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Namur, le 6 janvier 2018

Depuis août 2017, une importante transformation s’est réalisée au premier étage du siège du gouvernement wallon à Namur et plus particulièrement dans les locaux qui servent de bureaux au nouveau ministre-président et à son équipe rapprochée. Une animation nouvelle est apparue qui a troublé l’image figée que donnait ce décor depuis près de dix ans. Les portes-fenêtres qui donnent sur le balcon se sont ouvertes, laissant entrevoir des va-et-vient qui succèdent ainsi à l’immobilité qui s’était installée sous les deux ministres-présidents précédents. Plus visible encore, avec l’automne puis l’hiver, pour ceux qui se déplacent sur le quai de Meuse que constitue l’avenue Baron Louis Huart, l’Elysette, de l’autre côté du fleuve, s’est illuminée et cette lumière, continue à veiller assez tard, tout comme le président du gouvernement de Wallonie qui y travaille.

Deux changements paraissent être intervenus. D’une part, le président de l’Exécutif exerce sa responsabilité à temps plein, et ce depuis Namur. D’autre part, le gouvernement marque son intention d’exercer ses prérogatives en pleine souveraineté.

Gouverner la Wallonie est une responsabilité qui doit s’exercer à temps plein

Le constat pourrait paraître banal. Il ne l’est pas. Absorbé par son grand intérêt pour son territoire de la Wallonie picarde puis, après 2011, par ses autres responsabilités de président du gouvernement de la Communauté Wallonie-Bruxelles, le ministre-président Rudy Demotte avait rompu avec cette volonté concrétisée depuis Jean-Maurice Dehousse et Bernard Anselme d’ancrer le pouvoir wallon à Namur. Absorbé par d’autres préoccupations locales – la situation dégradée de Charleroi appelait un bourgmestre très présent – ou par des tâches qui lui semblaient plus valorisantes, Paul Magnette n’aura, lui non plus, de 2014 à 2017, jamais vraiment donné l’impression d’occuper les lieux, autrement que ponctuellement, au rythme du Conseil des ministres ou de l’agenda parlementaire.

Or le redéploiement de la Wallonie nécessite de disposer d’un capitaine à plein temps, ce que symbolise aujourd’hui la permanence des lumières de l’Elysette.

Cela nous réjouit fortement et le mettre au crédit du ministre-président Willy Borsus, dont on sait depuis longtemps qu’il est un travailleur assidu et déterminé, ne constitue pas une flagornerie de début de mandat. Il s’agit plutôt d’une réelle occasion de rappeler une vérité d’importance : gouverner la Wallonie est une responsabilité qui doit s’exercer à temps plein.

Ce pouvoir doit s’exercer pleinement là où il est ancré sur le plan politique.

Ancien secrétaire d’État à la Réforme des institutions à l’époque du Pacte d’Egmont, le ministre Jacques Hoyaux, qui présida l’Institut Destrée, a souvent souligné à quel point la localisation des institutions est importante, considérant qu’élues, élus et fonctionnaires ne réfléchissent pas de la même manière et ne comprennent pas les intérêts wallons de la même façon, s’ils sont au travail à Bruxelles ou en Wallonie [1]. De même, dans la République, souligne-t-on souvent que les députées et les députés sont des élus nationaux et non locaux, et qu’on ne gouverne pas la France depuis sa circonscription. Comment pourrait-il en être différemment en Wallonie, même dans un polycentrisme politique des grandes villes-capitales, dès lors que le Parlement, incarnation de la démocratie représentative et même souvent délibérative, est au confluent de la Meuse et de la Sambre ?

Certes, la question de la localisation des partis politiques reste problématique. Si nous savons l’importance qu’ils jouent dans le fonctionnement multiniveaux du fédéralisme belge, nous devons bien constater qu’un seul d’entre eux a son siège à Namur et que l’habitude de tenir des bureaux ou comités dans la capitale politique régionale semble – pour autant que nous puissions en juger de l’extérieur – relever de la rareté.

La cohérence entre le débat sociétal, l’espace médiatique, l’exercice des démocraties représentatives et délibératives, la décision politique, sa mise en œuvre par l’Administration et les opérateurs pertinents doit être assumée au grand jour, les dispositifs étant localisés, même dans une société de plus en plus numérique. Nous dirions que c’est surtout dans celle-là que, étant aux commandes, une personnalité politique élue ne peut être partout et donc nulle part. Dit autrement, la décision politique wallonne ne peut être un spectre qui se promène la lanterne à la main entre le boulevard de l’Empereur, l’avenue de la Toison d’Or, la rue des Deux Églises, et je ne sais quelle autre chapelle.

Je le répète : que le pouvoir exécutif wallon nous paraisse actuellement localisé clairement à l’Elysette, à quelques centaines de mètres du Parlement de Wallonie, nous réjouit. Mieux, une passerelle devrait bientôt encore rapprocher ces deux institutions majeures, les renforçant mutuellement au cœur de Namur Capitale.

Exercer ses prérogatives en pleine souveraineté

Le pouvoir régional doit également s’exercer pleinement sur le plan de l’initiative et de la responsabilité politique. Bien que depuis longtemps adepte de la co-construction des politiques collectives ou publiques, promoteur de la gouvernance démocratique par les acteurs et du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, nous ne pouvons comprendre un discours comme celui qui valoriserait un soi-disant « modèle mosan ». Ce flou conceptuel s’est révélé comme un modèle vide dans lequel le gouvernement abandonne aux partenaires sociaux son pouvoir d’impulsion par rapport à la mise en œuvre de politiques régionales. Ce modèle a abouti à devoir constater une incapacité de décider et d’agir du politique dans une Wallonie qui nécessite toujours les réformes de structure appelée jadis de leurs vœux par les renardistes. Et je ne parle bien sûr pas d’anticapitalisme, mais de ce fédéralisme qui, comme le revendiquait le leader de la FGTB dès les années 1950, bannirait le chômage de la Wallonie [2].

On reste en effet abasourdi par le mea culpa d’un ancien ministre-président lorsqu’il confie que, lors de son arrivée à l’Elysette, il avait dans l’idée de tout changer – ce qui nous apparaissait alors bien nécessaire [3] – mais que sa consultation avec les partenaires sociaux l’en a dissuadé parce que les outils mis en place, notamment le Plan Marshall, fonctionnaient bien [4]. Que la concertation empêche le politique d’agir quand il faut agir constitue, de toute évidence, une dérive du système, en particulier quand la plupart des indicateurs sont au rouge et que les enjeux de long terme sont clairement identifiés. Même s’ils doivent être respectés, les interlocuteurs sociaux – patronat, indépendants et classes moyennes, syndicats de tout poil -, pas plus que les autres acteurs, n‘ont pas à gouverner à la place des élues et des élus ni à empêcher leurs initiatives. Sauf à verser à nouveau dans un conservatisme et un immobilisme qui marginalise plus fortement encore la Wallonie en Europe et dans le monde.

 

Un renouveau tellement nécessaire

Or, le temps passe, et les législatures et les mandats de ceux qui n’ont pas su redéployer la Wallonie sont définitivement expirés. Les échecs d’hier ne constituent nullement la garantie des succès de demain. La Wallonie n’appartient à aucune organisation syndicale ni à aucun parti politique : ne doutons pas que, par de nouvelles configurations, demain sera construit différemment d’aujourd’hui.

Si les fenêtres se sont rouvertes, si les lumières se sont rallumées à l’Elysette, c’est le signe d’une nouvelle volonté de dialogue et de travail communs déjà ressentie, exprimée et entendue dans l’administration wallonne, les entreprises et les organisations. Nombreux sont ceux qui, ces derniers mois, ont souligné que quelque chose de positif se passe, que la Wallonie est en train d’enfin comprendre, mesurer et préparer un renouveau qui apparaît chaque jour plus nécessaire. Celui-ci pourrait, à court terme, prendre la forme d’un projet qui serait concrétisé à moyen terme. Mais, bien entendu, tous les scepticismes sont loin d’être surmontés tandis que certains, à la lecture des résultats du PTB dans les sondages, cultivent à nouveau le vieux rêve du front de gauche wallon et du socialisme dans un seul pays… croyant, par là, pouvoir échapper aux efforts de redéploiement de la Wallonie. Bien entendu, il existe en Wallonie une gauche et un socialisme qui n’ont jamais déserté les intérêts wallons, jamais pratiqué l’imposture ni l’inconstance. Des compagnons et successeurs de Freddy Terwagne et d’Alfred Califice, la Wallonie en aura toujours grand besoin.

Espérons que la mise en œuvre d’un projet concret, fondé sur la recherche, l’innovation et l’entrepreneuriat se réalise rapidement et qu’elle surmonte les difficultés d’un calendrier électoral compliqué autant que de manœuvres politiques qui ne devraient pourtant pas, du moins en théorie, pouvoir peser sur un redressement longuement attendu par les citoyennes et les citoyens. Nous ne rappellerons jamais assez que les échéances sont assez claires pour la Wallonie : en 2024 la loi de financement sortira en effet du mécanisme de transition qui maintenait à un niveau constant les transferts en termes nominaux pendant dix ans. Le financement complémentaire transitoire de compensation diminuera de manière linéaire de 10% par an, jusqu’à disparaître complètement en 2035. Se préparer à cette évolution nous impose d’ajuster nos indicateurs principaux sur la moyenne européenne, ce qui – n’en doutons pas – représente un effort considérable et implique une gestion volontariste et proactive.

La nécessité d‘une réelle gouvernance wallonne qui assume pleinement ses responsabilités face à la population, face aux acteurs sociaux et aux autres niveaux de pouvoir est plus grande que jamais. Cela signifie, comme l’indiquaient des membres du Collège régional de Prospective dans leur appel du 7 mars 2017 [5], l’obligation de concevoir une bifurcation majeure de la Wallonie par laquelle les entreprises produisent suffisamment de valeur ajoutée pour parvenir à une harmonie sociale, rendant confiance et assurant un minimum de bien-être pour toutes et tous.

Ce nouvel élan nécessite également, comme le nouveau ministre-président l’a rappelé à la plupart de ses interventions, qu’un mouvement se déclenche autour de ces idées pour qu’elles soient mises en œuvre collectivement. C’est un mouvement collectif qu’il s’agit d’initier. C’est l’ambition d’un pacte sociétal qui réunisse toutes les forces vives, tous les acteurs volontaristes et entreprenants, dans un effort commun, un engagement puissant qui fasse litière des vieilles rancœurs et place l’intérêt général ainsi que le bien commun au centre des préoccupations des Wallonnes et des Wallons.

Pour que les lumières, qui éclairent désormais l’Elysette, s’allument partout ailleurs en Wallonie.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

Sur le même sujet :

Ph. DESTATTE, Le changement de gouvernement à Namur : après l’inertie, la continuité ?, Blog PhD2050, Namur, le 17 septembre 2017.

Ph. DESTATTE, La bifurcation oubliée, la trajectoire espérée, Blog PhD2050, Hour-en-Famenne, le 29 août 2017.

 

[1] Namur, centre administratif wallon, Propos de Jacques Hoyaux recueillis par Joseph BOLY, dans Rénovation, 21 avril 1971, p. 8-9. – Wallonie libre, Mars 1971, p. 1sv.

[2] André RENARD, Intervention au Congrès national wallon du 26 mars 1950. – FHMW, Fonds Fernand Schreurs, Congrès national wallon, Congrès, 1950, Congrès du 26 mars 1950.

[3] J’écrivais le 9 juin 2014 : je commencerais par affirmer ma volonté de rupture et de changement structurel avec l’essentiel de ce qui a précédé, en rappelant les enjeux majeurs, probablement sans précédents, auxquels la Wallonie tout entière est confrontée dans son nécessaire redéploiement. Ph. DESTATTE, Songe d’un tondeur solitaire : une roadmap pour les pilotes de la Région Wallonie ? Blog PhD2050, Hour-en-Famenne, 9 juin 2014, https://phd2050.org/2014/06/09/roadmap/

[4] « J’ai un mea culpa à faire, de façon collective« , Interview de Paul Magnette par Benoît MATHIEU, dans L’Echo, 20 août 2017.

[5] Wallonie : la trajectoire socio-économique, résolument, Namur, le 7 mars 2017, dans L’Echo, 10 mars 2017. http://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/Wallonie-la-trajectoire-socio-economique-resolument/9871529

Reims, le 7 novembre 2017

Une dynamique mondiale et innovatrice

Dans son projet Change we can believe in, Barack Obama avait souligné en 2008 la nécessité d’instaurer une plus grande transparence des institutions politiques de manière à ce que tous les citoyens aient accès aux informations nécessaires pour juger du bilan des dirigeants. Enfin, écrivait-il, la direction du pays doit être une source d’inspiration pour tous les Américains et doit les inciter à agir en citoyens [1]. Au delà de sa volonté de diminuer les dépenses publiques superflues, de réduire la bureaucratie et de supprimer les programmes inefficaces, le futur président des États-Unis annonçait vouloir ouvrir les portes de la démocratie. La nouvelle administration Obama, annonçait-il, mettra en ligne toutes les données concernant la gestion de l’État et emploiera toutes les technologies disponibles pour éclairer l’opinion sur les dépenses de l’État. Elle invitera les citoyens à servir et à participer, et elle réduira la paperasserie pour s’assurer que toutes les agences gouvernementales fonctionnent avec la plus grande efficacité possible [2]. Il ajoutait à ces priorités le respect des obligations sur les ressources naturelles ainsi que l’inclusion et la cohésion sociales. L’objectif annoncé était à la fois de restaurer la confiance dans les institutions, mais aussi de nettoyer Washington : contraindre les élus à une éthique stricte ainsi que limiter l’influence des lobbies et groupes d’intérêts [3].

Lors de son accession à la Maison-Blanche, une des premières initiatives du Président Obama fut, le 21 janvier 2009, d’adresser aux responsables des ministères et des agences gouvernementales un mémorandum portant sur la transparence et le Gouvernement ouvert. Dans ce texte, le nouveau président rappelait son engagement de créer un gouvernement de ce type et demandait à ses administrations de contribuer à réaliser un système politique fondé sur la transparence, la participation publique ainsi que la collaboration. Cette ouverture, écrivait-il, renforcera la démocratie et favorisera l’efficacité et l’efficience du gouvernement. D’abord, le président voulait que le gouvernement soit transparent, qu’il valorise l’imputabilité (accountability) [4] et qu’il informe les citoyens sur ce qu’il fait. Ensuite, le gouvernement devait être participatif : alors que la connaissance est partagée entre les sphères publique et privée, il est de l’intérêt commun que les citoyens participent à l’élaboration des politiques et qu’ils fassent bénéficier leur gouvernement des bénéfices de leur intelligence collective. Enfin, le gouvernement devait être collaboratif, ce qui signifie qu’il engage les Américains dans le travail de leur gouvernement, en mobilisant des outils et des méthodes innovantes pour faire coopérer tous les niveaux du gouvernement et de l’administration avec les ong, les entreprises et les particuliers dans le secteur privé [5]. Progressivement mise en œuvre aux États-Unis, cette dynamique qui s’inscrit dans une tradition anglo-saxonne déjà ancienne [6] a inspiré d’autres pays, ainsi qu’une importante initiative multilatérale à laquelle l’Institut Destrée a d’ailleurs adhéré en 2017, au titre de partenaire de la société civile.

Ainsi, le Partenariat pour le Gouvernement ouvert (PGO) a-t-il été lancé en 2011 par les gouvernements des États-Unis, du Brésil, de l’Indonésie, du Mexique, de la Norvège, des Philippines, de l’Afrique du Sud et du Royaume uni, qui ont adopté une déclaration commune [7]. L’objectif du PGO est de mettre en place une plateforme de bonnes pratiques entre innovateurs pour amener les gouvernements à des engagements concrets en matière de transparence de l’action publique, de responsabilisation des citoyens, de lutte contre la corruption, de participation citoyenne, d’innovation démocratique, ainsi que de mobilisation des nouvelles technologies au service d’une meilleure gouvernance.

Au fil des années, plus de 70 pays y ont adhéré. L’État fédéral belge ne l’a pas encore fait en 2017 [8]. La France, pourtant pionnière des processus délibératifs, mais aussi de l’Open Data, n’a rejoint le PGO qu’en 2014, mais en a assuré la coprésidence dès 2015, devenant la coorganisatrice du quatrième Sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, qui s’est tenu dans la capitale française fin 2016. La Déclaration de Paris, qui y a été adoptée le 7 décembre 2016, rappelle l’ensemble des principes et valeurs fondatrices du PGO et s’engage à repousser les frontières des réformes au delà de la seule transparence, afin de faire progresser la participation, la redevabilité de l’administration et sa réactivité face aux attentes des citoyens. Les signataires de la Déclaration de Paris appellent également à bâtir de nouvelles alliances entre les acteurs publics et la société civile, menant à des services et à des processus de décision publics plus collaboratifs. Le texte appelle également au développement du Gouvernement ouvert dans les collectivités territoriales ainsi qu’au lancement d’initiatives participatives locales qui rapprochent le service public des citoyens [9].

Une culture de gouvernance orientée vers le citoyen

Pour répondre à la question de savoir ce qu’est véritablement un gouvernement ouvert, nous pourrions, avec Beth Simone Noveck, qui dirigea l’Open Government Initiative à la Maison-Blanche en 2009 et 2010, examiner le modèle fermé de décision (the closed model of decision-making). Cette juriste et professeure de Droit, diplômée de Yale et d’Harvard, estime en effet que le modèle fermé est celui qui a été façonné par Max Weber, Walter Lippmann et James Madison. Ce modèle laisse accroire que seuls les professionnels du gouvernement et leurs experts, selon eux-mêmes strictement objectifs [10], possèdent l’impartialité, l’expertise, les ressources, la discipline et le temps nécessaire pour prendre les bonnes décisions publiques. Cette vision, qui devrait être révolue, confine la participation du citoyen à la démocratie représentative au droit de suffrage, à l’adhésion à des groupes d’intérêt et à l’implication dans des activités citoyennes ou politiques locales. Or, nous savons clairement aujourd’hui que, pour de nombreuses raisons, les professionnels de la politique ne disposent ni du monopole de l’information ni de celui de l’expertise [11].

L’innovation technologique et ce qu’on appelle aujourd’hui l’innovation sociale numérique (Digital Social Innovation – DSI) [12] contribuent à cette évolution. Elles ne nous apparaissent pourtant pas le moteur principal des conceptions du Gouvernement ouvert, étant plutôt périphériques. Si la technologie y a quelque importance c’est peut-être davantage au niveau de la boîte à outils que des enjeux ou des finalités de ce processus. Le Gouvernement ouvert se situe dans une double tradition. D’une part, celle de la transparence et de la liberté d’accès aux données publiques à l’égard de la société civile. Celle-ci n’est pas nouvelle. Le Parlement britannique la faisait sienne dans les années 1990 [13]. D’autre part, le Gouvernement ouvert s’inspire des valeurs de partage et de collaboration en usage au sein des communautés liées aux mouvements du logiciel libre et de la science ouverte [14]. En ce sens, l’attente citoyenne pourrait être sublimée comme le sont certains chercheurs qui voient dans le Gouvernement ouvert la mesure par laquelle les citoyens peuvent suivre et influencer les processus gouvernementaux par l’accès à l’information gouvernementale et aux instances décisionnelles [15].

Même si on peut considérer que l’idée de Gouvernement ouvert est encore en construction [16], une définition peut néanmoins se stabiliser. En nous inspirant de la définition en anglais de l’OCDE, on peut concevoir le Gouvernement ouvert comme une culture de gouvernance orientée vers le citoyen, qui s’appuie sur des outils, des politiques ainsi que des pratiques innovantes et durables pour promouvoir la transparence, l’interactivité et l’imputabilité du gouvernement, afin de favoriser la participation des parties prenantes en soutien de la démocratie et de la croissance inclusive [17]. Ce processus a vocation de déboucher sur la coconstruction de politiques collectives impliquant tous les acteurs de la gouvernance (sphère publique, entreprises, société civile, etc.), visant l’intérêt général et le bien commun.

L’organisation internationale du PGO précise qu’une stratégie de gouvernement ouvert ne peut réellement se développer que lorsqu’elle est appuyée par un environnement adéquat qui lui permette de se déployer. La question du leadership des acteurs politiques est évidemment très importante, de même que la capacité des citoyens (leur empowerment) à participer effectivement à l’action publique : elle est au cœur des réformes qu’elle induit, ainsi que le notait l’organisation internationale. Aujourd’hui, en effet, les autorités sont conscientes de la nécessité d’aller au delà d’un simple rôle de prestataire des services publics, et de nouer des partenariats plus étroits avec toutes les parties prenantes concernées [18].

Le Gouvernement ouvert renoue donc avec une des définitions initiales de la gouvernance, telle que Steven Rosell l’avait formulée en 1992 : un processus par lequel une organisation ou une société se conduit elle-même, à partir de ses acteurs [19]. C’est en effet devenu une banalité de répéter que les défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés ne peuvent plus être résolus, compte tenu de leur ampleur, par un gouvernement classique et quelques cohortes voire légions de fonctionnaires.

Néanmoins, face à ces enjeux, souvent colossaux, c’est avec raison que le professeur d’Administration des Affaires Doublas Schuler s’interroge sur la capacité d’action de l’ensemble de la société qui devrait être mobilisée et pose la question : serons-nous assez intelligents, assez tôt ? Pour y répondre, celui qui est aussi le président du Public Sphere Project fait appel à ce qu’il nomme l’intelligence civique, une forme d’intelligence collective orientée vers des défis partagés, qui se concentre sur l’amélioration de la société dans son ensemble et pas seulement sur l’individu. Le type de démocratie que fonde l’intelligence civique, écrit Douglas, est celui qui, comme l’écrivait le psychologue et philosophe américain John Dewey, peut être vu davantage comme un mode de vie que comme un devoir, celle dans laquelle la participation à un processus participatif renforce la citoyenneté des individus et leur permet de mieux penser en termes de communauté. La délibération est pour ce faire totalement essentielle. Elle peut être définie comme un processus de communication organisée dans lequel les personnes débattent de leurs préoccupations de façon raisonnable, consciencieuse et ouverte, avec l’objectif de parvenir à une décision [20]. La délibération se concrétise quand des personnes aux points de vue différents échangent dans l’intention de parvenir à un accord. Les prospectivistes le savent bien : le livrable attendu de la délibération est une vision plus cohérente de l’avenir [21].

Contrairement à ce que l’on pense généralement, les véritables processus de délibération restent rares, tant dans la sphère citoyenne que dans les cadres spécifiquement politiques et institutionnels. Beth Simone Noveck qualifie d’ailleurs la démocratie délibérative de timide, lui préférant la démocratie collaborative, plus orientée résultat, décision, et mieux encouragée par les technologies [22]. Ces processus constituent toutefois la méthode de base de dynamiques plus impliquantes comme la co-construction de politiques publiques ou de politiques collectives, débouchant sur la contractualisation des acteurs, l’additionnalité des financements, la mise en œuvre et l’évaluation partenariales. On mesure la distance qui sépare ces processus des simples consultations plus ou moins formelles, ou des concertations socio-économiques sur des modèles de type rhénan, voire mosan, qui remontent à l’immédiate Après Deuxième Guerre mondiale et qui ne sont certes plus à la hauteur pour répondre aux enjeux du XXIe siècle.

Les Nations Unies ne s’y sont pas trompées en ajoutant un objectif 17  » Partenariats pour la réalisation des objectifs » à l’objectif 16, déjà explicite, parmi ceux destinés à atteindre le développement durable et portant plus spécifiquement sur l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous, l’accès global à la justice et des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous. Cet objectif 17 appelle la mise en place de partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile : ces partenariats inclusifs construits sur des principes et des valeurs, une vision commune et des objectifs communs qui placent les peuples et la planète au centre sont nécessaires au niveau mondial, régional, national et local [23].

Régions et territoires ouverts

Lors de son intervention au forum du Partenariat pour un Gouvernement ouvert qui se réunissait en marge de la 72e Assemblée générale des Nations Unies le 19 septembre 2017, le Président Emmanuel Macron a notamment indiqué que les collectivités locales ont un rôle croissant à jouer et sont une échelle absolument incontournable du gouvernement ouvert [24]. Lors de sa campagne électorale, le futur président français avait d’ailleurs insisté sur le fait que les politiques publiques sont plus efficaces lorsqu’elles sont construites avec les concitoyens auxquels elles sont destinées. Et dans ce qu’il avait appelé la République contractuelle, celle qui fait confiance aux territoires, à la société et aux acteurs, l’ancien ministre voyait une nouvelle idée de la démocratie : ce ne sont pas des citoyens passifs qui délèguent à leurs responsables politiques la gestion de la nation. Une démocratie saine et moderne, c’est un régime composé de citoyens actifs, qui prennent leur part dans la transformation du pays [25].

Dans la lignée des travaux déjà menés depuis le début de la législature au sein du Parlement de Wallonie, la Déclaration de politique régionale wallonne du 28 juillet 2017 donne corps à cette évolution en appelant à un renouveau démocratique et à une amélioration de la gouvernance publique fondés sur quatre piliers que sont la transparence, la participation, la responsabilité et la performance. La transparence porte tant sur la lisibilité des normes et des réglementations, les modes de fonctionnement, les mécanismes et contenus des décisions que leur financement. La participation a pour but l’implication des citoyens et des acteurs privés, entreprises et monde associatif en leur donnant prioritairement l’initiative, l’Etat venant en appui et en encadrement stratégique. Le texte invoque une nouvelle citoyenneté de coopération, de débat public, d’information active et d’implication. La responsabilité ainsi promue est surtout celle du mandataire – élu ou désigné – et voit l’imputabilité s’accroître. Les relations entre pouvoirs publics et associations sont appelées à être clarifiées. La performance est ici définie au travers de l’évaluation d’impact de l’action publique en matières économique, budgétaire, d’emploi, environnementale et sociale. Elle fonde la volonté d’une simplification drastique des institutions publiques jugées – à juste titre – trop nombreuses et trop coûteuses [26].

On le voit, ces pistes sont intéressantes et constituent sans nul doute une avancée inspirée par l’idée de gouvernement ouvert que nous appelions dernièrement de nos vœux [27], même si elles ne franchissent pas encore l’étape d’une véritable gouvernance collaborative, de la délibération avec l’ensemble des acteurs et des citoyens, voire de la coconstruction des politiques publiques au delà des expériences de panels citoyens.

Conclusion : un gouvernement des citoyens, par les citoyens, pour les citoyens

Le Gouvernement ouvert n’est pas une affaire de technologie, mais de démocratie. Ce modèle renoue avec l’idée d’Abraham Lincoln d’un government of the people, by the people, for the people, qui clôture son discours de Gettysburg du 19 novembre 1863 [28]. Cette idée forte peut constituer un atout pour toutes les régions d’Europe, pour ses États ainsi que pour la dynamique européenne dans sa totalité. Ici, comme aux États-Unis, le principe du Gouvernement ouvert doit être porté par tous les mandataires et appliqué à tous les niveaux de gouvernance [29]. Les parlements autant que les conseils régionaux doivent s’en saisir, eux qui ont souvent déjà amorcé des dynamiques pionnières [30].

Comme le dit encore Douglas Schuler, un gouvernement ouvert n’aurait aucun sens s’il ne s’accompagnait d’une citoyenneté informée, consciente et engagée, s’il ne signifiait pas une gouvernance totalement distribuée dans la population, la fin du gouvernement comme unique lieu de gouvernance. Dès lors, ce constat renvoie à la question initiale : quelles sont les capacités et les informations dont les citoyennes et les citoyens ont besoin pour se saisir des enjeux auxquels ils ont à faire face ? [31] On connaît la réponse de Thomas Jefferson écrivant depuis Paris en 1789 au philosophe Richard Price : Un sens de la nécessité, et une soumission à elle, est pour moi une preuve nouvelle et consolatrice que, partout où les citoyens sont bien informés, on peut leur faire confiance ainsi qu’à leur gouvernement; chaque fois que les choses deviennent si fausses au point d’attirer leur attention, elles peuvent être invoquées pour les ramener dans leurs droits [32]. Assurément, cette question appelle une réponse liée à l’éducation critique tout au long de la vie, à l’importance de la philosophie, de l’histoire, de l’apprentissage de la citoyenneté, de la prospective et de la complexité dont nous avons reparlé voici peu de temps [33]. Comme le note Pierre Rosanvallon, il s’agit de rendre la société lisible pour le citoyen, de faire en sorte qu’il puisse disposer d’une connaissance effective du monde social et des mécanismes qui le régissent, de permettre aux individus d’avoir accès à ce que le professeur au Collège de France appelle la citoyenneté réelle : compréhension des rapports sociaux effectifs, mécanismes de redistribution, problèmes que rencontre la réalisation d’une société des égaux [34].

Nous n’avons cessé de le répéter, le Gouvernement ouvert et la gouvernance par les acteurs, appellent une société ouverte [35], c’est-à-dire un espace commun, une communauté des citoyennes et des citoyens où tous joignent leurs efforts pour envisager des enjeux partagés et y répondre en vue d’un bien commun. Le passage du Gouvernement ouvert à l’État ouvert se fait par extension et applications des principes évoqués, de l’exécutif au législatif et au pouvoir judiciaire, ainsi qu’à tous les acteurs en amont et en aval.

Là où les gouvernements nationaux n’ont pas encore lancé leur stratégie de gouvernance ouverte, il conviendrait de commencer par les territoires, les villes et les régions qui ont souvent pour elles l’avantage de la souplesse et de la proximité avec les acteurs, les citoyennes et les citoyens. Cette nécessité implique aussi, bien entendu, que les organisations privées soient, elles aussi, plus transparentes, plus ouvertes, davantage actrices.

Mettre en cohérence ces ambitions globales, portées par les Nations Unies, celles relayées par l’OCDE, l’Europe et plus de 70 nations dans le monde, avec les attentes de nos acteurs régionaux, paraît à portée de main. A nous de mener cette tâche à bien avec enthousiasme et détermination, où que nous soyons situés dans cette société qui rêve d’un monde meilleur.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] Barack OBAMA, Change, We Can Believe in, Three Rivers Press, 2008. Traduit en français sous le titre Le changement, Nous pouvons y croire, p. 180, Paris, Odile Jacob, 2009.

[2] Ibidem.

[3] Ibidem, p. 181sv.

[4] Sur l’accountability, qu’il préfère traduire par reddition de comptes, voir Pierre ROSANVALLON, Le bon gouvernement, p. 269sv, Paris, Seuil, 2015.

[5] Memo from President Obama on Transparency and Open Government, January 21, 2009. Reproduit dans Daniel LATHROP & Laurel RUMA ed., Open Government, Transparency, and Participation in Practice, p. 389-390, Sebastopol, CA, O’Reilly, 2010.

http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=85677

[6] Voir pour les rétroactes aux Etats-Unis : Patrice McDERMOTT, Building Open Government, in Governement Information Quartely, n°27, 2010, p. 401-413.

[7] Déclaration commune pour un gouvernement ouvert, https://www.opengovpartnership.org/d-claration-commune-pour-un-gouvernement-ouvert

[8] La Belgique n’est toujours pas membre du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, dans Le Vif-L’Express, 11 août 2017.

[9] Déclaration de Paris, 4e Sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, Open Governement Partnershio, 7 décembre 2016. https://www.opengovpartnership.org/paris-declaration

Cliquer pour accéder à OGP-Summit_PARIS-DECLARATION_FR.pdf

[10] Voir Philip E. TETLOCK, Expert Political Judgment, How good is it ? How can we know ? Princeton NJ, Princeton University Press, 2005.

[11] Beth Simone NOVECK, Wiki Government: How technology can make government better, democracy stranger, and citizens more powerful, Brookings Institution Press, 2009. – The Single point of Failure, in Daniel LATHROP & Laurel RUMA ed., Open Government, Transparency, and Participation in Practice, p. 50, Sebastopol, CA, O’Reilly, 2010. Pour une approche empirique de la Gouvernance ouverte, voir Albert J. MEIJER et al., La gouvernance ouverte : relier visibilité et moyens d’expression, dans Revue internationale des Sciences administratives 2012/1 (Vol. 78), p. 13-32, en pointant cette formule : la gouvernance ouverte est une question bien trop importante pour la confier à des « technophiles » : des scientifiques et des praticiens ayant une formation en droit, en économie, en science politique et en administration publique doivent également intervenir et se servir de leurs connaissances disciplinaires pour mettre en place les liens nécessaires entre visibilité et moyens d’expression en vue de faciliter la citoyenneté active. (p. 29-30)

[12] Matt STOKES, Peter BAECK, Toby BAKER, What next for Digital Social Innovation?, Realizing the potential of people and technology to tackle social challenges, European Commission, DSI4EU, Nesta Report, May 2017. https://www.nesta.org.uk/sites/default/files/dsi_report.pdf

[13] Freedom of access to information on the environment (1st report, Session 1996-97)

https://publications.parliament.uk/pa/ld199697/ldselect/ldeucom/069xii/ec1233.htm

[14] Romain BADOUARD (maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise), Open governement, open data : l’empowerment citoyen en question, dans Clément MABI, Jean-Christophe PLANTIN et Laurence MONNOYER-SMITH dir., Ouvrir, partager, réutiliser, Regards critiques sur les données numériques, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2017 http://books.openedition.org/editionsmsh/9067

[15] the extent to which citizens can monitor and influence governement processes through access to governement information and access to decision-making arenas. Albert J. MEIJER, Deirdre CURTIN & Maarten HILLEBRANDT, Open Governement: Connecting vision and voice, in International Review of Administrative Sciences, 78, 10-29, p. 13.

[16] Douglas SCHULER, Online Deliberation and Civic Intelligence dans D. LATHROP & L. RUMA ed., Open Government…, p. 92sv. – voir aussi l’intéressante analyse de Emad A. ABU-SHANAB, Reingineering the open government concept: An empirical support for a proposed model, in Government Information Quartely, n°32, 2015, p. 453-463.

[17] a citizen-centred culture of governance that utilizes innovative and sustainable tools, policies and practices to promote government transparency, responsiveness and accountability to foster stakeholders’ participation in support of democracy and inclusive growth”. OECD, Open Governement, The Global context and the way forward, p. 19, Paris, OECD Publishing, 2016. – En novembre 2017, l’OCDE a publié cet ouvrage en français, utilisant la définition suivante : une culture de la gouvernance qui se fonde sur des politiques et pratiques novatrices, durables et inspirées des principes de transparence, de redevabilité et de participation pour favoriser la démocratie et la croissance inclusive.

OCDE, Gouvernement ouvert : Contexte mondial et perspectives, Editions OCDE, Paris. 2017. http://dx.doi.org/10.1787/9789264280984-fr

 

[18] OCDE, Panorama des administrations publiques, p. 198, Paris, OCDE, 2017. – Voir aussi, p. 29 et 30 du même ouvrage, des définitions spécifiques mises au point dans différents pays.

[19] Steven A. ROSELL ea, Governing in an Information Society, Montréal, 1992.

[20] Douglas SCHULER, Online Deliberation and Civic Intelligence... p. 93.

[21] Ibidem.

[22] B. S. NOVECK, op.cit., p. 62-63.

[23] Objectifs du développement durable, 17 objectifs pour transformer le monde.

http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/globalpartnerships/

[24] Allocution du Président de la République Emmanuel Macron lors de l’événement de l’Open Government Partnership en marge de la 72e Assemblée Générale des Nations Unies (19 Septembre 2017) – http://www.dailymotion.com/video/x61l75r

[25] Emmanuel MACRON, Révolution, p. 255-256 et 259, Paris, XO, 2016.

[26] Parlement wallon, Session 2016-2017, Déclaration de politique régionale, « La Wallonie plus forte », 28 juillet 2017, DOC 880(2016-2017) – N°1, p. 3-5.

[27] Olivier MOUTON, Une thérapie de choc pour la Wallonie, dans Le Vif-L’Express, n°44, 3 novembre 2017, p. 35.

[28] Carl MALAMUD, By the People, dans D. LATHROP & L. RUMA ed., Open Government…, p. 41.

[29] Ibidem, p. 46.

[30] David BEETHAM, Parlement et démocratie au vingt-et-unième siècle, Guide des bonnes pratiques, Genève, Union parlementaire, 2006.

[31] D. SCHULER, Online Deliberation and Civic Intelligence... p. 93.

[32] A sense of necessity, and a submission to it, is to me a new and consolatory proof that, whenever the people are well-informed, they can be trusted with their own government; that, whenever things get so far wrong as to attract their notice, they may be relied on to set them to rights. Letter To Richard Prices, Paris, January 8, 1789, dans Thomas JEFFERSON, Writings, p. 935, New-York, The Library of America, 1984.

[33] Ph. DESTATTE, Apprendre au XXIème siècle, Citoyenneté, complexité et prospective, Liège, 22 septembre 2017. https://phd2050.org/2017/10/09/apprendre/

[34] P. ROSANVALLON, Le bon gouvernement, p. 246.

[35] Archon FUNG & David WEIL, Open Government and open society, dans D. LATHROP & L. RUMA ed., Open Government…, p. 41.