère anachronique de voir dans le régime constitutionnel américain des débuts (1787-1861) un Etat fédéral, donc un pouvoir (relativement) centralisé au seul motif que la jurisprudence de la Cour suprême aurait interprété la Constitution dans un sens favorable au pouvoir de l’Union. O. BEAUD, Théorie de la fédération…, p. 26.  – Jean-Maurice DEHOUSSE, Subsidiarité et coopération dans le système fédéral, dans Ph. DESTATTE e.a., La Wallonie, une Région en Europe, p. 335, Nice-Charleroi, CIFE-Institut Destrée, 1997.

[30] Thierry CHOPIN, Tocqueville et l’idée de fédération, dans Revue française d’Histoire des Idées politiques, vol. 13, n° 1, 2001, p. 73-103.

[31] Th. CHOPIN, Tocqueville et l’idée de fédération…,op. cit.

[32] P. DELFORGE, Mouvement wallon et fédéralisme, dans Ph. DESTATTE, L’idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde, p. 286, Bruxelles, Presses inteuniversitaires européennes, 1999.

[33] Georges TRUFFAUT & Fernand DEHOUSSE, L’Etat fédéral en Belgique, p. 14-15, Liège, Editions de l’Action wallonne, 1938. – http://www.sfdi.org/wp-content/uploads/2014/03/MelRousseau.pdf

[34] Chaque groupe d’Etats se conforme, en fait, aux conditions qui sont les siennes et qui diffèrent d’un groupe à l’autre. Les formes de fédéralisme sont, dès lors, le produit de l’histoire, non celui d’on ne sait quelle raison abstraite. C’est là une constatation d’une portée capitale (…) Fernand DEHOUSSE, Le Fédéralisme et la Question wallonne, Congrès des Socialistes wallons, 5 et 6 juillet 1947, p. 11, La Louvière, ICO, 1947. – F. DEHOUSSE, Les projets fédéralistes de 1938 à nos jours, p. 27, dans Jacques LANOTTE éd., L’histoire du Mouvement wallon, Journée d’étude de Charleroi, le 26 février 1976, p. 27, Charleroi, Institut Destrée, 1978. – Fernand Dehousse n’est d’ailleurs pas le seul à défendre cette idée, voir par exemple Paul REUTER, Confédération et fédération : « vetera et nova », dans La Communauté internationale, Mélanges offerts à Charles Rousseau, p. 1999-218, Paris, Pedone, 1974. http://www.sfdi.org/wp-content/uploads/2014/03/MelRousseau.pdf-

« les structures fédérales ne relèvent d’aucune règle juridique générale que celle-ci soit de droit international ou de droit constitutionnel ; chacune d’entre elles ne relève que du droit constitutionnel qui lui est propre.

[35] F. DEHOUSSE, Le fédéralisme et la question wallonne…, p. 12-15.

[36] F. DEHOUSSE, Les projets fédéralistes…, p. 28.

[37] F. DEHOUSSE, L’autonomie de la Wallonie dans le cadre de la Belgique, dans Le Congrès de Liège des 20 et 21 octobre 1945, Débats et résolutions, p. 45, Liège, Editions du Congrès national wallon, s.d., 1945.

[38] Huitième congrès de la Concentration wallonne, Tournai, 21 novembre 1937, Compte rendu officiel, p. 39, Courcelles, Office central de Propagande, sd.

[39] Ibidem, p. 41 et 45.

[40] Ibidem, p. 46.

[41] Jean REY, La politique étrangère de la Belgique, p. 12, Liège, Editions de l’Action wallonne, Octobre 1938.

[42] Ph. DESTATTE, Paul-Henri Spaak et la politique des « mains libres », Intervention au colloque Paul-Henri Spaak et la France, organisé à Louvain-la-Neuve par le Département d’histoire, les 15 et 16 mai 2006, publié dans Geneviève DUCHENNE, Vincent DUJARDIN et Michel DUMOULIN, Rey, Snoy, Spaak, fondateurs belges de l’Europe, Actes du colloque organisé par la Fondation Paul-Henri Spaak et l’Institut historique belge de Rome, en collaboration avec le Groupe d’Etudes d’Histoire de l’Europe contemporaine, à l’Academia Belgica à Rome, 10-11 mai 2007, p. 57-77, Bruxelles, Bruylant, 2007.

[43] F. DEHOUSSE, Les projets fédéralistes…, p. 31.

[44] On en trouve une description précise dans Paul DELFORGE, Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie, 1905-2005, p. 70-71, Charleroi, Institut Destrée, 2005. – Commission des Affaires wallonnes de la Fédération liégeoise du PSB, Projet d’instauration du fédéralisme en Belgique, Liège, Société d’impression et d’édition, (1944). – Freddy JORIS, Les Wallons et la réforme de l’État, DE l’État unitaire à L’État « communautaire et régional » (1890-1970), p. 202, Charleroi, Institut Destrée, 1998.

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