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 Hour-en-Famenne, le 3 août 2023

Dans le projet de Schéma de Développement du Territoire wallon (SDT), adopté par le Gouvernement de Wallonie, le 30 mars 2023, douze défis sociétaux ont été identifiés pour mener à bien les transitions écologique, sociale, économique et démocratique. En matière de gouvernance, le dernier de ces défis apparaît fondamental : il s’agit d’agir collectivement et de façon coordonnée. Le texte précise que les citoyens, les milieux associatifs, les auteurs de projets, les entreprises, les intercommunales de développement, les communes, la Région, etc. contribuent, chacun à leur niveau, au développement du territoire. La réussite du SDT, est-il encore noté, demande la mobilisation de toutes les parties prenantes. Avant d’affirmer que, dans le respect du principe de subsidiarité, les communes wallonnes ont, dans leur sphère de compétences, un rôle pivot à jouer notamment en tant qu’autorité de proximité [1].

 

1. La (re)mobilisation du concept de subsidiarité

Certes, concevoir l’aménagement du territoire comme le produit de décisions individuelles et collectives dans un système d’acteurs n’est pas nouveau. Dans les travaux La Wallonie au futur, les groupes de travail animés par Jacqueline Miller et Luc Maréchal cultivaient cette vision de l’aménagement du territoire comme un grand dessein politique porté collectivement où le débat s’activait de la commune à la région et où le savoir commun s’élaborait par l’interaction [2].

La mobilisation du concept de subsidiarité telle qu’elle apparaît dans le projet de SDT 2023 est particulièrement intéressante pour qui veut se pencher sur des instruments de politique nouveaux. Son utilisation de la subsidiarité s’inscrit à la fois en continuité du SDER de 1999, mais aussi dans une certaine rupture avec celui-ci. En effet, si le SDER rappelait utilement dans son glossaire le principe par lequel chaque compétence doit être exercée à l’échelon le plus pertinent en termes d’efficacité et de coût et en cas d’équivalence, à l’échelon le plus proche du citoyen [3], il s’inscrivait plutôt dans une démarche ascendante où les communes agissent dans un cadre imposé par la Région sans qu’un principe d’opportunité guide l’intervention régionale au détriment des communes [4].

Lors de la séance de présentation du projet de SDT 2023 à la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne, le 6 juin 2023, les experts et responsables régionaux rappelaient que la logique de la subsidiarité était inscrite dans l’aménagement du territoire wallon depuis au moins 1991. En effet, les articles 11 et 12 du décret Liénard du 27 avril 1989 ont fondé les articles 21bis et 21ter du Code wallon de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme confiant invitant les Conseils communaux à établir un Schéma de Structure communal et en ont déterminé les modalités. De même, à la décentralisation du pouvoir régional vers la commune s’est ajoutée la participation des citoyennes et des citoyens au travers du renforcement du rôle de la désormais bien connue Commission consultative communale de l’Aménagement du territoire [5]. En défendant son projet de décret, le ministre Albert Liénard avait toutefois souligné que, s’il était adopté, celui-ci ferait naître un système hybride de deux régimes, l’un qui accorde une place prépondérante à l’intervention préalable de l’Administration régionale, l’autre, donnant aux pouvoirs locaux la possibilité, à certaines conditions, de prendre en charge l’aménagement du territoire communal [6].

En fait, dans son avis sur le projet de décret, le Conseil d’État, très réservé, avait pointé le laxisme de certains Collèges des bourgmestre et échevins dans l’octroi des permis de bâtir et de lotir ainsi que le fait que, en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, les autorités communales sont particulièrement exposées à toutes sortes de pressions et ont du mal à y résister. En l’occurrence, pour le Conseil d’État, la proximité du pouvoir constituait dans cette matière un handicap plutôt qu’un avantage [7]. Le ministre et la majorité avaient plutôt pris le contre-pied de cet avis, considérant qu’en démocratie le niveau local est le plus immédiatement concerné par l’action collective [8].

Il ne nous appartient pas de juger ici et maintenant l’attitude des pouvoirs communaux depuis trente ans : ils sont assurément divers. Juste de constater avec la chercheuse en développement territorial Sophie Hanson que le principe de subsidiarité est avant tout un principe politique et que, dès lors, son efficacité est liée à l’usage que les acteurs en font ainsi que du projet commun qu’ils poursuivent ou non. Comme la maître de conférence à l’ULIEGE le constate, en l’absence de projet commun, le principe de subsidiarité ne peut que conduire à un échec [9].

Plus de trente ans après le décret de décentralisation et de participation, la subsidiarité est de nouveau à l’honneur comme principe de gouvernance dans la nouvelle mouture de SDT. Le projet commun est clair et se décline en fait de l’Europe au local. On le nomme dans le SDT optimisation spatiale [10] dans le sens d’une détermination des trajectoires communales de réduction de l’artificialisation des terres et de limitation de l’étalement urbain au travers du renforcement des centralités. Au dire de ses promoteurs, un partenariat [11] entre la Région et les communes constituerait la subsidiarité intelligente organisant l’établissement, selon les règles fixées par la Région, de Schémas de Développement communaux simplifiés.

Ces réformes visent principalement à réaliser le double objectif de l’inscription d’une trajectoire d’artificialisation nette de zéro d’ici 2050 et de la lutte contre l’étalement urbain d’ici 2050, soit concrètement  la création de trois unités de logement sur quatre dans les centralités définies et cartographiées dans le futur SDT. Après l’entrée en vigueur du SDT, les communes disposeraient néanmoins d’un délai de cinq ans afin d’adapter leur trajectoire et leurs centralités, en fonction des spécificités de leur territoire et sur la base de balises fixées par la Région, par le biais de leur Schéma de Développement communal (SDC) ou d’un Schéma de Développement pluricommunal (SDPC). Si elles ne le font pas, ce sont les dispositions du SDT qui s’appliqueront. Afin, annonce-t-elle, de garantir l’effectivité de la subsidiarité, la Région proposera qu’un diagnostic territorial – à savoir l’analyse contextuelle de tous les schémas communaux – à l’échelle de la Région wallonne soit réalisé avec l’aide des agences de développement territorial. Un volet sur la planification commerciale sera également envisagé. En outre, des budgets seront prévus en conséquence.

Photo Dreamstime Ahavelaar

Ces mécanismes pourraient correspondre aux quatre principes d’une subsidiarité active jadis prônés par l’ancien haut fonctionnaire français Pierre Calame.

  1. C’est au niveau le plus “bas”, le plus proche du terrain, que l’on peut inventer des réponses adaptées à la diversité des contextes et mobilisant au mieux les acteurs et leur créativité.
  2. Cette invention doit se faire à l’intérieur d’un certain nombre de “contraintes” exprimées par le niveau d’au-dessus et qui résument les nécessités de cohérence.
  3. Ces contraintes ne doivent pas être définies comme des normes uniformes, par des “obligations de moyens”, mais par des “obligations de résultat”, ce qui permet à chaque niveau (…) d’inventer les moyens les plus appropriés d’atteindre ce résultat.
  4. Enfin, une obligation de résultat suppose une évaluation conjointe, elle-même moteur de l’innovation [12].

Bien entendu, la vocation des principes, c’est d’être mis en œuvre… Tandis que la subsidiarité ne saurait se limiter à la gouvernance des élus et des citoyens, entre la Région et les communes. Elle doit se faire avec toutes les parties prenantes, en particulier des entreprises qui, songeons-y, produisent l’essentiel du logement public et privé en Wallonie.

 

2. La coconstruction de politiques territoriales collectives

Écoutant dernièrement un échevin de l’aménagement du territoire d’une commune liégeoise qui disposait déjà d’un schéma communal et d’une vision claire de sa trajectoire regretter ne pas avoir été consulté en amont du processus d’élaboration du projet de SDT pour y voir inscrire la vision de sa collectivité territoriale, il me fallait bien constater que le type de gouvernance aujourd’hui sur la table est d’une autre nature.

Ainsi, comme dans d’autres domaines, nous sommes passés de la planification centralisée à la décentralisation-participation par consultation, à un nouveau type de processus fondé sur de la délibération et de la coconstruction. Avec cette coconstruction, comme le dit le géographe Jacques Lévy, on ne se contente plus de “consulter” des “usagers” ou même de proposer une “participation” à un projet. On construit ensemble. Démarche prospective en amont et évaluation en aval augmentent, pour le technicien comme pour le citoyen, les séquences de l’analyse et de l’action [13].

Alors que la capacité des acteurs – entreprises, associations environnementales, citoyennes et citoyens connectés et davantage organisés – évolue, certes à des rythmes différents, un autre modèle s’élabore. Ce modèle est fondé sur la coconstruction de politiques collectives s’associant au parlement, au gouvernement et à l’administration. Il s’établit dans le cadre d’ouvertures voulues ou forcées. Ainsi, des travaux méthodologiques se lancent sur ces questions de gouvernance dans différents écosystèmes : recherche et innovation, organisationnel ou territorial, aux niveaux régional ou européen [14]. Selon cette approche, la définition du projet et sa mise en œuvre résultent d’un travail collectif incluant tous les acteurs concernés.

Pour disposer d’une définition précise de ce mode de gouvernance, on dira avec le sociologue  Michel Foudriat que la coconstruction peut se définir comme un processus par lequel un ensemble d’acteurs différents :

– expriment et confrontent les points de vue qu’ils ont sur le fonctionnement organisationnel, sur leur représentation de l’avenir d’un territoire, sur une innovation technique, sur une problématique de connaissance ;

– s’engagent dans un processus d’intercompréhension des points de vue respectifs et de recherche de convergence entre ceux-ci ;

– cherchent à trouver un accord sur des traductions de leurs points de vue qu’ils ne jugeraient pas incompatibles entre elles pour arrêter un accord (un compromis) sur un objet matériel (une innovation technique, un nouveau produit industriel) ou immatériel (un projet). Concrètement, le processus de construction aboutit à un document formel qui devient la traduction acceptable et acceptée par les différents acteurs parties prenantes [15].

Cette méthodologie, si elle est menée de manière ambitieuse et volontaire, est particulièrement adaptée pour construire des interventions associant aux élus des organisations, des entreprises, des collectivités territoriales et visant à transformer la société. Ces interventions vont de la conception à la mise en œuvre et à l’évaluation partenariale. En effet, les enjeux des politiques publiques et collectives deviennent de plus en plus complexes, aucun acteur ne pouvant à lui seul maitriser l’ensemble des dimensions constitutives d’un projet. De plus, ce management permet de répondre à la demande croissante des acteurs, citoyens-usagers à l’élaboration des décisions qui pourraient affecter leur vie ou la trajectoire de leur organisation ou de leur territoire [16].

Lorsque la coconstruction se situe dans un cadre démocratique, elle s’inscrit dans la démocratie délibérative qui vise, avant tout à apprendre les uns des autres, à améliorer nos convictions dans la vertu de confrontations politiques fondées sur la rationalité, à nous rapprocher de la résolution des problèmes qui se posent à nous. Cela présuppose toutefois que le processus politique ait absolument une dimension épistémique… nous rappelle Habermas [17]. Cela signifie que le processus est celui de la discussion – qui relève de la rationalité – et non celui de la négociation.

Le concept de coconstruction se différencie donc de ceux d’information, de consultation et de concertation : tous les acteurs participent aux délibérations et toutes les parties prenantes participent au processus décisionnel final [18]. Ainsi, pour les acteurs, participer à la co-construction démocratique des politiques publiques n’est pas faire du lobbying. Dans le lobbying, la partie prenante concernée cherche légitimement à convaincre les élus de prendre une décision politique à son avantage. Dans la coconstruction démocratique, les parties prenantes délibèrent, ensemble et avec les décideurs, pour construire un compromis et une politique visant l’intérêt général [19].

Au-delà de la mobilisation et de l’implication des parties prenantes concernées, la coconstruction démocratique doit permettre de créer les conditions d’une délibération productive qui débouche sur des décisions de politiques publiques pertinentes. Ce travail [20] suppose une méthodologie robuste. Les méthodes d’écoute, de facilitation, d’animation, d’intelligence collective, de médiation et de production développées, testées et construites au profit de la prospective territoriale peuvent être mobilisées très heureusement dans le cadre de cette coconstruction [21]. De même, et en amont tout comme au long du processus, la mobilisation multiacteurs des ressources et connaissances sera indispensable, selon des dispositifs et expériences déjà bien connus permettant d’unir les forces en vue du changement [22].

Reconnaissons qu’il s’agit d’une révolution mentale, un changement de conception du pouvoir écrit Pierre Calame [23]. Cette méthode exige de fonder l’effort de toutes et de tous sur une intelligence partagée du bien commun, un affaissement des intérêts particuliers des groupes, chapelles, partis, et personnes, ainsi qu’une rationalité sans cesse rappelée.

 

3. Conclusion : le chemin de la contractualisation ?

Les chemins sinueux et ardus qu’ouvre le projet de SDT sont porteurs d’innovation et d’ambitions que l’on croyait oubliées. Voici plus de vingt ans, par le biais des aires de coopération supracommunale le SDER avait ouvert une capacité de renouvellement des outils de la gouvernance wallonne par la valorisation et la fédération de ces dynamiques territoriales contractuelles et endogènes : les communautés de communes, les projets de pays, les communautés urbaines, etc. Il s’agissait de favoriser une bonne application du principe de subsidiarité dans la mise en œuvre de politiques de développement, la subsidiarité n’étant possible, disait-on déjà alors, que s’il existe des dynamiques convergentes tant au niveau régional qu’au niveau local [24].

De manière encore un peu floue, le projet de SDT, avec son objectif d’optimisation spatiale, peut constituer une formidable opportunité de réactivation d’une subsidiarité intelligente, de la coconstruction de politiques concrètes et de fructueuses contractualisations entre les instances régionales, les agences de développement territorial ainsi que les communes. Pour autant que les acteurs territoriaux puissent en relever les défis et surmonter les contradictions. Plus que jamais, c’est ce que nous rappellent Michel Crozier et Ehrard Friedberg, à savoir que le changement réussi ne peut donc être la conséquence du remplacement d’un modèle ancien par un modèle nouveau qui aurait été conçu d’avance par des sages quelconques ; il est le résultat d’un processus collectif à travers lequel sont mobilisées, voire créées, les ressources et capacités des participants nécessaires pour la constitution de nouveaux jeux dont la mise en œuvre libre – non contrainte – permettra au système de s’orienter ou de se réorienter comme un ensemble humain et non comme une machine [25].

Il ne fait aucun doute que l’ampleur du changement que nécessitent la fin de l’artificialisation des terres et la limitation de l’étalement urbain appellera des types de gouvernance et des instruments de politique tout à fait innovants et collectifs. Car, comme en rêvait Michel Lussault, il s’agit de construire une autre manière de concevoir l’aménagement et l’urbanisme. Désormais, l’enjeu consiste à modifier les compromis que les groupes humains posent pour définir les fondements de leurs pratiques d’habitation. Bien sûr, le compromis planète-Terre-Monde, du global à ses déclinaisons locales, mais aussi souligne le professeur à l’ENS Lyon, le compromis que chaque société considère comme légitime en matière de définition des modalités des relations entre les personnes, entre chaque individu et les groupes, et entre les groupes, soit, dit Lussault le pacte social du moment [26].

Car qui peut encore douter que c’est notre manière d’habiter ce monde qui en déterminera l’avenir ?

 

Philippe Destatte

@PhD2050

[1] SDT : une stratégie territoriale pour la Wallonie, Projet, p. 14-16, Namur, Gouvernement de Wallonie, 30 mars 2023, 212 p. – Je profite de cette note pour remercier mon collègue Christian Bastin, chercheur associé à l’Institut Destrée, pour ses remarques et suggestions portant sur une première version de mon texte. Cet hommage n’engage évidemment pas sa responsabilité.

[2] Il faut relire l’ensemble de ces travaux : Jacqueline MILLER et Luc MARECHAL, Les habitants, le logement et l’aménagement du territoire, dans La Wallonie au Futur, le Défi de l’Éducation, p. 315-388, Charleroi, Institut Destrée, 1992. (avec des contributions d’André Verlaine, Nicole Martin, Louis Leduc, Jean Henrottay, Catherine Blin, Camille Dermonne et Philippe Doucet).

[3] Subsidiarité, dans Schéma de Développement de l’Espace régional, adopté par le Gouvernement wallon le 27 mai 1999, p. A23, Namur, Ministère de la Région wallonne, 2000.

[4] Sophie HANSON, Entre Union européenne et Région wallonne : multiplicité des échelons de pouvoir et subsidiarité territoriale, Thèse en Science politique et sociale, p. 278, note 1113, ULIEGE, 2012. Sophie Hanson observe d’ailleurs que dans sa fonction territoriale, la subsidiarité implique que l’échelon communal, le plus proche du citoyen soit privilégié, ce qui ne ressort pas de la définition figurant dans le SDER.

https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/104000/1/%28Th%C3%A8se%20Sophie%20Hanson.pdf

Voir aussi : Charles-Hubert BORN, Quelques réflexions sur le système de répartition des compétences en matière d’environnement et d’urbanisme en droit belge, dans Revue juridique de l’Environnement, 2013/5, p. 205-229. https://www.cairn.info/revue-juridique-de-l-environnement-2013-5-page-205.htm

Thomas BOMBOIS, Le principe de subsidiarité territoriale, Vers une nouvelle répartition des compétences entre le central et le local ?, dans Annales de Droit de Louvain, vol. 61, 2001, n°2-3, p. 365-388. https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A97111/datastream/PDF_01/view

[5] WALLEX, Décret de décentralisation et de participation modifiant le Code wallon de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme, 27 avril 1989. https://wallex.wallonie.be/contents/acts/0/108/1.html

http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/1988_1989/PARCHEMIN/83.pdf

[6] Conseil régional wallon, Session 1988-1989, Séance du mercredi 19 avril 1989, Compte rendu, p. 38. http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/1980/1357.pdf

On retrouvait d’ailleurs cette approche dans l’exposé des motifs du projet de décret. http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/1980/1920.pdf

Si l’Exécutif doit approuver le schéma de structure, il est évident qu’il n’y a plus décentralisation et autonomie. C’est nier le principe même de ce que nous voulons accorder aux communes. (p. 39).

[7] Conseil régional wallon, Session 1988-1989, Séance du mercredi 19 avril 1989, Compte rendu, p. 34 (Intervention du député Alfred Léonard).

[8] Ibidem.

[9] Sophie HANSON, Le principe de subsidiarité constitue-t-il un bon outil pour assurer la répartition des missions dans un contexte supra-communal ? dans Actes du colloque “La fabrique des métropoles”, 24-25 novembre 2017, ULiège, 2018.

https://popups.uliege.be/lafabriquedesmetropoles/index.php?id=97&file=1

[10] L’optimisation spatiale vise à préserver au maximum les terres et à assurer une utilisation efficiente et cohérente du sol par l’urbanisation. Elle comprend la lutte contre l’étalement urbain. Projet de SDT, Namur, Gouvernement wallon, Version du 30 mars 2023, p. 7.- Pour le chercheur américain Eric Delmelle, l’optimisation spatiale consiste à maximiser ou à minimiser un objectif lié à un problème de nature géographique, tel que la sélection d’itinéraires, la modélisation de l’attribution de sites, l’échantillonnage spatial et l’affectation des terres, entre autres. Eric M. DELMELLE, Spatial Optimization Methods, in Barney WARF ed, Encyclopedia of Human Geography, p. 2657-2659, Sage, 2006-2010. – Tong DAOQIN & Alan T. MURRAY, Spatial Optimization in Geography in Annals of the Association of American Geographers, vol. 102, no. 6, 2012, p. 1290–309. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/41805898. Accessed 27 July 2023.

[11] Voir la typologie de partenariats de Y. Bruxelles, P. Feltz et V. Lapostolle, Derrière le mot “partenariat”, quelle est la relation recherchée ? prestation de service, information mutuelle, consultation, concertation, collaboration, coopération, réciprocité, apprentissage mutuel, fusion ? reproduit dans Guy BAUDELLE, Catherine GUY et Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER, Le développement territorial en Europe, Concepts, enjeux et débats,  p. 147, Rennes, Presses universitaires, 2011.

[12] Pierre CALAME, Réforme des pouvoirs, des articulations grippées, dans Oser l’avenir, alliance pour un monde responsable et solidaire, Document de travail n° 100, Fondation Mayer, 1998.

[13] Jacques LEVY, Géographie du politique, p. 261, Paris, Odile Jacob, 2022.

[14] Philippe DESTATTE, Citizens ‘engagement approaches and methods in R&I Foresight, Mutual Learning Exercise: R&I Foresight – Policy and Practice, Discussions Paper, European Commission, Directorate-General for Research and Innovation, Horizon Europe Policy Support Facility, 2023. https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/d5916d5f-1562-11ee-806b-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-288573394 – On pense également au nouveau Collège de Prospective de Wallonie lancé en juin 2023 avec le soutien du Gouvernement de Wallonie.

[15] Michel FOUDRIAT, La co-construction en actes, Comment l’analyser et la mettre en œuvre, p. 17-18, Paris, ESF, 2021. – M. FOUDRIAT, La Co-construction. Une alternative managériale, Rennes, Presses de l’EHESP, 2016.

[16] Ibidem.

[17] Jürgen HABERMAS, Espace public et démocratie délibérative : un tournant, p. 38-39, Paris, Gallimard, 2023.

[18] M. FOUDRIAT, La co-construction en actes…, p. 18-19.

[19] Yves VAILLANCOURT, De la co-construction des connaissances et des politiques publiques, dans SociologieS, 23 mai 2019, 39sv. http://journals.openedition.org/sociologies/11589 – Y. Vaillancourt, La co-construction des politiques publiques. L’apport des politiques sociales, dans Bouchard M. J. (dir.), L’Économie sociale vecteur d’innovation. L’expérience du Québec, p. 115-143, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011. – Y. Vaillancourt, La co-construction des politiques publiques : balises théoriques, dans L. Gardin & F. Jany-Catrice dir., L’Économie sociale et solidaire en coopérations, Rennes, p. 109-116,  Presses universitaires de Rennes, 2016.

[21] Voir le précieux Sam KANER, Facilitator’s guide to participatory decision-making, San Francisco, Jossey-Bass – Community At Work, 2014.

[22] Merritt POLK ed, Co-producing Knowledge for Sustainable Cities, Joining forces for change, London & New York, Routledge, 2020.

[23] P. CALAME, Petit traité de gouvernance, p. 140, Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2023.

[24] Ph. DESTATTE dir., Wallonie 2020, Un réflexion prospective citoyenne sur le devenir de la Wallonie, Actes de l’exercice de prospective mené en Région Wallonie de novembre 2001 à février 2004, p. 466-467, Charleroi, Institut Destrée, 2005.

[25] Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système, p. 391, Paris, Seuil, 1977.

[26] Michel LUSSAULT, L’avènement du monde, Essai sur l’habitation humaine de la Terre, p. 263, Paris, Seuil, 2013.

Charleroi le 8 septembre 2000

C’est à juste titre qu’on a qualifié la dynamique de réforme de l’État belge de fédéralisme de distanciement. Ce constat est fondamental : trente ans de transformation de la Belgique n’ont cessé d’éloigner les populations du royaume les unes des autres et ont été incapables de créer un projet fédéral commun. Bien au contraire, trente ans de réforme de l’État ont fait naître en Wallonie non seulement un manque d’intérêt pour la société et la culture de la Flandre, mais aussi une ignorance et une indifférence pour ce qui s’y passe vraiment. De même, sur la question de leurs relations avec la Flandre, l’incompréhension semble s’accroître entre, d’une part, les habitants de la Wallonie et, d’autre part, ceux qui à Bruxelles parlent le français.

La douce – mais courte – euphorie communautaire qui a présidé à la mise en place des gouvernements Arc-en-ciel et au convol du prince héritier ne semble pas avoir inversé cette tendance. Aussi, paraît-il utile de décrire ici un nouveau paradigme pour la Belgique, paradigme où Bruxelles apparaît – une fois encore – au centre du système [1].

 

1. Bruxelles, un no man’s land pour les Flamands et les Wallons

Une contribution provocatrice à la revue Politique m’a donné l’occasion d’aborder la question d’un statut pour Bruxelles sur un plan politique, sinon philosophique [2]. Je voudrais d’abord rappeler cette analyse avant de prolonger ma réflexion sur le plan institutionnel.

Ce texte, je l’avais intitulé Bruxelles : oser être métis, par référence au reproche adressé à Jules Destrée – et constamment rappelé – d’avoir, à l’instar d’Albert Mockel, nommé les Bruxellois métis, c’est-à-dire comme il l’expliquait, hésitants entre Flamands et Wallons, et tirant parti de cette hésitation. Si l’on fait constamment référence, à ce sujet, à La Lettre au roi de 1912, ou à Wallons et Flamands, de 1923, on oublie d’ailleurs que, lors du premier texte cité, Destrée travaille dans la capitale du royaume et que pour le deuxième  il y réside – et il le fera jusqu’à sa mort, en 1936. De même, les glorieux publicistes qui s’en prennent au député de Charleroi omettent constamment de citer les conclusions que Jules Destrée tirait à la fin de son chapitre sur ce sujet en 1924 :

Ainsi, Bruxelles, dont la prospérité est magnifique, devient pour les idées, ce que sa situation géographique indiquait, un centre du monde, un point de contact des grandes civilisations du siècle. […] La cité des métis devient de cette façon l’ardent foyer d’une civilisation européenne ; c’est un rôle assez beau pour que nous puissions beaucoup lui pardonner [3].

L’avenir de Bruxelles me paraît dès lors devoir être pris en compte par une approche nouvelle qui consiste à considérer l’ensemble de la population bruxelloise comme provenant essentiellement de l’immigration, y compris la population wallonne. Celle-ci  a connu, au niveau de sa troisième ou de sa quatrième génération, un phénomène d’intégration classique qui l’a transformée en population belge bruxelloise ou francophone de Bruxelles. Ce mécanisme d’intégration a d’ailleurs été facilité par le spectacle – souvent désolant – offert par une Wallonie en déclin à laquelle l’ambition sociale n’incitait pas à continuer de s’identifier. S’y est d’ailleurs ajoutée, plus récemment, l’incompréhension des Bruxellois à l’égard du choix, par les Wallons, de Namur comme capitale de la Wallonie. Il n’y a pas si longtemps, une personnalité de la francité bruxelloise ne se laissait-elle pas aller à trouver l’idée d’un parlement régional à Namur ridicule [4].

Ce qui est vrai pour les Wallons de Bruxelles est vrai pour toutes les populations qui y résident – et elles sont aujourd’hui aussi diverses que nombreuses. Du reste, en termes d’identité, ce qui a progressé le plus, ces dernières années à Bruxelles, c’est l’identité régionale bruxelloise, y compris l’identité bruxelloise des Flamands de Bruxelles. Mon espoir est, dès lors, celui de voir se construire – ou s’affiner si l’on est optimiste – une forte identité politique régionale bruxelloise pour une société pluriculturelle qui valorise les expériences et les potentialités culturelles de ses populations. La ville-frontière en oublierait le gordel qui l’obsède et abandonnerait le fantasme de son couloir de Dantzig vers la Wallonie au travers de la forêt de Soigne. Ainsi, Bruxelles, lieu d’identités multiples, pourrait-elle  représenter, en tant que capitale de l’Europe, les valeurs et les projets de ceux et de celles qui l’ont faite et font ce qu’elle est : les Flamands, les Marocains, les Turcs, les Grecs, les Allemands, les Français, les Italiens, les Wallons, etc.

Pour qu’il en soit ainsi, il est néanmoins nécessaire de changer la dynamique générale qui provoque le conflit autour de la question de Bruxelles.

Ce changement implique que l’on reconnaisse, entre Flamands, Bruxellois et Wallons, un minimum de volonté de vivre ensemble dans un État fédéral ou confédéral [5]. Or, au delà des slogans, la volonté de vivre ensemble demain entre Flamands, Bruxellois et Wallons n’est, aujourd’hui, ni établie ni démontrée.

Choisissant par optimisme et par conviction fédéraliste [6] l’hypothèse de cette volonté, il me paraît que le problème de Bruxelles ne peut être résolu qu’en sortant de la dynamique d’affrontement entre les communautés – flamande et francophone – que nous avons connue jusqu’ici.

Cet affrontement est inscrit dans le terme même de communauté, concept pollué et rétrograde, qui trouve son origine dans un droit du sang (jus sanguinis) auquel même les Allemands sont en train de tourner le dos. Ce droit familial, ethnique, basé sur la langue et la culture a été sans cesse source d’incompréhension en Belgique. D’une part, du côté flamand, on considère encore trop généralement que “la langue est tout le peuple” (taal is gansch het volk). L’aboutissement ultime de cette logique devrait d’ailleurs nous décider à nous rattacher respectivement aux Pays-Bas et à la France. D’autre part, du côté francophone et wallon, on attribue aux Flamands un “droit du sol” en se parant d’un “droit des gens”, alors qu’en réalité, le premier est libérateur de l’individu, car au territoire, conçu comme espace de la démocratie, on attribue des droits à ceux qui y vivent, si possible sans discrimination. Jules Destrée se trompait lorsque, de façon méprisante, il reprochait aux Flamands le droit du sol en évoquant le serf attaché à la glèbe [7].

Il faut, aujourd’hui, reconstruire la Belgique fédérale sur un régionalisme de citoyenneté, ce civisme constitutionnel cher à Jürgen Habermas, où la communauté est celle qui, comme le souligne Dominique Schnapper, réside sur un espace défini [8]. Comme un texan n’est qu’un habitant du Texas, un Flamand sera un habitant de la Flandre et un habitant de Bruxelles sera un Bruxellois.

2. Quatre repositionnements raisonnables

Ce nouveau paradigme pour la Belgique implique quatre repositionnements raisonnables :

2.1. Les francophones doivent renoncer à la Communauté française qui, contrairement à ce que disent ses défenseurs, ne protège pas les Bruxellois de l’influence flamande – de la flamandisation diraient les francophones -, mais peut permettre cette flamandisation en créant une concurrence entre les communautés sur le territoire de Bruxelles. Outre qu’il est coûteux, cet affrontement est inutile et ne porte aucun fruit.

2.2. Les Flamands doivent créer une vraie région flamande, comme les Wallons l’ont fait pour la Wallonie, avec Anvers comme capitale, en la reconquérant au Vlaams Blok. Ainsi que je l’avais suggéré en août 1995, les Flamands pourraient, en drainant de toute la Flandre une population politique, administrative et de services, disputer au Vlaams Blok – avant qu’il ne soit trop tard – une ville qui, hier de cultures et de lumières, pourrait devenir demain, la Toulon fasciste du nord [9].

2.3. Les Bruxellois doivent promouvoir une véritable citoyenneté métissée et renoncer à assurer un leadership sur la Belgique par des alliances économiques avec les uns et par des solidarités culturelles avec les autres. Les Bruxellois doivent assumer leur  vocation européenne et internationale en jouant avec franchise leur rôle de relais avec la Flandre, mais également avec la Wallonie. Ils doivent aussi examiner sans passion exagérée les statuts spécifiques que leur ville-capitale de l’Europe pourrait s’assigner tout en conservant ses institutions régionales. L’idée de statut européen ne peut être jugée indigne – voire scandaleuse – lorsqu’elle est avancée par le Flamand Louis Tobback et prise en considération quand elle provient du Wallon Michel Quévit [10] ou des Bruxellois francophones Renaud Denuit et Pierre Effratas. Comme l’écrivait cet écrivain et citoyen de Bruxelles, Bruxelles ne serait plus la capitale d’un État divisé, mais la ville de plusieurs centaines de millions d’Européens [11].

De toute manière, et en récusant l’idée de tutelle de la Flandre et de la Wallonie sur Bruxelles, la motivation du projet conçu par Michel Quévit dès 1984 me paraît garder toute sa pertinence, puisqu’il s’agissait de permettre aux Bruxellois de gérer de manière autonome leur spécificité propre, à savoir :

– les relations économiques que Bruxelles entretient avec la Flandre et la Wallonie ;

– la spécificité du développement urbain ;

– l’intégration harmonieuse des Bruxellois de langue néerlandophone dans son tissu sociologique, notamment en garantissant le droit de ses minorités [12].

On ajoutera, avec Michel Quévit, mais aussi avec Robert Tollet et Robert Deschamps, deux motivations supplémentaires pour faire en sorte que Bruxelles dispose des mêmes institutions, des mêmes compétences et des mêmes moyens que les deux autres régions :

– la spécificité culturelle propre qui ne peut s’assimiler ni à la région flamande, ni à la région wallonne,

– le caractère international qui doit être valorisé et doit profiter au développement des autres régions du pays [13].

2.4. Les Wallons doivent assumer leur situation économique en comptant davantage sur eux-mêmes que sur des solidarités forcées et créer, enfin, entre eux, le projet du plus grand dénominateur et non le consensus du plus petit commun multiple. Il y a longtemps que, à titre personnel, je répète que, lorsqu’on trace des frontières, on doit aussi pouvoir accepter que la politique, mais aussi le niveau de vie diffèrent des deux côtés de la frontière. Il me paraît normal que le développement économique ou la fiscalité soient différents entre des régions économiquement et socialement différentes. Naturellement, il faut passer par des négociations globales : si on veut régionaliser la sécurité sociale, alors, il faut également accepter de régionaliser la dette publique, dans des proportions à convenir [14].

De plus, dans un fédéralisme à quatre régions, les germanophones pourront aussi assumer les compétences régionales qu’ils souhaiteront vouloir prendre en charge.

Quatre régions égales en droit sans stratégies d’alliance particulière ni d’affrontement déterminé pourraient permettre la décrispation tant attendue depuis le début de la réforme de l’État. Bruxelles, no man’s land pour les Flamands, Wallons et francophones querelleurs, pourrait enfin se concentrer sur sa fonction de lien entre tous et chacun, au plan belge comme au plan européen et intercontinental.

Ainsi, l’horizon de l’engagement des Flamands comme des francophones et des Wallons dans leur mouvement citoyen ne sera plus celui d’un combat pour la conquête d’une hypothétique Jérusalem. Cet horizon pourra enfin être, pour la société, la volonté de ne plus abandonner derrière elle aucun laissé pour compte, quelle que soit sa langue, quelle que soit son origine et quelle que soit sa nationalité.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

 

([1]) Ce texte a été publié dans Fédéralisme, Stop ou encore ?, Numéro spécial des Cahiers marxistes, Octobre-Novembre 2000, p. 113-120. Une première mouture de cette réflexion avait fait l’objet d’une conférence publiée dans la revue du Masereelfonds Aktief : Philippe DESTATTE, Een Waal over Brussel, [Brussel, Vlaanderen en Wallonië, Tussenkomst tijdens de conferentie over de toekomst van Brussel, georganiseerd door het Masereelfonds in Brussel op 10 december 1998.] dans Aktief, Mars-Avril 1999, p. 13-17. Rien à retirer à ce papier en 2023, mais bien sûr, ajouter un quatrième Etat fédéré aux trois autres, l’OstBelgien, ce que j’ai fait avant 2007.

([2]) Philippe DESTATTE, Bruxelles : oser être métis, dans Politique, Octobre-novembre 1998, p. 40-42.

([3]) Jules DESTREE, Wallons et Flamands, La querelle linguistique en Belgique, p. 333, Paris, Plon, 1923.

([4]) Emmanuelle JOWA, Cultiver ses racines wallonnes à Bruxelles [Interview de Jean Bourdon, président de Bruxelles français], dans Le Matin, 18 septembre 1998, p. 6.

([5]) La différence entre fédéralisme et confédéralisme m’a toujours échappée, comme elle échappait à Fernand Dehousse – qui était lui un spécialiste -, parce que cette différence est pure question de définition.

([6]) voire résignation fédéraliste si on se réfère à l’analyse faite lors du colloque organisé à Liège, les 19 et 20 novembre 1998 : Philippe DESTATTE dir., L’idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde,  Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes – Charleroi, Institut Jules Destrée, 1999.

([7]) C’est là une conception du passé, une idée du Moyen Age. Jadis le serf était attaché à la glèbe. Aujourd’hui la personnalité humaine s’émancipe du sol où elle est née; elle se conçoit supérieure au territoire et libre de déterminer les directions de son activité. Le lien à un territoire est un reste de servitude. Le régionalisme flamand est un régionalisme attardé et d’esclavage; tandis que le mien est moderne et de liberté. La question des langues à l’armée, Séance du 22 mai 1913, dans Jules DESTREE, Discours parlementaires, p. 657, Bruxelles, Lamertin, 1914. – voir aussi : Hervé HASQUIN, Bruxelles, ville-frontière, le point de vue d’un historien francophone, dans Joël KOTEK, dir. , L’Europe et ses villes frontières, p. 213-214, Bruxelles, Complexe, 1996.- V.d.W., Beaufays (ULg) : “Le  droit du sol, une notion inerte”, dans La Libre Belgique, 5 février 1998, p. 3.

([8]) Dominique SCHNAPPER, La communauté des citoyens, Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994. – Jügen HABERMAS, L’intégration républicaine, Essais de théorie politique, Paris, Fayard, 1998. – Jürgen HABERMAS, Après l’Etat-nation, Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.

([9]) Philippe DESTATTE, Pratique de la Citoyenneté et identités, Rapport de synthèse, dans Pratique de la Citoyenneté et identités, Treizième conférence des Peuples de Lanque française, Liège, 13, 14 et 15 juillet 1995, Actes, p. 179, Charleroi, Centre René Lévesque, 1996.

([10]) Michel QUEVIT, Une confédération belge : Solution institutionnelle équitable pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, dans Res publica, n°3, 1984, p. 352-361.

([11]) Pierre EFRATAS, Pour Bruxelles, une ville libre à vocation européenne, dans La Libre Belgique, 29-30 novembre 1997, p. 15 (Courrier des lecteurs).

([12]) Michel QUEVIT, op. cit, p. 361.

([13]) Robert DESCHAMPS, Michel QUEVIT, Robert TOLLET, Vers une réforme de type confédéral de l’Etat belge dans le cadre du maintien de l’unité monétaire, dans Wallonie 84, Liège, CESW, 2, n° 62, p. 95-111.

([14]) Filip ROGIERS, Waalse beweging laakt “konstant njet” van PS, Interview de Philippe Destatte, dans De Morgen, 8 août 1996, p. 5. – Voir aussi Philippe DESTATTE, L’identité wallonne : une volonté de participer plutôt qu’un sentiment d’appartenance, Contribution à une réflexion citoyenne, dans Cahiers marxistes, n° 207, Octobre – novembre 1997, p. 149 – 168.

 

Cet article a été publié dans les Cahiers marxistes  d’octobre-novembre 2000, sous le titre Bruxelles, la Flandre et la Wallonie, Un nouveau paradigme pour la Belgique ? n°217, p. 113-120.

Charleroi, le 15 septembre 2000

C’est à juste titre qu’on a qualifié la dynamique de réforme de l’Etat belge de fédéralisme de distanciement. Ce constat est fondamental : trente ans de dynamique de transformation de la Belgique n’ont cessé d’éloigner les populations du royaume les unes des autres et ont été incapables de créer un projet fédéral commun. Bien au contraire, trente ans de réforme de l’Etat ont fait naître en Wallonie non seulement un manque d’intérêt pour la société et la culture de la Flandre, mais aussi une ignorance et une indifférence pour ce qui s’y passe vraiment. De même, sur la question de leurs relations avec la Flandre, l’incompréhension semble s’accroître entre, d’une part, les habitants de la Wallonie et, d’autre part, ceux qui à Bruxelles parlent le français.

La douce – mais courte – euphorie communautaire qui a présidé à la mise en place des gouvernements arc-en-ciel et au convol du prince héritier ne semble pas avoir inversé cette tendance. Aussi, paraît-il utile de décrire ici un nouveau paradigme pour la Belgique, paradigme où Bruxelles apparaît – une fois encore – au centre du système [1].

Bruxelles, un no man’s land pour les Flamands et les Wallons

Une contribution provocatrice à la revue Politique m’a donné l’occasion d’aborder la question d’un statut pour Bruxelles sur un plan politique, sinon philosophique [2]. Je voudrais d’abord rappeler cette analyse avant de prolonger ma réflexion sur le plan institutionnel.

Ce texte, je l’avais intitulé Bruxelles : oser être métis, par référence au reproche adressé à Jules Destrée – et constamment rappelé – d’avoir, à l’instar d’Albert Mockel, nommé les Bruxellois métis, c’est-à-dire comme il l’expliquait, hésitants entre Flamands et Wallons, et tirant parti de cette hésitation. Si à ce sujet l’on fait constamment référence, à La Lettre au roi de 1912, ou à Wallons et Flamands, de 1923, on oublie que, lors du premier texte cité, Destrée travaille dans la capitale du royaume et qu’à l’époque de la publication du deuxième il y réside – et qu’il y habitera jusqu’à sa mort, en 1936. De même, les glorieux publicistes qui s’en prennent au député de Charleroi omettent constamment de citer les conclusions que Jules Destrée tirait à la fin de son chapitre sur ce sujet en 1924 :

Ainsi, Bruxelles, dont la prospérité est magnifique, devient pour les idées, ce que sa situation géographique indiquait, un centre du monde, un point de contact des grandes civilisations du siècle. […] La cité des métis devient de cette façon l’ardent foyer d’une civilisation européenne ; c’est un rôle assez beau pour que nous puissions beaucoup lui pardonner  [3].

L’avenir de Bruxelles me paraît dès lors devoir être pris en compte par une approche nouvelle qui consiste à considérer l’ensemble de la population bruxelloise comme provenant essentiellement de l’immigration, y compris la population wallonne. Celle-ci  a connu, au niveau de sa troisième ou de sa quatrième génération, un phénomène d’intégration classique qui l’a transformée en population belge bruxelloise ou francophone de Bruxelles. Ce mécanisme d’intégration a d’ailleurs été facilité par le spectacle – souvent désolant – offert par une Wallonie en déclin à laquelle l’ambition sociale n’incitait pas à continuer de s’identifier. S’y est d’ailleurs ajoutée, plus récemment, l’incompréhension des Bruxellois à l’égard du choix, par les Wallons, de Namur comme capitale de la Wallonie. Il n’y a pas si longtemps, un représentant de la francité bruxelloise ne se laissait-il pas aller à trouver l’idée d’un parlement régional à Namur ridicule (4].

Ce qui est vrai pour les Wallons de Bruxelles est vrai pour toutes les populations qui y résident – et elles sont aujourd’hui aussi diverses que nombreuses. Du reste, en termes d’identité, ce qui a progressé le plus, ces dernières années à Bruxelles, c’est l’identité régionale bruxelloise, y compris l’identité bruxelloise des Flamands de Bruxelles. Mon espoir est, dès lors, celui de voir se construire – ou s’affiner si l’on est optimiste – une forte identité politique régionale bruxelloise, pour une société pluriculturelle qui valorise les expériences et les potentialités culturelles de ses populations. La ville-frontière en oublierait le gordel qui l’obsède et abandonnerait le fantasme de son couloir de Dantzig vers la Wallonie au travers de la forêt de Soigne. Ainsi, Bruxelles, lieu d’identités multiples, pourrait-elle  représenter, en tant que capitale de l’Europe, les valeurs et les projets de ceux et de celles qui l’ont faite et font ce qu’elle est : les Flamands, les Marocains, les Turcs, les Grecs, les Allemands, les Français, les Italiens, les Wallons, etc.

Pour qu’il en soit ainsi, il est néanmoins nécessaire de changer la dynamique générale qui provoque le conflit autour de la question de Bruxelles.

Ce changement implique que l’on reconnaisse, entre Flamands, Bruxellois et Wallons, un minimum de volonté de vivre ensemble dans un Etat fédéral ou confédéral ([5]). Or, au delà des slogans, la volonté de vivre ensemble demain entre Flamands, Bruxellois et Wallons n’est, aujourd’hui, ni établie, ni démontrée.

Choisissant par optimisme et par conviction fédéraliste [6] l’hypothèse de cette volonté, il me paraît que le problème de Bruxelles ne peut être résolu qu’en sortant de la dynamique d’affrontement entre les communautés – flamande et francophone – que nous avons connue jusqu’ici.

Cet affrontement est inscrit dans le terme même de communauté, concept pollué et rétrograde, qui trouve son origine dans un droit du sang (jus sanguinis) auquel même les Allemands sont en train de tourner le dos. Ce droit familial, ethnique, basé sur la langue et la culture a été sans cesse source d’incompréhension en Belgique. D’une part, du côté flamand, on considère encore trop généralement que “la langue est tout le peuple” (taal is gans het volk). L’aboutissement ultime de cette logique devrait d’ailleurs nous décider à nous rattacher respectivement aux Pays-Bas et à la France.

D’autre part, du côté francophone et wallon, on conteste aux Flamands un “droit du sol” en se parant d’un “droit des gens”, alors qu’en réalité, le premier est libérateur de l’individu car, référant au territoire, conçu comme espace de la démocratie, on attribue des droits à ceux qui y vivent, si possible sans discrimination. Jules Destrée se trompait lorsque, de façon méprisante, il reprochait aux Flamands le droit du sol en évoquant le serf attaché à la glèbe ([7].

Il faut, aujourd’hui, reconstruire la Belgique fédérale sur un régionalisme de citoyenneté, ce civisme constitutionnel cher à Jürgen Habermas, où la communauté est celle qui, comme le souligne Dominique Schnapper, réside sur un espace défini (8]. Comme un texan n’est qu’un habitant du Texas, un Flamand sera un habitant de la Flandre et un habitant de Bruxelles sera un Bruxellois.

Quatre repositionnements raisonnables

Ce nouveau paradigme pour la Belgique implique quatre repositionnements raisonnables :

Primo, les francophones doivent renoncer à la Communauté française qui, contrairement à ce que disent ses défenseurs, ne protège pas les Bruxellois de l’influence flamande – de la flamandisation diraient les francophones -, mais peut permettre cette flamandisation en créant une concurrence entre les communautés sur le territoire de Bruxelles, ce qui s’observe déjà. Outre qu’il est coûteux, cet affrontement est inutile et ne porte aucun fruit.

Secundo, les Flamands doivent créer une vraie région flamande, comme les Wallons l’ont fait pour la Wallonie, avec, par exemple, Anvers comme capitale, en la reconquérant au Vlaams Blok. Ainsi que je l’avais suggéré en août 1995, les Flamands pourraient, en drainant de toute la Flandre une population politique, administrative et de services, disputer au Vlaams Blok – avant qu’il ne soit trop tard – une ville qui, hier de cultures et de lumières, pourrait devenir demain, la Toulon fasciste du nord (9].

Tertio, les Bruxellois doivent promouvoir une véritable citoyenneté métissée et renoncer à assurer un leadership sur la Belgique par des alliances économiques avec les uns et par des solidarités culturelles avec les autres. Les Bruxellois doivent assumer leur  vocation européenne et internationale en jouant avec franchise leur rôle de relais avec la Flandre mais également avec la Wallonie. Ils doivent aussi examiner sans passion exagérée les statuts spécifiques que leur ville-capitale de l’Europe pourrait s’assigner tout en conservant ses institutions régionales. L’idée de statut européen ne peut être jugée indigne – voire scandaleuse – lorsqu’elle est avancée par le Flamand Louis Tobback et prise en considération quand elle provient du Wallon Michel Quévit ([10]) ou des Bruxellois francophones Renaud Denuit et Pierre Efratas. Comme l’écrivait cet écrivain et citoyen de Bruxelles, Bruxelles ne serait plus la capitale d’un Etat divisé, mais la ville de plusieurs centaines de millions d’Européens [11].

De toute manière, et en récusant l’idée de tutelle de la Flandre et de la Wallonie sur Bruxelles, la motivation du projet conçu par Michel Quévit dès 1984 me paraît garder toute sa pertinence, puisqu’il s’agissait de permettre aux Bruxellois de gérer de manière autonome leur spécificité propre, à savoir :

– les relations économiques que Bruxelles entretient avec la Flandre et la Wallonie ;

– la spécificité du développement urbain ;

– l’intégration harmonieuse des Bruxellois de langue néerlandophone dans son tissu sociologique, notamment en garantissant le droit de ses minorités ([12]).

 On ajoutera, avec Michel Quévit, mais aussi avec Robert Tollet et Robert Deschamps, deux motivations supplémentaires pour faire en sorte que Bruxelles dispose des mêmes institutions, des mêmes compétences et des même moyens que les deux autres régions :

– la spécificité culturelle propre qui ne peut s’assimiler ni à la région flamande, ni à la région wallonne,

– le caractère international qui doit être valorisé et doit profiter au développement des autres régions du pays (13].

Quarto, les Wallons doivent assumer leur situation économique en comptant davantage sur eux-mêmes que sur des solidarités forcées et créer, enfin, entre eux, le projet du plus grand dénominateur et non le consensus du plus petit commun multiple. Il y a longtemps que, à titre personnel, je répète que, lorsqu’on trace des frontières, on doit aussi pouvoir accepter que les politiques mais aussi les niveaux de vie diffèrent des deux côtés de la frontière. Il me paraît normal que le développement économique ou la fiscalité soient différents entre des régions économiquement et socialement différentes. Naturellement, il faut passer par des négociations globales : si on veut régionaliser la sécurité sociale, alors, il faut également accepter de régionaliser la dette publique, dans des proportions à convenir [14].

De plus, dans un fédéralisme à quatre régions, les germanophones pourront aussi assumer les compétences régionales qu’ils souhaiteront vouloir prendre en charge.

Conclusion : la décrispation par les régions

Quatre régions égales en droit, sans stratégies d’alliance particulière ni d’affrontement déterminé pourraient permettre la décrispation tant attendue depuis le début de la réforme de l’Etat. Bruxelles, no man’s land pour les Flamands, Wallons et francophones querelleurs, pourrait enfin se concentrer sur sa fonction de lien entre tous et chacun, au plan belge comme au plan européen et intercontinental.

Ainsi, l’horizon de l’engagement des Flamands comme des francophones et des Wallons dans leur mouvement citoyen ne sera plus celui d’un combat pour la conquête d’une hypothétique Jérusalem. Cet horizon pourra enfin être, pour la société, la volonté de ne plus abandonner derrière elle aucun laissé pour compte, quelle que soit sa langue, quelle que soit son origine et quelle que soit sa nationalité.

Philippe Destatte

@PhD2050

[1] Une première mouture de cette réflexion a fait l’objet d’une conférence publiée dans la revue du Masereelfonds Aktief : Philippe DESTATTE, Een Waal over Brussel, [Brussel, Vlaanderen en Wallonië, Tussenkomst tijdens de conferentie over de toekomst van Brussel, georganiseerd door het Masereelfonds in Brussel op 10 december 1998.] dans Aktief, Mars-Avril 1999, p. 13-17.  Ce texte a également été nourri par le débat avec Philippe De Bruycker, professeur à l’ULB, organisé à Parentville le 5 mai 1999, dans le cadre de l’exposition y organisée sur le fédéralisme belge.

[2] Philippe DESTATTE, Bruxelles : oser être métis, dans Politique, Octobre-novembre 1998, p. 40-42.

[3] Jules DESTREE, Wallons et Flamands, La querelle linguistique en Belgique, p. 333, Paris, Plon, 1923.

[4] Emmanuelle JOWA, Cultiver ses racines wallonnes à Bruxelles [Interview de Jean Bourdon, président de Bruxelles français], dans Le Matin, 18 septembre 1998, p. 6.

[5] La différence entre fédéralisme et confédéralisme m’a toujours échappée, comme elle échappait à Fernand Dehousse – qui était lui un spécialiste -, parce que cette différence est pure question de définition.

[6] voire résignation fédéraliste si on se réfère à l’analyse faite lors du colloque organisé à Liège, les 19 et 20 novembre 1998 : Philippe DESTATTE dir., L’idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde,  Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes – Charleroi, Institut Jules Destrée, 1999.

[7] C’est là une conception du passé, une idée du Moyen Age. Jadis le serf était attaché à la glèbe. Aujourd’hui la personnalité humaine s’émancipe du sol où elle est née; elle se conçoit supérieure au territoire et libre de déterminer les directions de son activité. Le lien à un territoire est un reste de servitude. Le régionalisme flamand est un régionalisme attardé et d’esclavage; tandis que le mien est moderne et de liberté. La question des langues à l’armée, Séance du 22 mai 1913, dans Jules DESTREE, Discours parlementaires, p. 657, Bruxelles, Lamertin, 1914. – voir aussi : Hervé HASQUIN, Bruxelles, ville-frontière, le point de vue d’un historien francophone, dans Joël KOTEK, dir. , L’Europe et ses villes frontières, p. 213-214, Bruxelles, Complexe, 1996.- V.d.W., Beaufays (ULg) : “Le  droit du sol, une notion inerte”, dans La Libre Belgique, 5 février 1998, p. 3.

[8] Dominique SCHNAPPER, La communauté des citoyens, Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994. – Jürgen HABERMAS, L’intégration républicaine, Essais de théorie politique, Paris, Fayard, 1998. – Jürgen HABERMAS, Après l’Etat-nation, Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.

[9] Philippe DESTATTE, Pratique de la Citoyenneté et identités, Rapport de synthèse, dans Pratique de la Citoyenneté et identités, Treizième conférence des Peuples de Lanque française, Liège, 13, 14 et 15 juillet 1995, Actes, p. 179, Charleroi, Centre René Lévesque, 1996.

[10] Michel QUEVIT, Une confédération belge : Solution institutionnelle équitable pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, dans Res publica, n°3, 1984, p. 352-361.

[11] Pierre EFRATAS, Pour Bruxelles, une ville libre à vocation européenne, dans La Libre Belgique, 29-30 novembre 1997, p. 15 (Courrier des lecteurs).

[12] Michel QUEVIT, op. cit, p. 361.

[13] Robert DESCHAMPS, Michel QUEVIT, Robert TOLLET, Vers une réforme de type confédéral de l’Etat belge dans le cadre du maintien de l’unité monétaire, dans Wallonie 84,  Liège, CESW, 2, n° 62, p. 95-111.

[14] Filip ROGIERS, Waalse beweging laakt “konstant njet” van PS, Interview de Philippe Destatte, dans De Morgen, 8 août 1996, p. 5. – Voir aussi Philippe DESTATTE, L’identité wallonne : une volonté de participer plutôt qu’un sentiment d’appartenance, Contribution à une réflexion citoyenne, dans Cahiers marxistes, n° 207, Octobre – novembre 1997, p. 149 – 168.

Bruxelles, 14 juillet 2014

Ainsi que je le dis souvent à mes étudiants, le fédéralisme n’est pas un problème, c’est une solution. Aussi, devons-nous le considérer comme tel.

Pour répondre aux questions concernant l’évolution du fédéralisme en Belgique ainsi que sa pertinence pour faire face aux tensions entre les populations qui composent la Belgique, je pense nécessaire d’aborder la question de l’ambiguïté [1]. Cette idée est évidemment centrale puisqu’elle détermine la manière dont on comprend les mots, les concepts, les idées qui, naturellement ou historiquement, ont leur vie propre et donc évoluent et se transforment. L’ambiguïté est la capacité des mots de se charger de plusieurs interprétations et donc de plusieurs sens possibles. L’ambiguïté crée de l’incertitude. Si elle porte sur des variables déterminantes, elle est de nature à déstabiliser la compréhension du système et à vicier le dialogue, voire à le rendre impossible tant qu’elle subsiste.

C’est dans cet esprit que je voudrais évoquer deux idées recueillies d’emblée dans le discours de Kris Deschouwer mais qui polluent aussi l’ensemble des relations entre les acteurs du système politique belge. La première est la question de l’utilisation du concept d’ethno-linguistique pour fonder une analyse territoriale, politique ou institutionnelle au XXIème siècle. La deuxième est la question du fédéralisme lui-même et de ce qui apparaît aujourd’hui comme son prolongement ou son corollaire, le confédéralisme.

1. L’opérationnalité du concept d’ethnie dans le fédéralisme du XXIème siècle

On ne saurait nier que le concept d’ethnie a pris le relais de celui de race dans le système idéologique de ceux qui ont pensé la réforme de l’État jusque dans les années 1970 et au début des années 1980. Probablement est-il resté opératoire plus longtemps d’ailleurs en Flandre et à Bruxelles. Il en est de même de la langue comme moteur du fédéralisme qui est mise en cause dès les premières réunions de l’Assemblée wallonne qui voit l’affrontement entre une vision territoriale wallonne et une vision linguistique de défense des francophones de Bruxelles puis de Flandre. Cette dynamique va s’accentuer, d’une part, avec la rupture, au début des années ’20, entre ces défenseurs des fransquillons et ceux qui s’affirment régionalistes et fédéralistes, et d’autre part, par l’émergence des communautés culturelles. Ces dernières apparaissent plus tôt qu’on ne s’en souvient généralement puisque les premières expériences remontent à la fin des années 1930. En effet, si le développement des régions participe d’une conception et d’un large mouvement de niveau au moins européen, il n’en est pas de même des communautés culturelles qui constituent assurément une originalité dans le développement du fédéralisme. Les historiens Jean-Pierre Nandrin et Pierre Sauvage font naître ce concept dans les années 1930. La notion de communauté populaire, Volksgemeenschap, chère au mouvement flamand, aurait été empruntée à la Volksgemeinschaft allemande et au paradigme du romantisme herdérien [2]. On pourrait aussi, avec le sociologue Claude Javeau, évoquer le parrainage de Ferdinand Tönnies et de son ouvrage Gemeinschaft und Gesellschaft, qui, dès 1887, a défini de manière aussi périlleuse la notion de communauté sur la base de liens de nature individuelle fondés sur le sang [3]. En 1936, le Centre d’Études pour la Réforme de l’État reconnaissait l’existence de deux communautés culturelles principales [4]. Le Centre définissait comme suit le concept de communauté : le vocable est moderne, il comporte des notions fort anciennes, mais qui se sont chargées d’une nouvelle valeur psychologique. Il décrit l’attachement, par toutes les fibres du cœur, à un groupement culturel; il met moins l’accent sur les éléments politiques et matériels que sur les facteurs culturels et linguistiques. Il traduit en fait une réalité très noble et très respectable. La communauté est une entité qui a de véritables droits. L’élite ne peut se développer complètement et remplir sa mission éducative que si elle reste étroitement en contact avec elle [5].

La notion d’ethnisme, chère à Guy Héraud [6] et à Charles-François Becquet [7], voire à Maurice Bologne [8] ou Maurits Van Haegendoren [9] sera le dernier avatar d’une pensée qui, en Wallonie sera largement remise en cause par le Manifeste pour la Culture wallonne de 1983 qui, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, fonde le régionalisme wallon sur des bases véritablement territoriales et citoyennes. Dans ce cas en effet, ce sont les limites géographiques de l’espace territorial qui fondent la qualité de citoyen de l’entité fédérée, indépendamment de sa nationalité. Ce mouvement, qui a trouvé un renforcement juridique dans le traité européen de Maastricht, fait en l’occurrence d’une ou d’un habitant de la Wallonie, une Wallonne ou un Wallon, quelles que soient ses origines. Le texte exprime l’idée forte que Sont de Wallonie, sans réserve, tous ceux qui vivent et travaillent dans l’espace wallon. Sont de Wallonie toutes les pensées et toutes les croyances respectueuses de l’Homme, sans exclusive. En tant que communauté simplement humaine, la Wallonie veut émerger dans une appropriation de soi qui sera aussi ouverture au monde.

Ainsi, personnellement, mais si je n’ignore pas que l’ethnicité, l’ethno-nationalisme, et toutes leurs déclinaisons sont toujours opérationnels en science politique et en sociologie, je voudrais disqualifier ce concept dans le cadre d’une discussion portant sur l’avenir de la Belgique. Nous ne pouvons, en effet, pas construire l’avenir avec les mots du passé. En 1998, Bart Maddens, Roeland Beerten et Jaak Billiet considéraient que le discours nationaliste flamand dominant pouvait être qualifié d’ethnique dans le sens où l’identité nationale est décrite comme un héritage culturel statique qui serait sensé être préservé pour les générations futures tandis qu’en Wallonie, les tenants du régionalisme adoptent plus généralement une approche plus républicaine de l’identité nationale. Ils insistent sur le fait que, dans l’optique wallonne, l’autonomie régionale est nécessaire pour défendre les intérêts socio-économiques communs des Wallons dans l’État belge, et non pour préserver un héritage culturel wallon [10]. Mis à part quelques exceptions comme la surprenante déclaration du ministre-président Rudy Demotte durant l’été 2013, même les défenseurs du concept de nation, comme José Fontaine et la revue Toudi, ont en tête une conception ouverte qui se réfère à un modèle post-national comme celui que défend le philosophe allemand Jürgen Habermas [11] ou exprimé par la sociologue française Dominique Schnapper dans son essai sur La Communauté des Citoyens, Sur l’idée moderne de nation [12]. Ces conceptions sont en effet très loin de ce que l’historien français appelle le nationalisme des nationalistes [13]et sont ouvertes au rêve de construire une nation sans nationalisme, ce dernier étant compris comme une exacerbation d’un sentiment national.

2. Les ambiguïtés des concepts de fédéralisme et de confédéralisme

Ce n’était pas un historien mais plutôt l’un de nos plus grands constitutionnalistes, ancien ministre des Relations communautaires qui le disait : le fédéralisme, un des vocables les plus complexes de la science politique, n’est pas une notion juridique, c’est en réalité un produit de l’histoire. Et Fernand Dehousse ajoutait lors d’un exposé fait à l’Institut Destrée le 26 février 1976 : c’est un régime qu’un certain nombre de peuples, très nombreux d’ailleurs, se sont donné les uns après les autres et qui, de ce fait, a comporté et comporte des variantes multiples à travers le temps et les lieux [14].

Ce que Fernand Dehousse aimait à rappeler, c’est que, partout dans le monde, la logique fédéraliste avait vocation à articuler ces deux grands principes contradictoires que sont le besoin d’autonomie et le besoin d’association. Tantôt, ce principe prend une direction centripète, ce qui est le cas des Etats-Unis ou de l’Europe en construction, tantôt il prend une forme centrifuge, ce qui est la logique dans laquelle s’inscrivent la Belgique et la Suisse. Le rédacteur principal du premier projet fédéraliste jamais déposé à la Chambre belge posait la question de la différence entre une confédération d’Etats et un Etat fédéral, en estimant que cette classification était très relative et extrêmement difficile à déterminer au point que, selon certains auteurs, ces différences n’existeraient pas ou que seul le droit de session, tel qu’il était inscrit dans le droit soviétique, constituerait le signe distinctif d’une confédération [15]. Du reste, le constitutionnaliste confirmait ce qu’il avait déjà écrit en 1938 avec Georges Truffaut dans L’État fédéral en Belgique, à savoir que, souvent, la confédération d’États se distingue assez peu de l’État fédéral [16].

Néanmoins, comparant son projet déposé à la Chambre en 1938 par Georges Truffaut et quelques autres parlementaires socialistes, à celui rédigé dans la clandestinité par quelques socialistes liégeois parmi lesquels le futur député Simon Paque, le futur ministre Léon-Eli Troclet et le futur bourgmestre de Liège Paul Gruselin, Fernand Dehousse indique toutefois que s’il conserve des éléments de l’État fédéral, le second projet se rapproche davantage d’une confédération étant donnée l’étendue des compétences qu’il donne aux États fédérés, et qui sont beaucoup plus grandes que dans le système fédéral orthodoxe. Car, c’est bien l’essentiel disait Dehousse : l’essence profonde du fédéralisme, c’est un réaménagement des compétences et du fonctionnement de l’appareil de l’État. (…) “Tout le reste est littérature [17].

Dès lors, je défendrais l’idée que ce qui est important quand on construit des institutions, ce n’est pas de se lancer dans des discussions sans fin pour savoir comment ces institutions devraient être qualifiées – de fédéralisme ou de confédéralisme – mais de les utiliser concrètement comme des outils destinés à améliorer le bien-être des citoyens et de renforcer l’harmonie du système dans sa totalité.

3. Le phénomène que l’on appelle fédéralisme ou confédéralisme constitue-t-il un outil intéressant ?

En Belgique, le fédéralisme s’est progressivement déployé depuis le début des années 1970. Il est courant de le qualifier de “sui generis” et de “centrifuge”. La première idée exprime l’originalité de la réforme de l’État belge mais aussi le mouvement qui l’anime depuis l’ambition, affirmée au milieu des années quatre-vingt dix, d’achever le processus de ce fédéralisme. Le qualificatif “centrifuge” montre, quant à lui, la direction de ce mouvement dans la longue durée. Le système institutionnel belge est en effet soumis à une quadruple attraction : d’abord, un nationalisme flamand véritable – c’est-à-dire une volonté irrationnelle mais objectivée pour la Flandre de constituer un pays –; ensuite, la proximité intellectuelle et culturelle de la France et de la Wallonie; troisièmement, l’aspiration, plus récente, de l’agglomération de Bruxelles à une plus grande autonomie régionale. Enfin, il faut observer que la Communauté germanophone, qui constitue de fait déjà une quatrième région, aspire à son détachement de la Wallonie pour former un quatrième État fédéré dans le système belge. Ce quadruple mouvement centrifuge est tellement puissant que d’aucuns considèrent que lorsque, en 1993, le Parlement belge a enfin inscrit à l’article 1 de la Constitution que la Belgique est un État fédéral composé de Communautés et de Régions, les institutions étaient déjà largement teintées de confédéralisme.

En effet, s’il existe, le fédéralisme classique s’accommoderait difficilement des trois principes du fédéralisme belge : 1. l’équipollence des normes – c’est-à-dire l’égalité de puissance juridique entre la loi fédérale et les lois des entités fédérées –; 2. l’exclusivité des compétences localisées soit au niveau fédéral soit au niveau des entités fédérées sur leur territoire respectif; 3. l’usage exclusif, lui aussi par les entités fédérées, de la capacité internationale des compétences qui leur ont été transférées, y compris le droit de signer des traités internationaux. Ajoutons que deux des entités fédérées de l’État fédéral belge disposent d’une réelle souveraineté dans l’exercice de leurs compétences grâce à un système d’élection directe et séparée de leurs membres, ainsi que d’une autonomie constitutive, embryon d’un pouvoir constitutionnel : le Parlement flamand et le Parlement wallon.

Je partage fortement l’idée selon laquelle ces derniers quarante ans – je me réfère à juillet 1974 et à la loi Perin – Vandekerckhove, la première étape concrète de la régionalisation –, le fédéralisme a amélioré les relations entre les Flamands et les Wallons et progressivement rendu possible l’émergence d’une “collectivité politique” à Bruxelles ainsi que dans la communauté germanophone. Cette formulation de collectivité politique, avec une référence à la Wallonie, provient de Francis Delperée [18], dans un moment plus inspiré que lorsqu’il qualifia le confédéralisme de “fédéralisme des cons“. Nous devons nous souvenir qu’à cette époque, dans les années ’70, alors que les différents ministres des Réformes institutionnelles (Freddy Terwagne, Leo Tindemans, François Perin, Jacques Hoyaux, etc.) insistaient sur le fait que leurs propositions étaient tout sauf du fédéralisme, Francis Delperée proclamait que la Belgique était, à juste titre, devenue un État fédéral, vingt ans en avance sur la Constitution de 1993.

Un des avantages de l’émergence du fédéralisme en Belgique était aussi le fait que, dans nos régions, avec nos compétences, nous sommes responsables de notre avenir. Et ceux qui étaient des minorités dans cette Belgique unitaire, comme les Wallons, ne sont plus en réalité des minorités. A Namur, les Wallons ne constituent pas une minorité. Ils décident par eux-mêmes, sous leur propre responsabilité. Leurs politiques peuvent réussir ou échouer, mais au moins ce succès ou cet échec est le leur. Et ils ne peuvent plus proclamer que ce qui leur arrive est la faute de la Flandre ou de Bruxelles.

Néanmoins, j’ai parfois l’impression que, comme chercheurs, nous confondons les modèles virtuels avec la réalité. Ainsi, après le commentaire de Paul De Grauwe au sujet de la souveraineté dans le système fédéral et les transferts de souveraineté, il m’apparaît que le système belge a survécu non tant par la pertinence de ses institutions mais parce que – et c’est la réalité ! –nous avons transféré la souveraineté à nos partis politiques. Ceci ne constitue pas une opinion positive ou négative : il s’agit d’une observation.

En tout cas, je peux être d’accord avec Jan Verlaes sur le fait que, dans une confédération, on peut disposer du droit de sécession, mais pas dans une fédération. Fernand Dehousse avait aussi pris ce fait en considération. Mais, ayant dit cela, comment, en tant que Wallons, pourrait-on vraiment penser que le principe d’autodétermination de Woodrow Wilson, tel qu’inscrit dans le premier article de la Charte des Nations Unies, puisse s’appliquer à tous les peuples et à toutes les nations du monde à l’exception de la Flandre ?

Quand j’examine la fragilité du système fédéral belge, je constate qu’il réside dans sa bipolarité, dans cette confrontation en face à face entre les Flamands et les francophones. Cette confrontation est renforcée par l’idée de Fédération Wallonie-Bruxelles, provenant directement de la stratégie du FDF conçue par Serge Moureaux et Antoinette Spaak, en 2006 et 2008, et reprise par Rudy Demotte et Charles Picqué, comme une machine de guerre à l’encontre de la Flandre [19]. Car ils font mine de penser – comme le fait Olivier Maingain – que Bruxelles est francophone. Mais vous savez qu’elle ne l’est pas.

En ce qui me concerne, l’alternative est clairement une vision polycentrique construite autour de quatre régions ou communautés-régions recevant toutes les compétences résiduelles non attribuées à l’État fédéral. Ces régions politiques sont basées sur les quatre régions linguistiques telles qu’inscrites dans la Constitution (Article 4) : la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région germanophone. Ce système signifie un nouvel équilibre et une réelle refondation du fédéralisme.

Le projet, appelé Brassinne-Destatte, de Fédéralisme raisonnable et efficace dans un Etat équilibré [20], construit sur ces quatre régions et publié en 2007, fait son chemin et a été valorisé par Karlheinz Lambertz, Johan Vande Lanotte et Didier Reynders. Toutefois, la principale difficulté de ce modèle réside dans le fait qu’il implique un désengagement de ces communautés “ethniques” dont il a été question – Communauté flamande et Communauté française – dans le but de faire la place à une réelle collectivité régionale et politique à Bruxelles, fondée sur les 19 communes, avec ses propres objectifs et une réelle cohésion basée sur une conception bilingue.

Conclusion : fertilité intellectuelle et créativité institutionnelle

La Flandre, la Wallonie et la région germanophone se transforment progressivement d’un modèle ethnique vers un modèle construit sur la citoyenneté. Ce changement s’opère non seulement à cause de la supériorité de ce qu’on appelle le modèle républicain mais à cause de la diversité culturelle des populations et modèles du XXIème siècle. Le système politique et institutionnel s’adapte dès lors à cette évolution.

Pour conclure, permettez-moi de mettre en évidence l’ambiguïté du mot “curse” en anglais. Il s’agit d’un mot-clef dans la réflexion de Re-Bel : (con)federalism: cure or curse? Si “curse” signifie le diable, la mauvaise fortune, mauvais, maléfique, en anglais, il signifie également la période des règles pour la femme. Cette sémantique est caractéristique d’une société européenne primitive, qui rejetait la femme. En ce qui me concerne, je souhaiterais, dès lors, revenir à cette signification. En effet, son association d’idée avec la fertilité – la fertilité intellectuelle et la créativité institutionnelle – est celle dont nous avons besoin pour continuer à construire un fédéralisme pertinent. Ou, si l’on préfère, un confédéralisme… L’essentiel, c’est que ce (con)fédéralisme reconnaisse les autres en vue d’un dialogue réel et positif afin d’équilibrer les besoins d’autonomie, de coopération, d’association, de transparence, d’autonomisation, de cohésion sociale et, surtout, de démocratie.

Et ne jamais oublier que nous faisons partie de l’Union européenne, qui oriente fortement l’avenir de nos institutions et celui de notre État fédéral, même dans le cadre d’un processus potentiel de séparation entre les entités fédérées.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

 

[1] Ces questions ont été posées par Paul De Grauwe et Kris Deschouwer à la conférence (Con)federalism: cure or curse, Rethinking Belgium’s institutions in the European Context, 11th public event of the Re-Bel initiative, Fondation universitaire, Bruxelles,19 juin 2014. Ce texte constitue la remise au net de mon intervention préparée avant et pendant cet événement.

[2] Jean-Pierre NANDRIN, De l’Etat unitaire à l’Etat fédéral, Bref aperçu de l’évolution institutionnelle de la Belgique, dans Serge JAUMAIN éd., La réforme de l’Etat… et après, L’impact des débats institutionnels en Belgique et au Canada, p. 14, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1997. – Pierre SAUVAGE, Jacques Leclercq, Les catholiques et la question wallonne, p. 10, Charleroi, Institut Destrée, 1988. – Il n’est pas impossible de trouver des acceptions plus anciennes mais moins courantes. Par exemple : Les solutions équitables se dégageront d’elles-mêmes si nous réussissons à opposer à la ténacité flamande une égale ténacité wallonne. Pour cela, il faut tout d’abord que la Wallonie prenne conscience d’elle-même, de sa communauté linguistique et morale, de sa force passée et présente. Jules DESTREE, Les Arts anciens du Hainaut, Résumé et conclusions, p. 24, Bruxelles, Imprimerie Veuve Mommon, 1911. – Voir aussi l’intervention de Hervé Hasquin au Conseil de la Communauté française, le 25 juin 1993. CONSEIL DE LA COMMUNAUTE FRANCAISE, Session 1992-1993, Compte rendu intégral, Séance du vendredi 25 juin 1993, p. 18-19, CRI, N° 15 (1992-1993).

[3] Claude JAVAUX, De la Belgitude à l’éclatement du pays, dans Hugues DUMONT, Christian FRANCK, François OST et Jean-Louis De BROUWER, Belgitude et crise de l’Etat belge, p. 152, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1989. – Ferdinand TöNNIES, Communauté et société, Paris, Puf, 1977.

[4] Lid Studiecentrum tot Hervorming van den Staat.

[5] Robert SENELLE, La Constitution belge commentée, p. 153, Bruxelles, Ministère des Affaires étrangères, 1974.

[6] Guy HERAUD, L’Europe des ethnies, Préface d’Alexandre MARC, Nice, CIFE, 1963. – G. HERAUD, Qu’est-ce que l’ethnisme ?, dans L’Europe en formation, n° 76-77, Juillet-Août 1966.

[7] Charles-François BECQUET, L’Ethnie française d’Europe, Paris, Nouvelles Editions latines, 1963.

[8] Guy HERAUD & Hendrik BRUGMANS, Philosophie de l’ethnisme et du fédéralisme, coll. Etudes et documents, Nalinnes, Institut Destrée, 1969.

[9] Maurits VAN HAEGENDOREN, Un fédéralisme honteux, dans Belgique 1830-1980 : la réforme de l’Etat, Numéro spécial de L’Europe en formation, p. 89-93. – M. VAN HAEGENDOREN, Nationalisme en Federalisme, Politieke Bedenkingen, Antwerpen, De Nederlandsche Boekhandel, 1971.

[10] Bart MADDENS, Roeland BEERTEN & Jaak BILLIET, The National Consciousness of the Flemings and the Walloons, An Empirical Investigation, in Kas DEPREZ and Louis VOS, Nationalism in Belgium, Shifting Identities, 1780-1995, p. 204, London, MacMillan, 1998.

[11] Jürgen HABERMAS, Après l’Etat-nation, Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 1998.

[12] Dominique SCHNAPPER, La Communauté des citoyens, Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994.

[13] Raoul GIRARDET, Le nationalisme français, 1870-1974, p. 16, Paris, Seuil, 1983.

[14] Fernand DEHOUSSE, Les projets fédéralistes de 1938 à nos jours, dans Jacques LANOTTE éd., L’histoire du mouvement wallon, Journée d’étude de Charleroi, 26 février 1976, p. 27, Charleroi, Institut Destrée, 1978.

[15] Ibidem, p. 28.

[16] Fernand DEHOUSSE et Georges TRUFFAUT, L’Etat fédéral en Belgique, p. 15, Liège, Editions de l’Action wallonne, 1938.

[17] F. DEHOUSSE, Les projets fédéralistes…, p. 31 et 37.

[18] Francis DELPEREE, Histoire des mouvements wallons et avenir de la Wallonie, dans J. LANOTTE éd., L’histoire du Mouvement wallon…, p. 85-100.

[19] Jean-Marie KLINKENBERG & Philippe DESTATTE, La recherche de l’autonomie culturelle en Wallonie et à Bruxelles francophone : de la communauté culturelle aux séductions régionales, dans Mark VAN DEN WIJNGAERT éd., D’une Belgique unitaire à une Belgique fédérale, 40 ans d’évolution politique des communautés et des régions (1971-2011), Etude à l’occasion du 40ème anniversaire du Parlement flamand, p. 78-81, Bruxelles, Vlaams Parlement – ASP, 2011. – Voir aussi Ph. DESTATTE, L’idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde, Bruxelles-Charleroi, Presses interuniversitaires européennes – Institut Destrée, 1999. – La Wallonie, une région en Europe, Nice – Charleroi, CIFE – Institut Destrée, 1997.

[20] Jacques BRASSINNE DE LA BUISSIERE & Philippe DESTATTE, Un fédéralisme efficace et raisonnable pour un Etat équilibré, Namur, 24 Février 2007.

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