archive

Archives de Tag: Paul Duvigneaud

Namur, Assemblée générale de l’Institut Destrée,  le 28 juin 2022

Depuis plus de trente ans, lorsqu’on m’interroge sur ma profession, je réponds généralement que je suis chercheur. Chercheur à l’Institut Destrée, un centre de recherche indépendant en développement régional. Chercheur, historien, prospectiviste, enseignant…

 

Comment devient-on chercheur ?

Comment devient-on chercheur ? Certainement par des errances et des fulgurances. Des écoutes et des lectures. Même si, personnellement, j’ai toujours été plus prompt à lire qu’à écouter. Ceux qui m’ont marqué en face à face et assurément façonné s’appellent Jules Boulard, Maurice Devaux et Albert Teygeman à l’Athénée de Châtelet, Robert Demoulin, Étienne Hélin, Charles Hyart, Pierre Lebrun, et aussi Georges Duby lors de son séjour à l’Université de Liège. Ils m’ont transmis à la fois la curiosité, l’exigence et la passion, car ils étaient curieux, exigeants et passionnés. Je n’oublie pas non plus René Van Santbergen, Francine Faite et Minna Azjenberg qui, parallèlement à la recherche, m’ont si bien coaché sur les voies d’un certain type d’enseignement dont le virus ne m’en a jamais quitté.

Mais mon chemin heuristique et méthodologique doit surtout aux grands classiques de la critique historique de Léon-E Halkin [1], de la philosophie critique de l’histoire de Raymond Aron [2], des méthodes des sciences sociales de Madeleine Grawitz [3], dont j’ai acquis en 1975 les trois maîtres ouvrages, et aussi, près de dix ans plus tard, de la théorie générale du système social d’Henri Janne [4] et de la synthèse écologique de Paul Duvigneaud [5]. Tous les cinq sont toujours restés à portée de main.

Les fulgurances ont été nombreuses, mais trois m’ont marquées davantage : Hervé Hasquin en 1981, Dominique Schnapper au début des années 1990 et Jacques Lesourne dix ans plus tard.

1. Je l’ai souvent rappelé : je dois à Hervé Hasquin ma découverte de l’Institut Destrée. Lors d’une conférence à l’Association des Historiens de l’Université de Liège, à laquelle j’assistais le 27 novembre 1980, il mit en application, de manière brillante, l’appareil critique des historiens, en démontant le modèle d’une histoire finaliste de la Belgique. Celle-ci n’était autre que celle qui m’avait été encore enseignée à l’Université, à côté bien sûr, de l’histoire de la Principauté de Liège. En faisant immédiatement l’acquisition des volumes La Wallonie le Pays et les Hommes, j’ai découvert, d’une part, l’histoire de la Wallonie et son caractère underground, et d’autre part, que certains de mes professeurs, comme Léon-E Halkin, Robert Demoulin, Jacques Stiennon ou Étienne Hélin en étaient également des pionniers.Lors de sa conférence, puis dans l’échange que j’ai ensuite eu avec le professeur de l’ULB, Hervé Hasquin avait largement évoqué l’Institut Destrée, dont je n’avais alors jamais entendu parler. Ainsi, je découvre l’institution à l’origine du premier cours d’histoire de la Wallonie que donne précisément Hervé Hasquin à Bruxelles. Quelques mois plus tard, je reçois l’ouvrage Historiographie et Politique, dont le futur recteur avait déjà largement évoqué le contenu lors de son exposé.  Mieux, au sortir de cette conférence, j’adhère à l’Institut Destrée puis en parle à ma collègue historienne à l’École normale de l’État à Liège (aujourd’hui, Haute École Charlemagne) où j’enseigne. Surprise : France Truffaut, fille de l’auteur de l’État fédéral en Belgique (1938), était également membre de l’Institut Destrée et fort proche du président Jacques Hoyaux. France me fait rejoindre la section de Liège de l’Institut Destrée dont je deviens vite – prérogative du jeune intellectuel fraîchement arrivé, secrétaire d’un président haut en couleur, Dieudonné Boverie [6]. Dès le 15 mars 1981, je participe à l’Assemblée générale de l’Institut Destrée à Hôtel de Ville de Charleroi. De même, le 21 mars 1982, selon mes agendas de l’époque. Mes interventions ne sont pas toujours bien comprises dans une association où je viens chercher “du Hasquin” et où je trouve souvent “du Charles-François Becquet” [7], c’est-à-dire de la littérature historique plus militante que professionnelle. J’ai évoqué dans mon introduction à l’Encyclopédie du Mouvement wallon, comment, avec l’appui de France Truffaut, puis plus tard celui de Michèle Libon, à partir l’AG du 13 mars 1983, nous avons ouvert un chemin vers ce qui deviendra, au sein de l’Institut Destrée, le Centre interuniversitaire d’Histoire de la Wallonie et du Mouvement wallon dont Paul Delforge fut le premier chercheur recruté [8]. Comme administrateur de l’Institut Destrée, puis directeur des travaux, donc des éditions, j’ai dû mener pendant de longs mois un combat difficile pour refuser la publication du troisième tome de Le Différend wallo-flamand de Becquet, en trouvant d’ailleurs en Christiane Hoyaux, historienne, un soutien dont je ne disposais pas chez Jacques Hoyaux, ni d’ailleurs chez mon prédécesseur, Guy Galand.

Faut-il dire que Hervé Hasquin est resté pour moi une référence professionnelle comme historien, et un soutien plus qu’intellectuel ? Nous avons toujours gardé d’ailleurs, ce que j’appellerais une “connivence distante”, avec quelques complicités… et beaucoup de respect de ma part.

2. J’ai entendu la voix claire de Dominique Schnapper, sur France Culture, au tournant des années 1990, peut-être à l’époque de la sortie de son livre sur La France de l’intégration dans lequel la sociologue française revenait et développait, en les nuançant très fortement, sur les deux types-idéaux, les deux conceptions traditionnelles de la Nation, française et allemande afin, ensuite d’ajouter aux définitions historiques et philosophique, une définition sociologique. Ces questions étaient d’ailleurs bien présentes, non seulement dans le débat wallon, mais aussi dans celui de la conférence des communautés de langue française dans lesquelles je m’étais d’emblée investi dès mon arrivée comme directeur de l’Institut Destrée en 1988. Par sa clarté, la directrice d’études à l’École nationale des Hautes Études en Sciences sociales à Paris élargissait un champ de réflexion dans une problématique trop longtemps fermée, même si des conceptions très riches, à la fois fortes et nuancées, avaient également été apportées par un autre sociologue, le professeur Michel Molitor de l’UCL, dans le cadre des travaux La Wallonie au Futur. Les enseignements de Dominique Schnapper sur les questions d’identité et de citoyenneté ont été déterminants dans ma manière d’appréhender ces questions aussi difficiles que brûlantes. Peu d’amis savent d’ailleurs l’ampleur du débat qui me fit plier pour nommer mon livre de 1997 L’Identité wallonne, Essai sur l’affirmation politique de la Wallonie aux XIXe et XXe siècles plutôt que La Citoyenneté wallonne, avec le même sous-titre.

La fulgurance en fait, est venue du livre de Dominique Schnapper consacré à La Communauté des citoyens, Sur l’idée moderne de nation [9], dans lequel la sociologue montre avec force comment les approches ethniques peuvent être transcendées par la citoyenneté tout en montrant le risque pour nos démocraties de redevenir des groupes humains unis par un sentiment de communauté historique et d’identité collective et non plus par la volonté proprement civique de participer à une vie politique commune, en dépassant les enracinements particuliers. J’ai abondamment puisé mon inspiration dans ce travail [10] ainsi que dans les suivants : Qu’est-ce que la citoyenneté ? [11] et L’esprit démocratique des lois [12]. Ces travaux ont aussi constitué autant de passerelles vers ceux de son collègue historien, plus médiatisé, Pierre Rosanvallon…. Il m’a été donné d’échanger avec Madame Schnapper, après son départ du Conseil constitutionnel, de la rencontrer dans son bureau de l’EHSS à Paris, de l’inviter et l’accueillir à Namur le 17 novembre 2015, jour où la fille de Raymond Aron a fait une mémorable conférence à la tribune du Parlement de Wallonie, à l’initiative de l’Institut Destrée.

3. C’est à l’Université Paris-Dauphine, Salle Raymond Aron précisément, que j’ai entendu puis rencontré Jacques Lesourne. S’y tenaient, les 8 et 9 décembre 1999 les Assises de la Prospective, à l’initiative de Futuribles International et du laboratoire LESOD de cette université. Jacques Lesourne, polytechnicien et économiste, est alors professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers et président de Futuribles International. Son discours sur la prospective est robuste, exigeant, structuré. Lorsque je me présente à lui pour la première fois, la réponse de ce disciple de Maurice Allais est immédiate : la prospective a besoin d’historiens : leur rigueur dans la recherche et l’analyse des sources, leur déontologie, leur perception des temporalités les y appellent et il me cite Braudel, Chaunu, Furet.

Je vais, ces années-là, m’inscrire systématiquement à la plupart des formations et conférences qu’il donne et puis le rencontrer plus régulièrement de 2004 à 2012, souvent au côté d’Hugues de Jouvenel, lorsque je rejoins le Conseil d’administration de Futuribles. D’emblée, il me raconte ses expériences de consultant pour la Société d’Économie et de Mathématiques appliquées (SEMA), ses visites dans le Borinage lors des fermetures des charbonnages, ses relations avec la Société générale de Belgique et ses jugements à l’égard de la matrone belge, que j’insérerai d’ailleurs dans La Nouvelle Histoire de Belgique [13]. Ses encouragements dans mon appréhension de la prospective sont constants. Le 27 avril 2000, il me dédicace son ouvrage Un homme de notre siècle [14], en m’adressant tous ses vœux pour la réussite de mes efforts de développement de la prospective wallonne. J’en déduis ainsi qu’une telle dynamique est vue positivement par un maître à penser de la prospective. Son influence sur ma réflexion méthodologique est considérable : il me fait appréhender sérieusement la systémique au travers de son ouvrage Les Systèmes du Destin [15], que j’acquière en 2003 et qui m’ouvrira les portes des systèmes complexes, avec Edgar Morin, Jean-Louis Le Moigne [16]  et, paradoxe, une redécouverte de Jean Ladrière [17], dont Michel Quévit, Gérard Fourez et Riccardo Petrella nous avait tant parlé. Lesourne, c’est aussi l’homme d’Interfuturs, cette opération Overlord de la prospective, qu’il réalisa pour l’OCDE, en complément du Rapport Meadows [18]. Jacques Lesourne, c’est aussi l’auteur de Ces avenirs qui n’ont pas eu lieu [19], qui m’inspirera l’idée de la méthode des bifurcations, un des atouts de terrain de l’Institut Destrée. Le message de Jacques Lesourne reste constamment présent dans ma mémoire. Lorsque j’ai eu l’occasion de l’accueillir à la Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective pour une conférence à Gembloux, nous avions non seulement longuement échangé, mais j’avais eu l’occasion de lui poser, à la fin de sa conférence, la question de savoir quelle devait être la plus grande qualité du prospectiviste. Il nous avait répondu comme le fait un chercheur : cette qualité doit être la modestie devant la fragilité des réponses que l’on peut apporter et face à l’ampleur des enjeux qui sont posés.

 

Les trois forces et qualités du chercheur de l’Institut Destrée

Hasquin, Schnapper, Lesourne. On me dira que ces choix sont bien francophones pour le chercheur d’une institution qui se veut européenne et internationale. C’est vrai que d’autres références et affinités auraient pu être évoquées, de Eleonora Barbieri Masini à Rome, Emilio Fontela à Madrid, Paraskevas Carakostas à Athènes, de Peter Bishop à Houston, à Ted Gordon ou Jerome Glenn ou Bill Halal à Washington, Verna Alle à San Francisco, Günter Clar à Stuttgart, Karlheinz Steinmüller à Berlin, etc.  Les trois cités en exergue sont ceux qui ont le plus marqué le chercheur dans ses pratiques comme dans ses contenus. Ils sont aussi, chacune et chacun porteur d’un axe parmi les préoccupations majeures de l’Institut Destrée : l’histoire, l’heuristique [20] et en particulier la critique des sources pour Hervé Hasquin, la citoyenneté, l’identité et la démocratie pour Dominique Schnapper, la prospective, l’analyse des systèmes complexes, la décision et l’auto-organisation pour Jacques Lesourne.  Les trois forces et qualités du chercheur de l’Institut Destrée.

Je pense être resté trop éloigné de ces qualités. Elles restent pour l’avenir, et pour les jeunes chercheuses et chercheurs des qualités à acquérir, des exigences à cultiver, des vigilances à activer entre les membres de l’équipe.

Ainsi, mes collègues ne s’en étonneront pas. Il nous faut sans cesse revenir à la tri-fonctionnalité de la pensée créatrice chère à Thierry Gaudin [21] pour organiser le processus de travail : une recherche des données pertinentes, l’évaluation de leur robustesse, leur traitement, leur critique rigoureuse ; ensuite leur mise en débat en confrontation entre collègues, experts, praticiens, enfin, un effort de conceptualisation qui constitue, par l’imagination bien balisée [22], la véritable plus-value du chercheur, celle qui ouvre les portes de l’innovation. Au cœur de ce système réside évidemment la vérification au sens que lui a donné Gilles-Gaston Granger : l’établissement de la solidité d’un énoncé provisoire concernant le réel, sans toutefois fixer de manière immuable l’essence connaissable des choses et des faits [23]. C’est le professeur Maurits Van Overbeke qui, dans une belle leçon de critique rappelait que, si l’avenir reste ouvert, – ce dont aucun prospectiviste ne doute -, pour l’historiographie aussi “le passé reste ouvert”, tant il est vrai qu’elle répugne au prononcé de verdicts irrévocables [24].

Mais la chercheuse ou le chercheur à l’Institut Destrée n’est pas un chercheur de cantonnement ou de garnison. C’est un corsaire qui doit longtemps chercher ses sujets comme des proies et les conquérir de haute lutte : sur le plan budgétaire d’abord, sur le plan académique ensuite. Lorsqu’il tient son butin, il est rare qu’on ne tente de le lui arracher en lui contestant sa légitimité. Si, si, les exemples sont nombreux, tant en histoire qu’en prospective…

Aussi, le chercheur de l’Institut Destrée est-il un entrepreneur, celui qui prend tous les risques, qui les prend pour lui-même, ou avec son équipe.

 

Avons-nous été à la hauteur de nos chercheuses et de nos chercheurs ?

Dans une Wallonie que nous avons souvent décrite comme économiquement, socialement et surtout culturellement meurtrie, l’Institut Destrée a souvent cherché à construire une voie nouvelle. Pour les autres. Avec des succès relatifs d’ailleurs. Il l’a fait sur le plan local, parfois, territorial et régional souvent, en Wallonie, en France, en Europe. Son action a souvent été plus reconnue à l’international, notamment grâce à l’initiative Millennia2025, portée par Marie-Anne Delahaut, et qui a ouvert nos reconnaissances comme statut consultatif à l’UNESCO et au Conseil économique et social des Nations Unies.

Néanmoins, quand je vois le grand nombre de chercheuses et de chercheurs qui se sont investis si formidablement depuis 1986 : les Pascale Van Doren, les Marie-Anne Delahaut, les Paul Delforge, les Jean-François Potelle, les Michaël Van Cutsem, les Didier Paquot, les Sophie Jaminon, les Marie Dewez, les Coumba Sylla, et tant d’autres, je ne suis pas sûr que l’Institut Destrée, les administrateurs et moi-même, ayons toujours été à la hauteur de ce qu’ils ont donné et donnent encore à ce qui est plus que leur métier. Et quand je dis que je ne suis pas sûr, chacun peut comprendre qu’il s’agit d’un artifice et que je suis sûr que nous n’avons pas été à la hauteur.

Cet esprit timoré, défaitiste, confortable même, que Marc Bloch n’a que trop bien décrit dans L’étrange défaite [25], en parlant d’un autre pays et d’une autre époque, frappait et frappe encore la Wallonie. N’en doutons pas, il a aussi parfois atteint notre institution. Ainsi que je l’ai rappelé récemment, lorsqu’en octobre 1980, le ministre de la Région wallonne Jean-Maurice Dehousse propose de confier à l’Institut Destrée des études et des recherches, le Conseil d’administration ne veut pas répondre positivement, compte tenu de l’emprunt de 5.000.000 de FB alors nécessaire pour payer les chercheurs [26]

Je ne peux non plus m’empêcher de me rappeler les conditions de mon propre engagement à l’Institut Destrée. Quand je dis engagement, je ne veux pas le dire dans le sens de recrutement. Voyant l’institution dans une impasse tant par rapport au nouveau centre de recherche historique, qui allait perdre la plupart de ses chercheuses et chercheurs, que de l’éducation permanente dont l’animatrice était en voie d’exfiltration, que du congrès La Wallonie au futur, programmé pour octobre 1988, officiellement annoncé, sans qu’une équipe puisse en assumer l’organisation, j’ai été amené à proposer de quitter l’enseignement pour assumer cette charge à partir du 1er juin 1988, sur base de mon salaire de professeur du Secondaire. Il faut reconnaître que cela s’est fait dans une forme d’indifférence, les administrateurs qui m’avaient encouragé étant absents lors de ma désignation, aucun contrat ne m’étant proposé – je n’en ai finalement jamais eu -, aucune assurance, aucune stabilité. Mes parents m’ont cru devenu fou, et encore, ils étaient largement dans l’ignorance de la situation. Tout le risque fut pour moi. Peut-on appeler cela l’esprit d’entreprendre dont on souligne tant le déficit ? Jacques Lanotte s’en souviendra à qui je m’étais confié à l’époque, lui-même étant alors très en retrait d’une institution en perdition.

Mon propos n’est pas celui d’un reproche adressé à quiconque. C’est un appel au Conseil d’administration que je viens rejoindre pour que nous prenions, ensemble, les initiatives nécessaires afin que la nouvelle directrice générale et l’équipe puissent, dans les mois et les années qui viennent trouver, un paysage de travail plus serein. Celui-là, j’en suis sûr, ne nuira pas à l’esprit combattif et pionnier de nos chercheuses et chercheurs.

 

Remerciements sincères

 

Philippe Destatte et Philippe Suinen, 28 juin 2022

Au moment où je quitte mes fonctions de directeur général, je veux bien sûr remercier cette équipe de choc, leur dire que je reste à leur écoute et même davantage. Dire aussi au Conseil d’administration, ainsi qu’aux présidents Jean-Pol Demacq, Jacques Brassinne, Philippe Suinen, mais aussi à Micheline Libon et à Bernadette Mérenne, que je les remercie pour la confiance qu’ils ont mise en moi. C’est la même confiance que je placerai en Pascale Van Doren et en son équipe rapprochée, avec Paul Delforge et Didier Paquot, bien sûr.

Jacques Lanotte et Marie-Anne Delahaut ont été mes coaches et confidents pendant toutes ces années. Marie-Anne l’a été à tout instant – parfois tard dans la nuit -, toujours disponible pour suggérer, relire, conseiller, impulser. J’ai souvent retrouvé en elle l’esprit de la Wallonne farouche et déterminée, rebelle aussi souvent, mais tellement profond, qui m’avait fasciné chez Aimée Lemaire lors de nos longues conversations de Nalinnes.

C’est à l’esprit d’indépendance, de résistance, de combattivité et d’intelligence subtile d’Aimée que je voulais confier mes derniers mots de ce jour. En espérant que cette grande Dame vous inspire pour le nouvel avenir que vous avez à construire.

Je vous remercie toutes et tous !

 

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] Léon-E HALKIN, Initiation à la critique historique, coll. Cahiers des Annales, 6, Paris, Armand Colin, 1973.

[2] Raymond ARON, La philosophie critique de l’histoire, Essais sur une théorie allemande de l’histoire, Paris, J. Vrin, 1964. – Dimensions de la conscience historique, Paris, Plon, 2e éd., 1964.

[3] Madeleine GRAWITZ, Méthodes des Sciences sociales, Paris, Dalloz, 2e éd., 1974. – Ibidem, 9e éd., 1993.

[4] Henri JANNE, Le système social, Essai de théorie générale, Bruxelles, Edition de l’Université libre de Bruxelles, 1972. – Voir aussi le travail pionnier : Henri JANNE dir., Europe 2000, General Prospective Studies, The Future is Tomorrow, 17 Prospective Studies, The Hague, Martinus Nijhoff, 1972.

[5] Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2e éd., 1980.

[6] Paul DELFORGE, Dieudonné Boverie, Site Connaître la Wallonie, Institut Destrée, Mai, 2016. http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/boverie-dieudonne#.YrglvZBBzao

[7] P. DELFORGE, Charles-François Becquet, dans P. DELFORGE, Ph. DESTATTE, M. LIBON, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. 1, p. 135-137, Charleroi, Institut Destrée, 2000.

[8] Philippe DESTATTE, L’Encyclopédie du Mouvement wallon (1983-2000), une obstination scientifique, budgétaire, citoyenne, dans P. DELFORGE, Ph. DESTATTE, M. LIBON, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. 1, p. 7-9, Charleroi, Institut Destrée, 2000.

[9] Dominique SCHNAPPER, La communauté des citoyens, Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard 1994.- Voir aussi Nation et démocratie, Entretien avec Dominique Schnapper, dans La Nation, La pensée politique, p. 151-165, Paris, Hautes Etudes, Gallimard, Le Seuil, 1995.

[10] Ph. DESTATTE, L’identité wallonne, Essai sur l’affirmation de la Wallonie, XIXe-XXe siècle, p. 28, Charleroi, Institut Destrée, 1997. –  Ph. DESTATTE, Des nations à la nouvelle gouvernance territoriale, dans Marc GERMAIN et Jean-François POTELLE dir., La Wallonie à l’aube du XXIème siècle, Portrait d’un pays et de ses habitants, p. 487-500,Charleroi, Institut Destrée, 2004.

[11] D. SCHNAPPER, avec la collaboration de Christian Bachelier, Qu’est-ce que la citoyenneté ?, Paris, Gallimard, 2000.

[12] D. SCHNAPPER, L’esprit démocratique des lois, Paris, Gallimard, 2014.

[13] Marnix BEYEN et Ph. DESTATTE, Nouvelle Histoire de Belgique, 1970-2000, p. 23 , Bruxelles, Le Cri, 2009.

[14] Jacques LESOURNE, Un homme de notre siècle, De polytechnique à la prospective et au journal Le Monde, Paris, Odile Jacob, 2000.

[15] Jacques LESOURNE, Les systèmes du destin, Paris, Dalloz, 1976.

[16] Jean-Louis LE MOIGNE, La théorie du système général, Théorie de la modélisation, Paris, Presses universitaire de France, 1984.

[17] Jean LADRIERE, Les enjeux de la rationalité, Le défi de la science et de la technologie aux cultures, Paris, Aubier – Montaigne / Unesco, 1977. Et surtout Système (Epistémologie), dans Encyclopaedia Universalis, vol. 15, p. 686 sv, Paris, 1978.

[18] INTERFUTURS, Face aux futurs, Pour une maîtrise du vraisemblable et une gestion de l’imprévisible, Paris, OCDE, 1979.

[19] Jacques LESOURNE, Ces avenirs qui n’ont pas eu lieu, Paris, Odile Jacob, 2001.

[20] Ph. DESTATTE, Les opinions partiales altèrent la rectitude du jugement, Heuristique et critique des sources dans les sciences, Conférence présentée à la Salle académique de l’Université de Mons, dans le cadre du Réseau EUNICE, le 21 octobre 2021, Blog PhD2050, 1er novembre 2021. https://phd2050.org/2021/11/01/heuristique/

[21] Thierry GAUDIN, Discours de la méthode créatrice, Entretiens avec François L’Yvonnet, Gordes, Ose savoir – Le Relié, Avril 2003.

[22] Philippe DESTATTE, Questionnement de l’histoire et imaginaire politique, l’indispensable prospection, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, p. 308-310, Charleroi, Institut Destrée, 1989. Cette communication, présentée au premier congrès La Wallonie au Futur a aussi été publiée dans Les Cahiers marxistes, février-mars 1988, n°157-158, p. 49-53.

[23] Gilles-Gaston GRANGER, La vérification, p. 299, Paris, Odile Jacob, 1992. – Dans ce domaine, ce sont évidemment les historiens qui excellent, voir la bible : Guy THUILLIER, La pratique de l’histoire, Introduction au métier d’historien, Paris, Economica, 2013, 865 p.

[24] Maurits VAN OVERBEKE, Berchtesgaden : un dîner avec le diable, p. 128, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2021.

[25] Marc BLOCH, L’étrange défaite, Témoignage écrit en 1940, Paris, Gallimard, 1990.

[26] ARCHIVES DE L’INSTITUT DESTREE, Conseils d’administration, Conseil d’administration du 26 octobre 1980 , p. 3.

Namur, le 16 mai 2014

Ce texte trouve son origine dans l’intervention que j’ai faite lors du colloque de la Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective (SWEP), organisé à Louvain-la-Neuve, le 15 mai 2014. Sous le titre “L’évaluation et la prospective en Wallonie et à Bruxelles : trop de consensus, pas assez de controverses !”, la SWEP regrettait que les contraintes budgétaires et les modes de gouvernance ont souvent davantage privilégié la réflexion à court terme que le choix de modèles de transition inscrits dans le long terme. Malgré la qualité parfois remarquable des démarches initiées, l’appropriation régionale est faible et le lien à l’action, invisible [1]. Une occasion de dresser, sans fard ni pommade, un bilan des réalisations concrètes et des occasions manquées dans le domaine de la prospective régionale en Wallonie, du point de vue qui est le mien, c’est-à-dire la direction de l’Institut Destrée.

Ainsi, je distinguerai trois périodes :

– une première période de limbes de la pensée prospective wallonne, de 1976 à 1986 ;

– une deuxième période d’émergence de la prospective régionale, de 1986 à 2004 ;

– une troisième période de consolidation chaotique, de 2004 à 2014.

1. Les limbes de la pensée prospective wallonne (1976-1986)

La prospective en Wallonie ne naît certainement pas sui generis. Comme dans les autres pays européens, elle subit l’influence considérable des futures studies états-uniennes, de manière directe ou par l’intermédiaire de la stratégie, de la systémique, voire d’une jeune prospective française dans ce qu’elle a de différent du forecasting. La SEMA [2] et Jacques Lesourne ont eu une action pionnière sur les territoires, notamment au travers des études de reconversion des régions du Borinage, du Centre et du Pays de Charleroi, au début des années 1960 [3]. L’influence des travaux du Club de Rome, du Rapport Meadows, d’Interfuturs puis du programme FAST de la Commission européenne [4] sur les uns et les autres reste considérable. Tout cela reste à écrire. Quelques personnalités wallonnes sont identifiables qui jouent les passeurs dans les années 1970 et 1980 : on pense à Claire Lejeune [5], à Raymond Collard [6], à Paul Duvigneaud [7], à Gilbert de Landsheere [8] et à quelques professeurs des Facultés universitaires de Namur versés dans les rapports entre Sciences, technologie et société : Jacques Berleur, Georges Thill, Gérard Fourez [9], etc.

Voici près de quarante ans que l’Institut Destrée s’intéresse formellement à la prospective. Une réalisation en témoigne : la réflexion prospective structurée organisée autour de l’avenir culturel de la Wallonie depuis 1976 et publiée sous le titre de L’Avenir culturel de la Communauté française en 1979, avec une préface du nouveau président wallon Jean-Maurice Dehousse, ce qui n’est qu’un premier paradoxe [10]. Cet ouvrage, dont le cahier des charges mérite d’être relu, deviendra bien vite de référence. Il aura des suites concrètes dans un fort débat entre acteurs, intitulé Culture et politique. Celui-ci se clôturera par un colloque éponyme à Liège en mars 1983 [11]. Cette journée de travail est un des lieux d’incubation du Manifeste pour la culture wallonne, diffusé le 1er octobre 1983 et dont les effets se font toujours sentir aujourd’hui. Sur le plan de la pensée, malheureusement moins sur celui des actes…

Sur le plan de la prospective, deux occasions sont manquées durant cette période. La première est l’échec de l’Institut Destrée à trouver, en 1978, des partenaires pour lancer une prospective économique de la Wallonie [12]. Une initiative est toutefois prise pour organiser une journée d’étude portant sur L’Institutionnel, clé de l’économique. Celle-ci est organisée à Charleroi, le 19 mai 1979, avec la participation de Henry Miller – Section wallonne du Bureau du Plan –, Joseph Henrotte – Conseil économique régional de Wallonie –, Michel Dewaele – Société de Développement régional wallon –, Jacques Defay – chef de Cabinet adjoint du président de l’Exécutif wallon –, Urbain Destrée – SETCa –, ainsi que les députés Philippe Maystadt et Philippe Busquin – en remplacement de Jean-Maurice Dehousse, ministre de l’Economie régionale wallonne –, Etienne Knoops – en remplacement de Jean Gol, ancien secrétaire d’Etat à l’Economie régionale wallonne. Cette journée se clôture par un appel du député Philippe Busquin qui souhaite qu’un effort de vulgarisation soit entrepris par l’Institut Destrée, afin d’éclairer, à partir d’exemples précis, l’état de dépendance économique de la Wallonie [13]. La préoccupation du député de Charleroi est partagée : le professeur Michel Quévit, auteur de l’ouvrage Les causes du déclin wallon a été invité à la tribune de l’Institut Destrée en mars 1978 à la Maison de la Francité à Bruxelles. Le débat qui a suivi, animé par plusieurs personnalités des mondes scientifiques et culturels wallon et bruxellois, est arrivé à la conclusion que le redressement économique de la Wallonie implique en priorité, d’une part, la création d’un important organisme bancaire régional, et, d’autre part, la régionalisation des principaux départements économiques et financiers de l’Etat, dans une mesure bien supérieure à celle qui est envisagée par le pacte d’Egmont [14] . Michel Quévit, prix Bologne du Wallon de l’année en 1981, sera à nouveau l’invité de l’Institut Destrée pour une conférence au Palais des congrès de Liège, le 12 juin 1982, au moment de la sortie de son ouvrage La Wallonie : l’indispensable autonomie.

La seconde occasion manquée est celle du refus du Conseil d’Administration de l’Institut Destrée, le 26 octobre 1980, de répondre à la sollicitation du ministre-président wallon de constituer un service d’études et de recherches au profit de l’Exécutif wallon, compte tenu des risques financiers qui auraient été liés à cette opération et auraient dès lors pu menacer l’indépendance de l’Institut Destrée [15].

Il faut également signaler, durant cette période, trois initiatives intéressantes. La première est la réflexion appelée “Walter Nova”, menée par Emile Nols et Georges Vandersmissen (1970), la deuxième est celle menée par la Commission Avenir économique de la Belgique (1981), lancée par la Fondation Roi Baudouin dans la foulée du rapport de l’OCDE Interfuturs, la troisième est le dossier Wallonie 2000 qui a vu collaborer le CRISP et la RTBF Liège (1982) [16].

2. L’émergence de la prospective régionale : le chemin de la Wallonie au futur (1986-2004)

La rencontre avec Michel Quévit a été déterminante pour l’Institut Destrée. Alors qu’en 1985 l’ancien ministre Robert Moreau, administrateur et président de la section carolorégienne de l’Institut pousse à l’amplification de la démarche culturelle en la reliant à la problématique du travail à l’horizon 2000 qui lui tient à cœur, je suis, comme nouveau directeur, fasciné par la reconnaissance de la complexité par Ilya Prigogyne [17], les idées de mutations sociétales portées par le prospectiviste américain John Naisbitt [18] et que véhiculent également les rapports qui circulent en France : Simon-Nora (1978), Mattelart-Stourdze (1982), Gaudin-Portnoff (1983) [19]. Je tente difficilement d’orienter les travaux vers un champ plus ouvert, plus global, traversé par les dimensions technologiques et de créativité. Michel Quévit nourrit directement ce champ pluridisciplinaire par sa connaissance des terrains académiques et de l’Europe. Outre ses réseaux universitaires, il apporte à la démarche – qui prend le nom de Wallonie au futur – ses connexions et les apports des réseaux européens dans lesquels il évolue : la Communauté de Travail des Régions européennes de Tradition industrielle (RETI), le Groupe de Recherche européen sur les niveaux innovateurs (GREMI), les travaux de prospective relatifs à l’impact du programme Europe 1992, le Programme FAST de la Commission européenne. La relation avec FAST est importante puisqu’elle permet d’embarquer Riccardo Petrella dans la démarche dès 1987, puis, dans un deuxième temps, de nous connecter avec Europrospective lors de la deuxième conférence, en 1991, à Namur : Emilio Fontela, Jacques Berleur, Thierry Gaudin, Pierre Gonod, etc. font désormais partie de notre environnement intellectuel.

Michel Quévit va être en première ligne de la dynamique comme rapporteur général du congrès permanent et président de son comité scientifique, jusqu’en 1998 et son départ pour EBN (European Business and Innovation Network). Il restera néanmoins encore très présent jusqu’au début 2004, notamment dans le cadre de Wallonie 2030. Les travaux de La Wallonie au futur sont connus : cinq exercices de prospective ont été menés de 1985 à 2004 et l’Institut Destrée en a été à la fois le commanditaire et l’opérateur : Vers un nouveau paradigme (1986-1988), Le défi de l’éducation (1989-1994), Quelles stratégies pour l’emploi ? (1995-1996), Sortir du XXème siècle : évaluation, innovation, prospective (1997-2000), Wallonie 2020, Une réflexion prospective citoyenne pour la Wallonie au futur (2001-2004). Ils ont fait l’objet d’une large diffusion sous forme de livres, de cédérom et de publications en ligne et ont connu plusieurs évaluations [20]. A partir de 1988, grâce à l’intérêt qu’y ont perçu notamment Francis Mossay et Olivier Vanderijst, cette démarche a reçu l’appui des différents ministres-présidents wallons jusqu’à ce que Jean-Claude Van Cauwenberghe mette brutalement fin à ces financements en 2004.

C’est une gageure de vouloir résumer l’ensemble de cette démarche qui a ambitionné, pendant plus de 15 ans, d’être, sinon de contribuer à construire un projet de société par cinq volontés majeures :

  1. la nécessité d’une stratégie de développement régional pour le tissu économique wallon, en particulier pour rééquilibrer l’écart entre le volume d’emploi productif et non productif ;
  2. l’exigence d’une politique efficace de la science et de la technologie sur les deux axes des entreprises et des programmes de recherches européens ;
  3. l’adaptation de notre système éducatif au double enjeu de l’émancipation individuelle et des besoins collectifs ;
  4. le développement de notre identité, à la fois humanisme d’enracinement et d’universalité ;
  5. la mise en place d’un contrat social wallon pour surmonter les défis institutionnels, économiques et sociaux.

Ces principes étaient assortis de propositions relativement générales, souvent très argumentées. Quelques chantiers toutefois ont été très approfondis, comme ce fut le cas pour les questions d’éducation en particulier du pilotage scolaire (avec Gilbert De Landsheere), de l’emploi (avec surtout Albert Schleiper, Jacques Defay et Yves de Wasseige), de l’évaluation (avec Jean-Louis Dethier), de la prospective et de la contractualisation (chantiers dans lesquels, avec Pascale Van Doren, nous nous sommes davantage investis). Sur le plan de la gouvernance, les conclusions de Sortir du XXème siècle, Innovation, évaluation, prospective ont débouché sur des outils précis, dont certains ont abouti, d’autres pas. On peut penser au Contrat d’avenir pour la Wallonie, à la Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective, à la cellule interdépartementale d’évaluation et de prospective dans l’administration wallonne. On peut aussi penser à l’ambition d’Elio Di Rupo de créer une cellule de back office et d’appui prospectif au Gouvernement wallon puis de la préparation très poussée, avec Gaëtan Servais, du projet CiPré : Cellule indépendante de prospective régionale pour la Wallonie.

Deux phrases se percutent à ce point de vue. La première sous la plume d’Elio Di Rupo, pour la clôture d’un colloque à la Géode à Charleroi, le 31 mars 2000 :

Si çà et là différents instituts ou centres de recherche font de la prospective, nous ne disposons pas de centre régional de prospective. Reconnaissons-le, nos universités n’ont pas encore structuré, fédéré, une démarche prospective. Par le biais de son conseil d’administration, l’Institut Destrée s’est proposé d’ériger en son sein une cellule indépendante de prospective régionale.

Mes collaborateurs et moi-même avons longuement réfléchi sur ce sujet pour trouver un système qui permette d’une part, la garantie du niveau d’indépendance requis pour une telle cellule et d’autre part, des retombées directes et effectives sur le Contrat d’avenir pour la Wallonie et la Région wallonne. Moyennant quelques retouches que nous discuterons, je m’apprête donc à financer, au départ de mon budget, la création d’une cellule indépendante de prospective au sein de l’Institut Destrée.

Cette cellule sera en relation avec le Service des Études et de la Statistique de la Région wallonne, les universités, la cellule de prospective de la Commission européenne, mais également, le contractant de l’évaluation du Contrat d’avenir[21].

Elio Di Rupo quittait malheureusement la présidence du gouvernement wallon quatre jours plus tard pour prendre celle du Parti socialiste. Son successeur avait une vision beaucoup moins respectueuse de la gouvernance régionale. Moins de trois mois plus tard, il nous recevait à l’Elysette pour annoncer que :

La prospective régionale est une chose trop importante que pour être confiée à une asbl qui, par nature, est fragile. Je ne veux en cette matière confier à l’Institut Jules Destrée qu’un rôle d’assistance du gouvernement. La convention-cadre, sur base de l’article budgétaire de l’Institut Jules Destrée constitue un lieu trop transparent pour faire des études de prospective. Si on fait cela, je serai constamment sollicité par les parlementaires pour pouvoir disposer des études au moment où elles me seront remises [22] .

C’était effectivement un changement de paradigme dans la gouvernance par rapport à l’impulsion qui venait, quelques mois auparavant, d’être donnée par Elio Di Rupo.

L’Institut Destrée allait donc travailler dans une logique de service au Gouvernement en poursuivant jusqu’en 2004 la mission confiée en 1999 par le ministre-président montois sous la forme de ce que nous allions appeler la Mission prospective Wallonie 21 : d’une part, une réflexion prospective régionale continue, comprenant l’animation d’une réflexion générale sur l’avenir de la Région wallonne, la veille méthodologique et la détection des signaux porteurs de sens, ainsi qu’une activité de recherche prospective, menée directement ou en partenariat et, d’autre part, assumer une fonction de conseil en fournissant au gouvernement wallon des vues prospectives, notamment en matière d’identité régionale, ainsi que des propositions d’actions dans le cadre du Contrat d’Avenir pour la Wallonie. L’Institut Destrée devait développer en son sein un Pôle Prospective de manière à disposer d’une expertise accrue en cette matière et à la mettre notamment à la disposition du gouvernement wallon et plus particulièrement de communiquer des informations stratégiques à la Cellule Gouvernance constituée au sein du Cabinet du président du gouvernement. De même, l’Institut Destrée devait mobiliser son Pôle Prospective pour informer le gouvernement wallon sur les analyses et scénarios de prospective mondiaux, européens, transfrontaliers et fédéraux réalisés ou en cours de réalisation ainsi que sur la position que la Région wallonne occupait dans ces différents scénarios.

Un séminaire résidentiel au profit de la Cellule Gouvernance du ministre-président du gouvernement wallon – alors dirigée par Marc Debois –, et intitulé Questions de Prospective appliquées à la Wallonie s’est tenu à Ave-et-Auffe, les 16 et 17 mars 2001. Ces travaux ont permis d’établir un consensus sur la mise en place par le Pôle Prospective de l’Institut Destrée d’un Système régional wallon de Prospective (SRWP), en appliquant à la prospective, sur le conseil de Michel Quévit, le processus méthodologique que la Commission européenne avait construit pour les Système régionaux d’Innovation. Ce SRWP inscrivait la mission du Pôle Prospective dans le cadre de la démarche régionale collective et participative du Contrat d’avenir pour la Wallonie, et plus généralement de la contractualisation régionale avec les acteurs, en ce compris les éléments de préparation d’un possible prochain contrat régional.

La Mission Prospective Wallonie 21 comportait trois phases. La première a permis d’établir des fondements de la prospective wallonne (compréhension et appropriation de la prospective formelle et choix méthodologiques) et d’analyser des tendances lourdes susceptibles d’avoir un impact durable sur le développement de la Wallonie à l’horizon de vingt ans. Ces travaux ont fait l’objet d’un premier rapport intitulé La Wallonie à l’écoute de la prospective, publié en août 2002. La description de la discipline prospective et l’analyse des tendances lourdes ont ainsi constitué la base du colloque La prospective territoriale comme outil de gouvernance, organisé par l’Institut Destrée au Château de Seneffe, le 28 septembre 2002. Approches méthodologiques et cas pratiques de niveau européen ont constitué les axes centraux de cet événement auquel a participé le Commissaire européen à la Recherche, Philippe Busquin [23]. Partant de cette écoute de la prospective globale, la deuxième phase de la Mission Prospective Wallonie 21 a eu pour objet d’identifier les enjeux que les dix tendances lourdes, décrits dans la phase précédente, induisaient pour la Wallonie. Dix séminaires prospectifs ont été organisés de novembre 2002 à avril 2003, chacun traitant d’une tendance, et réunissant au total environ 120 acteurs et experts wallons. En complément, un groupe d’experts, sous la présidence de Marc Luyckx Ghisi, ancien collaborateur de la Cellule prospective de Jacques Delors à la Commission européenne et chercheur à l’Institut Destrée, a été chargé d’identifier, de manière transversale, les implications du changement de paradigme en Wallonie. De même, un socle informationnel complémentaire a été construit, permettant de fonder les tendances sur le territoire wallon et d’identifier des contre-tendances éventuelles. L’ensemble des enjeux identifiés ont été mis en débats et affinés lors d’un séminaire participatif organisé à La Géode à Charleroi, en septembre 2003. Le dernier rapport, orienté sur la stratégie, était remis en 2004, renforcé par tout un volet sur les régions créatives, à la demande d’Olivier Vanderijst qui, en tant que chef de Cabinet du ministre-président, a fortement interagi avec la démarche [24].

Considérant qu’il était alors trop tôt culturellement pour faire dialoguer directement, sur le plan de la prospective, les sphères politiques et de l’État, le monde des entreprises ainsi que le monde associatif, le projet de réflexion générale sur l’avenir de la Région wallonne devait être mené au travers de trois groupes d’étude prospective constitués au profit des acteurs eux-mêmes. Ces groupes devaient permettre leur propre formation à la prospective et constituer un des éléments d’information du Pôle Prospective pour sa propre mission. Il était expressément convenu que la Cellule Gouvernance du Cabinet du ministre-président ne devait pas être représentée dans ces groupes. Trois initiatives devaient être prises :

Dynamique de la Société wallonne, groupe constitué à partir d’associations pluralistes wallonnes ayant vocation à développer un secteur d’activité précis et considéré comme stratégique pour l’avenir de la Région ;

Entreprises et développement régional, constitué à partir d’entreprises de différents domaines et tailles permettant d’instruire la Région de manière prospective sur les besoins du monde des entreprises dans la logique d’une compétitivité territoriale européenne et mondiale ;

Gouvernance et territoires, groupe constitué d’acteurs (élus, administratifs, etc.) de la sphère de l’Etat et des collectivités locales : Région wallonne, Communauté française, provinces, communes, intercommunales, etc. Ce groupe d’étude prospectif devait permettre d’aborder à la fois les nouveaux modes de gouvernance (Rapport Vignon, etc.) en liaison avec une approche de prospective territoriale (SDEC, SDER, logique de pays, etc.).

Une convergence devait être recherchée entre ces trois lieux du Système régional wallon de Prospective, par exemple dans le cadre du Congrès permanent La Wallonie au futur, initiative indépendante de cette mission prospective mais à laquelle le Pôle Prospective de l’Institut Destrée devait rester attentif [25].

Le groupe de prospective, consacré à la Dynamique de la Société wallonne et constitué de représentants d’associations à vocation régionales, a été constitué début 2001 et s’est réuni régulièrement de juin à décembre. Il a rassemblé les organismes suivants : le Chapitre Wallonie de l’Internet Society, la Fondation pour les Générations futures, la Fondation rurale de Wallonie, l’Institut pour un Développement durable, Inter-environnement Wallonie, le Mouvement wallon pour la Qualité, la Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective et l’Institut Destrée qui a confié l’animation du groupe à Hugues de Jouvenel (Futuribles). Le travail mené a permis de diffuser la culture et la pédagogie de la prospective parmi ces institutions et de commencer l’élaboration d’une banque de données de faits porteurs d’avenir et de tendances prospectives. Ce groupe a constitué, avec les groupes de prospective de Wallonie 2020 une des bases d’intelligence collective pour la Mission Prospective Wallonie 21 [26].

L’initiative prise par le ministre de l’économie Serge Kubla, dans le cadre du projet global 4X4 pour Entreprendre, a constitué une occasion unique de mettre en place un groupe prospectif tel que celui imaginé sous le titre d’Entreprises et développement régional. En effet, l’Institut Destrée était mobilisé pour lancer une réflexion prospective sur les politiques d’entreprises en Wallonie (ProspEnWal). Cet exercice a été mené en 2002 et 2003. Il s’agissait d’aider le Cabinet du ministre et la direction générale de l’Économie et de l’Emploi du ministère de la Région wallonne à redéfinir les politiques régionales d’appui aux entreprises, en prenant en compte les enjeux à l’horizon 2020. Le travail s’est fait essentiellement avec des chefs d’entreprises, l’Union wallonne des Entreprises et des experts de niveau européen du monde de l’entreprise, et a débouché sur un rapport qui a été remis successivement au ministre Serge Kubla et, après le changement de législature au printemps 2004, au ministre Jean-Claude Marcourt [27].

Quant au groupe Gouvernance et territoires, s’il n’a pas été mis en place dans le cadre de la Mission Prospective Wallonie 21, il préfigurait l’initiative partenariale prise avec l’Administration wallonne de l’Aménagement du Territoire, à partir de 2006, sous la forme de la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne.

Les impacts de ces travaux, assez complémentaires, ont été réels, notamment en termes d’acculturation régionale à la prospective. La mission Prospective Wallonie 21 a permis de mobiliser de nombreux acteurs régionaux dans des séminaires portant sur l’avenir de la région. L’ouverture internationale de la démarche était essentielle tant au niveau mondial, grâce aux connections avec le Millennium Project, aux travaux duquel l’Institut Destrée participe depuis 2001 avec la constitution du Nœud transfrontalier de l’Aire de Bruxelles (Millennium Project Brussels’ Node Area), qu’au niveau européen avec l’European Millennium Project Nodes Initiative (EuMPI), lancée à San Francisco en juillet 2003 (kick-off meeting, le 21 novembre 2003 au Parlement européen, puis l’organisation de la conférence internationale de Louvain-la-Neuve des 13 et 14 avril 2005 The Futures of Europeans in the Global Knowledge Society [28] ), puis, parallèlement, avec l’European Regional Foresight College, constitué à Paris avec l’appui de la DATAR, en avril 2004, et à la destinée duquel j’allais présider pendant huit ans.

Le financement du Pôle Prospective et de ces démarches a été pendant toutes ces années une question cruciale. L’apport régional, qui n’avait pas été accru en 2000 ni les années suivantes, était diminué de 80.000 euros en 2004 pour transférer à l’IWEPS le budget correspondant à un équivalent temps plein, afin que celui-ci puisse sous-traiter un travail annuel avec l’Institut Destrée. Ce qui ne sera réalisé que bien plus tard et deux années seulement en dix ans. Ainsi, il y avait-il un paradoxe de voir les moyens régionaux attribués à la prospective diminuer au moment même où le ministre-président semblait s’y intéresser davantage.

3. Une troisième période de consolidation chaotique (de 2004 à 2014)

Quatre outils de prospective ont été mis en place au service de la Wallonie depuis 2004 :

– le Collège régional de Prospective, à l’initiative de l’Institut Destrée ;

– la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne, à l’initiative conjointe de la DGATLP (Luc Maréchal) et de l’Institut Destrée, avec l’appui des ministres de l’Aménagement du territoire, André Antoine puis Philippe Henry ;

– le processus de recherche prospective Millennia2015, “Femmes actrices de développement pour les enjeux mondiaux”, à l’initiative de l’Institut Destrée et en collaboration avec le Millennium Project (Washington) ;

– le Système régional de Recherche et de Veille en Prospective, à l’initiative conjointe de l’IWEPS et de l’Institut Destrée.

 

2.1. Le Collège régional de Prospective

Le Collège régional de Prospective, créé en novembre 2004 par l’Institut Destrée, se veut à la fois un cercle de débats et un lieu d’apprentissage collectif. Il comporte une trentaine de membres qui émanent des différentes sphères de la société (entreprises, sphère publique et société civile). Depuis sa création, le Collège régional de Prospective s’est attelé à un travail prospectif relatif à la manière de lever les obstacles au développement de la Wallonie, particulièrement dans le domaine des valeurs collectives. Il a identifié une série de comportements concrets, déficients et majeurs qui caractérisent le mal-développement wallon et a décidé de focaliser sa réflexion et son action sur cinq chantiers prioritaires :

– l’insuffisance généralisée de culture du risque et du changement;

– l’absence de responsabilisation des acteurs et de clarification de leurs objectifs;

– les immobilités physiques et mentales face à l’évolution de la formation, de l’emploi, du marché;

– l’affaissement de la norme, de la déontologie et de l’éthique;

– les réflexes d’attachement aux piliers, entraînant des coûts exorbitants.

 Outre trente-six séminaires d’une journée organisés principalement au Cercle de Wallonie à Namur et à Liège, deux colloques ont été organisés : Le rôle et la gestion des services publics face aux mutations du XXIème siècle (La Hulpe, 9 novembre 2007) [29] et Culture du changement, responsabilisation et créativité : défis de l’éducation tout au long de la vie (Cercle de Wallonie à Namur, 13 février 2009) [30].

Le 23 avril 2010, le Collège a lancé une dynamique destinée à ouvrir ses portes et à disséminer ses travaux. Il s’agit de Wallonie 2030 : anticiper les bifurcations futures et choisir les comportements positifs. Neuf « fabriques » de prospective ont été lancées avec une nouvelle méthode permettant de construire des stratégies à partir des acteurs. Ces groupes de travail portaient sur :

  1. La territorialisation des politiques (décentralisation régionale et pouvoirs locaux) (Luc Maréchal, Dominique Hicguet)
  2. La gouvernance publique régionale y compris la fonction publique (Jean-Louis Dethier)
  3. Le pilotage et la croissance des entreprises (Pierre Gustin et Bernard Fierens)
  4. Les structures et modèles d’éducation et de formation (Michel Molitor et Bernadette Mérenne)
  5. L’articulation entre l’emploi et le travail (Marie-Hélène Ska et Basilio Napoli)
  6. L’environnement et l’énergie (Marc Installé)
  7. La pauvreté, l’insertion, la cohésion sociale (Michel Goffin)
  8. Le vieillissement démographique et la santé (André Lambert)
  9. La participation à la démocratie (Philippe Destatte et Michaël Van Cutsem) [31]

Une collaboration et des synergies sont d’ailleurs menées avec les fabriques de Prospective du Collège régional de Prospective du Nord – Pas-de-Calais – dont Philippe Destatte est membre du Comité d’Orientation – tandis que Pierre-Jean Lorens, responsable de la prospective au Conseil régional, est membre du Collège de Wallonie. Un congrès intitulé Vers un contrat sociétal pour la Wallonie dans un cadre de régionalisation renouvelé, s’est tenu le 25 mars 2011 au Palais des Congrès de Namur [32].

Le Collège régional de Prospective de Wallonie a en outre rédigé deux appels aux acteurs et en particulier au monde politique : Appel pour un contrat sociétal wallon, en février 2011 et Principes destinés à guider l’élaboration et la mise en œuvre de la prochaine déclaration de politique régionale de Wallonie, en mai 2014 [33].

L’ensemble des travaux du Collège a été mené par l’Institut Destrée sur fonds propres et sans autre appui extérieur qu’un appui ponctuel de la SRIW. Le 27 novembre 2014, le Collège régional de Prospective de Wallonie devait fêter ses dix ans au Parlement wallon à l’occasion d’un colloque intitulé Prospective, société et décision publique [34].

2.2. La Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne

Cette initiative a été lancée en janvier 2006 avec l’appui de l’ancien ministre du gouvernement wallon André Antoine en charge de l’Aménagement du territoire et de Luc Maréchal, Inspecteur général à la Direction générale de l’Aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine (Division de l’Aménagement et de l’Urbanisme) du ministère de la Région wallonne. L’Institut Destrée a construit une plateforme d’information dédiée aux projets de territoires en Wallonie, dans la perspective de la mise en œuvre du Schéma de Développement de l’Espace régional, afin d’assurer une information sur les initiatives de prospective territoriale menées sur les aires de coopération communales et supracommunales [35]. Plusieurs exercices – pour certains desquels l’Institut Destrée a apporté un appui méthodologique – y sont présentés : Luxembourg 2010, Herve au futur, Charleroi 2020, Prospect 15, Liège 2020, Wallonie picarde 2025, Molinay 2017, Ottignies-Louvain-la-Neuve 2050, Bassin du Cœur du Hainaut 2025, Pays de Famenne, etc. Outre l’organisation de plus de trente séminaires, l’Institut Destrée a mené une enquête auprès des communes wallonnes pour identifier les instruments prospectifs et stratégiques utilisés. A chacun des séminaires, un prospectiviste ou expert étranger du développement territorial vient présenter une conférence pour participer à l’apprentissage collectif des acteurs territoriaux. Ainsi, de nombreuses personnalités européennes du monde de l’aménagement du territoire et de la prospective se sont-elles succédé à la tribune de la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne. Certains séminaires se sont faits sur le terrain (Seraing, Tournai, etc.) [36].

Parallèlement, en 2011 et 2012, le Ministre Philippe Henry a confié à l’Institut Destrée une mission d’accompagnement de l’Administration wallonne et de la CPDT en matière de formation à la prospective et d’élaboration des scénarios lors de la révision du SDER [37].

2.3. Le processus de recherche prospective Millennia 2015

Conçu et mis en œuvre par Marie-Anne Delahaut, directrice de recherche et responsable du Pôle Société de l’information, en suivi du programme “Prospective et gouvernance de l’internet” [38] organisé dans le cadre de sa contribution au Sommet mondial sur la société de l’information [39], le processus de recherche prospective Millennia2015 “Femmes actrices de développement pour les enjeux mondiaux” [40] a été lancé lors de la conférence internationale tenue les 7 et 8 mars 2008 au Palais des Congrès de Liège, à l’initiative de l’Institut Destrée avec l’appui du Millennium Project (Washington), de l’Organisation internationale de la Francophonie, de la Région wallonne et de la Communauté française. Millennia2015 a pour objet de mettre en lumière le rôle crucial des femmes dans la société et de valoriser leurs capacités à bâtir des futurs alternatifs, considérant leur volonté de s’orienter résolument vers l’avenir, d’être médiatrices de paix, et d’agir à tous les niveaux de prise de décision en égalité avec les hommes (économie, politique, santé, éducation, formation, égalité des droits, …), en créant de nouvelles solidarités proactives en réseaux. Reconnu au plan international, Millennia2015 a permis à l’Institut Destrée d’obtenir les titres d’ONG partenaire officiel de l’UNESCO (statut de consultation) ainsi que le statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) dès 2012. Le patronage de l’UNESCO lui a été octroyé pour la conférence internationale Millennia2015 “Un Plan d’action pour l’autonomisation des femmes” organisée au Siège de l’UNESCO à Paris en 2012 [41]. La troisième conférence internationale est programmée aux Nations Unies à New York en 2017. Partout dans le monde, le Réseau international de Chercheur-e-s volontaires de Millennia2015 [42] se mobilise autour d’un même travail prospectif conçu par l’Institut Destrée où travaille actuellement sur ce chantier une équipe de trois personnes pilotée par Marie-Anne Delahaut. Des communautés sont actives en Francophonie, à Goma-RDC, en Inde, notamment, ainsi que le groupe de travail international Millennia2015 “Femmes et eSanté”. En mars 2010, l’Institut Destrée a présenté le concept de société de l’information solidaire aux Nations Unies à New York dans le cadre de la 54ème Commission sur le statut des femmes “Pékin+15” 43.

L’exercice de prospective de Millennia2015 a été inauguré au plan international autant qu’au niveau de la Wallonie, le 8 décembre 2010, à l’UNESCO, à Paris, avec l’appui de la directrice de la Division Égalité des Genres de l’UNESCO, en lien direct avec le Cabinet de la directrice générale [44]. Les premiers résultats ont été analysés lors de du séminaire international organisé par Millennia2015 à l’École des Mines à Paris en novembre 2011 [45].

Sur base des valeurs inscrites dans la charte de Millennia2015, la Fondation Millennia2025 “Femmes et innovation”, fondation d’utilité publique, a été créée en avril 2012, avec pour objectif de récolter des fonds afin de mettre en œuvre les activités du processus de recherche prospective Millennia2015 pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres. Elle est en charge de leur réalisation et du suivi des plans d’actions avec les organisations partenaires locales de Millennia2015. A cet effet, agissant en lien étroit avec l’Institut Destrée, la Fondation Millennia2025 s’active principalement à la levée de fonds pour le financement des plans d’actions issus de l’exercice de prospective présenté à l’UNESCO en décembre 2012 ; à la mise en place de partenariats et collaborations avec des universités, ONGs et entreprises du secteur privé, dans le but de renforcer les capacités des femmes par la solidarité numérique; à fournir des prestations de services, formations, consultance, expertises, publications, organisation de conférences et séminaires dans le cadre des objectifs de Millennia2015 [46].

2.4. Le Système régional de Veille et de Recherche en Prospective (SRPW)

Conformément à la volonté exprimée par le ministre-président du gouvernement wallon Elio Di Rupo, en décembre 2006, l’IWEPS et l’Institut Destrée ont construit un partenariat afin d’associer leurs compétences au profit de la prospective régionale. Dès janvier 2007, de nombreuses réunions se sont tenues entre les deux institutions pour aboutir à un projet de collaboration qui a été remis au Cabinet, en octobre 2007 [47]. Parmi les différentes propositions formulées, deux axes de travail ont été retenus : d’une part, le lancement d’une recherche sur la transmission d’entreprises, d’autre part, la mise en place d’une plateforme wallonne de la prospective. Celle-ci serait fondée sur trois objectifs :

– réaliser et encourager le transfert de connaissances et d’expériences en matière de prospective (banques de données des acteurs, des expériences, etc.) ;

– promouvoir la démarche prospective (faire connaître les méthodes et pratiques) ;

– fédérer les acteurs de la prospective en vue de projets communs.

Le 9 février 2010, le Système régional de Veille et de Recherche en Prospective wallon était lancé par l’IWEPS et l’Institut Destrée avec la finalité de mobiliser des départements universitaires et des centres de recherche de niveau universitaire, de Wallonie et de Bruxelles, au profit de la prospective régionale, c’est-à-dire de rapprocher les compétences du réseau ainsi formé des besoins d’expertises régionaux en termes d’anticipation. Dans le même temps, le Cabinet du ministre-président et les différentes directions générales du SPW étaient associés à l’initiative.

Sur base d’une première convention, créant un contrat de service entre l’IWEPS et l’Institut Destrée, de mai 2009 à juillet 2010, une première étude sur la reprise et transmission d’entreprises a été réalisée tandis que l’Institut Destrée se voyait confier une mission d’appui à la mise en place du SRPW.

Plusieurs tâches préliminaires ont été réalisées dans ce cadre :

  1. L’établissement d’un inventaire des membres potentiels du SRPW : 49 unités de recherche ont été identifiées et invitées à rejoindre le réseau. 30 ont été rencontrées à cet effet.
  2. La définition de protocoles pour réguler les échanges et construction d’un site internet.
  3. L’identification des enjeux régionaux pour lesquels des études et travaux prospectifs seront nécessaires.
  4. Les premiers jalons d’une recherche relative au repreneuriat matérialisée par la publication d’un Discussion Paper [48].

Une nouvelle convention a été signée, en mars 2011, par l’IWEPS et l’Institut Destrée, portant sur un appui de l’Institut Destrée aux activités de prospective menées par l’IWEPS (réalisation de notes de veille, animation du SRPW, etc.). Une différence considérable est toutefois apparue entre l’ambition initiale et commune des deux institutions exprimée à l’époque d’Elio Di Rupo et la mise en œuvre contrainte menée sous l’égide du Cabinet Demotte. Cette évolution a probablement contribué à freiner la participation des universités au réseau et à démotiver les chercheurs des deux institutions qui, initialement, s’en étaient voulues les moteurs. Le SRPW ne poursuivra pas ses activités au delà de 2012.

Conclusion : un regard contrasté sur une prospective très liée à la qualité de la gouvernance régionale

Notre regard sur la prospective en Wallonie est contrasté. D’une part, la prospective se développe avec une vigueur certaine au niveau des territoires wallons (Luxembourg 2010, Wallonie picarde 2025, Pays de Famenne, Bassin du Cœur du Hainaut 2025, Louvain-la-Neuve 2040, etc.). D’autre part, l’Institut Destrée s’est très impliqué dans la prospective au niveau européen : Philippe Destatte a assumé la présidence du Collège européen de Prospective territoriale, de 2004 à 2012, avant de confier la présidence à Ibon Zugasti (Prospektiker, San Sebastian), organisation dont Michaël Van Cutsem, directeur de recherche et responsable du Pôle Prospective de l’Institut Destrée, occupe aujourd’hui encore, le secrétariat. L’Institut Destrée reste très présent au niveau européen où il a été l’un des animateurs du projet Cities of Tomorrow de la DG Politiques régionales de la Commission européenne. En outre, l’Institut Destrée a accompagné – avec Prospektiker et Futuribles – la mise en place de la nouvelle Cellule de Prospective du Comité des Régions. Il en est de même pour la prospective mondiale : un accord de partenariat a été conclu entre l’Institut Destrée et l’Université de Houston pour la réalisation d’un certificat en prospective qui s’est tenu pour la première fois à Bruxelles en mai 2011, tandis que Philippe Destatte a été élu membre du Board du réseau mondial du Millennium Project dont le siège est à Washington.

L’évaluation de la prospective est d’une difficulté sans nom. Nous y avons beaucoup travaillé avec la Commission européenne dans le cadre du programme FOR-LEARN pour arriver à ce constat [49]. La prospective est un processus de changement, de transformation. J’en suis de plus en plus convaincu, au point d’avoir fait évoluer la définition construite en 1999-2000 : elle a récolté un quasi consensus, tant à la SWEP qu’à la Mutual Learning Platform de la Commission européenne et au Collège européen de Prospective, pour renforcer cette dimension [50]. En cela, je rejoins probablement tant Gaston Berger que Richard Slaughter [51].

Pour alimenter les controverses, ainsi que la Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective nous y invite, je me permettrai quelques hypothèses liées aux impacts des travaux prospectifs que j’ai évoqués.

  1. Si on a pu observer un processus d’institutionnalisation de la prospective en Wallonie depuis 1999, celui-ci a eu pour principal objet de faire de cette discipline un enjeu de pouvoir. On peut considérer qu’il y a une forme de rupture entre, d’une part, l’affirmation de la prospective comme outil de gouvernance, c’est-à-dire de construction d’un dialogue et d’un discours stratégiques entre les acteurs pour élaborer collectivement un projet, et, d’autre part, un outil managérial au service des décideurs. Cette rupture se manifeste clairement entre avril et juin 2000. De manière étonnante, et à part quelques rares moments d’exceptions, le modèle qui s’instaure en Wallonie à ce moment s’est poursuivi jusqu’à ce jour.
  1. Malgré les efforts menés, la vision de la prospective qui domine les institutions wallonnes reste manifestement profondément ancrée soit dans un scientisme où prédomine la prévision soit, à tout le moins, dans une prospective vue uniquement comme exploratoire et non comme une prospective complète, totale, certes exploratoire mais aussi normative, à vocation stratégique, c’est-à-dire orientée vers l’action concrète et opérationnelle. La recherche d’une légitimité scientifique destinée à faire croire que l’action menée est objective, voire la seule possible à mener en fonction des données du présent, reste au centre de la conception des élus et des décideurs. A titre d’exemple, l’observation attentive des discours justifiant la démarche Horizon 2022 lors de la législature 2009-2014 fonde cette analyse.
  1. Une des difficultés majeures de l’évaluation de la prospective consiste à revendiquer des actions ou des réalisations qui sont menées en aval des exercices. Non seulement cette démarche peut paraître manquer de modestie mais, en plus, elle peut désapproprier des acteurs majeurs des résultats des travaux pour lesquels ils ont dépensé en amont beaucoup d’efforts et beaucoup de diplomatie pour que l’appropriation ait lieu. De surcroit, il est rare qu’une décision résulte de manière linéaire d’une seule source d’inspiration. Néanmoins, les exemples sont importants et nombreux de propositions, provenant des travaux de prospective menés de 1999 à 2004, qui sont présentes dans les politiques menées par les gouvernements wallons dans les législatures suivantes. Sans mettre en cause les autres et multiples influences, ni le génie propre de nos élus et décideurs, on peut mettre en évidence quelques propositions qui ont pu faire leur chemin :

– c’est particulièrement vrai de l’activation des ressources en créativité au profit du développement régional qui a été au centre des recommandations de la Mission Prospective Wallonie 21, dès 2004 [52] ;

– parmi ces recommandations, plusieurs ont été mises en œuvre ultérieurement, d’autres sont toujours en chantier. Voici quatre exemples, avec leur numéro d’origine, datant de mai 2004 :

1. Réunir un collège des directeurs généraux comme organe transversal de la coordination des institutions publiques wallonnes sous la forme opérationnelle de task-forces thématiques public-public qui pourraient être coordonnées par des agents ayant compétence dans la gestion des réseaux et leur animation ;

7. Mettre en place un groupe de travail interministériel régional sur les effets multiples du vieillissement démographique en Wallonie, dont la tâche serait d’étudier de façon transversale les répercussions du vieillissement de la population wallonne sur l’emploi, la santé, la consommation, les loisirs, le logement, etc.

11. Lancer un programme mobilisateur de recherche relatif aux nouveaux indicateurs et instruments de mesure du capital social dans les régions de la connaissance devant aboutir à un canevas actualisé de nouveaux critères de performance et de compétitivité de la Wallonie à l’usage de tous les acteurs, entreprises et systèmes d’évaluation des politiques régionales.

12. Créer un cluster de la créativité économique associant des partenaires des industries culturelles, du design, de l’enseignement artistique, etc. destiné à générer de nouveaux emplois et à renforcer l’activité économique par le développement de la croissance, de la vitalité et de la compétitivité de la Wallonie [53].

– la Prospective des entreprises wallonnes avait, en 2003, présenté une série de fiches-actions conçues avec la Direction de la Politique économique et appuyées par l’Union wallonne des Entreprises. La fiche d’action prioritaire “Attractivité du territoire” préconisait de développer un programme de stimulation pour la création de pôles de compétence wallons à partir de “champions” existants. La finalité de cette recommandation était d’utiliser les entreprises et les entrepreneurs “champions” de la Wallonie actuelle comme catalyseur de réactions en chaîne autour de métiers ou de filières implanté(e)s et fructueux(ses). Induire ainsi des cercles vertueux par effet boule de neige autour de différents noyaux d’excellence existants. Réaliser cette opération en cohérence avec les initiatives existantes de grappes, clusters et autres. Les modes opératoires, d’intervention, les opérateurs ressources, les bénéficiaires, la durée et le contexte, ainsi que l’impact attendu et les critères de suivi et d’évaluation étaient précisés [54].

  1. De plus nombreuses propositions d’initiatives ont été négligées, méprisées ou laissées en friche. Certes, toutes n’étaient pas pertinentes. La plupart relèvent des politiques régionales. Trois auraient pu être portées par l’Institut Destrée qui, toutefois, n’avait seul pas les moyens de les lancer ou de les soutenir dans la durée. La première est le cluster de la créativité, proposé en 2004 et que, finalement, nous voyons se déployer dans le cadre de Creative Wallonia. Le deuxième projet a été approuvé par le Conseil d’administration de l’Institut Destrée du 1er juillet 1998 : il s’agissait de créer un instrument dénommé PRIDE, Plateforme régionale d’Information sur le Développement économique. Compte tenu des lacunes informatives et statistiques dont tous les acteurs se plaignent en Wallonie encore aujourd’hui, malgré les investissements considérables consentis, il semble que l’idée de créer un véritable outil au service de la Région et des entrepreneurs, wallons ou étrangers, à la recherche d’informations interdisciplinaires et indépendantes, sectorielles et conjoncturelles, banque d’indicateurs pour l’évaluation et la prospective, avait toute sa pertinence. Le dernier projet, lancé mais peu investi en tant que tel, date du 28 mars 2003. C’est celui d’un Centre international des Changements de Paradigmes sociétaux et des Mutations structurelles. Projet innovant, au carrefour de la recherche historique et de la prospective, il reste parmi nos préoccupations.
  1. Enfin, depuis Pays basque 2010 (1992), Michel Godet a fait passer l’idée que la prospective, c’est réfléchir librement et ensemble. On s’en souvient encore à Bayonne, à Anglet et à Biarritz, je peux en attester. On devrait le savoir à Namur. Divers projets menés au niveau régional lors des dernières législatures ne portaient pas cette marque. J’ai personnellement le souvenir d’avoir entendu dire que le mot délibératif était inacceptable hors du Gouvernement wallon et qu’un processus prospectif indépendant était dangereux. Or – le ministre-président Elio Di Rupo l’avait bien compris en 2000, et le Collège régional de Prospective le rappelait en 2011 [55] :– en dehors d’une bonne gouvernance, c’est-à-dire impliquant démocratiquement et respectant les acteurs, il n’y a pas de salut pour la prospective. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les prospectivistes préconisent souvent que leur discipline / indiscipline soit logée au sein des parlements plutôt qu’activée par les gouvernements ?

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] L’Évaluation et la prospective en Wallonie et à Bruxelles : trop de consensus, pas assez de controverses !, Invitation au colloque du 15 mai 2014, Namur, Société wallonne de l’Évaluation et de la Prospective, 5 mai 2014.

[2] La Société d’Économie et de Mathématique appliquée, fondée par Jacques Lesourne en 1958.

[3] Jacques LESOURNE, Un homme de notre siècle, De polytechnique à la prospective et au journal Le Monde, p. 325, Paris, Odile Jacob, 2000. – Entretien avec Jacques Lesourne du 27 avril 2000. – Ph. DESTATTE, La Belgique dans l’accroissement de l’interdépendance, dans M. BEYEN et Ph. DESTATTE, Un autre pays, Nouvelle histoire de Belgique, p. 15sv, Bruxelles, Le Cri, 2009.

[4] Forecasting and Assessment in the field of Science and Technology. Michel Godet, qui avait été directeur du département SEMA Prospective, à partir de 1978, a été en charge du lancement du programme FAST, de 1979 à 1980, en tant qu’administrateur principal de la CEE. Michel Godet était d’ailleurs venu à Louvain-la-Neuve, du 23 au 25 avril 1980, occuper la Chaire Quetelet Perspectives de population, d’emploi et de croissance urbaine, pour y faire un exposé sur Deux crises dévisagées par la prospective : 1°. les causes d’erreurs de prévision ; 2° à la recherche des emplois de demain. ARCHIVES DE L’INSTITUT DESTREE, Fonds Yves de Wasseige, Politique industrielle (2). – Voir aussi Stéphane CORDOBES et Philippe DURANCE, Les Entretiens de la la Mémoire de la Prospective : Jacques Lesourne, Président de l’Association Futuribles International, Paris, CNAM, Septembre 2004, p. 7.

http://www.laprospective.fr/dyn/francais/memoire/J_Lesourne_%28entretien%29_v2c.pdf.

[5] Claire Lejeune, professeur à l’Université de Mons a animé le Centre interuniversitaire d’Études philosophiques de l’Université de Mons (CIEPHUM) et la revue Réseaux, de même que les Cahiers du Symbolisme, autour de vecteurs de la prospective. – Prospective et pensée du futur, dans Réseaux, n° 22-23, 1974 (avec notamment Yves Barel et André-Clément Decouflé). – Prospective, sociologie, Régions, dans Réseaux, n° 28-29, 1976. – Bernard CROUSSE coord., La prospective revisitée : évaluation d’un savoir, dans Réseaux, n° 50-51-52, 1986-1987, Colloque du 17 février 1986 , Mons, CIEPHUM, 1986-1987.

[6] Raymond Collard était professeur à la Faculté des Sciences économiques et sociales de Namur et vice-président de l’Office de Promotion industrielle. Il devint plus tard directeur du Service des Études et de la Statistique de la Région wallonne. Il anima aussi le Groupe de Recherche et Développement de Louvain (créé en 1965), jusqu’en 2014. – Voir Raymond COLLARD et Yvan JOIRET, La régionalisation : contraintes et opportunités pour la Wallonie, Bruxelles, IEV, 1980. – R. COLLARD, La valorisation industrielle des grandes filières du futur, Note manuscrite, s.d. (1976). ARCHIVES DE L’INSTITUT DESTREE, Fonds Yves de Wasseige, Politique industrielle (2). Il contribua, par ses chroniques dans le journal La Wallonie, au début des années 1980, à me faire découvrir la prospective, notamment les travaux de Thierry Gaudin et André-Yves Portnoff. Voir par exemple : R. COLLARD, On cherche des pionniers wallons ! , dans La Wallonie, 15 mars 1985, p. 10. – R. COLLARD, Sciences, techniques et entreprises, Qu’attendre des entreprises wallonnes ?, dans La Wallonie, 4 avril 1985, p. 10. – R. COLLARD, Prospective 2007… sorties de la crise, transformations des modes de production, du travail et de l’emploi, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Cahier n° 2, p. 123-124.

[7] Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, p. 190, 289, 298-299, 317, Paris, Doin, 2ème éd., 1980 (1ère éd. 1974). – P. DUVIGNEAUD et Martin TANGHE, L’avenir, Des ressources naturelles à préserver, dans Hervé HASQUIN dir., La Wallonie, Le Pays et les Hommes, Histoire – Économies – Sociétés, t. 2, De 1830 à nos jours, p. 471-495, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980.

[8] Notamment par ses travaux dans le cadre de la Fondation européenne de la Culture et de l’UNESCO. – Voir Gilbert DE LANDSHEERE e.a., La formation des enseignants demain, Tournai, Casterman – Amsterdam, Fondation européenne de la Culture, 1976.

[9] Pierre-Philippe DRUET, Peter KEMP, Georges THILL, Technologies et sociétés, Paris, Galilée, 1980.

[10] Jacques LANOTTE éd., L’avenir culturel de la Communauté française, Charleroi, Institut Destrée, 1979.

[11] Guy GALAND éd., Culture et politique, Promouvoir la création culturelle en Wallonie, Charleroi, Institut Destrée, 1984.

[12] Philippe DESTATTE, Les questions ouvertes de la prospective wallonne ou quand la société civile appelle le changement, dans Territoires 2020, Revue d’études et de prospective de la DATAR, n° 3, 1er semestre 2001, p. 139-153, p. 143.

[13] Archives de l’Institut Destrée, Dossier activités 1979. – L’institutionnel, clé de l’économique, dans Feuillets de la Communauté Wallonie-Bruxelles, Juin 1979, p. 2-3.

[14] PL, Le déclin économique wallon à l’Institut Jules Destrée : d’abord une banque régionale, dans Le Soir, 28 avril 1978.

[15] Ph. DESTATTE, L’Institut Destrée (1938-1988), dans Encyclopédie du Mouvement wallon, vol. 2(F-N), p. 851, Charleroi, Institut Destrée, 2000. – INSTITUT DESTREE, Fonds Institut Destrée, Conseil d’Administration du 26 octobre 1980, p. 3.

[16] Ph. DESTATTE, Les questions ouvertes de la prospective wallonne…, p. 142-143.

[17] Voir notamment son texte La lecture du complexe, dans Le Complexe de Léonard ou la Société de la Création, Colloque de la Sorbonne, Février 1983, p. 61-76, Paris, Editions du Nouvel Observateur – J-Cl Lattès, 1984.

[18] John NAISBITT, Les dix commandements de l’avenir (Megatrends), Paris-Montréal, Sand-Primeur, 1984.

[19] Voir Ph. DESTATTE dir., Evaluation, prospective et développement régional, p. 31-38, Charleroi, Institut Destrée, 2001. – Thierry GAUDIN, André-Yves PORTNOFF, La Révolution de l’intelligence, Rapport sur l’état de la technique, Paris, Sciences et Techniques, 1983. – Armand MATTELART et Yves STOURDZE, Technologie, culture et communication, Rapport au ministre de la Recherche et de l’Industrie, Paris, La Documentation française, 1982. – Simon NORA & Alain MINC, L’informatisation de la société, Rapport à M. le Président de la République, Paris, La Documentation française, 1978.

[20] La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Charleroi, Institut Destrée, 1989. – La Wallonie au futur, Le défi de l’éducation, Charleroi, Institut Destrée, 1992. – La Wallonie au futur, Le défi de l’éducation, Conférence-consensus, Charleroi, Institut Destrée, 1994. – La Wallonie au futur, Quelles stratégies pour l’emploi ?, Charleroi, Institut Destrée, 1996. – La Wallonie au futur, Sortir du XXème siècle : évaluation, innovation, prospective, Charleroi, Institut Destrée, 1999. – Wallonie 2020, Une réflexion prospective citoyenne sur le devenir de la Wallonie, Charleroi, Institut Destrée, 2005. La plupart de ces ouvrages sont épuisés mais l’ensemble des actes sont néanmoins disponibles en ligne sur le portail de l’Institut Destrée :

http://www.wallonie-en-ligne.net/wallonie-publications/Wallonie-Futur_Index-Congres.htm

[21] Elio DI RUPO, Une cellule indépendante de prospective pour la Wallonie, dans Ph. DESTATTE dir., Evaluation, prospective et développement régional, p. 306-307, Charleroi, Institut Destrée, 2001.

[22] Archives de l’Institut Destrée, Philippe Destatte, Rencontre avec Jean-Claude Van Cauwenberghe, Ministre-Président du Gouvernement wallon, Namur, 5 juin 2000, Charleroi, Institut Destrée, 5 juin 2000, 2 p. (5IJD/PhD/00-228/bis).

[23] Ph. DESTATTE et Pascale VAN DOREN, La prospective comme outil de gouvernance, Charleroi, Institut Destrée, 2003.

[24] Trois rapports ont été diffusés : Ph. DESTATTE dir., Mission prospective Wallonie 21, La Wallonie à l’écoute de la prospective, Premier rapport au Ministre-Président du Gouvernement wallon, Charleroi, Institut Destrée, Août 2002. – Ph. DESTATTE et P. VAN DOREN dir., La prospective territoriale comme outil de gouvernance, Charleroi, Institut Destrée, 2003. – Ph. DESTATTE et P. VAN DOREN dir., Mission prospective Wallonie 21, La prospective à l’écoute de la Wallonie, Charleroi, Institut Destrée, Mai 2004. La plupart de ces rapports sont publiés en ligne :

http://www.wallonie-en-ligne.net/Mission-Prospective_Wallonie-21.htm

[25] Ph. DESTATTE, Mission prospective pour le gouvernement wallon, 2000-2004, Namur, Institut Destrée, 11 mai 2001, 5 p.

[26] Ph. DESTATTE, Dynamique de la société wallonne, Tendances et volontés, Groupe d’études prospective mis en place par les acteurs associatifs wallons, Namur, Institut Destrée, 28 avril 2001, 6 p. (IJD/PhD/01-182)

[27] Philippe DESTATTE et Pascale VAN DOREN dir., Réflexion prospective sur les politiques d’entreprises en Wallonie, Rapport final, Namur, Direction générale de l’Economie et de l’Emploi du Ministère de la région wallonne (Direction des Politiques économiques) – Institut Destrée, décembre 2003, 50 pages.

http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/ProspEnWal_Rapport-final_2003-12-04.pdf

[28] The Futures of Europeans in the Global Knowledge Society, A Meeting Point for Europeans Creating Futures, en collaboration avec la DG Recherche de la Commission européenne et le Millennium Project. A cette occasion, et pour la première fois, un Planning Committee du Millennium Project s’est tenu en Europe, à Louvain-la-Neuve.

http://www.wallonie-en-ligne.net/2005_EuMPI/index.htm

[29] Le rôle et la gestion des services publics face aux mutations du XXIème siècle, Château de La Hulpe, 9 novembre 2009.

[30] Culture du changement, responsabilisation et créativité : défis de l’éducation tout au long de la vie, Namur, Cercle de Wallonie, 13 février 2009.

[31] Lancé en avril 2010 Wallonie 2030 : anticiper les bifurcations stratégiques et choisir les comportements positifs, a consisté à décrire une série de domaines choisis, étudiés dans des fabriques de prospective et pilotés par des membres du Collège, la trajectoire passée et future de chaque domaine et d’en tirer des pistes de stratégies pour la société wallonne. Le résultat transversal de ces travaux fait apparaître la nécessité d’ouvrir un partenariat stratégique régional à partir de la société civile, des entreprises et des administrations afin de préparer un dialogue avec les forces politiques wallonnes et de préparer les pistes d’un contrat sociétal pour la Wallonie dans un cadre renouvelé.

[32] Congrès Wallonie 2030, Vers un contrat sociétal pour la Wallonie dans un cadre de régionalisation renouvelé, Namur, Palais des Congrès, 25 mars 2011.

[33] Appel pour un contrat sociétal wallon, Namur, Collège régional de Prospective de Wallonie, 28 février 2011. ­- Principes destinés à guider l’élaboration et la mise en œuvre de la prochaine déclaration de politique régionale de Wallonie, Namur, Collège régional de Prospective de Wallonie, 27 mai 2014.

http://www.college-prospective-wallonie.org/Principes_DPR-2014.htm

[34] www.institut-destree.org/Prospective_et_decision_publique

[35] Voir le site : http://www.intelliterwal.net/

[36] Plusieurs publications ont pu être réalisées dans ce cadre, parues dans la revue Territoires wallons ou dans la newsletter du développement territorial : Michaël VAN CUTSEM, Des projets de territoires : quelles valeurs, quelles solidarités et quelle citoyenneté ? dans Territoire(s) wallon(s)Trente ans de fusion des communes, CPDT, Région wallonne, août 2008, p. 47 à 62. – M. VAN CUTSEM, Lecture transversale de la DPR à la lumière des objectifs poursuivis par la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne, dans Newsletter du Développement territorial, n° 5, Décembre 2009, p. 2 à 17. – M. VAN CUTSEM, La prospective territoriale en Wallonie : un mécano à géométries variables, dans Territoires wallons, Hors série, 2010. – Ph. DESTATTE et Luc MARECHAL, Prospective des espaces en transition territoriale et politique : la Wallonie, dans Yves JEAN et Guy BAUDELLE dir., L’Europe, Aménager les territoires, p. 378-389, coll. U, Paris, A. Colin, 2009.

[37] M. VAN CUTSEM et Charlotte DEMULDER, Quels scénarios pour l’aménagement du territoire à l’horizon 2040 ?, Namur, SPW-Institut Destrée, 2011.

[38] – Marie-Anne DELAHAUT (dir), Prospective de l’Internet – Foresight of the Internet, Actes du colloque,
Préface de Viviane REDING, Postface de Markus KUMMER,
Namur, Institut Jules-Destrée, 544 pages (livret photos en couleurs), 2005 http://www.wallonie-en-ligne.net/2005_Prospective-Internet/index.htm

– M-A DELAHAUT, Les progrès structurants des technologies de l’information et de la communication, http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/Mission-Prosp_W21/Rapport-2002/1-1_Progres-structurants_TIC.htm

[39] http://www.wallonie-en-ligne.net/2005_Prospective-Internet/index.htm

[40] http://www.millennia2015.org/Processus_de_prospective

[41] Actes de la conférence : http://www.millennia2015.org/unesco_2012_actes et notamment :-   http://www.millennia2015.org/tempFiles/532876889_0.1359369/Millennia2015_UNESCO_2012_MU03_Marie_Anne_DELAHAUT_2012_12_03_FR_EN.pdf – Ph. DESTATTE, Millennia2015 à l’Unesco : à la recherche d’une nouvelle harmonie pour les femmes du monde entier, Blog PhD2050, 11 décembre 2012. https://phd2050.org/2012/12/19/millennia2015/

[42] http://www.millennia2015.org/Equipe_Reseau

[43] www.millennia2015.org/2010_03_03_new_york_csw54_millennia2015

[44] http://www.millennia2015.org/Millennia2015_UNESCO_2010

[45] Marie-Anne DELAHAUT et Ph. DESTATTE, Millennia2015, Méthodologie du processus de recherche prospective, Namur, Institut Destrée, 14 octobre 2009, 23 p. – M-A. DELAHAUT et Coumba SYLLA, Millennia2015 – UNESCO, Rapport du processus de recherche prospective préparatoire à la conférence internationale 2011, Namur, Institut Destrée, 22. juillet 2010, 466 p. www.millennia2015.org/Methode. –   http://www.millennia2015.org/actes_seminaire_2011

([46]) www.millennia2015.org/fondation_millennia2025

[47] Collaboration IWEPS-Institut Destrée en matière d’études prospectives, Namur, 9 octobre 2007, 34 p.

[48] Jean-Luc GUYOT et M. VAN CUTSEM, La transmission d’entreprise en Région wallonne : discours et enjeux, Namur, IWEPS, 2010, 100 pages.

[49] Ph. DESTATTE, Evaluation of Foresight : how to take long term impacts into consideration, FOR-LEARN Mutual Learning Workshop, Evaluation of Foresight, Sevilla, IPTS, DG RTD, Dec. 13-14, 2007.

[50] La prospective est une démarche indépendante, dialectique et rigoureuse, menée de manière transdisciplinaire en s’appuyant sur la longue durée. La prospective peut éclairer les questions du présent et de l’avenir, d’une part en les considérant dans leur cadre holistique, systémique et complexe et, d’autre part, en les inscrivant, au delà de l’historicité, dans la temporalité. Résolument tournée vers le projet et vers l’action, elle a vocation à provoquer une ou plusieurs transformations au sein du système qu’elle appréhende en mobilisant l’intelligence collective. Ph. DESTATTE, Qu‘est-ce que la prospective ?, Blog PhD2050, Namur, 10 avril 2013.

https://phd2050.org/2013/04/10/prospective/

[51] Richard A. SLAUGHTER, Luke NAISMITH and Neil HOUGHTON, The Transformative Cycle, p. 5-19, Australian Foresight Institute, Swinburne University, 2004.

[52] Vers une activation des ressources en créativité au profit du développement régional (2004). Dans tous les cas, le concept de “Régions de la créativité” peut permettre d’activer, au départ des préoccupations de recherche et de compétitivité économique de la Région wallonne, des ressources dépendant institutionnellement de la Communauté française mais situées géographiquement sur le territoire régional de la Wallonie. Ces ressources s’inscriraient, dès lors, dans une stratégie régionale, dont le prochain Contrat d’Avenir pour la Wallonie pourrait constituer le cadre dynamique. Ph. DESTATTE, Les concepts de “régions de la connaissance, apprenantes et créatives” comme outils de développement régional, MPW21, 3 mai 2004, p. 19.

http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/MPW21_R2004_02_Philippe-Destatte_Vision-Wallonie21_2004-05-03.pdf

[53] Ph. DESTATTE dir. Vingt actions pour faire de la Wallonie une région apprenante et créative, MPW21, Recommandations, 3 mai 2004. A noter que l’ensemble des actions n’a pas été perdu pour tout le monde puisque celles-ci ont été présentées à Rennes dans le cadre d’un colloque sur les territoires apprenants réunis à l’initiative d’Edmond Hervé : Ph. DESTATTE, La formation tout au long de la vie, un enjeu pour un développement humain et durable des territoires, dans Yves MORVAN dir., La Formation tout au long de la vie, Nouvelles questions, nouvelles perspectives, Colloque Rennes Métropole, 6-7 mars 2006, p. 253-270, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

[54] Ph. DESTATTE et P. VAN DOREN, dir., 4 X 4 pour Entreprendre, Réflexion prospective sur les politiques d’entreprises en Wallonie, Rapport final, 3 décembre 2003, p. 13.

http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/ProspEnWal_Rapport-final_2003-12-04.pdf

[55] Comment établir une gouvernance collective, participative et publique à la mesure de la démocratie du XXIème siècle, s’appuyant sur des processus de débat, de concertation et de décision ? Plus que jamais, les Wallonnes et les Wallons ont besoin d’un horizon et d’un projet communs, ainsi que d’un contrat par lequel, en construisant leurs convergences et en mesurant leurs divergences, ils s’organisent collégialement pour le réaliser et pour en partager équitablement les fruits. Appel pour un contrat sociétal wallon, dans La Libre Belgique, 4 mars 2011.

http://www.college-prospective-wallonie.org/Appel_Contrat-societal.htm

Dans un premier papier précédent, j’ai indiqué que le Cœur du Hainaut, c’est-à-dire les vingt-cinq communes de la zone d’action de l’Intercommunale wallonne IDEA sur l’espace Mons-Borinage-Centre-La Louvière, semblait constituer un espace pertinent pour analyser les transitions sociétales. Ces mutations sont au nombre de trois : d’abord, la Révolution industrielle, que j’ai abordée dans un deuxième texte, ensuite, la Révolution cognitive que nous connaissons actuellement et, enfin, la transition vers le développement durable qui accompagne cette dernière mutation. C’est cette transformation que j’envisage ici, en l’appliquant à l’évolution de ce territoire.

2. Le développement durable comme ambition de métamorphoser la société

Dans les années 1970 et 1980, les mutations de la société étaient bien engagées. Elles l’étaient notamment par la volonté des femmes et des hommes qui recherchaient une nouvelle harmonie au travers de l’espoir d’un développement plus soutenable. Ces mutations s’inscrivaient aussi dans une concurrence effreinée de recherche d’une productivité nouvelle par la Révolution de l’information et de la connaissance ainsi que par la construction rapide d’une nouvelle mondialisation de laquelle aucun territoire ne saurait rester à l’écart.

Les mutations industrielles du Cœur du Hainaut ont largement contribué à la prise de conscience de l’enjeu de la durabilité du territoire. Quatre champs de réflexion méritent d’être investis.

 2.1. Le Borinage : la dynamique d’un développement non-durable

Le système industriel sans développement et l’écroulement charbonnier dans le Borinage, tels que Paul-Marie Boulanger et André Lambert en ont ultérieurement démonté les processus [1], ont montré aux acteurs ce qu’était réellement une dynamique non durable et quelles étaient ses conséquences dramatiques pour la population. Or, comme les deux chercheurs de l’ADRASS l’ont bien mis en évidence, le développement d’une économie régionale consiste en une succession continue et harmonieuse d’activités, d’entreprises et de qualifications humaines. Pour que cette situation prévale, il est vital, écrivent-ils, que coexistent en permanence plusieurs générations d’activités et de technologies, plusieurs types concurrents d’usage des ressources naturelles, qu’à côté des activités en déclin ou en pleine maturité il y ait une pépinière suffisamment riche pour assurer demain les remplacement de la source des richesses actuelles. Et de conclure : la recherche d’une explication au caractère non-durable de l’expérience industrielle du Borinage passe donc par une compréhension de cette incapacité à attirer, retenir ou favoriser la croissance d’entreprises dynamiques, possédant les ressources nécessaires pour innover et s’adapter ainsi aux évolutions de la technique et de la demande ainsi qu’aux pressions de la concurrence [2]. Ce travail systématique reste à réaliser, tant pour le Borinage que pour le Cœur du Hainaut ou même pour l’ensemble de la Wallonie. Le réaliser permettrait sans nul doute de repartir aujourd’hui sur des bases plus tangibles…

 2.2. Des entreprises Seveso avant Seveso, comme éléments de prise de conscience

C’est sans nul doute que l’installation dans les années 1970 de nombreuses entreprises chimiques dont quelques-unes dites depuis 1982 “Seveso” – mais la catastrophe lombarde a eu lieu en 1976 –, corresponde à la prise de conscience écologique mondiale (Missions Apollo, rapports Meadows et Interfuturs, conférences des Nations Unies pour l’Environnement, etc.). Par effet retour, l’industrie chimique dans le Borinage et le Centre a contribué à l’engagement environnementaliste, au delà du simple effet NIMBY. Sous le titre la réindustrialisation et l’écologique, un collaborateur du Bureau d’Études économiques et sociales du Hainaut s’étonnait que, sous l’influence des mouvements écologiques, des populations se mobilisent contre les entreprises chimiques : nos populations, habituées aux nuisances engendrées par les charbonnages, les entreprises sidérurgiques, les cimenteries, etc. … les supportent ! Pourquoi cette intransigeance envers certaines entreprises ? s’interrogeaient-ils [3]. De nombreux comités de défense se sont en effet institués à Saint-Ghislain (notamment lors de l’implantation de Reilly Chemicals à Hautrage), Seneffe (émanations de la raffinerie Chevron à Feluy, etc.) ou ailleurs, pour refuser l’installation d’usines potentiellement dangereuses ou pour s’insurger contre des nuisances ou des dégagements nauséabonds. La création, fin 1973, d’une Commission provinciale de l’Environnement au sein du Bureau d’Etudes économiques et sociales en constitue une des étapes [4], de même que la création [5] du Service provincial de l’Environnement, avec son téléphone vert dédié, ainsi que, en 1978, l’inscription du Hainaut dans une politique globale de la collecte, du traitement et du recyclage des déchets [6] . En janvier 1990, la Commission provinciale organisait un colloque consacré à l’environnement, clef du futur, avec une table ronde conclusive composée des représentants des intercommunales de développement [7].

2.3. Une urbanisation sous pression industrielle

Le désordre de l’urbanisation, tant dans le Borinage que dans le Centre, deux espaces caractérisés par l’imbrication de l’industrie et de l’habitat, ont fait comprendre la nécessité d’un aménagement du territoire qui prenne en compte les écosystèmes. Dans les années 1970, le Borinage comportait pas loin de 100 terrils et sites charbonniers couvrant plus de 700 hectares tandis que le Centre comptait 56 terrils. L’ensemble avait été estimé en volume à l’équivallent de 1000 buttes de Waterloo… [8] Au point de vue de l’impact de ces reliquats de l’industrie, de leurs interactions avec l’habitat, de la question des reboisements, etc., l’influence des travaux du botaniste et écologue Paul Duvigneaud, professeur à la Faculté des Sciences ainsi qu’à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’ULB, fut considérable. Le concepteur du Programme biologique mondial permit de donner un cadre de référence à l’analyse des situations urbaines en Hainaut [9].

4.4. Des questions énergétiques centrales

Enfin, faut-il rappeler à quel point, depuis le XVIIIème siècle, les questions énergétiques sont profondément liées à ce territoire ? En 1980 déjà, Philippe Busquin rappelait l’importance d’une vision régionale des problèmes énergétiques [10]. L’appellation Cœur du Hainaut, centre d’énergies a voulu le mettre en exergue. Au delà du charbon traditionnel, de la géothermie [11], de l’énergie solaire [12], des éoliennes [13], de la valorisation de la houille [14], etc., qui le façonnent, cet espace se voudrait exemplaire comme territoire à faible émission de carbone où les questions de développement durable sont au centre des préoccupations. Contrairement à d’autres régions, et grâce en particulier à l’IDEA et aux entreprises locales, l’économie circulaire n’est pas ici juste un slogan mais une dynamique largement mise en œuvre comme à Tertre-Hautrage-Villerot. N’en doutons pas, demain, les écozonings seront aussi des réalités dans le Centre. Pour divers auteurs, écrivait Paul Duvigneaud en 1980, la nouvelle révolution industrielle de la fin du XXème siècle sera le recyclage généralisé des déchets [15]. Certes, on en est encore loin mais ceux qui ont le plus souffert des nuisances peuvent être ceux qui relèvent le plus efficacement les défis.

Né de la Révolution industrielle et des déséquilibres engendrés par les sociétés industrielles, le développement durable, comme recherche d’une harmonie systémique, s’applique bien entendu également aux nouveaux paradigmes industriels et cognitifs.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

 Lire la suite : Transitions et reconversions dans le Cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle (4)

[1] Paul-Marie BOULANGER, Chronique d’une mort économique annoncée : l’évolution des activités et des structures industrielles du Borinage, Bruxelles, Services scientifiques, techniques et culturels (SSTC) – Ottignies, ADRASS, 1999. – Paul-Marie BOULANGER et André LAMBERT, La dynamique d’un développement non-durable : le Borinage de 1750 à 1990, Bruxelles, SSTC, 2001.

[2] P.-M. BOULANGER et A. LAMBERT, La dynamique d’un développement non-durable…, p. 49-50.

[3] J-P BERTIAUX, Problèmes écologiques et développement industriel, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 15. (réindustrialisation, p. 10 et citation p. 11). – Voir aussi Didier VERHEVE, La pétroléochimie et l’environnement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 5-11.

[4] Ibidem, p. 15.

[5] Philippe BUSQUIN, La lutte contre la pollution en Hainaut : création d’un Service interdisciplinaire de l’Environnement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 30, 1978, p. 5-12.

[6] La Société de Développement régional pour la Wallonie (SDRW) avait, à ce moment, proposé un plan global de prise en charge des déchets pour la Wallonie suite à une étude réalisée à la demande du Comité ministériel des Affaires wallonnes. Jacques HOCHEPIED, De la notion de déchets à celle de gaspillage, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 6. – Philippe BUSQUIN, Des réalisations et carences actuelles, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 7. – Raoul PIERARD, Collecte, traitement et recyclage des déchets en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 8-17. – R. DEVROEDE, Un plan wallon de gestion des déchets, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 17. – Alfred CALIFICE, Les objectifs de la politique wallonne en matière de déchets solides, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 20-21. – J-M DUBOIS, Un exemple de réutilisation des déchets : le recyclage du verre dans l’industrie du verre creux, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 12-13. – P. MOISET, Les déchets comme source d’énergie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 22-26.

[7] L’environnement, clé du futur, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 84.

[8] Le boisement des terrils, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975/1, p. 44. A noter que ce numéro est tout entier consacré à l’environnement.

[9] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 4. – Voir Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2ème éd., 1980. – Ecologie urbaine, Charleroi 18 novembre 1980, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 10. – Paul DUVIGNEAUD e.a., Les composantes de l’écosystème Charleroi et les prospectives de développement socio-économique régional, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 38, 1981, p. 5-23. – Paul DUVIGNEAUD e.a., Les composantes de l’écosystème Charleroi et les prospectives de développement socio-économique régional, Mons, Bureau d’Études économiques et sociales du Hainaut, 1986, 60 p.

[10] Philippe BUSQUIN, La politique énergétique : une dimension régionale ?, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 5-7.

[11] André DELMIER, La géothermie en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 8-10. – D’importantes décisions du Conseil d’administration de l’IDEA en avril 1981, Géothermie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 37, 1981/1, p. 47. – A Saint-Ghislain, Utilisation de la géothermie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 47, 1987, p. 60.

[12] On songe au Centre de Recherche sur l’Énergie solaire (CRES) et aux travaux des professeurs Jacques Bougard et André Pilatte à la Faculté polytechnique dans les années 1980. Chr. BOUQUEGNEAU, La recherche à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 44.

[13] N’a-t-on pas oublié qu’en 1985 on fabriquait des mâts d’acier supports d’éoliennes de 9 tonnes et 22 mètres de longueur pour la Californie et pour Zeebruge à l’Industrielle Boraine à Quiévrain ? Industrielle boraine, Quiévrain, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 61.

[14] Gazéification, Thulin, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 9. – W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage..., p. 217.

[15] P. DUVIGNEAUD, La synthèse écologique…, p. 282.

Namur, le 19 janvier 2015

La journée d’étude qui s’est tenue au Palais des Congrès de Namur ce 19 janvier 2015 sur le thème ambitieux de “L’économie circulaire, le passage à l’acte” a bénéficié d’échanges initiaux qui en ont permis l’organisation partenariale avec Deloitte Belgique, Deloitte France, et Wallonie Développement, l’association des agences de développement territorial wallonnes, mais aussi les pouvoirs publics régionaux wallons. Je voudrais rappeler d’emblée ces préliminaires. D’abord, une rencontre avec Gilles Van Volsem, en charge des services de conseils en développement durable chez Deloitte en décembre 2013 au Palais des Académies dans le cadre de la conférence que le Club de Rome Bruxelles Europe et l’Institut Destrée organisaient à l’occasion de l’accueil de Jerome Glenn, directeur du Millennium Project. Il est intéressant de se souvenir que l’idée de cette collaboration a germé dans un cadre modelé par la prospective et le développement durable. C’est donc cette dynamique qui a permis, dès mai 2014 un contact avec Mathieu Hestin qui, à partir de Bio Intelligence Service, représente une réelle ressource, aujourd’hui interne, pour Deloitte France et dès lors aussi pour Deloitte Belgique.

L’idée de présenter en Wallonie le guide sur l’économie circulaire réalisé pour et par l’ADEME, l’Agence française de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie [1], est évidemment née de cette dynamique. Il s’agissait ensuite d’en tester l’idée, d’autant que le Gouvernement wallon tout comme les acteurs territoriaux n’étaient pas restés inactifs depuis 2010 dans ce domaine de l’économie circulaire, de l’écologie industrielle, de l’économie de la fonctionnalité, du recyclage, etc. Tant le volontarisme de la Déclaration de Politique régionale de l’été 2014 que les projets wallons récoltés en vue du programme FEDER le montraient. Nous avons dès lors multiplié les contacts directs avec les acteurs majeurs pour créer une vraie dynamique collective autour d’un renforcement de l’économie circulaire et, dans la ligne des travaux déjà menés au niveau régional par le SPW, la SRIW-NEXT et l’ASE, maintenant AEI, et au niveau territorial par les intercommunales de développement économique : BEP, IBW, IDEA, IDELUX, IEG, IGRETEC, SPI, réunies au sein de Wallonie Développement. Les rencontres successives avec Caroline Decamps, Maïté Dufrasne, Olivier Vanderijst, Jean-Claude Marcourt, Christel Evrard, ainsi que les contacts avec Véronique Cabiaux, Alain De Roover, Vincent Reuter et Didier Paquot (UWE), Thomas Jeukens et Laurent Weerts (Deloitte) permettaient de boucler un programme rassembleur. Qu’ils en soient toutes et tous remerciés. Il restait, enfin, last but not least, à l’équipe de l’Institut Destrée, en particulier Marie Dewez, Michaël Van Cutsem, Marie-Anne Delahaut et Jonathan Collin, de rendre concrètement possible cet événement.

Toutes ces initiatives préalables, ces efforts de connexion et de réflexion, en amont peuvent surprendre. Ils ne doivent pourtant pas nous étonner. Tous ceux qui travaillent sur la problématique de l’économie circulaire savent que la question est particulièrement difficile. Elle l’est parce qu’elle porte sur l’évolution des modes de production et de consommation, avec, on l’a rappelé, une volonté de répondre avec efficience aux enjeux et aux finalités du développement durable. Comme Laurent Weerts l’a noté d’emblée, l’économie circulaire, élabore des processus et des technologies tels qu’elle substitue à un modèle de croissance dit linéaire, trop consommateur de ressources (matières premières, énergie, eau, foncier) et trop producteur de déchets, un modèle de développement écosystémique, parcimonieux en prélèvements naturels, pauvre en résidus, mais à la performance équivalente voire accrue. Ce qui rend l’économie circulaire si difficile à mettre en œuvre, c’est qu’elle interroge nos comportements et nos pratiques et remet en cause des manières de faire décennales [2].

Penser l’économie circulaire, c’est penser transversalement, a dit avec raison le président du Comité exécutif du GRE et industriel reconnu Jacques Pélerin. Je vais me limiter à aborder quatre transversalités qui ont, parmi d’autres, traversé les préoccupations de cette journée du 19 janvier 2015.

Transversalité 1 : articuler les initiatives suivant le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité est celui qui vise à déterminer le niveau d’intervention de l’action publique à l’aune de l’efficacité la plus grande envers le bénéficiaire. Cela signifie que la gouvernance de l’économie circulaire sera multiniveaux et que l’impulsion, même si elle est régionale, devra s’inscrire dans des logiques plus larges, aux niveaux européen, transfrontalier et fédéral notamment, où de véritables marchés du recyclage se mettent en place, mais, aussi dans des logiques de proximité qui révèlent des écosystèmes. Les territoires de projets, les bassins de vie, les communes, les zones d’activités industrielles, constituent également des espaces qui rencontrent les niveaux de coopération, de synergies et de confidentialité nécessaires. Tous ces niveaux ont leur pertinence s’ils s’articulent et démontrent la pertinence et l’efficacité de l’échelle d’action qu’ils se sont choisie. C’est, je pense, le message, que Claude Rifaut, directeur de production d’ADVACHEM, a donné au travers du bel exemple de l’écozoning de Tertre – Ghlin – Baudour, dans sa collaboration avec l’agence de développement territorial IDEA.

Transversalité 2 : mobiliser l’ensemble des acteurs privés et publics autour de stratégies collectives pertinentes

Pour mobiliser les acteurs autour de stratégies collectives pertinentes, il faut d’abord, a rappelé Caroline Decamps, baliser le rôle de chacun, afin de faire converger les initiatives des acteurs privés et publics vers les objectifs communs que l’on s’est assignés collectivement. Cela implique évidemment de bien comprendre le fonctionnement du territoire et d’en valoriser les atouts pour permettre le bouclage des flux de matières et d’énergies du territoire. Il s’agit aussi, a-t-on souligné lors des tables rondes, d’intégrer les outils (AEI, Innovatech, Wallonie Design, l’Office wallon des Déchets, NEXT, etc.), dans des recherches de synergies tant aux niveaux régional que territorial. Changer les mentalités pour apprendre à mieux travailler ensemble et davantage échanger entre nous constituera une stratégie centrale et un objectif à atteindre par priorité. La confiance, cela a été répété, est essentielle aux processus coopératifs et collaboratifs.

Transversalité 3 : placer les entreprises et les citoyens au cœur des dispositifs

In fine, ce sont toujours les entreprises qui font l’économie circulaire, a insisté Didier Paquot, directeur du Département Économie et R&D de l’Union wallonne des Entreprises. Laurent Weerts, a quant à lui noté qu’il fallait d’abord faire preuve de bon sens pour aborder ce nouveau modèle économique. Au delà, les facteurs de réussite sont nombreux comme l’a souligné Caroline Decamps, et on ne peut pleinement les maîtriser, ce qui implique que le challenge est réel et que les risques d’échec sont nombreux. Ces difficultés potentielles nécessitent évidemment de muscler la stratégie et donc, en se référant classiquement à Michel Crozier et à Erhard Friedberg [3], à impliquer et à responsabiliser davantage les acteurs, y compris les citoyens qui sont aussi, en tant que consommateurs conscients des enjeux, des agents économiques essentiels.

Ainsi, comme l’a remarqué Jacques Pélerin, l’économie circulaire, c’est d’abord un mode de management qui peut ajouter de la compétitivité aux entreprises comme aux territoires.

Transversalité 4. Travailler par chaînes de valeur, par filières en même temps que par métabolismes

Françoise Bonnet, secrétaire générale d’ACR+, le relevait : l’économie circulaire, c’est d’abord une alliance entre industriels, entre entrepreneurs, mais aussi des synergies avec des acteurs publics. En travaillant par chaînes de valeurs, on identifie les acteurs pertinents et surtout on construit des stratégies qui collent à la réalité du terrain. Considérer les métabolismes économiques permet de tenir compte des interactions de l’économie avec son environnement et avec chacune des composantes du système [4]. De même, a dit Jacques Pélerin, la mise en œuvre de l’économie circulaire nous force à mieux tenir compte du client, en anticipant davantage ses attentes, ses besoins et ses contraintes. Les exemples concrets donnés par Frédéric Gauder, Production Manager chez ARMACELL, et par Philippe Dubois, CEO de DHK, étaient particulièrement intéressants à ce point de vue. Ces attentes du client montrent à quel point, comme l’a dit Mathieu Hestin, directeur de Bio by Deloitte, la formation et l’accompagnement des entreprises constituent des nécessités pour les préparer au nouveau modèle industriel que constitue l’économie circulaire. Les citoyens-consommateurs devront également être sensibilisés et formés dans un proche avenir a noté Catherine Plunus et l’on pourrait compter à l’avenir sur l’AEI pour assumer cette mission. Dans tous les cas, le processus de concrétisation devront passer par des exemples très éclairants de bonnes pratiques et des success stories, a insisté Didier Paquot qui considère qu’il s’agit d’un point de passage essentiel pour faire bouger les entreprises.

Conclusion : l’économie circulaire, davantage du sur-mesure que du prêt-à-porter

Comment atterrir concrètement ? Cette question est évidemment celle qui est la plus difficile et, au delà de la méthodologie présentée par Mathieu Hestin – et dont nous avons répété tout l’intérêt -, les mots de pragmatisme et de travail chemin faisant, expérimental, sont revenus plusieurs fois. L’économie circulaire, c’est davantage de la sur-mesure que du prêt-à-porter.

Ainsi, je ferai trois observations.

La première, c’est qu’il faut placer l’économie circulaire là où elle doit être. On ne rendra pas service à l’idée en laissant penser que l’on créera “naturellement” une multitude d’emplois ou qu’on rendra “automatiquement” ses lettres de noblesse à la croissance grâce à l’économie circulaire. Par contre, on peut faire de cet outil un facteur de mobilisation complémentaire au travers d’une stratégie régionale d’économie circulaire qui activera les compétences régionales et les mobilisera aux niveaux territorial local et entrepreneurial. Il faudra beaucoup, beaucoup d’efforts pour aller au delà en termes de croissance tout en quittant les chemins anciens de la dépendance historique [5].

La deuxième observation, au delà du grand intérêt et des qualités certaines du guide de l’ADEME, que Christel Evrard a soulignés, c’est que j’y vois quand même une faiblesse au niveau du processus qui a été présenté. Cette lacune, nous l’avons observée avec l’équipe technique d’IDEA en esquissant, sur base de ce document, une stratégie d’économie circulaire pour le Cœur du Hainaut [6]. Il s’agit du manque flagrant d’une étape de visionning, comme souvent dans les travaux stratégiques et prospectifs français. Même si le guide évoque la vision des acteurs [7], il ne précise pas suffisamment l’importance et la nécessité d’une étape qui fixe l’horizon des attentes et les finalités de la stratégie et des actions, ce bien commun, ce bien de la collectivité, dont parlait Claude Rifaut.

Ma troisième et dernière observation, c’est de relever, avec Mathieu Hestin mais aussi avec le Ministre Jean-Claude Marcourt, que l’économie circulaire, l’innovation et la créativité font partie du même ensemble : celui de la renaissance industrielle au sens large, de ce que j’ai appelé ailleurs “le Nouveau Paradigme industriel”, qui allie, comme on le fait en prospective, approche globalisante, écosystémique – comme l’a proposé, voici plus de cinquante ans déjà, le Professeur Paul Duvigneaud [8] – vision de long terme ainsi qu’action volontariste et concrète. Il s’agit dès lors d’activer un changement systémique total et de générer de l’innovation, technologique bien entendu, mais aussi dans des processus organisationnels et sociétaux. Les technologies numériques y ont aussi leur place tant pour la détection, que pour le pilotage ou le suivi des flux et des ressources [9].

La mise en place de l’économie circulaire demandera, n’en doutons pas, des efforts incommensurables, une mobilisation longue et de chaque instant, le renforcement de tous nos dispositifs d’action, une nouvelle gouvernance qui soit tout le contraire de molle, c’est-à-dire, comme l’a affirmé Caroline Decamps, un cadre public très décidé, très volontariste, très contraignant. C’est ce volontarisme que, au nom de la SRIW, Olivier Vanderijst, allait exprimer dans ses conclusions.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

Sur le même sujet :

Ph. DESTATTE, L’économie circulaire, Produire plus avec moins, Blog PhD2050, Namur, 1er juin 2014.

Ph. DESTATTE, Les entreprises et les territoires, berceaux de l’économie circulaire, Blog PhD2050, Namur, 25 juillet 2014.

Ph. DESTATTE, Cinq défis de long terme pour rencontrer le Nouveau Paradigme industriel, Blog PhD2050, 31 décembre 2014.

[1] Guide méthodologique du développement des stratégies régionales d’économie circulaire en France, p. 16, Paris-Angers, ADEME, Novembre 2014.

[2] Philippe DESTATTE, L’économie circulaire, Produire plus avec moins, Blog PhD2050, Namur, 1er juin 2014, http://phd2050.org/2014/06/01/ec1/Les entreprises et les territoires, berceaux de l’économie circulaire, Blog PhD2050, Namur, 25 juillet 2014, http://phd2050.org/2014/07/25/ec2/

[3] Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système, Les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 1977.

[4] Voir Nicolas BUCLET, Ecologie industrielle et territoriale Stratégies locales pour un développement durable, p. 160-161, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011.

[5] path-dependence, voir Philippe AGHION, Gilbert CETTE & Elie COHEN, Changer de modèle, p. 198-200, Paris, Odile Jacob, 2014.

[6] Les auteurs du Guide méthodologique de l’ADEME observent qu’il existe au sein des institutions territoriales des démarches et stratégies qui peuvent être mobilisées et venir en soutien du développement d’une économie circulaire : plans énergie / environnement, développement économique, aménagement du territoire, développement durable, déchets, et qui peuvent être coordonnés. Jalons pour une Stratégie d’économie circulaire du Cœur du Hainaut, Mons, IDEA – Institut Destrée, 12 janvier 2015, 6 p.

[7] en page 36.

[8] Voir Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2e éd., 1980. (La première édition intitulée Ecosystèmes et biosphère avait été publiée en 1962 par le Ministère de l’Éducation nationale et de la Culture de Belgique.) – Gilles BILLEN e.a., L’Ecosystème Belgique, Essai d’écologie industrielle, Bruxelles, CRISP, 1983.

[9] Voir Pascal HARDY, L’économie circulaire contre la raréfaction des ressources, dans Pierre VELTZ et Thierry WEIL, L’industrie, notre avenir, p. 102-103, Paris, Eyrolles – La Fabrique de l’Industrie, 2015. Pascal Hardy conclut son papier par ces mots éclairants : les enjeux de l’économie circulaire vont au delà des aspects environnementaux, car les innovations qui sont au cœur de l’augmentation de l’efficacité des ressources et de leur diversification rejoignent celles des nouveaux modèles industriels qui se dessinent, plus proches des lieux de consommation, intégrant les écosystèmes industriels environnants, et portés par les technologies numériques (p. 104).

Namur, August 26, 2014

It is Professor Paul Duvigneaud, whom I met on the occasion of a private viewing of paintings in a Brussels art gallery, to whom I am indebted, at the rather belated age of thirty, for a lesson on ecosystems, industrial ecology and the principles of what nowadays is referred to as the “circular economy”. Using as a basis the example of the old Solvay sedimentation tanks near Charleroi, a case I had submitted to him with the aim of provoking him on the subject of the preservation of natural resources [1], and the manufacturing process for soda, the author of La synthèse écologique (Ecological Synthesis) [2], suddenly made these ideas make sense in my mind. At the same time, in a clear explanation typical of a skilled teacher, he linked them up with my rudimentary knowledge of the concepts of biosphere and complex system that I had found out about some ten years earlier in the Telhardian thinking [3]. In this way, reflecting in terms of flows and stocks, Duvigneaud was already supplementing the cycle of carbon and oxygen, at the level of an industrial and urban area, with that of phosphorus and heavy metals. For their part, some years later (albeit still only in 1983), Gilles Billen, Francine Toussaint and a handful of other researchers from different disciplines showed how material moved around in the Belgian economy. By also taking energy flows and data exchanges into account, they, too, provided an additional new way of looking at industrial ecology and came up with specific avenues of research for modifications to be made to the system, such as short and long recycling [4].

Today, after a few rotations of the world as well as a few more decades of our biosphere and our local environment deteriorating, the circular economy is coming back in force.

1. What is the circular economy?

A circular economy is understood as being an economy that helps achieve the aims of sustainable development by devising processes and technologies such as to replace a so-called linear growth model – involving excessive consumption of resources (raw materials, energy, water, real estate) and excessive waste production – with a model of ecosystemic development that is parsimonious in its extraction of natural resources and is characterised by low levels of waste, but which results in equivalent or even increased performance [5].

The Foundation set up in 2010 by the British navigator Ellen MacArthur, an international reference in the field of the circular economy, clarifies that the circular economy is a generic term for an economy that is regenerative by design. Materials flows are of two types, biological materials, designed to reenter the biosphere, and technical materials, designed to circulate with minimal loss of quality, in turn entraining the shift towards an economy ultimately powered by renewable energy [6]. This is a system, as the founder and navigator indicated, in which things are made to be redone.[7].

Even though the concept of circular economy may seem very recent, we have seen that it is actually in consonance with an older tradition dating back to the 1970s with the development of systems analysis and awareness of the existence of the biosphere and ecosystems and what is known as the industrial metabolism. In a work published at the Charles Léopold Mayer Foundation, Suren Erkman defined this industrial metabolism as the study of all the biophysical component parts of the industrial system. For the director of the ICAST in Geneva, the aim of this essentially analytical and descriptive approach is to understand the dynamics of flows and stocks of materials and energy associated with human activities, from extraction and production of the resources through to their inevitable return, sooner or later, in biochemical processes [8]. In a brief historical overview and inventory of schools of thought linked to the model of the circular economy [9], the MacArthur Foundation also recalls other sources such as the Regenerating Design of architect John Tillman Lyle (1934-1998), professor at the California State Polytechnic University of Pomona [10], the works of his fellow designer William McDonough with the German chemist Michael Braungart on eco-efficiency and the so-called Cradle to cradle (C2C) certification process [11], those of the Swiss economist and member of the Club of Rome Walter R. Stahel, author of research on the dematerialisation of the economy [12], those of Roland Clift, professor of Environmental Technology at the University of Surrey (UK) and president of the International Society for Industrial Ecology [13], the works of the American consultant Janine M. Benyus, professor at the University of Montana, known for her research on bio-mimicry [14], and the written works of the businessman of Belgian origin Günter Pauli, former assistant to the founder of Club of Rome Aurelio Peccei and himself author of the report The Blue Economy [15]. Many other figures could be cited, who may perhaps be less well-known in the Anglo-Saxon world but are by no means any less pioneering in the field. I am thinking here of Professor Paul Duvigneaud, to whom I have already referred.

2. The practices underpinning the circular economy

As noted in the study drafted by Richard Rouquet and Doris Nicklaus for the Sustainable Development Commission (CGCD) and published in January 2014, the objective of moving over to the circular economy is gradually to replace the use of virgin raw materials with the constant re-use of materials already in circulation [16]. These two researchers analysed the legislation and regulations governing implementation of the circular economy in Japan, Germany, the Netherlands and China, and demonstrate that, beyond the famous “three Rs” (reduction, re-use and recycling), this concept in fact leads to approaches and priorities that can sometimes differ considerably, in terms of nature and intensity, from one country to another. It could be added that within one and the same country or region, the way in which the circular economy is understood and interpreted varies very appreciably, meaning it can encompass a smaller or larger range of activities and processes.

Nonetheless, we can go along with the Agency for the Environment and the Harnessing of Energy (ADEME) when it includes seven practices in the circular economy [17].

Economie-circulaire_Dia-EN_2014-08-26

2.1. Ecodesign

Ecodesign is a strategic design management process that takes account of environmental impacts throughout the life cycle of packaging, products, processes, services, organisations and systems. It makes it possible to distinguish what falls under waste and what falls under value [18]. The good or service that has thus been eco-designed aims to fulfil a function and meet a need with the best possible eco-efficiency, i.e. by making efficient use of resources and reducing environmental and health impacts to a minimum [19].

2.2. Industrial ecology

Broadly speaking, industrial ecology can be defined as an endeavour to determine the transformations liable to make the industrial system compatible with a “normal” functioning of the biological ecosystems [20]. Pragmatically and operatively speaking, the ADEME defines it as a means of industrial organisation that responds to a collective logic of mutualisation, synergies and exchanges, is set in place by several economic operators at the level of an area or a region, and is characterised by optimised management of resources (raw materials, waste, energy and services) and a reduction of the circuits [21]. Industrial ecology is based first and foremost on the industrial metabolism, i.e. the analysis of the materials flows and energy flows associated with any activity.

2.3. The economy of functionality

As ATEMIS points out, the Economy of Functionality model meets the demand for new forms of productivity based on efficiency of use and regional efficiency of products. It consists in producing an integrated solution for goods and services, based on the sale of an efficiency of use and/or a regional efficiency, making it possible to take account of external social and environmental factors and to enhance the value of intangible investments in an economy henceforth driven by the service sector [22]. The economy of functionality therefore favours use over possession and, as the ADEME says, tends to sell services connected with the products rather than the products themselves.

2.4. Re-use

Re-use is the operation by which a product is given or sold by its initial owner to a third party who, in principle, will give it a second life[23]. Re-use makes it possible to extend the product’s life when it no longer meets the first consumer’s requirements, by putting it back into circulation in the economy, for example in the form of a second-hand product. Exchange and barter activities are part and parcel of this process. Re-use is not a method for waste processing or conversion, but one of the ways of preventing waste.

2.5. Repair

 This involves making damaged products or products that are no longer working fit for use again or putting them back into working order, in order to give them a second life. In fact, these processes run counter to the logic of disposable items or planned obsolescence.

2.6. Reutilisation

Reutilisation implies waste being dealt with in such way as to have all of it or separate parts of it brought into a different circuit or economic sector or business, with a qualitative choice and the aim for sustainability [24]. The development of the resource centres in the framework of the social and solidarity-based economy plays a part in this.

2.7. Recycling

As highlighted by the ADEME, recycling consists in a reutilisation of raw materials stemming from waste, in a closed loop for similar products, or in an open loop for use in other types of goods [25].

 

3. Policies that go from the global to the local but become increasingly concrete as and when they get closer to companies

The inclusion of the circular economy as one of the aims of sustainable development meets a special requirement. Indeed, the Brundtland Report, Our Common Future (1987), had drawn attention, in its Chapter 8, Industry: Producing more with less, to the fact that if industry takes materials out of the patrimony of natural resources and at the same time introduces products and pollution into the human being’s environment. In general, industries and industrial operations should be encouraged that are more efficient in terms of resource use, that generate less pollution and waste, that are based on the use of renewable rather than non renewable resources, and that minimize irreversible adverse impacts on human health and the environment. (…) To sustain production momentum on a global level, therefore, policies that inject resource efficiency considerations into economic, trade, and other related policy domains are urgently needed, particularly in industrial countries, along with strict observance of environmental norms, regulations, and standards. The Report recommends that the authorities and the industries include resource and environmental considerations must be integrated into the industrial planning and decision-making processes of government and industry. This will allow, writes the Norwegian Prime Minister, a steady reduction in the energy and resource content of future growth by increasing the efficiency of resource use, reducing waste, and encouraging resource recovery and recycling [26].

A major tool serving sustainable development, the industrial ecology model is also, as Christian du Tertre points out, the model of the circular economy, which innovates in the field of regional governance: it is not only an entrepreneurial model, but is also interested in transforming relations between players in a particular region. Its circular nature implies the mutualisation among different players of certain investors and resources, both tangible and intangible. For the economics professor at the Université Paris-Diderot, inter-industrial relations are no longer solely a matter of a traditional trade relationship, but concern a long-term partnership that can lead to the establishment of a collective intangible patrimony: sharing of skills, of research centres, of intangible investments, etc. [27]

The circular economy thus appears to be a major line of development with a global-to-local structure and underpinning systemic and cross-disciplinary policies pursued at European, national/federal, regional and divisional level. These policies are intended to fit together and link up with each other, becoming more and more concrete as and when they get closer to the officers in the field, and therefore companies.

This is what I will be expounding in a subsequent paper.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] Paul DUVIGNEAUD et Martin TANGUE, Des ressources naturelles à préserver, dans Hervé HASQUIN dir., La Wallonie, le pays et les Hommes, Histoire, Economies, Sociétés, vol. 2, p. 471-495, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980.

[2] Voir Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2e éd., 1980. (La première édition intitulée Ecosystèmes et biosphère has been published in 1962 by the Belgian Ministery of Education and Culture.) – Gilles BILLEN e.a., L’Ecosystème Belgique, Essai d’écologie industrielle, Bruxelles, CRISP, 1983.

[3] Pierre TEILHARD de CHARDIN, L’homme et l’univers, p. 57-58, Paris, Seuil, 1956.

[4] Gilles BILLEN e.a., L’Ecosystème Belgique…1983.

[5] Jean-Claude LEVY & Xiaohong FAN, L’économie circulaire : l’urgence écologique, Monde en transe, Chine en transit, Paris, Presses des Ponts et Chaussées, 2009. – Bibliographie du CRDD, Economie circulaire et déchets, Août 2013.

Cliquer pour accéder à Biblio_CRDD_Economie_circulaire-2.pdf

[6]http://www.ellenmacarthurfoundation.org/Towards the Circular Economy, Economic and business rationale for an accelerated transition, Ellen MacArthur Foundation, Rethink the Futur, t. 1, 2013.

[7] Ellen MACARTHUR, Rethink the Future, L’Economie circulaire, Ellen MacArthur Foundation – YouTube, 4 octobre 2010.

[8] Suren ERKMAN, Vers une écologie industrielle, Comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle ?, p. 12-13, Paris, Fondation Charles Léopold Mayer, 2e éd., 2004 (1998). – S. ERKMAN & Ramesh RAMASWAMY, Applied Industrial Ecology, A New Platform for Planning Sustainable Societies, Bangalore, Aicra Publishers, 2003.

[9] The Circular Model, Brief History and Schools of Thought, Ellen MacArthur Foundation, Rethink the Futur, 4 p., s.d. http://www.ellenmacarthurfoundation.org/

[10] John T. LYLE, Regenerative Design for Sustainable Development, New York, John Wilmey & Sons, 1994.

http://www.csupomona.edu/~crs/

[11] William Mc DONOUGH & Michael BRAUNGART, The Next Industrial Revolution, in The Atlantic, October 1, 1998. http://www.theatlantic.com/magazine/archive/1998/10/the-next-industrial-revolution/304695/ – W. McDONOUGH & M. BRAUNGART, Cradle to Cradle, Créer et recycler à l’infini, Paris, Editions alternatives, 4e éd., 2011.

[12] Walter R. STAHEL, The Performance Economy, London, Palgrave MacMillan, 2006.

[13] Roland CLIFT, Beyond the “Circular Economy”, Stocks, Flows and Quality of Life, The Annual Roland Clift Lecture on Industrial Ecology, November 6, 2013.

[14] Janine M. BENUYS, Biomimicry, Innovation inspired by Nature, New York, William Morrow, 1997. – Biomimétisme, Quand la nature inspire les innovations durables, Paris, Rue de l’Echiquier, 2011.

[15] Gunter PAULI, The Blue Economy, 10 Years, 100 Innovations, 100 Million Jobs, Taos N.M., Paradigm, 2010.

[16] Richard ROUQUET et Doris NICKLAUS, Comparaison internationale des politiques publiques en matière d’économie circulaire, coll. Etudes et documents, n° 101, Commissariat général au Développement durable, Janvier 2014.

[17] Osons l’économie circulaire, dans C’est le moment d’agir, n° 59, ADEME, Octobre 2012, p. 7. – Smaïl AÏT-EL-HADJ et Vincent BOLY, Eco conception, conception et innovation, Les nouveaux défis de l’entreprise, Paris, L’Harmattan, 2013.

[18] Sharon PRENDEVILLE, Chris SANDERS, Jude SHERRY, Filipa COSTA, Circular Economy, Is it enough?, p. 2, Ecodesign Centre Wales, March 11, 2014. http://edcw.org//sites/default/files/resources/Circular%20Ecomomy-%20Is%20it%20enough.pdf

[19] Economie circulaire : bénéfices socio-économiques de l’éco-conception et de l’écologie industrielle, dans ADEME et vous, Stratégie et études, n° 33, 10 octobre 2012, p. 2.

[20] Suren ERKMAN, Vers une écologie industrielle…, p. 13.

[21] Osons l’économie circulaire…, p. 7. – Thomas E. GRAEDEL et Braden R. ALLENBY, Industrial Ecology, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1995.

[22] Atemis, Analyse du Travail et des Mutations de l’Industrie et des Services, 28 janvier 2014. – voir Christian du TERTRE, Economie de la fonctionnalité, développement durable et innovations institutionnelles, dans Edith HEURGON dir., Economie des services pour un développement durable, p. 142-255, Paris, L’Harmattan, 2007.

[23] Réemploi, réparation et réutilisation, Données 2012, Synthèse, p. 6, Angers, ADEME, 2013.

[24] The conservation of resources through more effective manufacturing processes, the reuse of materials as found in natural systems, a change in values from quantity to quality, and investing in natural capital, or restoring and sustaining natural resources. Paul HAWKEN, Amory LOVINS & L. Hunter LOVINS, Natural Capitalism, Creating the Next Industrial Revolution, Little, Brown & Cie, 1999.

[25] Ibidem.

[26] Gro Harlem BRUNDTLAND, Our Common Future, United Nations, 1987.

http://www.un-documents.net/ocf-08.htm

[27] Christian du TERTRE, L’économie de la fonctionnalité, pour un développement plus durable, Intervention aux journées de l’économie Produire autrement pour vivre mieux, p. 3, Paris, 8 novembre 2012. http///www.touteconomie.org/jeco/181_537.pdf

Namur, le 1er juin 2014

C’est au professeur Paul Duvigneaud, rencontré au gré d’un vernissage dans une galerie de peinture bruxelloise, que je dois, à l’âge tardif de trente ans, une leçon sur les écosystèmes, l’écologie industrielle ainsi que sur les principes de ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie circulaire. Partant de l’exemple des anciens bassins de décantation Solvay près de Charleroi, cas que je lui avais soumis pour le provoquer sur la préservation des ressources naturelles [1], et du procédé de fabrication de la soude, l’auteur de La synthèse écologique [2], donnait soudainement chez moi du sens à ces idées. Du même coup, il les rattachait avec pédagogie à mes rudiments de connaissances des concepts de biosphère et de système complexe que j’avais découverts, une dizaine d’années auparavant, dans la pensée teihardienne [3]. Ainsi, réfléchissant en termes de flux et de stocks, Duvigneaud ajoutait déjà au cycle du carbone et de l’oxygène, à l’échelle d’un bassin industriel et urbain, celui du phosphore et des métaux lourds. De leur côté, quelques années plus tard – mais on n’était encore qu’en 1983 –, Gilles Billen, Francine Toussaint et une brochette d’autres chercheurs de disciplines différentes, montraient comment la matière circulait dans l’économie belge. Prenant eux aussi en compte les flux d’énergie et les échanges d’informations, ils apportaient un regard neuf complémentaire à l’écologie industrielle et des pistes concrètes de modifications du système, comme les recyclages court et long [4].

Aujourd’hui, après quelques tours du monde, ainsi que quelques nouvelles décennies de dégradation de notre biosphère et de notre environnement de proximité, l’économie circulaire revient en force.

1. Qu’est-ce que l’économie circulaire ?

On entend par économie circulaire, une économie qui contribue aux finalités du développement durable en élaborant des processus et des technologies tels qu’elle substitue à un modèle de croissance dit linéaire, trop consommateur de ressources (matières premières, énergie, eau, foncier) et trop producteur de déchets, un modèle de développement écosystémique, parcimonieux en prélèvements naturels, pauvre en résidus, mais à la performance équivalente voire accrue [5].

La Fondation créée en 2010 par la navigatrice britannique Ellen MacArthur, référence internationale en matière d’économie circulaire, précise que l‘économie circulaire est un terme générique pour une économie qui est réparatrice par nature. Les flux de matières sont de deux types, des matières biologiques, qui ont vocation à retourner à la biosphère, et des matières techniques, qui ont vocation à circuler avec une perte de qualité aussi faible que possible, tour à tour entraînant le changement vers une économie alimentée finalement par de l’énergie renouvelable [6]. C’est, ainsi que l’indiquait la fondatrice et navigatrice, un système où les choses sont faites pour être refaites [7].

Même si le concept d’économie circulaire apparaît très récent, il s’inscrit, nous l’avons vu, dans une tradition plus ancienne qui remonte aux années 1970 avec le développement de l’analyse des systèmes, la prise de conscience de l’existence de la biosphère et des écosystèmes ainsi que ce qu’on appelle le métabolisme industriel. Dans un ouvrage publié à la Fondation Charles Léopold Mayer, Suren Erkman définissait ce métabolisme industriel comme l’étude de l’ensemble des composants biophysiques du système industriel. Pour la directrice de l’ICAST à Genève, cette démarche, essentiellement analytique et descriptive, vise à comprendre la dynamique des flux et des stocks de matière et d’énergie liés aux activités humaines, depuis l’extraction et la production des ressources jusqu’à leur retour inévitable, tôt ou tard, dans les processus biogéchimiques [8]. Dans un bref historique et une recension des écoles de pensées liées au modèle de l’économie circulaire [9], la Fondation MacArthur évoque également d’autres sources comme le Regenerating Design de l’architecte John Tillman Lyle (1934-1998), professeur à la California State Polytechnic University de Pomona [10], les travaux de son collègue designer William McDonough avec le chimiste allemand Michael Braungart sur l’éco-efficacité et le processus de certification dit Cradle to cradle (C2C)[11], ceux de l’économiste suisse et membre du Club de Rome Walter R. Stahel, auteur de recherches sur la dématérialisation de l’économie [12], ceux de Roland Clift, professeur de Technologie environnementale à l’Université du Surrey (UK) et président de l’International Society for Industrial Ecology [13], les travaux de la consultante américaine Janine M. Benyus, professeur à l’Université du Montana, connue pour ses recherches sur le biomimétisme [14], ainsi que les écrits de l’homme d’affaires d’origine belge Günter Pauli, ancien assistant du fondateur du Club de Rome Aurelio Peccei et lui-même auteur du rapport L’économie bleue [15]. De nombreuses autres personnalités pourraient être citées, peut-être moins connues dans le monde anglo-saxon, mais certainement aussi précurseures. Je pense au professeur Paul Duvigneaud, déjà évoqué…

2. Les pratiques qui fondent l’économie circulaire

Comme le note l’étude rédigée par Richard Rouquet et Doris Nicklaus pour le Commissariat général au Développement durable (CGCD) et publiée en janvier 2014, l’objectif du passage à l’économie circulaire est de substituer progressivement l’utilisation des matières premières vierges par la réutilisation, en boucle, des matières déjà en circulation [16]. Ces deux chercheurs ont analysé les dispositifs législatifs et réglementaires de mise en œuvre de l’économie circulaire au Japon, en Allemagne, aux Pays-Bas ainsi qu’en Chine, et montrent que, au delà des fameux “trois r” (réduction, réutilisation, recyclage [17]), ce concept donne en fait lieu à des approches et à des priorités qui sont parfois très différentes en nature comme en intensité selon les pays. On pourrait ajouter qu’au sein même des pays et des régions, le sens que l’on attribue à l’économie circulaire est très varié et dès lors porte sur des activités et des processus plus ou moins étendus.

Néanmoins, on peut suivre l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) lorsque celle-ci intègre sept pratiques à l’économie circulaire [18].

Economie-circulaire_2014-06-01

2.1. L’éco-conception

L’éco-conception est un processus de gestion stratégique de la conception qui tient compte des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie des emballages, des produits, des procédés, des services, des organisations et des systèmes. Il permet de distinguer ce qui relève des déchets et ce qui relève de la valeur [19]. Le bien ou le service ainsi écoconçu vise à remplir une fonction et à satisfaire un besoin avec la meilleure éco-efficience possible, c’est-à-dire en utilisant les ressources de façon efficace et en minimisant les impacts environnementaux et sanitaires [20].

2.2. L’écologie industrielle

De manière globale, on peut définir l’écologie industrielle comme un effort pour déterminer les transformations susceptibles de rendre le système industriel compatible avec un fonctionnement “normal” des écosystèmes biologiques [21]. De manière pragmatique et opératoire, l’ADEME la définit comme un mode d’organisation industrielle répondant à une logique collective de mutualisation, de synergies et d’échanges, mise en place par plusieurs opérateurs économiques à l’échelle d’une zone ou d’un territoire, et caractérisée par une gestion optimisée des ressources (matières premières, déchets, énergies et services) et une réduction des circuits [22]. L’écologie industrielle s’appuie en premier lieu sur le métabolisme industriel, c’est-à-dire l’analyse des flux de matières et d’énergie liés à toute activité.

2.3. L’économie de la fonctionnalité

Comme l’indique ATEMIS, le modèle de l’Economie de la Fonctionnalité répond à l’exigence de nouvelles formes de productivité fondées sur une performance d’usage et territoriale des productions. Il consiste à produire une solution intégrée de biens et de services, basée sur la vente d’une performance d’usage et/ou d’une performance territoriale, permettant de prendre en compte les externalités sociales et environnementales et de valoriser les investissements immatériels dans une économie désormais tirée par les services [23]. L’économie de la fonctionnalité privilégie donc l’usage sur la possession et, comme l’indique l’ADEME, tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes.

2.4. Le réemploi

Le réemploi est l’opération par laquelle un produit est donné ou vendu par son propriétaire initial à un tiers qui, a priori, lui donnera une seconde vie [24]. Le réemploi permet de prolonger la vie du produit lorsqu’il ne répond plus au besoin du premier consommateur en le remettant dans le circuit économique, par exemple sous la forme de produit de deuxième main. Les activités de troc s’inscrivent dans cette logique. Le réemploi n’est pas un mode de traitement, de transformation des déchets, mais une composante de leur prévention.

2.5. La réparation

Il s’agit de remettre en état d’usage ou en fonctionnement des produits abîmés ou en panne afin de leur donner une deuxième vie. Ces processus s’inscrivent en faux contre la logique des objets jetables ou de l’obsolescence programmée.

2.6. La réutilisation

La réutilisation est une intervention sur les déchets pour les introduire, entiers ou en pièces détachées, dans un autre circuit ou une autre filière économique, avec un choix qualitatif et une volonté de durabilité [25]. Le développement des ressourceries dans le cadre de l’économie sociale et solidaire y participe.

2.7. Le recyclage

Ainsi que le relève l’ADEME, le recyclage consiste en une réutilisation des matières premières issues des déchets, en boucle fermée pour les produits similaires, ou en boucle ouverte pour l’utilisation dans d’autres types de biens [26].

3. Des politiques qui vont du global au local mais deviennent de plus en plus concrètes au fur et à mesure qu’elles se rapprochent des entreprises

L’inscription de l’économie circulaire dans les finalités du développement durable répond à une demande spécifique. En effet, le Rapport Brundtland, Notre avenir à tous (1987) avait attiré l’attention, dans son chapitre 8, Produire plus avec moins, sur le fait que si l’industrie prélève des matériaux dans le patrimoine des ressources naturelles et introduit à la fois des produits et de la pollution dans l’environnement de l’être humain, il convient d’encourager celles des industries et activités industrielles qui sont les plus efficaces du point de vue de l’utilisation des ressources, qui engendrent le moins de pollution et de déchets, qui font appel à des ressources renouvelables plutôt qu’à celles qui ne le sont pas et qui réduisent au minimum les impacts négatifs irréversibles sur la santé des populations et sur l’environnement. Le Rapport préconise que les pouvoirs publics ainsi que les industries intègrent des considérations relatives aux ressources et à l’environnement dans leurs processus de planification industrielle et de prise de décisions. Cette intégration, écrit la Première ministre norvégienne, permettra de réduire graduellement la quantité d’énergie et de ressources nécessaires à la croissance future, en augmentant l’efficacité de l’utilisation des ressources, en diminuant la quantité de déchets et en favorisant la récupération et le recyclage des ressources [27].

Outil majeur au service du développement durable, le modèle de l’écologie industrielle est aussi, comme l’indique Christian du Tertre, celui de l’économie circulaire, qui innove sur le plan de la gouvernance territoriale : ce n’est pas seulement un modèle entrepreneurial, il s’intéresse aussi à la transformation des relations entre acteurs sur un territoire particulier. Son caractère circulaire implique la mutualisation entre différents acteurs de certains investisseurs et ressources, matériels comme immatériels. Pour le professeur d’économie à l’Université Paris-Diderot, les relations interindustrielles ne relèvent plus seulement d’une relation marchande classique, mais d’un partenariat de long terme pouvant conduire à la constitution d’un patrimoine immatériel collectif : partage de compétences, de centres de recherche, d’investissements immatériels[28]

Ainsi, l’économie circulaire apparaît-elle comme un axe de développement majeur qui s’articule du global au local et fonde des politiques, systémiques et transversales, qui se mènent tant aux niveaux européen, national/fédéral, régional et territorial. Ces politiques ont vocation à s’emboîter, s’articuler, en devenant de plus en plus concrètes au fur et à mesure qu’elles se rapprochent des agents de terrain, et donc des entreprises.

C’est ce que je montrerai dans un prochain papier.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

Autres ressources :

Ph. DESTATTE, Les entreprises et les territoires, berceaux de l’économie circulaire, Blog PhD2050, Namur, 25 juillet 2014.

Ph. DESTATTE, Quatre principes d’action pour concrétiser l’économie circulaire, Blog PhD2050, 22 janvier 2015.

[1] Paul DUVIGNEAUD et Martin TANGUE, Des ressources naturelles à préserver, dans Hervé HASQUIN dir., La Wallonie, le pays et les Hommes, Histoire, Economies, Sociétés, vol. 2, p. 471-495, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980.

[2] Voir Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2e éd., 1980. (La première édition intitulée Ecosystèmes et biosphère avait été publiée en 1962 par le Ministère de l’Education nationale et de la Culture de Belgique.) – Gilles BILLEN e.a., L’Ecosystème Belgique, Essai d’écologie industrielle, Bruxelles, CRISP, 1983.

[3] Par biosphère il faut entendre ici, non pas, comme le font à tort quelques-uns, la zone périphérique du globe où se trouve confinée la Vie, mais bien la pellicule de substance organique dont nous apparaît aujourd’hui enveloppée la Terre : couche vraiment structurelle de la planète, malgré sa minceur !… Ce qui est plus sûr, c’est que, dès les premiers débuts, l’écume protoplasmatique apparue à le surface du globe a dû manifester, en plus de sa « planétarité » l’autre caractère destiné à croître régulièrement en elle au cours des âges : je veux dire l’extrême inter-liaison des éléments formant sa masse encore informe et flottante. Car la complexité ne saurait se développer à l’intérieur de chaque corpuscule sans entraîner, corrélativement et de proche en proche un enchevêtrement de relations, un équilibre délicat et perpétuellement mobile, entre corpuscules voisins. De cette inter-complexité collective, extension naturelle et surcroît de l’intra-complexité propre à chaque particule, nous aurons à considérer plus loin, chez l’Homme, sous forme de « socialisation convergente », une expression singulière, terminale et unique…  Pierre TEILHARD de CHARDIN, L’homme et l’univers, p.57-58, Paris, Seuil, 1956.

[4] Gilles BILLEN e.a., L’Ecosystème Belgique…1983.

[5] La littérature fait souvent référence à la définition de Xiaohong FAN, tirée de sa thèse de doctorat à l’Université de Troyes, L’économie circulaire en Chine, 2008, p. 4 : l’économie circulaire est un système économique qui est apte à réintroduire dans le cycle de la production et de la consommation tous les déchets, sous-produits ou objets usés, qui redeviennent alors soit matières nouvelles, soit objets réutilisables sous forme ancienne réhabilitée, ou encore qui sont réinventés sous une nouvelle forme. Voir notamment Frédéric BOUCHARD, sur secondcycle.net, 2013. Jean-Claude LEVY, avec le concours de Xiaohong FAN, L’économie circulaire : l’urgence écologique, Monde en transe, Chine en transit, Paris, Presses des Ponts et Chaussées, 2009.

– Voir aussi la définition du Conseil économique, social et environnemental : le concept d’économie circulaire consiste à rechercher au maximum la réutilisation des sous-produits de chaque processus de production ou de consommation pour réintégrer ces derniers et éviter leur dégradation en déchets, en les considérant comme des ressources potentielles. Ce concept englobe la réduction de déchets en amont par l’éco-conception des produits, le remplacement de la vente de produits par la vente de services ou la location (économie de fonctionnalité), peu génératrices de déchets, le réemploi et enfin le recyclage. République française, Avis et rapports du Conseil économique et social, Avis présenté par Mme Michèle ATTAR, Enjeux de la gestion des déchets ménagers et assimilés en France, p. 77, Paris, CES, 2008. – On se référera par ailleurs à l’approche documentaire réalisée par le CRDD : Bibliographie du CRDD, Economie circulaire et déchets, Août 2013.

Cliquer pour accéder à Biblio_CRDD_Economie_circulaire-2.pdf

[6] The circular economy is a generic term for an economy that is regenerative by design. Materials flows are of two types, biological materials, designed to reenter the biosphere, and technical materials, designed to circulate with minimal loss of quality, in turn entraining the shift towards an economy ultimately powered by renewable energy. http://www.ellenmacarthurfoundation.org/Towards the Circular Economy, Economic and business rationale for an accelerated transition, Ellen MacArthur Foundation, Rethink the Futur, t. 1, 2013.

[7] Ellen MACARTHUR, Rethink the Future, L’Economie circulaire, Ellen MacArthur Foundation – YouTube, 4 octobre 2010.

[8] Suren ERKMAN, Vers une écologie industrielle, Comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle ?, p. 12-13, Paris, Fondation Charles Léopold Mayer, 2e éd., 2004 (1998).

[9] The Circular Model, Brief History and Schools of Thought, Ellen MacArthur Foundation, Rethink the Futur, 4 p., s.d. http://www.ellenmacarthurfoundation.org/

[10] John T. LYLE, Regenerative Design for Sustainable Development, New York, John Wilmey & Sons, 1994.

http://www.csupomona.edu/~crs/

[11] William Mc DONOUGH & Michael BRAUNGART, The Next Industrial Revolution, in The Atlantic, October 1, 1998. http://www.theatlantic.com/magazine/archive/1998/10/the-next-industrial-revolution/304695/ – W. McDONOUGH & M. BRAUNGART, Cradle to Cradle, Créer et recycler à l’infini, Paris, Editions alternatives, 4e éd., 2011.

[12] Walter R. STAHEL, The Performance Economy, London, Palgrave MacMillan, 2006.

[13] Roland CLIFT, Beyond the “Circular Economy”, Stocks, Flows and Quality of Life, The Annual Roland Clift Lecture on Industrial Ecology, November 6, 2013.

[14] Janine M. BENUYS, Biomimicry, Innovation inspired by Nature, New York, William Morrow, 1997. – Biomimétisme, Quand la nature inspire les innovations durables, Paris, Rue de l’Echiquier, 2011.

[15] Gunter PAULI, The Blue Economy, 10 Years, 100 Innovations, 100 Million Jobs, Taos N.M., Paradigm, 2010.

[16] Richard ROUQUET et Doris NICKLAUS, Comparaison internationale des politiques publiques en matière d’économie circulaire, coll. Etudes et documents, n° 101, Commissariat général au Développement durable, Janvier 2014. Les auteurs précisent, p. 9, que La réutilisation, en boucle, des matières n’est possible ni pour la production d’énergie à partir de combustibles fossiles, ni pour les matières qui font l’objet d’usages dispersifs. De ce fait, l’utilisation de la biomasse (y compris bois) pour la production d’énergies ou de matériaux est un élément essentiel dans la transition vers une économie circulaire.

[17] En pratique, écrivait le CGDD en novembre 2013 : prendre en compte des impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie d’un produit et les intégrer dès sa conception, favoriser le réemploi, la réparation des produits, privilégier l’usage à la possession ou la vente d’un service plutôt qu’un bien, recycler les matières issues des déchets, mettre en place des « symbioses industrielles » ou mutualiser des services sur un territoire, voici autant d’actions à mettre en œuvre pour une transition vers une économie circulaire. L’économie circulaire, un nouveau modèle économique, Paris, Commissariat général au Développement durable, Novembre 2013, p. 1.

[18] Osons l’économie circulaire, dans C’est le moment d’agir, n° 59, ADEME, Octobre 2012, p. 7. – Smaïl AÏT-EL-HADJ et Vincent BOLY, Eco conception, conception et innovation, Les nouveaux défis de l’entreprise, Paris, L’Harmattan, 2013.

[19] Sharon PRENDEVILLE, Chris SANDERS, Jude SHERRY, Filipa COSTA, L’économie circulaire suffit-elle ?, p. 2, Ecodesign Centre Wales – Pôle Eco-conception et Management du Cycle de Vie, Mars 2014.

[20] Economie circulaire : bénéfices socio-économiques de l’éco-conception et de l’écologie industrielle, dans ADEME et vous, Stratégie et études, n° 33, 10 octobre 2012, p. 2.

[21] Suren ERKMAN, Vers une écologie industrielle…, p. 13.

[22] Osons l’économie circulaire…, p. 7. – Thomas E. GRAEDEL et Braden R. ALLENBY, Industrial Ecology, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1995.

[23] Atemis, Analyse du Travail et des Mutations de l’Industrie et des Services, 28 janvier 2014. – voir Christian du TERTRE, Economie de la fonctionnalité, développement durable et innovations institutionnelles, dans Edith HEURGON dir., Economie des services pour un développement durable, p. 142-255, Paris, L’Harmattan, 2007.

[24] Réemploi, réparation et réutilisation, Données 2012, Synthèse, p. 6, Angers, ADEME, 2013.

[25] The conservation of resources through more effective manufacturing processes, the reuse of materials as found in natural systems, a change in values from quantity to quality, and investing in natural capital, or restoring and sustaining natural resources. Paul HAWKEN, Amory LOVINS & L. Hunter LOVINS, Natural Capitalism, Creating the Next Industrial Revolution, Little, Brown & Cie, 1999.

[26] Ibidem.

[27] Gro Harlem BRUNDTLAND, Notre avenir à tous, Nations Unies, 1987, p. 168, 173 et 177.

Cliquer pour accéder à rapport_brundtland.pdf

[28] Christian du TERTRE, L’économie de la fonctionnalité, pour un développement plus durable, Intervention aux journées de l’économie Produire autrement pour vivre mieux, p. 3, Paris, 8 novembre 2012. http///www.touteconomie.org/jeco/181_537.pdf