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Namur, le 11 novembre 2019

Ce 4 octobre 2019 encore, lors de l’émission radio CQFD, le journaliste François Brabant interagissait avec son collègue Arnaud Ruyssen de la RTBF sur l’impossible équation fédérale. Pour le rédacteur en chef de Wilfried Magazine, un parfum de confédéralisme règne sur le débat politique belge. Mais, ajoutait-il, le confédéralisme, je pense que cela n’adviendra pas et que personne ne sait vraiment ce que c’est, le journaliste assimilant ensuite le confédéralisme au séparatisme. Ainsi entre-t-on dans un mode de réflexion binaire : fédéralisme ou séparation. Ce positionnement est caractéristique d’une bonne partie des observateurs, mais aussi des acteurs wallons et bruxellois francophones de la vie politique belge.

Il suffit pourtant d’ouvrir un livre récent de science politique pour y lire que le séparatisme ne se confond pas avec le confédéralisme. (…) Dans le confédéralisme, observent quelques-uns des plus brillants politologues belges contemporains, des États indépendants maintiennent des liens institutionnels entre eux. Parler de confédéralisation (comme le font certains partis politiques en Belgique) consiste à dire que toutes ou certaines entités fédérées se muent elles-mêmes en États indépendants, demeurant toutefois liés entre eux dans une structure commune qui n’est plus celle d’un État, mais bien d’une organisation internationale [1] . Voici quelques années, certains journalistes ont d’ailleurs également tenté de clarifier le concept. Observant que les termes “fédéralisme”, “confédéralisme” ou “séparatisme” reviennent régulièrement dans les discussions communautaires en Belgique, L’Écho notait en 2002 qu’en Belgique, le confédéralisme sert à désigner deux ou trois entités (Flandre, Wallonie, Bruxelles) qui créeraient une union sur des matières limitées (Affaires étrangères, etc.) [2] . Dès lors, qu’est-ce qui rend l’utilisation du concept de confédéralisme si difficile ?

Qu’est-ce qui rend l’utilisation du concept de confédéralisme si difficile ?

Probablement et avant tout l’absence de mémoire et le déficit de connaissance historique. Qui se souvient de cet éditorial de L’Écho du 27 janvier 2001 qui, saluant les accords du Lambermont conclus quelques jours auparavant comme une étape marquante, notait qu’il est clair qu’on est aujourd’hui dans un schéma confédéral dont on n’ose prononcer le nom de peur d’effaroucher celles et ceux (qui forment d’ailleurs toujours la majorité dans ce pays) qui refusent ce type de structure vidant l’État de sa substance, voire de sa raison d’être [3]. Six mois plus tard, le même quotidien évoquait la réforme conclue par la loi spéciale du 13 juillet 2001, en tant que prémices de confédéralisme, (…) dernière étape avant le confédéralisme [4]. La peur d’effaroucher, ici pointée, est essentielle. Faire peur a toujours constitué une arme politique redoutable.

Il faut rendre d’emblée à la députée libérale flamande Annemie Neyts-Uyttebroeck, la maternité d’avoir, lors d’un débat à la Chambre, le 18 janvier 1993, qualifié le confédéralisme de spectre institutionnel (institutionele spook) [5]. La formule nous paraît particulièrement adéquate. En français, le mot spectre renvoie depuis le XVIe siècle à l’apparition, qui fait plus ou moins peur, d’un fantôme, d’un mort, avec, étymologiquement, l’idée de spectacle, de simulacre, de fausse idée, de vision vague et effrayante. Par métaphore, le spectre est un objet qui épouvante [6]. Freddy Terwagne lui-même avait utilisé cette formule en 1970 lorsqu’il défendait son projet de réforme de l’État. Le 18 juin de cette année-là, le ministre wallon des Relations communautaires avait en effet dit aux sénateurs que plutôt dagiter le spectre dune Belgique fédérale, (…), il fallait considérer que lÉtat que nous allons créer, communautaire et régionalisé, nest pas un État fédéral et (qu’) un fédéraliste doit être à laise pour le souligner [7]. Ainsi, qualifier la réforme de l’État a toujours été difficile. Pour obtenir l’adhésion des parlementaires, les ministres des réformes institutionnelles ont souvent minimisé l’ampleur des transformations, évitant les mots qui, comme fédéralisme, risquaient d’effrayer leurs auditeurs. Selon le député alors social-chrétien François Persoons (1925-1981), telle qu’elle a été pensée différemment de chaque côté de la frontière linguistique, la réforme des institutions de l’État était, au moins au départ, porteuse, d’une part, d’une sorte de confédéralisme culturel à deux, et, d’autre part, d’une forme de fédéralisme économique à trois [8].

Politiquement, il est intéressant de noter – et nous y reviendrons – que l’occurrence du mot confédéralisme se multiplie dans les milieux politiques belges à partir de 1988, au moment où comme l’écrit alors Xavier Mabille, le mot fédéralisme est désormais exorcisé en Belgique [9]. Jusqu’alors, écrivait le directeur général du CRISP, il était brandi comme une revendication par les uns, comme un repoussoir par les autres, il a ensuite accompagné des conversions, assorties ou non de réserves et d’interprétations, avant de donner lieu à désamorçage par le discours officiel, voire à des tentatives de récupération par des unitaristes qui se sont résolus à employer le mot à leur tour [10]. Même si sa figure plane depuis plus longtemps sur la réforme de l’État [11], le confédéralisme prend pleinement son sens de spectre en 1993 lors de la discussion de l’article 1er de la nouvelle Constitution affirmant que la Belgique est un État fédéral, qui se compose des communautés et des régions. Dès lors, le mot confédéralisme remplace le fantôme du fédéralisme à côté de celui du séparatisme, dont il est l’ombre, au rayon des épouvantails, ces objets qui inspirent de vaines et excessives terreurs… Le sociologue louvaniste Jacques Leclercq (1891-1971) ne disait-il pas que la peur est de tous les sentiments celui qui trouble le plus profondément l’esprit ? [12]

 Ferments fédéraux ou confédéraux de la réforme de l’État ? 

Déjà, fin 1988 début 1989, le côté symbolique de la qualification de l’État belge avait été identifié par Hugues Dumont. Le professeur de Droit constitutionnel à l’Université Saint-Louis l’avait fait après une journée de colloque dans lequel les interventions de ses collègues, d’une part de Karel Rimanque (1942-2008) de l’Université d’Anvers et de l’autre, de Francis Delpérée de l’UCL, avaient divergé sur la question de savoir si la réforme de l’État menée depuis 1970 contenait des ferments fédéraux ou confédéraux. Le professeur de Louvain dénonçait sans les nommer les courants (qui) soutiennent que, dès à présent, les structures de l’État belge sacrifient pour une part à la philosophie confédérale et qu’à plus long terme, elles gagneraient à être tout entières aménagées dans cette perspective [13]. Or, poursuivait Francis Delperée, préconiser l’instauration d’une confédération d’États en Belgique, c’est donc lutter, consciemment ou inconsciemment, pour l’indépendance de la Wallonie, de la Flandre, de Bruxelles ou d’autres entités encore. De son côté, le professeur à l’Université d’Anvers estimait que, depuis 1970, la Belgique se caractérise par un processus de décision confédéral au niveau central, en mettant notamment en évidence la parité entre francophones et néerlandophones au Conseil des Ministres [14]. Tout en nuançant les arguments des deux premiers professeurs, Hugues Dumont se disait d’accord avec Francis Delperée pour souligner la distance qui sépare “la voie fédérale” de la voie confédérale. Mais, ajoutait le professeur à Saint-Louis, si le fossé est profond, en Belgique, il n’en est pas moins toujours étroit, (…), en fonction du caractère fondamentalement dualiste du rapport des forces [15].

Ce n’était pas la première fois que Karel Rimanque ouvrait ce débat. Il l’avait déjà engagé avec plusieurs de ses collègues en 1974-1975 à la demande du ministre Robert Vandekerckhove (1917-1980), artisan avec François Perin de la régionalisation provisoire [16]. En 1993, il reviendra encore sur cette question lors des journées d’étude consacrées à “la Belgique fédérale”, organisées par le Centre d’Études constitutionnelles et administratives de l’Université catholique de Louvain. Ce fut pour Rimanque l’occasion de montrer que le fédéralisme belge a plus de caractéristiques confédérales qu’on n’a souvent le courage de l’admettre [17]. Le professeur à l’Universitaire Instelling Antwerpen y pointait la règle de l’unanimité ou encore la majorité très qualifiée nécessaire pour décider parmi les différentes composantes de l’État. Il notait d’ailleurs que ces composantes ne devaient pas nécessairement être des États souverains au plan international en rappelant l’exemple de la République des Provinces unies des Pays-Bas, de 1579 (l’Union d’Utrecht) à 1795 (l’intégration dans le système républicain français). Ainsi, le constitutionnaliste considérait-il que la parité au Conseil des ministres (Article 86bis) ressemblait à une conférence diplomatique et donc davantage à un système confédéral qu’à un gouvernement fédéral. De même, observant le système législatif, Karel Rimanque soulignait que la loi ne pouvait être adoptée, en fait ou en droit, qu’avec l’assentiment des représentants des deux grandes communautés. Le constitutionnaliste estimait de plus que la pratique d’accords de coopération dans le domaine des négociations de traités et de la représentation de la Belgique dans les organes internationaux pouvait laisser penser que le stade du fédéralisme était déjà dépassé [18]. Karel Rimanque en concluait que le fédéralisme belge reconnaît le droit de veto des grandes communautés non seulement au niveau de leur entité fédérée, mais aussi pour la mise en œuvre de politiques restées fédérales : la Belgique évolue, écrivait-il, dans une direction qui présente quelque analogie avec les systèmes de décision pratiqués dans une confédération [19].

Alors que, dans ce début du XXIe siècle, nombre de juristes et de constitutionnalistes belges francophones dénoncent le confédéralisme comme un objet flou [20] et étranger à notre tradition politique, l’historien observe que ce mode d’organisation fait vraiment partie de l’histoire de Belgique et, n’en déplaise à certains, de la Wallonie [21]. Longtemps d’ailleurs, probablement jusqu’en 1993, il sera intimement lié au concept de fédéralisme, avec parfois, quelques efforts pour en établir les nuances. C’est ce que nous verrons dans les deux articles suivants, considérant le lien confédéral dans l’histoire de la Wallonie, et donc aussi en partie dans celle de la Belgique, de 1790 à nos jours, avant et après 1945. Un quatrième papier s’intitulera Ce confédéralisme qui vient… Il me permettra de dire pourquoi je partage l’opinion de Hervé Hasquin lorsqu’il observait, le 13 octobre 2000, que l‘État belge va encore muter. Et l’historien wallon d’estimer alors que, dans un délai sur lequel il ne voulait pas se prononcer, la Belgique ne sera plus un État fédéral, mais un État confédéral, ajoutant que : c’est du cousu main [22].

Cette dernière expression signifie qu’il s’agit d’une entreprise qu’on est sûr de réussir. Ce qui rappelle à quel point ceux qui s’y opposent obstinément mènent une tâche difficile.

A suivre : Le confédéralisme, spectre institutionnel (2), Une inspiration internationale (1790-1945)

Philippe Destatte

PhD2050

 

[1] Thierry BALZACQ, Pierre BAUDEWYNS, Jérôme JAMIN, Vincent LEGRAND, Olivier PAYE, Nathalie SCHIFFINO, Fondements de science politique, p. 122, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2014. – Ce texte trouve son origine dans une note préparatoire à mon passage à l’émission Au bout du jour, réalisée par Eddy Caekelberghs sur la Première de la RTBF et diffusée le 5 juin 2019.

[2] Une affaire de vocabulaire, dans L’Echo, 21 décembre 2002. Nous aurions ajouté l’OstBelgien dans la parenthèse…

[3] Lambermont : une étape marquante !, dans L’Echo, 27 janvier 2001.

[4] Lambermont : une nouvelle réforme de l’État et des prémices de confédéralisme, dans L’Echo, 12 juillet 2001. – Les accords du Lambermont sonnent comme la dernière étape avant le confédéralisme (ou le séparatisme), dans L’Echo, 26 mars 2003.

[5] Er wordt nu een akkoord besproken dat geen enkel van de institutionele spoken heeft doen verdwijnen, integendeel. Omdat men heeft geweigerd te spreken over de fundamentele aanpak lezen wij nu inderdaad scenario’s over het einde van België, lezen wij verwijzingen naar het separatisme, het confederalisme, de splitsing van de sociale zekerheid, Voeren en zijn statuut, kortom alle institutionele spoken zijn meer springlevend dan ooit voorheen. Annales parlementaires, Chambre, 18 janvier 1993, p. 22-753.

[6] Alain REY dir., Dictionnaire historique de la langue française, t. 3, p. 3613, Paris, Le Robert, 2006.

[7] Intervention du ministre Freddy Terwagne, en charge des affaires institutionnelles, dans Annales parlementaires, Sénat, session 1969-1970,  18 juin 1970.

[8] Intervention de François Persoons, Annales parlementaires, Chambre, 23 juillet 1970, p. 29.

[9] Xavier MABILLE, La faille du compromis, dans Marc UYTTENDAELE dir., A l’enseigne de la Belgique nouvelle, Bruxelles, Numéro spécial de la Revue de l’ULB, 1989/3-4, p. 65. – On trouve la même analyse en 1997 chez Marc BERTRAND, représentant du président du PSC Charles-Ferdinand Nothomb, au débat Quel avenir pour la Belgique à l’horizon 2000 ?, dans Jacques LEMAIRE et André MIROIR, La Belgique et ses nations dans une nouvelle Europe, p. 28, Bruxelles, La Pensée et les hommes, Editions de l’Université de Bruxelles, 1997.

[10] Ibidem.

[11] André ALEN, Poging tot een juridische begripsomschrijving van unitarisme, centralisatie, deconcen tratie, decentralisatie, regionalisme, federalisme en confederatie, Heule, UGA, 1975.

[12] Cité en exergue de Christian FRANCK ea, “Choisir l’avenir”, La Belgique en 1999, Bruxelles, Luc Pire, 1997.

[13] Francis DELPEREE, La voie fédérale, dans Hugues DUMONT ea dir., Belgitude et crise de l’Etat belge, p. 60, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1989. – Ce texte a été également publié dans Journal des Tribunaux, 7 janvier 1989, p. 2-3.

[14] Karel RIMANQUE, Réflexions concernant la question oratoire : y a-t-il un Etat belge ?, dans H. DUMONT ea dir., Belgitude… p. 67.

[15] Hugues DUMONT, Etat, Nation et Constitution, De la théorie du droit public aux conditions de viabilité de l’Etat belge, dans H. DUMONT ea dir., Belgitude et crise de l’Etat belge,  p. 109.

[16] Jan de MEYER, André MAST, Karel RIMANQUE, Paul VERMEULEN, De Hervorming van de Staat, Speciaal Nummer van Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiekrecht (TBP), Jahrgang 1975, s. 327sv.Peter HÄBERLE, Jahrbuch des Öffentlichen Rechts des Gegenwart, Neue Folge, Band 34, p. 168sv, , Tübingen, Mohr, 1985.

[17] Karel RIMANQUE, Le confédéralisme, dans Francis DELPEREE, La Constitution fédérale du 5 mai 1993, p. 31sv, Bruxelles, Bruylant, 1993.

[18] Ibidem, p. 35.

[19] Ibidem.

[20] Notons que ce reproche d’objet flou ou en tout cas de définition floue du concept sur le plan juridique s’adresse également au fédéralisme. Voir Olivier BEAUD, Théorie de la fédération, p. 12, Paris, PuF, 2007.

[21]  Voir aussi l’analyse de Peter De Roover chef de groupe NVA à la Chambre : Je sais que le confédéralisme est souvent perçu comme un projet flamand. A tort, selon moi. Cité dans : Le confédéralisme apportera une nouvelle dynamique à la Wallonie”, dans L’Echo 16 mars 2019.

[22] Hasquin : “On va vers le confédéralisme”, dans L’Echo, 13 octobre 2000.

Namur, le 12 février 2019

On appelle cela un marronnier dans le jargon journalistique. La question de la refédéralisation [1] de compétences transférées de l’État fédéral belge vers les entités fédérées revient de manière conjoncturelle sur le tapis politique et sur celui des médias. L’effet déclencheur en ce début 2019 est double. D’une part, la mise en œuvre de certains effets de l’accord institutionnel d’octobre 2011, en l’occurrence ceux en matière de soins de santé puisque, au 1er janvier 2019, les entités fédérées sont tenues d’assumer la gestion effective de l’ensemble des compétences (soins aux aînés, personnes handicapées, santé mentale, prévention et soins de première ligne [2]) qui leur ont été transférées depuis le 1er juillet 2014, date d’entrée en vigueur de la loi spéciale de réforme institutionnelle du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État [3]. D’autre part, les « Marches pour le climat », ainsi que la mobilisation des élèves de l’enseignement secondaire, « on ne peut pas, on a climat », qui tentent d’interpeller les élu-e-s dans les différentes configurations gouvernementales. Profitant de ces circonstances, voire aussi d’éléments factuels comme le retard au versement des premières allocations familiales par la nouvelle caisse wallonne Famiwall, certains acteurs ou observateurs réinterrogent le système institutionnel. Si on voulait reposer la question de manière abrupte, elle prendrait la forme suivante : la santé ou le climat, compétences transversales s’il en est, ne seraient-elles pas mieux traitées si elles étaient chacune confiées à un seul ministre fédéral [4] ; en termes fédéralistes, le principe de subsidiarité ne conduit-il pas à confier ses matières à un niveau de pouvoir mieux adapté ? Ceux-là oublient un peu naïvement que, compte tenu du rapport de force démographique et politique, ce ministre pourrait le plus sûrement – dans l’état actuel de la Belgique – être Flamand, peu versé dans la solidarité – même extinctive -, et peut-être climato-sceptique, voire « climato-réaliste ».

Qui a eu intérêt à cette régionalisation, à cette fragmentation ?

Les élections législatives de 2007 et de 2010 ont ouvert une longue période de négociations et débouché sur l’accord institutionnel des 10 et 11 octobre 2011, destiné à accroître l’autonomie des entités fédérées. Les signataires de ces accords, réalisés sous la houlette d’Elio Di Rupo, ont décidé, d’une part, du transfert de compétences importantes (4,4 % du PIB) – principalement en sécurité sociale -, du niveau fédéral vers les régions et les communautés. Ces mêmes signataires ont modifié la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989. La nouvelle loi spéciale modifie l’intervention de solidarité du pouvoir fédéral vers les régions et accroît l’autonomie fiscale de ces dernières. Ces 4,4% du PIB représentent 16,2 milliards € transférés du fédéral vers les communautés et les régions, selon les matières suivantes : allocations familiales (5,9 mds), soins de santé et aides à la personne (4,2 mds) – dont 3 milliards pour les structures d’accueil et les allocations d’aide pour les personnes âgées, mais aussi aides aux personnes handicapées, financement des infrastructures hospitalières -, marché du travail (3,8 mds), dépenses fiscales – bonus logement, dépenses d’investissements économiseurs d’énergie, crédit d’impôt pour titres-services – (1,9 mds), etc.[5]

On peut évidemment s’interroger avec Jean Hermesse, pour savoir qui a eu intérêt à cette régionalisation, à cette fragmentation de la sécurité sociale qui se fera au détriment de la qualité des soins, comme l’affirme, chiffres à l’appui, le secrétaire général des Mutualités chrétiennes. C’est une bonne question que celle de la responsabilité, d’autant que, dans une période où le politique est suspect de toute intention néfaste, on pourrait se demander s’il existait un appétit des élu-e-s à gérer ces matières et à utiliser à des fins politiques les moyens qui y sont liés.

Néanmoins, il ne faut jamais oublier qu’il existe un principe de réalité : les faits s’imposent à nous davantage que les considérations. Toute prise de conscience et mesure du réel ont pour corollaire la mise en évidence de nos limites et capacités d’action. Ainsi, faut-il se souvenir que l’ensemble du monde politique wallon, plus précisément l’ensemble des partis politiques francophones, s’est présenté à la négociation de 2011 en affirmant en chœur qu’il n’était pas question de toucher à la sécurité sociale. Le fait est que les autres partis avec lesquels ils ont négocié, les partis politiques flamands – CD&V, sp.aA et Open VLD surtout – avaient une autre vision, partagée par la N-VA restée dans l’opposition. On est dès lors sorti d’un accord global qui épousait des conclusions contraires aux aspirations francophones : fragmentation de la sécurité sociale annihilant toute marge de manœuvre politique et budgétaire, responsabilisation régionale accrue sur les matières transférées, divergence des systèmes flamand, bruxellois, germanophone et wallon.

Le prix à payer pour simplement constituer un gouvernement belge

Ayant rendu à l’histoire ce qui lui appartient, se pose huit ans plus tard la question de savoir quels seraient l’espace politique et la capacité d’initiative qui existeraient aujourd’hui pour défaire ce qui a été fait hier par le vote des lois spéciales de réforme institutionnelle ? Instinctivement, l’idée de refédéraliser peut paraîtreséduisante, voire rassurante. Cela nous ferait revenir à la situation initiale, au paysage bien connu de 2011. Néanmoins, il me paraît que, concernant la situation actuelle, il ne faut pas dramatiser : des institutions ont été mises en place, comme l’Agence pour une Vie de Qualité (Aviq) en Wallonie ou IRISCARE à Bruxelles, des réformes menées ou en cours comme celles du secteur des maisons de repos ou de l’Allocation forfaitaire autonomie, des accords de coopération ont été conclus entre les régions et communautés pour garantir aux patients des soins dans les régions où ils en ont besoin et en fonction des spécificités de ces régions. Des reports de mise en œuvre ont été organisés, notamment sur des questions techniques dans lesquelles je ne vais pas entrer ici.

Plus précisément, la question est de savoir quelle est notre capacité en tant que Wallons et francophones d’ouvrir avec les Flamands un processus de refédéralisation ? Existe-t-il une majorité au Parlement fédéral, majorité spéciale s’entend, c’est-à-dire des deux tiers de la Chambre avec, de surcroît des majorités simples dans chaque groupe linguistique, pour réaliser des changements ou des ajustements constitutionnels, avec de nouvelles lois spéciales ? Une telle évolution paraît d’autant plus illusoire que, dans la configuration d’un gouvernement fédéral démissionnaire, il n’est pas permis d’adopter une liste des articles de la Constitution à réviser sous la prochaine législature. Aujourd’hui, il semble plutôt nécessaire d’avancer dans la mise en œuvre concrète des compétences attribuées aux entités fédérées. Il nous faut surtout, en Wallonie, créer de la valeur supplémentaire, en augmentant notamment notre productivité globale, pour générer les moyens et les marges de manœuvre réelles nous permettant de surmonter ces défis, en particulier celui du vieillissement et de la solidarité intergénérationnelle. Il nous faut inventer de nouveaux mécanismes de fonctionnement et les généraliser quand c’est possible : je pense aux soins à domicile et à des innovations sociales, pour y faire face.

Penser que l’on puisse revenir à la situation antérieure est utopique et constitue une perte de temps. L’urgence est aujourd’hui à l’action de terrain et non plus à une démarche qui nous amènerait dans une nouvelle aventure dont nous ne maîtriserions pas les tenants et aboutissants.

Impasses et pseudo-musculations

La question apparaît d’ailleurs, en Flandre, moins liée au Mouvement flamand, qu’aux partis politiques, aux acteurs. Des changements institutionnels de la nature de ceux que nous avons connus politiquement de 2011 à 2014, et qui sont mis en œuvre aujourd’hui sont des transformations majeures qui ont demandé des efforts considérables. On évoque souvent la crise de 541 jours. Celle-ci a exigé des analyses et travaux incroyables de la part des élus et de leurs équipes, non pour répondre à des ambitions politiques ou – en tout cas du côté wallon – pour arracher des compétences au fédéral. Il s’agissait alors à cette époque “simplement” du prix à payer pour constituer un gouvernement belge. On pourrait se retrouver à partir de la fin mai 2019 dans une situation similaire, dans une logique de même nature. Un certain nombre d’exigences vont être mises sur la table par les Flamands et les Bruxellois et nous devrons nous interroger : voulons-nous encore d’un gouvernement fédéral ? Et si oui, il est évident qu’il faudra négocier avec tous ceux qui sont en face, la N-VA si nécessaire. Ou alors, nous devons renoncer d’emblée à former un gouvernement fédéral. Dès lors, nous entrerons dans une autre logique, dans une autre trajectoire que celle du fédéralisme, voire du confédéralisme, que nous avons acceptée jusqu’à présent.

Il est clair que, dans ce domaine des compétences de la sécurité sociale, les Wallons et les francophones n’avaient en 2011, rien à gagner, sauf à maintenir la Belgique dans son existence et à continuer, sur d’autres points, à bénéficier d’une vraie solidarité entre les Flamands et les francophones. En négociation, chacun met sur la table un certain nombre d’avancées qu’il souhaite et exprime les réticences qui sont les siennes sur d’autres points. Sans refaire l’histoire, sans revenir sur de « vieilles choses », il faut quand même se souvenir du discours des francophones en 2010 et 2011 : “si nous négocions avec les Flamands, nous mettrons sur la table l’élargissement de Bruxelles, nous n’accepterons jamais la scission de BHV, etc.” Ce type de revendications, pour peu qu’on ait de la mémoire politique, constitue des impasses, de la pseudo-musculation. Dès lors, tirons aujourd’hui des leçons de cette époque, préparons plus sérieusement les négociations, avec un pragmatisme réel fondé sur des connaissances solides. Demandons-nous clairement et collectivement ce que nous pouvons accepter ou non sur telle ou telle question, même si elle est technique. Faisons-le en tant que francophones puisque nos partis sont ainsi organisés, mais aussi comme Bruxellois et Wallons, sans omettre nos cousins germanophones.

Prenons l’exemple des questions de l’emploi ou du chômage. Si nous voulons constituer un gouvernement fédéral après le 26 mai 2019, nous risquons d’accepter un certain nombre de transferts – même si actuellement une réelle proposition réforme de l’État ou d’article révisable n’est pas sur la table. L’alternative, nous le savons, c’est d’entrer dans un gouvernement fédéral qui applique des normes de chômage formatées par la N-VA ou des libéraux flamands. Soyons sûrs qu’elles ne conviendront pas à la vision que les partis politiques wallons peuvent avoir de l’emploi et du chômage.

Confédéralisme ?

Le confédéralisme comme le fédéralisme ne sont pas des concepts juridiques, mais le fruit de l’évolution historique, disait un de nos plus grands constitutionnalistes, Fernand Dehousse. Cette évolution est inscrite non seulement dans notre histoire, mais pourra difficilement échapper à la poursuite de sa trajectoire dans les décennies futures. Exclusivité des compétences, absence de hiérarchie des normes, capacité internationale des entités fédérées, y compris de signer des traités internationaux : toutes ces caractéristiques de notre système institutionnel nous ont déjà inscrits, aujourd’hui dans le confédéralisme. Certes, il peut s’accentuer, mais cessons de craindre l’idée comme nos prédécesseurs craignaient de prononcer le mot fédéralisme en 1970 ou 1980 [6].

Dans un cadre institutionnel dit francophone, comment voulons-nous organiser le transfert de compétences ?

Avec le politologue Jacques Brassinne, spécialiste du fédéralisme et président d’honneur de l’Institut Destrée, nous avons, dès 2007, conçu et présenté le modèle d’un fédéralisme simplifié [7]. Un tel fédéralisme n’est pas un fédéralisme qui ne prendrait pas en compte la complexité du système. Celle-ci n’a pas été inventée par le monde politique, elle correspond à la réalité. Si je reprends l’exemple des soins de santé, je pourrais affirmer que le paysage est très compliqué, car, si les mutualités, les organismes assureurs, s’en occupent, et continuent à le faire comme le Décret relatif à l’Agence wallonne de la Santé, de la Protection sociale, du Handicap et des Familles, du 3 décembre 2015 en dispose [8], il existe des mutualités libres, socialistes, chrétiennes, etc. La réponse ne peut pas être autoritairement que, justement parce c’est complexe, il ne faudrait plus qu’un seul outil, une seule mutualité. Ce qui n’empêche, et c’est le cas, qu’il puisse exister des organes collégiaux ou de concertation. Les institutions correspondent à une société qui est fondamentalement complexe et nous devons prendre en compte cette complexité avec la granularité nécessaire. Le fédéralisme, comme me le rappelait mon collègue historien Paul Delforge, c’est construire des contre-pouvoirs. Ces contre-pouvoirs doivent exister même lorsqu’on établit des modèles plus simples. Il s’agit d’une réflexion qui peut se mener au niveau intrafrancophone. Elle a été anticipée et écrite par le ministre fédéral Jean-Maurice Dehousse et ses collaborateurs au moment de la révision constitutionnelle de 1993, avec la mise en place de l’article 138. Celui-ci dispose que des compétences de la Communauté française peuvent être exercées, en tout ou en partie, par la Région wallonne en Wallonie et par la COCOF dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, sur base d’un accord entre francophones, Wallons et Bruxellois [9]. Ce mécanisme a été utilisé à plusieurs reprises depuis, notamment pour le transfert des allocations familiales et des compétences de santé en 2011. Le même outil législatif existe (article 139) pour les transferts entre Wallons et germanophones.

Un modèle plus simplifié existe : celui que les Flamands ont réalisé en 1980 en rapprochant et en fusionnant leurs institutions dans une Communauté-Région. Celle-ci a la grande qualité d’une clarté certaine pour le citoyen. Du côté francophone, le monde politique n’a jamais été capable de mettre en place un modèle comme celui-là, malgré le volontarisme d’un Jean Gol, qui en était partisan, pour des raisons diverses. Nous n’avons pas été capables non plus de donner une meilleure articulation à nos régions, argument utilisé depuis plus de vingt ans par les défenseurs d’un modèle fédératif Wallonie-Bruxelles qui, du reste, outre son appellation anticonstitutionnelle, nous est toujours apparu comme un manque de loyauté fédérale envers les Flamands [10]. Dès lors, le modèle simplifié est celui d’une Belgique à quatre entités fédérées dans lequel on assume des cohérences en rapprochant des compétences comme la formation professionnelle et l’enseignement qualifiant. Il s’agit aussi de faire des économies, d’avoir une logique d’efficience, donc de rationalisation des moyens.

Enfin, rappelons que les outils et les instances nécessaires pour assurer une coordination des politiques mises en œuvre par les entités fédérées et le fédéral existent déjà. Cette législature aura montré que les comités de concertation ont leur rôle à jouer. Quand ils fonctionnent mal, c’est essentiellement à cause des acteurs eux-mêmes. Ceux-ci, à l’instar du ministre-président Paul Magnette face au Premier ministre Charles Michel, n’ont pas toujours su, dans leurs relations, mettre l’intérêt collectif devant leurs querelles partisanes. C’est dès lors davantage à l’engagement des acteurs à faire fonctionner correctement le système auquel il faut s’attacher, que le cadre institutionnel qu’il faudrait améliorer.

Think global, Act local

C’est notamment à un scientifique écossais de dimension mondiale, mais hélas trop peu connu, le sociologue, biologiste, urbaniste et aménageur du territoire Patrick Geddes (1854-1932), à qui on attribue l’idée, aujourd’hui devenue leitmotive, de la nécessité de penser globalement et d’agir localement. Il partage cet honneur avec l’économiste et sociologue français Jacques Ellul (1912-1994). Le fondateur du Collège des Écossais à Montpellier, chercheur total et systémique, avait développé cette idée, dès 1915, dans un ouvrage appelé Cities in Evolution. On oublie souvent que ceux qui, comme Geddes, avaient travaillé dans leur région, mais aussi aux quatre coins de l’Empire, articulaient une vision mondiale avec un travail local. Il a fallu bien sûr attendre les missions Apollo pour que les plus sceptiques commencent à prendre conscience de la finitude du monde et de la fragilité de la biosphère. Apprennent, comme le disait le forestier américain Aldo Leopold dans les années 1940, à penser comme une montagne, c’est-à-dire à développer une intelligence écologique et à construire une éthique respectueuse de la Terre : seule la montagne a vécu assez longtemps pour écouter avec discernement le hurlement d’un loup [11].

Arolla

Penser comme une montagne, c’est aussi à la fois voir l’horizon depuis les cimes et savoir que notre avenir dépend de la densité des buissons qui fixent notre assise et nous enracinent tout entier.

Ce que le fédéralisme et son principe de subsidiarité nous rappellent, c’est évidemment que le lieu d’action publique le plus pertinent est celui qui est le plus proche des bénéficiaires. Néanmoins, à l’heure où l’action collective tend à remplacer l’action publique, on saurait d’autant moins oublier ce principe. Tant en matière de santé que d’environnement et de lutte contre le changement climatique, l’action locale et l’action globale ne peuvent que se conjuguer. Au niveau fédéral, mais surtout européen et mondial bien entendu, car rencontrer les Objectifs du Développement durable (ODD), et en particulier son treizième qui est relatif au climat, nécessite de mobiliser plus de 100 milliards de $ par an pour assurer une solidarité planétaire. Au niveau local également, car c’est là que nous agissons et que les politiques énergétiques, d’économies circulaires, d’aménagement, d’habitat et de mobilité doivent se concevoir et se construire. Pas uniquement par les élues et élus, bien entendu, mais par chacune et chacun d’entre nous.

Bien loin des nationalistes flamands que l’on agite constamment devant nos yeux comme des épouvantails…

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] En toute logique, il faudrait écrire et dire dé-régionalisation.

[2] Il s’agit des fonds d’impulsion, des réseaux locaux multidisciplinaires, des services intégrés de soin à domicile.

[3] Moniteur belge du 31 janvier 2014.

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2014010654

[4] La base de cette réflexion réside dans un développement de ma participation à l’émission radio de la RTBF, Première, CQFD, le 31 janvier 2019, animée par le journaliste Arnaud Ruyssen, sous forme d’un dialogue avec Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités chrétiennes.

[5] Patrick BISCIARI et Luc VAN MEENSEL, La réforme de la loi de financement des communautés et des régions, dans Revue économique, p. 74, Bruxelles, BNB, juin 2012.

[6] Voir mes déclarations au sujet de la sécurité sociale, tempore non suspecto, dans François BRABANT, Faut-il avoir peur du confédéralisme ? dans Le Vif, 28 mai 2010, p. 19-20. – Philippe DESTATTE, Le (con)fédéralisme en Belgique n’est pas un problème, c’est une solution, conférence (Con)federalism: cure or curse, Rethinking Belgium’s institutions in the European Context, 11th public event of the Re-Bel initiative, Fondation universitaire, Bruxelles,19 juin 2014. Blog PhD2050, 14 juillet 2014. https://phd2050.org/2014/07/14/confederalisme/ – Ph. DESTATTE, (Con)federalism in Belgium is not a problem, it’s a solution, Conference (Con)federalism: cure or curse, Rethinking Belgium’s institutions in the European Context, 11th public event of the Re-Bel initiative, University Foundation, Brussels, 19 June 2014. Blog PhD2050, June 25, 2014 https://phd2050.org/2014/06/25/confederalism/

[7] Jacques BRASSINNE de LA BUISSIERE et Philippe DESTATTE, Un fédéralisme raisonnable et efficace pour un Etat équilibré, 24 février 2007, 4p. http://www.institut-destree.org/files/files/IDI_Education-permanente/2006/EP-A33-1_J-Brassinne_Ph-Destatte_Quatrieme-Voie_FR.pdf – Philippe DESTATTE, Une Belgique à quatre Régions, une vision polycentrique pour la réforme de l’Etat belge, dans Katrin STANGHERLIN et Stefan FÖRSTER, La Communauté germanophone de Belgique, p. 131-152, Bruxelles, La Charte, 2014. – Ph. DESTATTE, Ein Belgien zu viert, Eine polycentrische Vision für die belgische Staatsreform, in Europaïsches Journal für Minderheitenfragen, vol. 6, n°4, 2013, p. 556-576. – Ph. DESTATTE, Quel avenir pour le fédéralisme belge ?, in Die Besonderheiten des belgischen Bundesstaatsmodells und ihre Auswirkungen auf die Rechtsstellung der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Beiträge zum Kolloquium vom 16. September 2016 im Parlament der Der Deutschsprachigen in Eupen, Scriftenreihe der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Band 3, 63-69, 2017.

[8] Moniteur belge du 14 décembre 2015. https://wallex.wallonie.be/index.php?doc=29852&rev=31395-16146

[9] L’article 138 dispose que le Parlement de la Communauté française, d’une part, et le Parlement de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d’autre part, peuvent décider d’un commun accord et chacun par décret que le Parlement et le Gouvernement de la Région wallonne dans la région de langue française et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et son Collège dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale exercent, en tout ou en partie, des compétences de la Communauté française. Ces décrets sont adoptés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés au sein du Parlement de la Communauté française et à la majorité absolue des suffrages exprimés au sein du Parlement de la Région wallonne et du groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à condition que la majorité des membres du Parlement ou du groupe linguistique concerné soit présente. Ils peuvent régler le financement des compétences qu’ils désignent, ainsi que le transfert du personnel, des biens, droits et obligations qui les concernent. Ces compétences sont exercées, selon le cas, par voie de décrets, d’arrêtés ou de règlements.

Constitution belge, Article 138, tel que modifié dans sa terminologie par la révision du 26 mars 2005 (Parlement au lieu de Conseil) http://www.senate.be/doc/const_fr.html

[10] Philippe DESTATTE et Jean-Marie KLINKENBERG, La recherche de l’autonomie culturelle en Wallonie et à Bruxelles francophone, De la communauté culturelle aux séductions régionales, dans Mark VAN DEN WIJNGAERT dir., D’une Belgique unitaire à une Belgique fédérale, 40 ans d’évolution politique des Communautés et des Régions, (1971-2011), p. 59-81, Bruxelles, Parlement flamand – Academic and Scientific Publishers, 2011.

[11] Aldo LEOPOLD, L’éthique de la terre, suivi de penser comme une montagne, p. 57, Paris, Payot, 2019. – Susan L. FLASER, Thinking like a Mountain, Aldo Leopold and the Evolution of an Ecological Attitude toward Deer, Wolves and Forests, University of Wisconsin Press, 1994.