Terrorisme : la guerre et la paix (2)
2. Quelques données et tendances relatives au terrorisme en Europe
Même si les terroristes ont été davantage actifs durant les “Années de plomb” (1972-1998), nous pouvons observer un nombre croissant d’attaques et de victimes en Europe depuis plusieurs années.
Les données pour les années 1970-2014 sont issues de Global Terrorism Data Base (Start). L’Europe de l’Ouest (Western Europe) est ici définie par l’Autriche, la Belgique, Chypre, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l’Irlande du Nord, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse, et l’État du Vatican [1].
L’actuelle trajectoire ascendante est principalement liée au développement du djihadisme dans les pays de l’Union européenne et aux combattants qui se déplacent vers et en provenance des zones de combat, particulièrement du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). En 2015, six membres de l’Union européenne recensaient un total de 211 attaques terroristes comprenant 17 attentats djihadistes responsables de la mort de 148 personnes, faisant suite à deux années pendant lesquelles très peu d’attaques avaient été menées. Parmi les 1.077 terroristes arrêtés en Europe en 2015, 424 l’ont été en France. Cette année-là, 687 djihadistes ont été arrêtés, contre 395 en 2014 [2].
Sur le long terme, les données relatives aux attaques montrent que les motivations du terrorisme en Europe relèvent principalement du nationalisme et du séparatisme. Depuis plusieurs décennies, on observe un impact croissant (par les morts et les effets médiatiques) du terrorisme islamique / djihadiste / salafiste, en particulier depuis janvier 2005 et l’appel à la “résistance islamique globale” d’Abou Moussab al-Souri [3]. De plus en plus d’individus auto-radicalisés ou de petites cellules, comprenant du terrorisme “développé localement” peuvent se mettre en mouvement sans aucun contact physique avec les organisations terroristes [4]. En 2015, al-Qaeda et Daesh ont réitéré leur appel pour susciter en Occident des attentats menés par des acteurs solitaires [5].
Un nombre croissant de terroristes combattants étrangers, en provenance de Syrie, d’Afghanistan ou d’Irak peuvent aussi être impliqués dans des attaques. Selon Europol, une large proportion de femmes voyagent vers la Syrie et l’Irak, faisant croître le risque d’implication dans des attaques-suicides dans les prochaines années en Europe, comme c’est le cas pour Boko Haram (Daesh en Afrique de l’Ouest depuis mars 2015) à la frontière nigériane [6].
Certains indices, particulièrement après les attentats, montrent que le terrorisme agissant au nom de l’Islamisme dispose d’une réelle base sociale de sympathisants qui peut s’étendre à l’avenir.
Le manque de connaissance de la langue arabe au sein des forces de police européennes et les difficultés qui en résultent d’infiltrer les groupes clandestins qui ne sont pas d’origine européenne sont manifestes et constituent des problématiques importantes [7].
Dans certains États-membres, les mouvements d’extrême-droite / proto-fascistes ont accru leurs activités en lien avec les sentiments anti-immigration et anti-islam qu’ils cultivent. Des agressions xénophobes émergent brusquement et deviennent plus violentes même si les arrestations liées au terrorisme d’extrême-droite ont diminué en 2015 [8].
Pour aller directement à la suite…
Philippe Destatte
[1] Deaths by terrorist attacks in Western Europe (1970-2015), Datagraver, July 2016.
http://www.start.umd.edu/gtd/using-gtd/
http://www.datagraver.com/case/people-killed-by-terrorism-per-year-in-western-europe-1970-2015
[2] European Union Terrorism, Situation and trend report (TE-SAT) 2016, p. 44, The Hague, Europol, 2016. – According to the last TE-SAT report from Europol, in 2015, 151 people died and over 360 were injured as a result of terrorist attacks in the EU. Six EU Member States faced 211 failed, foiled and completed terrorist attacks. 1,077 individuals were arrested in the EU for terrorism-related offences, 424 of which were in France alone. 94 % of the individuals brought to trial for jihadist terrorism were found guilty and prosecuted. 20 July 2016.
211 terrorist attacks carried out in EU Member States in 2015, new Europol report reveals.
[3] B. LIA, Architect of Global Jihad, The Life of al-Qaida Strategist Abu Mus’ab al-Suri, op. cit. – Gilles KEPEL & Antoine JARDIN, Terreur dans l’Hexagone, Genèse du Djihad français, p. 54-57, Paris, Gallimard, Dec. 2015.
[4] Ugur GÜRBÜZ ed, Future Trends and New Approaches in Defeating the Terrorism Threat, p. 79-80.
[5] European Union Terrorism, Situation and trend report (TE-SAT) 2016, p. 26 & 30.
[6] Ibidem, p. 29.
[7] Mathieu DEFLEM, Global Rule of Law or Global Law of Law Enforcement? International Police Cooperation and Counter-Terrorism, in Nilay CABUK KAYA and Aykan ERDEMIR eds., Social Dynamics of Global Terrorism and Prevention Policies, p. 132, Amsterdam, etc. , IOS Press-NATO, 2008.
[8] European Union Terrorism, Situation and trend report (TE-SAT) 2016, p. 41.