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Liège, 2 mars 2016

Pour le numéro 129 (Février 2016, p. 51-53) de Wallonie,  la revue du Conseil économique et social de Wallonie, Nathalie Blanchart m’a demandé de réagir à la synthèse de “65 ans d’histoire économique” qui y est publiée et de répondre, en toute franchise et avec une approche prospective, aux questions sur les leçons à tirer du passé et les perspectives de développement. On trouvera ici la version complète de l’entretien du 3 février 2016 à laquelle la revue renvoie.

Wallonie : Sur base de votre expérience et de votre parcours académique, quel regard portez-vous sur l’histoire économique de la Wallonie, et plus spécifiquement cette synthèse de 65 années ?

La synthèse de l’évolution de l’économie wallonne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qui est présentée ici montre bien que non seulement la Wallonie souffre ou bénéficie des conjonctures internationales – je rappelle souvent qu’elle est ouverte à tout vent -, mais aussi qu’elle est marquée par le cadre politique et industriel de la Belgique dans laquelle elle se forge – ou non – une place. La Wallonie est un système complexe, mais aussi un sous-système de systèmes plus vastes qu’elle. Certes, la Wallonie peut être le jouet de forces extérieures, mondiales, européennes ou interrégionales, mais elle dépend aussi profondément de la volonté de ses relations et des capacités endogènes des Wallonnes et des Wallons : son entrepreneuriat, ses chercheurs et enseignants, ses travailleurs, ses organisations syndicales et patronales, ses élites politiques, ses citoyens – consommateurs, épargnants, bénéficiaires des politiques publiques, etc.

Le texte du CESW insiste à juste titre sur la question de la rentabilité des entreprises qui est vraiment centrale dans la compréhension de l’affaissement wallon et de la difficulté du redéploiement. Le rapport au Gouvernement du Conseil économique wallon de 1947 sur l’Économie wallonne consacrait toute une analyse à la question de la rentabilité de l’industrie dans les trois régions du pays en ventilant les secteurs : plus des deux tiers des capitaux investis dans les industries à faible rentabilité l’étaient en Wallonie tandis qu’il n’y était investi que moins du tiers des capitaux des industries à forte rentabilité.  La question de la diversification de la production industrielle est également essentielle. Un économiste comme le Montois Max Drechsel y insistait déjà dans l’Entre-deux-Guerres. Avec quelques autres professeurs comme Laurent Deschesne ou Maurice Firket à Liège, ils ont su anticiper l’évolution de la Région et donner des pistes de réponses pertinentes qui, malheureusement n’ont pas été suffisamment entendues avant les années 1960.

Il est également utile de rappeler que les Golden Sixties ont constitué un mythe pour une Wallonie qui voyait au même moment ses charbonnages, ses verreries et déjà son industrie lourde s’effondrer. Les lois d’expansion économiques auraient pu rééquilibrer les désinvestissements des grands groupes que Jean-Rémi Sortia a bien mis en évidence pour le CESRW en 1986, au travers de l’analyse du portefeuille de la Société générale : de 1937 à 1980, la part des activités wallonnes y chute de 40 à 29% tandis que la part des investissements de la Générale en Flandre y progresse de 12,5 points pour atteindre les 60%. La carte de la répartition des zones aidées par ces lois d’expansion montre que, en fait, elles ont surtout eu pour vocation de maintenir un avantage comparatif constant à la Flandre par rapport à la Wallonie qui, à partir du milieu des années 1960, aurait mérité un coup de pouce plus sérieux des gouvernements nationaux. A ceux qui, aujourd’hui, s’interrogent sur l’intérêt ou la nécessité de la fédéralisation, il faut rappeler que c’était, pour la Wallonie – qui avait peu de goût pour les querelles linguistiques entre francophones bruxellois et Flamands – une question de survie économique et sociale. La mémoire fait d’ailleurs souvent défaut à tous ceux qui pensent que la Wallonie n’a commencé à construire des politiques volontaristes de redéploiement économique qu’à la fin des années 1990. Pour avoir étudié de près les efforts menés par les ministres en charge de l’économie wallonne, je suis souvent resté impressionné par le volontarisme de ceux qui, comme Fernand Delmotte, Jean Defraigne, Alfred Califice, Jean Gol, Guy Mathot, Jean-Maurice Dehousse, Melchior Wathelet, Guy Spitaels ou Robert Collignon, notamment, se sont investis sans compter dans la reconversion. On fait aujourd’hui comme si ces personnalités de premier plan et leurs équipes ne s’étaient pas considérablement mobilisées avec des moyens réels. Ce sont pourtant eux qui ont permis la fin du déclin et la stabilisation de l’économie wallonne. Comme si la Région wallonne n’avait commencé à travailler à son redéploiement qu’au XXIème siècle…

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Wallonie :  En s’appuyant sur les « leçons du passé », est-il possible de dresser le futur de la Wallonie ?

Le problème des leçons du passé, c’est que, en Wallonie, elles n’ont pas été sérieusement tirées. Le seul programme de recherche scientifique d’envergure qui ait été lancé sur la question de l’évolution de l’économie wallonne l’a été par l’Institut Destrée en 2003 avec le soutien régional d’Anne-Marie Straus et d’Olivier Gutt, lorsqu’ils encadraient le ministre en charge de l’Economie régionale et de la Recherche. Ce programme, interuniversitaire et à vocation internationale, rassemblait dix-huit historiens autour de la question de l’innovation, du savoir-faire et de la performance sur la période qui va de la Révolution industrielle à nos jours. La Recherche, financée par le Ministre Kubla et prévue pour 6 ans, a malheureusement été arrêtée après un an pour des raisons essentiellement politiques. Dans son rapport Zénobe 2, le Professeur Edouard Delruelle rappelait que les Wallons continuaient à se demander ce qui leur était arrivé en un siècle. Tenter de le comprendre, ce n’est pas regarder en arrière, mais aider à se projeter en avant sur une meilleure trajectoire. Cela contribuerait certainement à comprendre que les Wallons ne sont pas seulement des victimes, mais pourquoi ils ont manqué et manquent encore largement d’esprit et de volonté d’entreprendre, de se prendre en main, de ce qu’on appelle aujourd’hui la résilience, pas tant comme capacité d’encaisser et de rentrer la tête dans les épaules comme les bons boxeurs, mais comme capacité de répondre aux enjeux dont on se saisit.

Néanmoins, la prospective nous apprend que le futur n’existe pas en tant que lieu de connaissance, il n’existe que comme avenir à saisir, à investir, à construire. Le grand malheur pour la Wallonie, c’est que le rêve de redressement qu’elle a conçu au tournant des années 1950 et 1960 était ambivalent. Autour de l’image charismatique du fondateur du Mouvement populaire wallon André Renard, le renardisme a rendu dignité, espoir et cohésion à la Région au travers du double objectif du fédéralisme et des réformes de structures. Cette idée, qui a mobilisé partis politiques, mouvements sociaux et organisations syndicales, avait son propre poison, devenu anachronique : l’anticapitalisme. Ce venin a non seulement divisé profondément les élites régionales, mais a empoisonné la terre wallonne comme l’avait fait l’arsenic et le cyanure de nos friches industrielles. Depuis, le consensus régional peine à se reconstruire, des générations d’enseignants ayant expliqué – trop souvent à tort – à leurs élèves à quel point le patronat avait déserté et étouffé leur région. On le voit, le redéploiement de la Wallonie est avant tout un redéploiement intellectuel, culturel, éducatif.

Wallonie : Mais, dès lors, quels sont les atouts et les faiblesses de notre Région ?

La faiblesse majeure est la difficulté de se projeter dans l’avenir. Je pense – et la DPR du Gouvernement Paul Magnette en avait fait son leitmotiv – que c’est la confiance qui est en jeu. Les Wallonnes et les Wallons manquent de confiance en eux-mêmes et dans les autres Wallonnes et Wallons : en leurs élus, leurs entreprises, leurs administrations, leurs enseignants, leurs chercheurs. Ils veulent qu’on les prenne par la main et ont peur de s’assumer. Restaurer cette confiance passe par un regard critique et lucide sur ce qu’ils sont et sur ce qu’ils veulent devenir, ensemble, demain. Il existe aujourd’hui de nombreux noyaux de jeunes chefs d’entreprises qui croient de nouveau en l’avenir, des cercles d’entrepreneurs motivés et motivants, comme le Cercle de Wallonie, qui contribuent à une nouvelle prise de conscience et impliquent les jeunes dans l’entrepreneuriat. Mais il reste beaucoup de Wallonnes et de Wallons à convaincre et à qui rendre cette confiance sans quoi rien ne sera vraiment possible.

Les atouts des Wallons ne sont pas minces néanmoins. Le premier est d’avoir obtenu de vrais leviers et des capacités de se réformer et de suivre leur propre voie. Le fédéralisme leur a accordé une autonomie aussi enviable que considérable, avec la possibilité de construire des politiques en cousu main, qui leur soient véritablement adaptées, à eux et à leur situation socio-économique. C’est l’idée du modèle mosan avancée par le ministre-président : se réinventer à partir de ses forces vives, de ses acteurs, et pas évidemment à partir du seul gouvernement et des seuls interlocuteurs sociaux. L’assiette de la participation et de la confiance doit être beaucoup plus large et impliquer tous ceux qui sont les acteurs du redéploiement. Donc aussi les chercheurs, les enseignants, les formateurs, les acteurs de l’éducation populaire, les culturels de Wallonie. Avec une réelle volonté de transformation. C’est peut-être sur cette dernière idée qui m’est chère que je réagirai le plus durement par rapport au texte de synthèse de l’évolution économique de la Wallonie. Écrire que la structure équilibrée de l’économie wallonne à la fin du XXème siècle serait devenue équilibrée et permettrait de ne plus avoir à assurer des reconversions aussi difficiles que par le passé est une illusion. Le monde dans lequel nous vivons est un monde dans une telle trajectoire de désintégration que, comme l’a écrit Edgar Morin, seule la métamorphose fondée sur nos capacités créatrices constitue une issue.

La métamorphose est au XXIème siècle ce que la Révolution était aux siècles précédents : c’est la construction de nouvelles formes de vie que nous ne pouvons encore précisément et totalement concevoir, mais qui sont indispensables à la suite de notre aventure humaine. Et nous devons le faire ici, en Wallonie, ou en tout cas dans cet espace wallon qui, lui aussi, peut évoluer et entrer dans d’autres configurations politiques, sociales, institutionnelles. Dès lors, faut-il le rappeler, les mutations qui s’annoncent dans le monde du travail, de l’emploi, de la formation, de la vie en commun, de la mobilité, des hiérarchies sociales, des responsabilités collectives, de l’éthique, etc. seront considérables. Mais cet atout ne sera jouable que si l’on se projette dans l’avenir pour construire une trajectoire innovante, cohérente avec nos valeurs, nos rêves, nos ambitions. Et c’est ici que nous revenons à la confiance. Ce n’est que parce que nous croirons en nous-mêmes que nous trouverons la force de construire et reconstruire un avenir pour notre génération et pour celles qui nous suivent. Les bases et les méthodes du redéploiement de la Wallonie ont été mises en place ces dernières années : contractualisation, plans stratégiques, approches transversales, mobilisations de task forces, hybridation des acteurs, démarches qualité, évaluation des politiques, anticipation, implication des chefs d’entreprises de terrain au cœur des choix stratégiques, etc. Toutes ces bonnes recettes doivent être optimisées et porter sur l’ensemble des moyens humains et financiers des politiques régionales. Nous avons fait de l’expérimentation sur 5% des moyens régionaux : généralisons ces bonnes pratiques et montons la vapeur budgétaire à 100%. Les résultats seront à la hauteur de l’espérance.  Ce qui ne veut pas dire que d’autres trajectoires ne sont pas possibles… Nous travaillons d’ailleurs à les identifier avec un groupe indépendant d’experts et d’acteurs de premier plan, dans le cadre de l’Institut Destrée.

La Wallonie est une région magnifiquement située, avec des voisins exceptionnels et un cadre naturel remarquable. Notre vocation est là : montrons notre attractivité et appuyons-nous sur ceux qui nous entourent. Émergeons enfin ! N’ayons plus peur des Flamands, des Bruxellois, des Néerlandais, des Allemands et des Français. Mais investissons davantage dans nos relations avec eux que ce que nous avons fait jusqu’ici. En particulier, je le répète depuis de nombreuses années, nous devons tisser ou retisser nos échanges avec la Flandre et les Länder allemands, en les incluant davantage dans nos stratégies économiques et industrielles. Voici vingt ans, la Wallonie hennuyère ne voyait pas Lille. Aujourd’hui, elle n’a toujours pas vu Gand. Or, je l’ai dit voici quelques années lors d’une conférence à Enghien : Gand y est à 60 kms, moins d’une heure. Et Gand, c’est plus de 230.000 habitants, 50.000 étudiants, 6.000 chercheurs dans les biotechnologies, la bioénergie, les TIC. Qui s’en soucie en Hainaut ? Les acteurs économiques m’écoutaient gentiment et me regardaient comme si j’étais le lapin blanc de Lewis Carroll…

Wallonie :  Comment expliquer que, malgré des leviers importants au regard d’autres régions, la situation socio-économique de la Wallonie ne soit pas meilleure ?

La difficulté de toute comparaison, c’est de savoir à qui l’on se compare, dans quel contexte spatial, territorial, et sur quelles trajectoires historiques. La Wallonie soutient la comparaison avec les régions françaises voisines. Si on regarde les dernières données Eurostat du PIB par habitant à prix courants, c’est-à-dire 2013, la Wallonie avec 26.200 euros fait un peu mieux que le Nord – Pas-de-Calais (26.100), que la Picardie (24.600) et que la Lorraine (24.200). Seule la Champagne-Ardenne (28.300) nous dame le pion, mais avec des arguments pétillants dont nous ne disposons pas. Évidemment, nous restons très en-dessous de la Flandre (36.500) et des régions allemandes de Nordrhein-Westfalen (33.900) et Rheinland-Pfalz (31.100), avec lesquelles nous avons intérêt à travailler et dont nous devons nous inspirer en termes de dynamisme et d’innovation.

Nous avons aussi des handicaps structurels que vous pointez dans votre analyse, qui sont historiques et liés au fait que les pouvoirs publics ont, en Wallonie, probablement plus qu’ailleurs dû suppléer le secteur privé pour soutenir l’emploi. Des habitudes en sont nées qui ont abouti à des déséquilibres structurels. Au début des années 1990 déjà, dans le cadre des travaux La Wallonie au futur, une équipe d’économistes réunis au CUNIC autour d’Albert Schleiper avaient pointé la faiblesse de la sphère marchande productive comparée à la sphère marchande non productive. Je reconnais que la formule peut-être blessante, mais le déficit persistant de plus de 80.000 emplois dans la première sphère est une question de durabilité pour la société wallonne. L’accroissement de la fonction publique wallonne ces dix dernières années n’a pas aidé à résoudre ce problème. Mais je suis conscient que l’emploi ne se décrète pas et qu’il est l’affaire des entrepreneurs plutôt que des élus, qui ne jouent vraiment un rôle qu’en favorisant le système d’innovation. C’est fait vigoureusement en Wallonie grâce à l’action menée par le ministre Jean-Claude Marcourt et ses équipes dans les Pôles de compétitivité, Creative Wallonia, le Design, la numérisation, etc.

Je suis plus inquiet sur la question de la réindustrialisation où l’on voit mal comment on pourrait atteindre les objectifs européens de 20% du PIB en 2020, pourtant inscrits dans la Déclaration de Politique régionale. Notre faiblesse intrinsèque reste la dynamisation de l’enseignement technique et professionnel. Il faudrait le transférer d’urgence de la Communauté française à la Région wallonne, le faire basculer totalement dans l’alternance et le refinancer avec de l’argent frais qui permette d’engager des enseignants et des formateurs de haut niveau, en particulier à la fois de jeunes ingénieurs techniciens motivés et de vieux briscards qui ont une large expérience de l’industrie.

En effet, au centre de toute préoccupation de redéploiement, c’est la productivité qui doit être visée. Dans ses conférences, l’économiste montois Joseph Pagano insiste régulièrement sur la chaîne causale qui handicape l’économie de la Wallonie, mais permet également d’identifier les facteurs sur lesquels il faut activer les remèdes. Les Wallons ont une réelle capacité à capter de la valeur ajoutée produite en dehors de la Wallonie, notamment par une mobilité de l’emploi vers Bruxelles, la Flandre et l’étranger. Cette évolution joue favorablement puisque, au delà du PIB wallon, l’indice du revenu primaire s’élève à un niveau supérieur au PIB : 87,2 % de la moyenne belge. La différence entre ce niveau et le revenu disponible des Wallons (90,7 % de la moyenne belge en 2010) est constituée de la solidarité implicite. Toutefois, c’est le cumul de la faiblesse de la productivité et du bas niveau du taux d’emploi (84% de la moyenne belge) qui continue à handicaper le PIB par habitant en Wallonie. Si la productivité régionale est plus faible que la moyenne belge (88%), c’est à la fois à cause de la relative petitesse de la taille des entreprises wallonnes (97,21 % de la moyenne belge), du manque de vigueur de la dynamique entrepreneuriale wallonne (86% de la moyenne belge) puisque le taux de création des entreprises est élevé (104,26 % en 2012) mais contrecarré par un taux de disparition plus élevé que la moyenne belge (109 %). Productivité et taux d’emploi doivent être boostés. Personne ne doute que la formation est le facteur essentiel qui détermine aujourd’hui et déterminera demain ces deux variables.

Wallonie :  La Wallonie est diversifiée ; les situations socio-économiques sont variables à l’intérieur de la région. Quelles seraient, selon vous, les bonnes pratiques locales à diffuser pour permettre une amélioration globale ?

Vous touchez là ce qui, pour moi, constitue un enjeu majeur du redéploiement wallon : la capacité d’articuler les efforts importants menés au niveau territorial par ces outils fondamentaux que sont les intercommunales de développement économique et les politiques régionales, qui déterminent des stratégies régionales, mettent en œuvre les politiques européennes et cofinancent l’ensemble. C’est avec raison que Jacques Pélerin indiquait, dans son petit livre sur la réindustrialisation, que l’ensemble de ce système devait fonctionner avec l’efficacité d’un engrenage bien huilé où les instances régionales, territoriales et locales s’emboîtent parfaitement. Pour assurer la cohérence et l’efficience de l’action, il me paraît indispensable que l’ensemble de ces politiques et moyens financiers soient contractualisés pour que ce qui est fait en Wallonie picarde, Cœur du Hainaut, ou à Liège et dans le Luxembourg corresponde bien aux ambitions de toute la Région Wallonie.

Et, dans le même temps, on doit comprendre dans la capitale régionale qu’est Namur que personne n’est mieux à même de mobiliser les acteurs locaux sur des dossiers concrets comme l’économie circulaire, les fab lab ou les hubs numériques que ceux qui sont en contacts permanents et quotidiens avec les entreprises. La difficulté est grande de savoir où l’on place le bon niveau du redéploiement : certaines politiques doivent être menées au niveau européen, d’autres au niveau régional, d’autres encore au niveau territorial. Et certaines, plus spécifiques, trouveront leur espace pertinent dans des logiques fédérales ou transfrontalières. Je suis très favorable au niveau des bassins de vie pour l’innovation, l’enseignement, la formation, ainsi que pour la dynamisation des PME. Le niveau régional est très adéquat pour les pôles de compétitivité qui doivent pouvoir bénéficier d’une lisibilité européenne en vue d’exister au plan international. Je ne suis pas loin de penser la même chose pour ce qui concerne les universités et surtout les centres de recherche. Les nôtres n’ont plus la taille critique suffisante. Si je regarde tous ces instruments dynamiques que sont les centres de recherches hennuyers : Multitel, Materia Nova, Certech, Inisma, etc. je pense – comme d’autres – que, à l’heure de la convergence des technologies, ils devraient fusionner pour pouvoir s’inscrire dans des projets européens importants, à côté des Fraunhofer allemands ou des instituts Carnot en France. On sait que les Luxembourgeois ont pris aussi ce chemin en remplaçant l’Institut Henri Tudor par le LIST qui devient un centre de recherche de niveau européen. Voilà quelles sont aujourd’hui les réformes de structure :  des transformations concrètes, pragmatiques, qui préparent l’avenir… Rationnellement et avec volontarisme plutôt que de manière idéologique. Et je ne vous parle même pas de mobilité, de la SNCB et du Thalys… où nous devrons aussi bientôt faire preuve de créativité. A nouveau sans tabou.

 

Philippe Destatte

Trois transitions sociétales ont structuré le Cœur du Hainaut du XIXème au XXIème siècles :  d’abord, la Révolution industrielle, ensuite la transition vers le développement durable et enfin, la Révolution cognitive que nous vivons actuellement. Ce texte constitue la conclusion de l’analyse intitulée Transitions et reconversions dans le Cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle, qui a fait l’objet d’une communication au colloque de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, le 28 mars 2015, à la Faculté polytechnique de Mons.

Centre et Borinage, terres brûlées de l’économie belge

On a dit jadis, dans des milieux wallons qui leur voulaient du bien, que le Borinage et le Centre demeuraient les terres brûlées de l’économie belge [1]. En 1958, les chercheurs de l’Institut de Sociologie de l’ULB mettaient en discussion le concept de sous-développement économique quant à son application au Borinage. Ils en déduisaient qu’en dernière analyse, le problème borain est un problème de structures vieillies ou périmées [2]. Concernant la “composante technique”, les analystes du Centre d’Économie régionale rappelaient les nombreux constats de sous-équipement des entreprises : déficient, vétuste et périmé. En ce qui concerne la “composante humaine”, ils pointaient l’esprit et les méthodes complètement dépassés de direction ou d’organisation des entreprises. Ils concluaient d’ailleurs que l’on retrouvait dans le Borinage quelque analogie avec le “cercle vicieux” dans lequel sont enfermées certaines économies sous-développées : l’investissement sous toutes ses formes est réduit, et, inversement, l’esprit d’entreprise disparaît parce qu’il n’est plus stimulé par les perspectives ouvertes par un volume suffisant d’investissement[3] Le gouverneur du Hainaut, Émile Cornez – qui était né à Dour – ne disait pas autre chose lorsqu’il affirmait, en 1961, que le déclin du Centre et du Borinage était notamment dû au fait que de nombreuses usines avaient été réfractaires aux innovations sur le plan technique, et sur le plan commercial, ne réalisant pas les investissements nécessaires [4]. Max Drechsel indiquait d’ailleurs, au même moment, que le Centre et le Borinage sont des régions du 19e siècle. Et le Recteur ajoutait : dans la Belgique et dans l’Europe d’aujourd’hui, ce sont des “sous-régions”, dont le premier souci doit être de rechercher tous les moyens d’être reliées aux nouveaux pôles de croissance de la Belgique et de l’Europe [5].

Un modèle innovant pour une aire de richesses économiques

Aujourd’hui, dans le Cœur du Hainaut – qui est bien un organe de gouvernance et de développement du XXIème siècle – des instituts de recherche ont été mis en place dans le prolongement des facultés universitaires et de leurs départements, en évolution constante. Ils ont été fondés ou renforcés avec l’appui des Fonds structurels européens et de la Région wallonne. Par les mutations technologiques dont ces instituts sont porteurs et par leur irradiation sur le terrain économique, ils contribuent à un changement de paradigme sociétal dans l’espace des vingt-cinq communes dynamisées par l’intercommunale IDEA. Cette dernière est d’ailleurs l’épicentre de la transformation, portée par une prospective à l’horizon 2025 et le projet Cœur du Hainaut, centre d’Énergies, qui a identifié les cinq pôles de son redéploiement : Économie culturelle, créative et technologique, Matériaux et recyclage (en ce compris l’économie circulaire et l’écologie industrielle), Environnement et énergie, Risques transdisciplinaires, et Business Development. Le plan stratégique du 15 novembre 2013 de l’IDEA elle-même ambitionne, par sa vision de long terme, d’assurer un développement territorial durable et solidaire du Cœur du Hainaut en une aire de richesses économiques, en valorisant les disponibilités foncières importantes dont dispose le territoire, une accessibilité améliorée (eau, rail, route), ainsi que des ressources en eau à des prix compétitifs [6]. Trois zones d’activités économiques propices à une réindustrialisation soutiennent cette stratégie en présentant des superficies d’un seul tenant de vaste ampleur : Tertre, Feluy et Manage-Nord. Comme l’indiquait dernièrement Maïté Dufrasne, coordinatrice du projet de territoire, l’atout majeur pourrait consister en un terreau susceptible de faire émerger des synergies ou symbioses industrielles à l’origine d’un modèle économique innovant [7].

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Un potentiel de réindustrialisation au Cœur du Hainaut

Carte Maïté Dufrasne (IDEA), Nov. 2014

Une reconversion permanente des industries, de la gouvernance et des esprits

Depuis 1961, sinon 1835 pour le Borinage, ce qu’on appelle aujourd’hui le Cœur du Hainaut est à la recherche d’un nouveau souffle. Richard Stiévenart ne disait-il pas que la reconversion du Borinage, tout comme celle du Centre, sera une œuvre longue, ardue et même pénible ? [8] Le sociologue Pierre Feldheim était plus proche de la réalité encore, affirmant que la reconversion sera longue et jamais achevée, car les conditions de la prospérité économique et sociale sont en constante évolution et l’adaptation aux circonstances nouvelles nées de cette évolution devrait être, doit être, un processus permanent [9]. Inscrit dans ce Nouveau Paradigme industriel qui allie sociétés industrielles, développement durable et Révolution cognitive, le Cœur du Hainaut construit son redéploiement et prépare sa réindustrialisation en s’appuyant sur l’économie numérique et sur le GreenTech, l’économie du développement durable.

Dans son discours sur l’état de la Wallonie du 25 mars 2015, le Ministre-Président Paul Magnette indiquait que la Wallonie avait arrêté de décrocher [10]. Ce qui est peut-être vrai pour la Wallonie ne l’est pas pour le Cœur du Hainaut, en tout cas si on se base sur l’évolution du PIB par habitant des trois arrondissements de référence de cet espace : ceux de Mons, de Soignies et de Charleroi. Néanmoins, si l’érosion s’y poursuit dans les statistiques, les conditions du redéploiement sont aujourd’hui réunies. Les efforts produits par les entrepreneurs, les universités et les centres de recherche, les élus, et surtout l’intercommunale IDEA, en cours de mutation en véritable agence de développement territorial, ont empêché l’affaissement qui s’était produit jadis. Le dynamisme de Mons 2015, initiative lancée à l’initiative d’Elio Di Rupo, et de la stratégie du Cœur du Hainaut 2025 atteste de cette vigueur. Leur connexion dans une stratégie territoriale commune devrait permettre le redéploiement. La deuxième démarche bénéficierait de l’élan culturel, de l’aura internationale et du changement d’état d’esprit que porte Mons 2015. La première disposerait d’une véritable stratégie territoriale qui ne demande qu’à poursuivre sa mise en œuvre dans ce que le Conseil de Développement a appelé une gouvernance exemplaire.

Comme l’indiquait tout dernièrement Michel Molitor, le thème de la transition a sa place dans les analyses des mutations sociétales. Le vice-recteur honoraire de l’UCL rappelait que, dès les années 1970, Alain Touraine s’interrogeait sur la relation entre les crises et les mutations, considérant que la crise est un dérèglement qui appelle des restructurations et des remises en ordre alors que la mutation est un processus de changement irréversible, de transition d’un état à un autre qui passe par des crises, mais ne s’y réduit pas [11]. C’est une question très actuelle en effet, au moment où certains, à l’initiative notamment de Jean-Pascal Labille, s’intéressent au fait d’identifier la nature de ce que nous vivons [12].

Ainsi que Michel Molitor a raison de le rappeler, la crise du système industriel wallon s’inscrit dans une formidable mutation systémique amorcée dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Avec le recul, nous commençons à mieux percevoir ses différents aspects et leurs enchaînements, mais en étant encore peu capables de saisir leurs évolutions dans l’avenir.

L’historien peut faire la comparaison avec cette grande période de mutations que constitua la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècles. Robert Nisbet – cher à Michel Molitor – a bien montré le double processus qu’ont constitué la Révolution industrielle et la Révolution démocratique, ainsi que les bouleversements multiples qu’elles ont provoqués [13]. La sociologie, de Tocqueville à Marx en passant par Weber, est née de la volonté de nommer et de comprendre ces changements. C’est ce que Pierre Lebrun avait bien compris en s’adonnant à une socio-histoire, fondée sur une connaissance rigoureuse à la fois de la théorie économique et des données, en ambitionnant d’appréhender l’angoisse capitaliste [14].

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] CRAINQUEVILLE, Le repos des guerriers dans Combat, 22 août 1963, p. 2.

[2] W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 250.

[3] Ibidem, p. 251.

[4] Émile CORNEZ, Allocution lors de la séance au Palais du Gouvernement provincial, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 104 et 106.

[5] M. DRECHSEL, Introduction à l’étude des problèmes de la reconversion…, p. 31.

[6] Caroline DECAMPS et Maïté DUFRASNE, Un potentiel de réindustrialisation au Cœur du Hainaut, 18 Novembre 2014. – Plan stratégique de l’IDEA, 15 novembre 2013 :

http://www.idea.be/Uploads/Trc/Publications/15-11-2013_defenvoiag15nov2013planstrategique2014-2016.pdf

[7] Maïté DUFRASNE, Courriel du 11 mai 2015.

[8] Richard STIEVENART, Les conditions de la reconversion économique du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 113.

[9] Pierre FELDHEIM, Conclusions de la Semaine, dans Les Régions du Borinage et du Centre…, p. 437.

[10] Paul MAGNETTE, Discours sur l’état de la Wallonie, Namur, Parlement wallon, 25 mars 2015.

Cliquer pour accéder à 7401-paulmagnette-discoursetatdelawallonie25mars2015.pdf

[11] Michel MOLITOR, Courriel du 30 avril 2015.

[12] Ceci n’est pas une crise, Une fondation, un constat et trois grands objectifs, dans Solidaris, n°2, 2015.

[13] Robert NISBET, La tradition sociologique, coll. Quadrige, Paris, PUF, 2000.

[14] Pierre LEBRUN, D’une histoire l’autre, L’angoisse capitaliste : plus value ou civilisation, Essai d’introduction à la socio-histoire, Manuscrit, s. d.

Trois transitions sociétales ont structuré le Cœur du Hainaut du XIXème au XXIème siècle :  d’abord, la Révolution industrielle, ensuite la transition vers le développement durable et enfin, la Révolution cognitive que nous connaissons actuellement et que j’envisage ici.

3. La Révolution cognitive comme base d’un nouveau paradigme, à la fois pour les habitants, pour l’industrie et les services

Il n’est nul besoin de citer Daniel Bell, Alvin Toffler, John Naisbitt ou Bill Halal [1] pour évoquer la transition lente et progressive des sociétés dites industrielles vers les sociétés de la connaissance. Dans un colloque organisé en juin 1962 et qui peinait à prendre de la hauteur tandis que les orateurs paraissaient timorés malgré l’ampleur de l’enjeu – les problèmes universitaires du Hainaut – Max Drechsel vint, comme souvent, dire l’essentiel de ce qui devait être dit : si décisifs, en effet, que puissent être les investissements matériels dont le Hainaut a besoin pour réussir sa reconversion, ils ne peuvent l’emporter sur les investissements qui doivent assurer la formation de ses élites intellectuelles ainsi que celle des cadres supérieurs présidant à ses multiples activités. Et le recteur de l’Institut supérieur de Commerce de Mons, par ailleurs chargé de cours à la Faculté polytechnique, de poursuivre que chacun sait qu’en définitive, c’est la volonté et la capacité des hommes qui assurent la prospérité d’une nation ou d’une région. Le facteur instrumental et l’armature technique, en effet, n’ont d’efficacité qu’au travers des aptitudes de ceux qui les mettent en œuvre [2]. Suivait un plaidoyer du vice-président de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, pour la création de l’Université dans lequel, en alignant les raisons économiques et sociales, Max Drechsel décrivait parfaitement le nouveau changement de paradigme : l’industrie, pour sa reconversion, a besoin de chercheurs par centaines, bientôt par milliers. Aujourd’hui, poursuivait-il, la recherche scientifique est à l’expansion industrielle ce que les matières premières et la configuration géographique étaient à l’essor des usines du siècle dernier. (…) C’est vers des industries de grande finition qu’il faut, plus que jamais, tourner nos regards, vers des entreprises qui incorporent toujours plus de travail qualifié. (…) L’avenir est désormais à la recherche appliquée, (…) le laboratoire se confond, de plus en plus avec l’usine elle-même [3]. Professeur à la Faculté polytechnique, Jacques Franeau devait compléter cette vision d’avenir dans sa propre communication en soulignant combien l’évolution de la société est conditionnée par le développement des sciences et des techniques, ou, d’une façon plus générale, par le développement des connaissances et de leurs applications [4]. Confronté depuis les années 1930 aux crises et au problème de reconversion du Hainaut et de la Wallonie, Drechsel n’hésitait pas à appeler à tourner les pages de l’économie. Sous le titre d’une économie invisible, il déclarait en 1970 qu’en octroyant une protection légale supplémentaire à des structures économiques vieillies, on risque de les figer pour toujours et de les priver à tout jamais des dernières chances qui leur restent de se rénover. Que des communautés ethniques défendent leur originalité sur le plan de la culture, c’est légitime. Mais dans l’ordre économique, c’est la créativité, l’énergie et la volonté d’innover qu’il faut promouvoir partout [5].

Imagination créative et créatique

Les conditions de l’innovation technologique et en particulier la créativité sont au cœur des préoccupations du Conseil économique wallon du Hainaut, au début des années 1970, de son président le Gouverneur Emilien Vaes, ainsi que du député permanent Richard Stiévenart, président de l’IDEA. Le 12 décembre 1974, pour annoncer la fondation du Centre de Recherches technologiques du Hainaut qui sera implanté à Fleurus, mais avec une antenne à Mons, ils invitent le président du Conseil d’Administration de l’ULB, le professeur André Jaumotte, qui viendra parler de l’imagination créative et de la créatique [6]. L’imagination créatrice et le talent d’organisation vont de pair, écrivait le gouverneur Emilien Vaes deux ans plus tard : les progrès de notre industrie dépendent en ordre principal de notre capacité d’inventer, d’innover et d’améliorer notre technologie. Ce qui est en cause, c’est le processus même de la recherche et du développement, c’est-à-dire ce qui sépare la théorie de sa mise en œuvre industrielle, ou en d’autres termes, l’organisation pour la convergence du potentiel intellectuel et scientifique, c’est l’adaptation continue de l’entreprise, des hommes, des produits. En réalité, la véritable sécurité de l’emploi réside dans l’aptitude au changement ! [7]

Cette même année était créé à Mons le Centre d’Information régional pour l’Innovation (CIRI), présidé par le député permanent Philippe Busquin, alors administrateur délégué du Bureau d’Etudes économiques et sociales du Hainaut. Les collaborateurs du centre d’Information se voulaient très explicites : La Wallonie est malade, affirmaient-ils, elle a besoin d’une thérapie de choc. La Province avait alors fondé cet organisme en vue de créer des activités nouvelles, et donc de l’emploi. La technique développée consistait soit à réaliser un travail de créativité à partir des potentialités de l’entreprise, des principes nouveaux découverts en recherche fondamentale et des besoins du marché, soit à la création d’une rétroaction entre, d’une part, le marché, les consommateurs et le monde qui change, et, d’autre part, la recherche appliquée [8]. Il s’agissait aussi, comme pour le TSIRA à Charleroi, de poser la question difficile de la transposition de l’innovation à l’activité industrielle rentable [9]. La fin des années 1970 et les années 1980 voient d’ailleurs se multiplier les initiatives innovantes : création du Centre de Recherches technologiques du Hainaut, installé à Fleurus avec une extension à Mons pour étudier les silicates et s’intéresser aux multiples aspects concernant l’industrie des céramiques [10], création d’IDEATEL en 1977 pour l’installation de la télédistribution dans le Borinage et le Centre [11], intérêt – trop timide – pour les biotechnologies [12]. Mais, surtout, se marquait la volonté de faciliter le processus d’innovation dans les PME en le considérant comme un thème central des politiques de restructuration industrielles, surtout dans les régions de vieille industrialisation [13]. L’analyse montrait surtout, ce qui est toujours une réalité aujourd’hui, que, malgré tous les efforts de transposition, les flux universités-entreprises restaient très difficiles à activer [14].

L’impact du changement technologique en zone de reconversion

Le Centre interdisciplinaire d’Études philosophiques de l’Université de Mons (CIEPHUM) avait, en 1985, organisé un colloque coordonné par André Philippart et Claire Lejeune et consacré à l’impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage. Outre la réflexion de fond sur les rapports entre la technologie et l’économique, la rencontre avait surtout pour vocation d’analyser les efforts de transformations collectifs et individuels. Ainsi que l’écrivait – comme une leçon très actuelle – la professeure Claire Lejeune en introduction : quand le changement s’avère inéluctable, la société n’a plus le choix, il faut réveiller le créateur ; il n’y a que lui pour incarner la nouveauté, c’est-à-dire la jeunesse et le mouvement dans une société paralysée par ses vieilles habitudes ; pour ressusciter l’humour de toutes les couleurs dans un monde déprimé qui a perdu le sens du rire [15].

Créateurs ou non, les hommes et femmes de bonne volonté n’avaient pas manqué : les Emile Cornez, Max Drechsel, Richard Stievenart, Yves Urbain, Roger De Looze, Hilaire Willot, René Panis [16], etc. Chargé de cours en économie à la Faculté Warocqué, l’orateur pressenti pour rappeler le processus de désindustrialisation et les efforts de reconversion industrielle du Borinage n’a toutefois pas le cœur à rire ce 4 février 1985. D’abord, parce que l’introduction au colloque faite par André Philippart l’a manifestement mis de méchante humeur, mais surtout parce que ce qu’il a à dire n’est guère agréable. D’emblée, Jean-François Escarmelle rappelle ce qui semble constituer une évidence : schématiquement, l’histoire économique du monde, d’un pays ou d’une région est une longue suite de phases d’industrialisation et de reconversions industrielles, ratées ou réussies [17]. Compte tenu de la structure industrielle monolithique du Borinage, la reconversion après la crise charbonnière a été – dit l’économiste montois – une reconversion complète qui s’est appuyée sur quatre axes principaux : (1) une intervention volontariste pour recréer les conditions d’une rénovation durable du tissu industriel. Cette intervention a été menée par les milieux politiques, économiques et sociaux et s’est opérée au travers de l’intercommunale IDEA dans le but de diversifier les activités en prenant appui sur quelques secteurs moteurs, générateurs de renouveau ; (2) l’insertion de la zone dans les mutations économiques globales de l’époque : tertiarisation de l’activité économique, grands programmes de travaux publics et nouveaux investissements industriels ; (3) le remodelage urbain de la région saccagée par l’exploitation minière (désenclavement, rénovation des sites industriels, démergement et assainissement du réseau hydraulique, infrastructures d’accueil pour de nouvelles activités industrielles) ; (4) la constitution d’un potentiel de travailleurs aux aptitudes nouvelles par la formation professionnelle et l’adaptation de l’enseignement technique [18]. Les efforts de rénovation industrielle ont porté sur la prospection d’investisseurs étrangers, surtout aux États-Unis, dans la chimie, les fabrications métalliques et l’électronique, l’utilisation maximale des lois d’expansion économique de 1959 et 1966, ainsi que sur le financement et l’aménagement de zonings, d’infrastructures et de bâtiments industriels adéquats [19]. Néanmoins, affirme Jean-François Escarmelle, la crise économique des années 1970 a enrayé ce redéploiement alors que l’industrie régionale était trop concentrée autour de secteurs en récession (sidérurgie, fabrications métalliques, verre, textile). De fait, poursuit-il, les fermetures conjuguées de plusieurs sièges d’exploitation de sociétés étrangères et d’un certain nombre d’entreprises vieillies dans les secteurs récessifs entraînèrent, par effet de “cascade”, la destruction du tissu industriel régional des sous-traitants, faisant ainsi de la région un véritable désert industriel. Et il conclut, implacable, que rien, ou à peu près rien, de concret n’a été réalisé dans la voie de la reconversion depuis bientôt dix ans de crise [20]. Néanmoins, comme l’indique encore Jean-François Escarmelle, peut-être pour laisser respirer l’assistance, la région n’est pas complètement démunie d’atouts face à l’enjeu principal que représente la capacité de maîtriser et de contrôler les mutations technologiques en cours. Mais le futur directeur général d’IDEA avertit : seules les technologies qui permettent à la fois de produire mieux et de consommer autrement pourront apporter à terme une solution à la désindustrialisation et à la crise [21]. Insistant sur l’importance des filières, Jean-François Escarmelle note qu’une politique industrielle régionale, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, se doit de concevoir un système industriel et ensuite de le gérer : l’approche doit être avant tout organisationnelle et institutionnelle [22]. Enfin, parmi d’autres considérations, Escarmelle appelle à une mutation culturelle profonde car, par tradition historique ou pour des raisons qui tiennent tantôt à l’éducation, aux conditions de travail, aux salaires, peu d’adolescents – ou leurs parents – rêvent aujourd’hui de travailler dans l’industrie ; les professions libérales ou la fonction publique attirent davantage [23]. Enfin, l’économiste montois estime que la troisième révolution industrielle en cours redistribue les cartes à l’échelle mondiale [24].

Une véritable interface industrie-université

Sans rouvrir ici une discussion sur l’existence ou non d’une troisième Révolution industrielle, en 1985 ou trente ans plus tard, et en continuant à nous référer à l’analyse produite par Pierre Lebrun à ce sujet et rappelée ici [25], il faut se rappeler à quel point le discours officiel wallon est orienté vers les technologies en 1985, notamment à l’initiative du ministre de la Région wallonne Melchior Wathelet. En mai 1985 est organisé à la Faculté polytechnique de Mons un séminaire de l’Association industrielle Athéna (ARIA) fondée à l’initiative du ministre wallon des Technologies nouvelles et présidée par le Professeur Raymond Gorez de l’UCL. La mission de l’ARIA consiste alors à former et informer concernant la robotique industrielle. Le séminaire était introduit par le Recteur René Baland et par Guy Denuit de la société Corden Robots [26]. D’autres initiatives du même type méritent d’être mentionnées qui poussent alors le territoire, ses chercheurs et ses entreprises vers la Révolution cognitive. Ainsi, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’École des Mines de Mons, est inauguré, à la Faculté polytechnique, le 25 septembre 1987, sous le mandat du Recteur Christian Bouquegneau, le Centre d’Études et de Recherches en Hautes Technologies. Il s’agit de réaliser une véritable interface industrie-université [27]. L’inauguration de la maîtrise en management de l’innovation, en 1988, avec l’appui du ministre de la Recherche et des Technologies nouvelles, Albert Liénard, renforce cette dynamique[28], de même que le lancement, la même année, de la s.a. Capcible, comme Centre d’Innovation et base de création d’entreprises [29].

Des initiatives sont prises également, notamment par le député permanent Claude Durieux, qui contribue à organiser un pôle de développement autour des systèmes d’information et de communication (image, son, intelligence artificielle, réseaux numériques à intégration de services, vidéotex, serveurs d’informations, automates programmables, supraconductivité, etc.) et un forum au Grand Hornu en 1989 [30], en collaboration avec les universités de Mons, Alcatel-Bell [31] et Atea-Siemens (installé à Colfontaine) [32], les Câbleries de Dour [33] et ses filiales Opticâble et Télécâble [34]. La très éphémère société LABEL (Laser Application Belgium), qui associait l’Université de Mons, Tractebel et la Province dans le domaine des lasers, s’inscrira dès 1988 dans ce sillage [35] . Quant à l’IDEA, elle organise en juin 1989 un colloque sur le design, comme trait d’union entre le fabricant et l’utilisateur [36].

Un enjeu à rencontrer : l’absence de pôle de recherche générateur de valeur ajoutée élevée

On doit à Martine Durez et à Bernard Lux, alors chargés de cours à la Faculté Warocqué, d’avoir, en 1991, analysé la réalité des politiques industrielles de Mons-Borinage à partir des statistiques d’emploi et d’établissements et d’avoir distingué quatre pôles de développement principaux permettant une dynamisation du secteur industriel en s’appuyant sur les atouts technologiques de la région : (1) les secteurs de l’extraction et l’industrie des minéraux non-métalliques avec les cimenteries CBR [37] et Obourg, la céramique dont Max Drechsel appelait déjà au développement dans les années 1930 [38]. Les moteurs que constituent le Centre de Recherche de l’Industrie belge de la Céramique (CRIBC) [39] et l’INISMA (Institut national interuniversitaire des Silicates, Sols et Matériaux) [40] méritaient d’être soulignés, ainsi que des entreprises du secteur comme Belref-Hepworth qui a été malheureusement directement impactée par la crise de la sidérurgie qui se fait sentir fin des années 1970 [41], Neoceram (Strepy-Bracquegnies) [42] et NGK (Baudour-Saint-Ghislain) [43] ; (2) les industries chimiques et du caoutchouc, dont la plupart ont déjà été évoquées : Gechem, New Carbochim, Sedema, Kemira [44], Carcoke, Akzo, Pirelli, Thomson Aircraft, etc. ; (3) les fabrications métalliques, secteur alors en difficulté : Tubel, Daitube, Europtube, Industrie boraine à Quiévrain, Gleason Works, Aleurope, etc. ; (4) enfin, les télécommunications, les constructions électriques et électroniques, représentées par les Câbleries de Dour, ancienne entreprise fusionnée avec les Câbleries de Seneffe en 1982, Bell et ATEA. Mais comme l’indiquaient les économistes de la Faculté Warocqué, le problème majeur était constitué par l’absence de pôle de recherche générateur de valeur ajoutée élevée [45]. Ainsi, Martine Durez et Bernard Lux concluaient-ils que, si la région disposait de créneaux susceptibles de développement comme la chimie, les industries cimentières et des céramiques, les télécommunications et les fabrications métalliques étaient davantage menacées. Les pistes d’avenir qu’ils percevaient étaient de trois natures : d’abord, une concertation stratégique globale pour opérer les choix des pôles de croissance et de recherche des synergies régionales, ensuite, un appui aux PLE pour rencontrer les freins au développement de ces entreprises, enfin, un effort constant de réajustement stratégique pour coller aux évolutions et aux volontés communes [46].

Les efforts déployés dans le cadre de l’objectif 1 Hainaut depuis le milieu des années 1990 ont profondément modifié le système territorial d’innovation en renforçant considérablement les outils de recherche-développement du territoire. La création de MATERIA NOVA par l’UMH, la Faculté polytechnique et l’IDEA dans le domaine du vieillissement des matériaux, des revêtements et néocéramiques, fut déterminante. De même, la fondation de MULTITEL Telecom par la Faculté polytechnique de Mons ouvrait la porte de ce qu’on appelait encore à l’époque les autoroutes de l’information : réseaux d’accès, télédistributions, fibres optiques, signaux vocaux, etc. [47]. A Seneffe, l’UCL fondait en 1996, avec les mêmes fonds structurels, le Centre de Ressources technologiques en Chimie (CERTECH). Quel que soit le jugement que l’on pose sur ces outils – et certains ont été cruels [48] – on ne peut pas dire que les analyses de Martine Durez et de Bernard Lux ont été perdues.

Le travail mené depuis 2008 dans le cadre de la prospective du Cœur du Hainaut, de la mise en place d’un partenariat stratégique local ainsi que de la préparation d’une nouvelle programmation FEDER a également répondu à cette idée de concertation stratégique globale pour opérer les choix des pôles de croissance et de recherche des synergies régionales. En fait, c’est une nouvelle stratégie qui s’est mise en place dans une logique de filiation / rupture.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] Daniel BELL, Notes on the Post-Industrial Society, in Public Interest, 6-7, 1967. – Alvin TOFFLER, The Third Wave, New York, William Morrow, 1980. – John NAISBITT, Megatrends, New York, Warner Books, 1982. – William HALAL, The Infinite Resources, Creating and Leading the Knowledge Enterprise, San Francisco, Jossey Bass, 1998. – Toffler y écrivait en 1980 : si nous voulons faciliter la transition entre la vieille civilisation qui se meurt et la nouvelle qui commence à prendre forme, si nous voulons conserver notre identité et notre capacité de conduire notre vie à travers les crises de plus en plus violentes qui nous attendent, il faut que nous soyons capables de discerner – et de créer – les innovations de la Troisième vague. Paris, Denoël, 1980, p. 160.

[2] Max DRECHSEL, Pour l’Université du Hainaut, dans Colloque sur les problèmes universitaires du Hainaut, tenu à Mons le 3 juin 1962, p. 54, Mons, Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, 1963.

[3] Ibidem, p. 54.

[4] Jacques FRANEAU, L’évolution de l’enseignement supérieur, dans Colloque sur les problèmes universitaires du Hainaut…, p. 65.

[5] M. Drechsel : une économie indivisible, dans La Libre Belgique, 17-18 janvier 1970, p. 2.

[6] Chronique du CEW du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975, p. 47.

[7] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 4.

[8] Y. FREY et D. HORLIN, Innovation-emploi, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 15-16. – Jean DUTILLEUL, Sur la voie du progrès avec le CIRI : la promotion de l’innovation et des nouvelles technologies, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 18-20.

[9] Paul-Jean EVRARD et René CYPRES, Le Centre de transposition semi-industrielle de la recherche appliquée TSIRA, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 28-34. – Le Centre de transposition semi-industrielle de recherche appliquée, n°17, 1973.

[10] Le Centre de Recherches technologiques du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 20, 1974, p. 42. – Chronique du CEW du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975, p. 47.

[11] Où en est la télédistribution dans les régions du Centre et du Borinage ?, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 27. – Raoul PIERARD, La télédistribution en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 27, 1977, p. 24-30.

[12] René CONSTANT, Les biotechnologies : un nouveau secteur d’avenir ? dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 14-23.

[13] Martine DUREZ et José QUENON, L’analyse du processus d’innovation dans des PMI de l’Arrondissement de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 26-31, p. 31.

[14] Kenneth BERTRAMS, Industrie et université en Wallonie : l’interaction innovante ? Eléments d’une histoire de la recherche industrielle (XIXe et XXe siècles), dans Ph. DESTATTE dir., Innovation, savoir-faire, performance, Vers une histoire économique de la Wallonie, p. 290-312, Charleroi, Institut Destrée, 2005.

[15] Claire LEJEUNE, Pour un langage transdisciplinaire, dans L’Impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage, Numéro spécial de Réseaux, 46-49, p. 12, Mons, CIEPHUM, 1986.

[16] Victor BURE, J. DELADRIERE, René PANIS, Richard STIEVENART, Plan régional d’Aménagement de Mons-Borinage, Association intercommunale pour le Développement et l’Aménagement des Régions du Centre et du Borinage, Bruxelles, Ministère des Travaux publics, 1966.

[17] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle, dans L’Impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage…, p. 30. – La thèse de doctorat de J-Fr. ESCARMELLE à l’UMons (1985) portait sur l’Analyse du rôle du capital public dans les processus de restructuration sectorielle en Belgique

[18] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle…, p. 31.

[19] Ibidem, p. 32.

[20] Ibidem, p. 33. – Le ministre des Affaires économiques du gouvernement de Gaston Eyskens, Jacques Van der Schueren, arrivait à la même conclusion lors du débat sur le Borinage à la Chambre le 18 février 1959 : je suis d’accord, disait-il, pour reconnaître que l’on a déjà fait beaucoup de promesses dans ce domaine, mais que, jusqu’à présent, fort peu de réalisations ont vu le jour. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 30. On était évidemment vingt-cinq ans plus tôt…

[21] p. 34. – Jean-François Escarmelle a succédé à Jacques Donfut comme directeur général d’IDEA en 1989. Ettore RIZZA, Le second maître de Mons, Hommes et femmes de pouvoir, J-F Escarmelle, dans Le Soir, 28 juin 2011, p. 19.

[22] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle…, p. 31.

[23] Ibidem, p. 37. Les chercheurs de l’Institut de Sociologie de l’ULB relèvent déjà, en 1958, un état d’esprit qui paraît décider les jeunes à éviter les responsabilités d’une exploitation individuelle et à rechercher plutôt un emploi dans la grosse industrie. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 152. – Ce constat était encore apparu de manière éclatante lors d’une matinée de colloque à laquelle nous avions participé, Jean-François Escarmelle et moi-même, le 3 octobre 2009, à l’occasion du centième anniversaire de l’Athénée provincial Raoul Warocqué à Morlanwelz.

[24] Ibidem, p. 38.

[25] Voir Ph. DESTATTE, Transitions et reconversions dans le Cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle (1), note 42, Blog PhD2050, 29 avril 2015.

[26] On comptait alors 514 robots industriels en Belgique (1984). Un séminaire de l’ARIA à Mons, La robotique, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 17.

[27] Christian BOUQUEGNEAU, La recherche à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 43.

[28] Innovation et management, Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 52, 1989, p. 10.

[29] Capcible, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 10.

[30] Le Grand Hornu Images asbl, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 42-43. – Le Grand-Hornu : un pôle de développement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 8. – Cl. DURIEUX, Un exemple de liaison rt-industrie : le Grand-Hornu, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Cahier n°2, p. 43-45, Charleroi, Institut Destrée, 1987. – Martine DUBUISSON et Philippe BERKENBAUM, Grand Hornu : la nouvelle alliance, dans Le Soir, 27 octobre 1989, p. 24.

[31] Bell Téléphone Colfontaine, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 57.

[32] GTE-ATEA Colfontaine, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 57. Implanté à Pâturages depuis 1969, ATEA a installé un centre de production ultra-moderne à Colfontaine en 1971.

[33] Les Câbleries de Dour étaient nées de la fusion de Câbleries Corderies du Hainaut et de Senecable (Câbleries La Seneffoise et Tréfileries Associées) en 1977. Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 31. – On relevait 16 entreprises de câbleries en 1896 mais 3 seulement en 1958, dont les Câbleries et Corderies du Hainaut à Dour. Cette entreprise occupait encore à l’époque 750 ouvriers. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage..., p. 33. – Voir aussi Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 141sv

[34] La SA Opticâble a été constituée le 17 juin 1977 pour procéder à la recherche et à la mise au point de systèmes de télécommunications pour câbles à fibres optiques. Son siège social a été établi à La Louvière. Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 31. – En 1989, ce sont les Câbleries de Lyon, filiale d’ALCATEL, qui prirent le contrôle du Groupe des Câbleries de Dour. Câbleries de Dour, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 40.

[35] Label, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 78. – Laser Application Belgium Grand-Hornu, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p.44. – Hornu, fin de parcours pour Label, dans Le Soir, 3 novembre 1990, p. 29.

[36] Au Grand Hornu, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 52, 1989, p. 17.

[37] Les Cimenteries CBR, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 54, 1991, p. 35-40. – W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 161-165.

[38] Max DRECHSEL, Rapport sur la situation de la Wallonie et l’avenir des industries wallonnes, dans Premier Congrès des Socialistes wallons, 8-9 janvier 1938 à Liège, p. 268, Huy, Imprimerie coopérative, (s.d.). – En 1929, Hector Fauvieau renseigne 4275 emplois dans l’industrie de la terre plastique pour les produits réfractaires et les verreries à Baudour, Tertre, Hautrage, Saint-Ghislain, Boussu, Wasmuël, Quaregnon et Jemappes. Hector FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 106. – Décès de Max Drechsel, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 10.

[39] Nouveauté en technologie céramique à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 44-45. – Centre technologique des Céramiques nouvelles, dans Bulletin économique du Hainaut, n°53, 1990, p. 82.

[40] Le Centre des Silicates constitue un des trois projets du Centre de Recherches technologiques du Hainaut. Le centre a bénéficié d’une partie des crédits parallèles de 1973 et 1976 sur base d’une volonté du Conseil économique wallon du Hainaut, lui permettant de disposer des locaux et équipements nécessaires à son développement. Chronique du CEW-Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 35.

[41] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 3. – En 1955, UCB a cédé sa division de produits réfractaires de Saint-Ghislain à la Société belge des Produits réfractaires Belref à Andenne qui reprit aussi, l’année suivante, les usines Victor Armand à Baudour. En 1956, 1276 personnes étaient occupées dans ce secteur dans le Borinage. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 177-178.

[42] Neoceram a été constitué le 8 mai 1985 par la SRIW, Belref, Glaverbel, Diamond Board, et la Floridienne avec pour objets la recherche et la fabrication dans le domaine des nouvelles céramiques. Neoceram, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 42.

[43] NGK Baudour, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 42.

[44] Kemira s.a., dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 61.

[45] Martine DUREZ et Bernard LUX, Politique économique et stratégie d’entreprise, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 54, 1991, p. 15-34, p. 31.

[46] Ibidem, p. 33.

[47] Serge BOUCHER, Multitel, Conférence de presse, Bilan, 27 octobre 2005.

Cliquer pour accéder à news69_Discours_Serge_Boucher.pdf

[48] Voir notamment Jean-Yves HUWART, Le second déclin de la Wallonie, En sortir, Bruxelles, Racine, 2007.

Au Professeur Pierre Lebrun, (28 août 1922 – 12 décembre 2014), hommage posthume

Introduction : la pertinence de l’espace Mons-Borinage-La Louvière-Centre pour appréhender les transitions

Trouvant son origine dans le domaine littéraire, où il s’agit de lier le passage d’une idée, d’un raisonnement à un autre, le mot transition signifie également le passage d’un régime à un autre, ou d’un ordre de choses à un autre [2]. Conceptualisé en économie notamment par Marx et Schumpeter [3], le mot est à la mode au tournant du XXIème siècle. A la suite de l’effondrement du système communiste en Europe [4], puis en vue du grand élargissement de 2004, on évoquait – étonnant retour de l’histoire – la transition des pays de l’Europe de l’Est vers l’économie libérale ou capitaliste. On théorise de nos jours sur la transition énergétique, la transition écologique, la transition sociétale. Le terme signifie à la fois le changement, le passage d’un état à un autre état, et le moment de ce passage. J’ai mis en évidence que, dans sa pensée phénoménologique du temps, Gaston Berger – l’un des concepteurs français de la prospective, sinon le principal – faisait référence, autour des années soixante, aux modèles de changement développés par la psychologie sociale et la sociologie américaine. En m’inspirant, comme l’avait fait Berger en 1959 [5], des travaux du psychologue social Kurt Lewin [6], j’ai défini ailleurs l’idée de transition de la manière suivante : dans un modèle de changement systémique, il s’agit de la période pendant laquelle un système déstructuré et en rupture de sens voit les transformations majeures se réaliser dans l’ensemble de ses sous-systèmes, jusqu’à provoquer la mutation de l’ensemble du système lui-même. Cette phase de transition est suivie d’une étape finale de recherche et de recouvrement d’un nouvel équilibre (que l’on peut appeler harmonie) pendant laquelle la mutation peut devenir irréversible [7].

En abordant les transitions économiques et sociales hainuyères du XIX au XXème siècles, je veux évoquer ici comment les grandes transformations se sont déroulées sur l’espace Mons-Borinage – La Louvière-Centre. Celui-ci, on le sait, a été renommé depuis 2010 “Cœur du Hainaut” par un Partenariat stratégique local d’acteurs volontaristes, politiques, économiques et sociaux, dans le cadre de l’exercice de prospective supracommunal “Bassin de la Haine 2025”, mené à l’initiative de l’intercommunale pour le Développement économique et l’Aménagement du Borinage et du Centre (IDEA) sur ses vingt-cinq communes affiliées, avec l’appui du ministre de l’Économie du Gouvernement wallon, Jean-Claude Marcourt [8]. La pertinence de ce territoire, que l’on conçoit aujourd’hui comme composé de deux bassins plus complémentaires qu’antagonistes, peut évidemment être contestée, en particulier si on le projette dans le passé où, depuis les débuts de l’industrialisation, ces deux bassins ont souvent été concurrents [9]. L’association de ces deux zones en un seul territoire comme objet de recherche ou plan de développement n’est toutefois pas nouvelle.

Carte_Coeur-du-Hainaut_Solvay_1961 Carte du Borinage-Centre (1961) – Echelle 1/200.000)

Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, 1961, Annexe.

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En effet, lors de sa 29ème semaine sociale universitaire de novembre 1961, l’Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles avait traité en même temps des régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion, en se demandant comment ranimer les régions ? [10]. Une autre réflexion de ce type eut lieu en novembre 1977, organisée conjointement par l’IDEA, la Régionale wallonne [11] et la Conférence des Régions du Nord-Ouest, sous le patronage des Communautés européennes [12]. A l’occasion de cet événement, qui s’inscrivait dans le vingtième anniversaire de l’Intercommunale [13], son président, le député permanent Richard Stiévenart, également président du Conseil provincial du Hainaut, devait rappeler le choc considérable qu’avait été, pour la Borinage et le Centre, la suppression brutale et en un peu plus de 10 ans de quelque 45.000 emplois dans les charbonnages du bassin [14] ainsi que, la chute, en quatre ans, de 1958 à 1962, du produit régional brut, à prix constant, du quart de sa valeur.

1955-1965 : liés par un même effondrement économique et social majeur

Ces deux territoires ont connu, ensemble, le même type d’effondrement au tournant des années 1960. On pourrait défendre l’idée que, cinquante ans plus tard, ils ne s’en sont pas encore totalement relevés. En effet, lors de leur entrée dans le Marché commun, par le Traité du 18 avril 1951, les mines belges bénéficiaient d’un statut spécial au travers d’abord d’un délai de cinq ans (mars 1953 à février 1958) – avec deux ans additionnels possibles – comme période de transition, ensuite d’un mécanisme de péréquation leur permettant de s’adapter à cette ouverture internationale de l’Europe des Six (Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique), enfin d’un droit d’isolement du marché européen en vertu de la Convention relative aux dispositions transitoires. Un régime particulier avait été imaginé, comprenant un programme dit d’assainissement, financé par moitié par la CECA et moitié par le gouvernement belge. Ce processus devait normalement entraîner la fermeture de huit sièges dans le Borinage en trois ans. Fin 1957 néanmoins, le retard était manifeste et, même si le nombre de sièges avait été réduit de 23 en cinq ans, il en restait encore 22 pour produire 4 millions de tonnes par an, soit une moyenne trop faible pour être compétitif face aux producteurs allemands et hollandais [15]. En 1958-1959, la crise frappait durement le Borinage, entraînant de la surproduction et donc du chômage tandis que les mines du Centre étaient très affectées par la concurrence du pétrole et des bas-produits. Il faut noter que, en Wallonie, les bassins de Liège et Charleroi résistaient mieux, car spécialisés en charbons domestiques, en pénurie dans la Communauté européenne [16]. En avril 1958, au nom du gouvernement belge, le ministre des Affaires économiques Roger Motz avait signifié l’accord du gouvernement d’Achille Van Acker à la CECA pour diminuer la production de charbon belge de plusieurs millions de tonnes sur 7 à 10 ans, ce qui impliquait d’importants remembrements et fusions, en particulier dans le Borinage et le Centre [17] .

La crise sociale qui éclate dans le Borinage en 1959, montre un certain isolement des deux bassins par rapport à la Wallonie et à la Belgique, dans un climat de différenciations patronales, syndicales et politiques, qu’ont bien montré les travaux menés sous la direction de Jean Meynaud, Jean Ladrière et François Perin [18]. Deux plans d’assainissements furent adoptés, le 31 juillet 1959 et fin décembre de la même année, qui devaient réduire considérablement le nombre de puits de mines, considérés comme non-intégrables dans le Marché commun, en échange d’un soutien du marché et d’une nouvelle aide à la reconversion régionale [19]. Il faut toutefois noter que les mobilisations et grèves de février 1959 – qui préfigurent sous certains aspects celles de 1960-61 en Wallonie – ont fait œuvre de prise de conscience régionale face au déclin et aux mutations [20]. Néanmoins, les organisations syndicales, comme du reste de nombreuses parties prenantes locales, refusèrent de se faire les défenseurs inconditionnels du secteur charbonnier et axèrent de plus en plus leur revendication sur les thèmes de reconversion régionale et de création d’entreprises nouvelles [21]. En cela, elles allaient aussi s’impliquer comme acteurs de la transition vers un autre modèle économique et social.

Un mot d’ordre pour longtemps : reconvertir le Borinage et le Centre

L’ambition, début 1959, était de se donner cinq ou six ans pour reconvertir le Borinage avec l’aide du Gouvernement et de la CECA pour en faire une contrée prospère : parce que nous l’aurons reconvertie à un moment où la technique était à un tournant, disait le député libéral montois Roger de Looze à la tribune de la Chambre, nous aurons alors des industries nouvelles au moment où d’autres régions connaîtront malheureusement les difficultés dans lesquelles nous nous débattons maintenant [22]. Le son de cloche était le même chez son collègue député socialiste Roger Toubeau qui, prudent, considérait que, si les choses allaient bien, les réalisations concrètes pour l’érection d’industries nouvelles avec les moyens de la CECA se concrétiseraient en quatre, cinq ou six ans. Entre-temps, disait-il, si l’on applique le plan du gouvernement, c’est tout le Borinage qui sera condamné à « vivoter », à végéter, en attendant de nouvelles perspectives d’avenir [23]. Leur ambition, malgré leurs différences politiques étaient néanmoins, pour les députés de Looze, Toubeau, Willot, de travailler ensemble à la reconversion. Regrettant le manque de coordination dans la politique économique régionale, ils s’associent, en 1960, pour mettre en place un Conseil régional d’expansion économique sur le Centre et le Borinage, et font des appels du pied au gouvernement pour qu’il les aide à mettre en place une société de financement qui ferait appel aux moyens privés du territoire pour aider à la reconversion [24]. Comme l’avait indiqué sans fard Max Drechsel, le 6 novembre 1961, contrairement à d’autres pays, en Belgique, l’action du gouvernement suivait l’initiative des territoires mais ne la précédait pas mais, de ce que chez nous, l’État suit et encourage les initiatives régionales, ajoutait le Recteur de l’Institut Warocqué, il ne faudrait pas en conclure trop tôt qu’il les suit bien et qu’il les encourage toujours efficacement. En d’autres termes; les modalités d’intervention de l’État, les méthodes et moyens qu’il utilise à cette fin, sont encore assez loin, selon nous, de répondre aux nécessités d’une action vraiment rationnelle [25].

On sait depuis que la prudence, voire le scepticisme, étaient raisonnables. Le Plan pour le Centre et le Borinage que le ministre des Affaires économiques présente le 9 novembre 1961 à l’occasion de la 29ème Semaine sociale universitaire, en le qualifiant de premier plan régional adopté en Belgique, est plus que volontariste, en particulier par son calendrier. Antoine Spinoy promet pour 1965 l’aménagement d’une série de parcs bien équipés, en bordure des agglomérations, l’amélioration de l’habitat, avec des quartiers neufs proches des futures concentrations industrielles, tout en reconstruisant les habitations les plus vétustes des agglomérations de Mons-Borinage et de La Louvière, la modernisation des axes de communication, en annonçant que devraient être terminés en 1965 ou avant la section Bruxelles-Mons de l’autoroute Bruxelles-Paris ; la section Mons-Charleroi de l’autoroute de Wallonie ; la réalisation complète de la liaison fluviale à 1.350 tonnes entre Anvers et le Borinage d’une part, entre Anvers et La Louvière d’autre part ; l’électrification ou, à défaut, la “diesellisation” du chemin de fer de Braine-le-Comte à La Louvière [26]. Notons tout de même qu’Antoine Spinoy était ministre des Affaires économiques et de l’Énergie tandis que le ministre des Travaux publics était J-J Merlot. Ce dernier devait s’exprimer dans les mêmes circonstances. Il le fit par la bouche de son chef de Cabinet Vranckx, avec beaucoup plus de prudence et probablement moins d’enthousiasme [27]. Sans dire comme Combat en 1962 que le Borinage est le cimetière des projets gouvernementaux [28], faut-il écrire que toutes ces mesures décrites par Spinoy prendront davantage de temps que le calendrier annoncé, probablement à cause des défauts de coordination que regrettaient déjà les élus hennuyers lors du débat de 1959. Ces défauts résidaient au niveau de la politique territoriale (alors appelée régionale), mais aussi à celui de l’État central [29]. Lorsque le ministre Fernand Delmotte fera approuver par le Comité ministériel de Coordination économique et sociale (CMCES) les actions de reconversion, proposées par l’IDEA, et financées par les fonds CECA, en avril 1969, il restera encore beaucoup à faire du Plan conçu par Spinoy [30]. Et tant à faire également, pour ses successeurs à l’économie régionale wallonne, avec – bien entendu – moins de moyens mobilisables [31].

Même si, comme l’écrit justement Marinette Bruwier, le métier de mineur de fond était en voie de disparition dès avant la fermeture des charbonnages [32], l’arrêt de l’exploitation du puits Les Sartis à Hensies-Pommerœul, le 31 mars 1976, constitue l’ultime étape de l’histoire des charbonnages borains mais aussi de ceux du Cœur du Hainaut. En effet, dans le Centre, le Quesnoy à Trivières, dernier siège d’exploitation des Charbonnages du Bois-du-Luc, avait cessé son activité le 30 juin 1973 [33]. Depuis 1965 toutefois, les deux bassins miniers du Borinage et du Centre avaient perdu pratiquement toute activité [34].

Lors du vingtième anniversaire de l’IDEA, son président, Richard Stiévenart, devait néanmoins souligner que la mutation du système industriel régional était telle que l’on pouvait constater la naissance progressive, de 1965 à 1974, d’un véritable bassin industriel dans la zone IDEA [35]. Une dizaine d’année plus tard, en 1990, faisant suite à la décision d’Interbrew de fermer de Brassico à Ghlin où près de 500 personnes travaillaient encore [36], une cellule de crise fut constituée au sein de l’IDEA et élargie aux parlementaires de la zone afin de construire un plan de relance pour Mons-Borinage et d’interpeler la Région wallonne et l’Europe sur le financement de projets économiques, infrastructurels, dans les domaines du cadre de vie, du tourisme et des loisirs, ainsi que transfrontaliers [37]. D’autres initiatives, analyses scientifiques ou dynamiques d’acteurs ont été prises en parallèles ou successivement à celles-là, sur une partie ou sur l’ensemble du territoire [38]. Leur recension complète n’a pas été établie. Nous en évoquerons quelques unes au cours de notre réflexion.

Percevoir trois transitions sur le Cœur du Hainaut

 Comme Karl Marx, l’historien Pierre Lebrun était fasciné par la problématique de la transition (la “Grande Transition” régime seigneurial – régime capitaliste n’étant, écrivait-il, qu’un cas particulier) [39]. Il y voit une structure de passage, une structure génétique, à la fois déstructuration et restructuration. Analysant la Révolution industrielle avec Marinette Bruwier de l’UMons et quelques autres collègues impliqués dans le projet Histoire quantitative et développement de la Belgique, Pierre Lebrun la voit comme structure de changement de structure, c’est-à-dire disposant de sa propre structure de transformation [40]. Sa position s’inspire d’Étienne Balibar dont il souhaitait que l’on médite longuement ses Éléments pour une théorie du passage. Le philosophe français estimait que la transition ne peut pas être un moment, si bref soit-il, de déstructuration. Elle est elle-même un mouvement soumis à une structure qu’il faut découvrir. Il précisait que les périodes de transitions sont caractérisées, d’une part, par la non-correspondance entre les formes du droit, de la politique de l’État et la structure de production à laquelle elles ne sont plus adaptées, en étant décalées de la structure économique, et d’autre part, par la coexistence de plusieurs modes de production [41].

Si on les considère comme des mutations sociétales profondes et systémiques, des changements de civilisation, comme le fut la Révolution industrielle qui s’est effectuée dans nos pays, de 1700 à 1850 environ [42], ces transitions sont, selon ma lecture, au nombre de trois : d’abord, la Révolution industrielle déjà mentionnée, ensuite, la Révolution cognitive que nous connaissons et, enfin, la transition vers le développement durable qui accompagne cette dernière mutation. Je les vois comme les trois composantes du Nouveau Paradigme industriel qui est à la fois notre héritage et le moment dans lequel nous vivons et vivrons encore pendant un siècle ou davantage [43]. Je les aborderai successivement dans mes trois prochains articles.

Philippe Destatte

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Lire la suite : Transitions et reconversions dans le Cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle (2)

[1] Un fort résumé de cette réflexion a fait l’objet d’une communication au colloque de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut Mons et le Hainaut, terre d’idées, d’inventions et de cultures, les 27 et 28 mars dernier à la Salle académique de la Faculté polytechnique de Mons, dans le cadre de Mons 2015. Cette communication avait pour titre Les transitions économiques et sociales hainuyères, le Cœur du Hainaut, du XIXème au XXIème siècle. Le texte en sera publié dans les Mémoires et Publications de la SSALH.

[2] Maurice LACHÂTRE, Dictionnaire français illustré, p. 1453, Paris, Librairie du Progrès, 1890. Avec aussi le mot “transitoire” : qui remplit l’intervalle d’un ordre des choses à un autre. Ibidem. – Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONDT et Georges HANSOTTE, Essai sur la révolution industrielle en Belgique, 1770-1847, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique au XIXème siècle, t. 2, vol. 1, p. 30-33, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1981.

[3] Maurice GODELIER, La théorie de la transition chez Marx, dans Sociologie et société, vol. 22, 1, 1990, p. 53-81. – Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme et démocratie, p. 340sv, Paris, Payot, 1951. – Maurice DOBB et Paul M. SWEEZY, Du féodalisme au capitalisme : problème de la transition, Paris, Maspero, 2 vol., 1977. – P. SWEEZY, Feydalism-to capitalism revisited, in Science & Society, 50/1, 1986, p. 81-84. – A noter que Robert Fossaert parlait de transition souple, transition empirique, transition avortée, etc. R. FOSSAERT, La société, t. 5, Les Etats, Paris, Seuil, 1981.

[4] Mais pas seulement, voir Guido L. DE BRABANDER, Transition économique, dans Les Fifties en Belgique, Bruxelles, CGER, 1988.

[5] Gaston BERGER, L’Encyclopédie française, t. XX : Le Monde en devenir, 1959, p. 12-14, 20, 54,reproduit dans Phénoménologie du temps et prospective, p. 271, Paris, PuF, 1964.

[6] Kurt LEWIN, Frontiers in Group Dynamics, in Human Relations, 1947, n° 1, p. 2-38. – K. LEWIN, Psychologie dynamique, Les relations humaines, coll. Bibliothèque scientifique internationale, p. 244sv., Paris, PuF, 1964.

[7] Philippe DESTATTE, Une transition… mais vers quoi ? Blog PhD2050, Paris-Liège, 9 mai 2013. https://phd2050.org/2013/05/12/une-transition/

[8] Voir notamment le diagnostic prospectif : Philippe DESTATTE dir., Réflexion prospective dans le cadre de l’élaboration du plan de redéploiement économique et social du Bassin de la Haine, Repères pour un diagnostic prospectif du Bassin de la Haine à l’horizon 2025, Mons, Perspective Consulting – D + A International, Institut Destrée, 12 mars 2009, 94 p. http://www.coeurduhainaut.be/uploads/cms/BassinHaine_Reperes_pour_un_diagnostic_prospectif_2009-03-12_7.pdfCœur du Hainaut, Centre d’énergies, Plan d’actions, Projet mené par le Partenariat stratégique local sous la coordination de l’Intercommunale IDEA, avec l’appui du Gouvernement wallon, Mons, IDEA – Institut Destrée, 2011. http://www.coeurduhainaut.be/uploads/Coeur_du_Hainaut_Plan_actions.pdf

[9] L’historien Michel Dorban rappelle que, plus favorisé que le Borinage dans la question de l’exhaure, le Centre se heurtait à l’époque autrichienne à de grosses difficultés de transport, la Haine n’étant à l’époque navigable qu’à l’ouest de Mons et les États de Hainaut refusant, jusqu’en 1756, de relier le Centre à Bruxelles de crainte de concurrencer le Borinage. M. DORBAN, Les débuts de la Révolution industrielle, dans La Belgique autrichienne, p. 121-162, Bruxelles, Crédit communal, 1987. p. 264 de la version électronique. – M. Dorban indique que le trafic sur la Haine était de 60.000 tonnes environ en 1753-1755, pour atteindre 100.000 en 1769-1771 et plus de 200.000 en 1784-1787. (op. cit., p. 265). – Voir aussi Christian VANDERMOTTEN, Le Hainaut dans le contexte des régions de vieille industrialisation, dans Claire BILLEN, Xavier CANONNE et Jean-Marie DUVOSQUEL dir., Hainaut, Mille ans pour l’avenir, p. 144, Anvers, Mercator, 1998.

[10] Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion, XXIXème Semaine sociale universitaire (6-10 novembre 1961), Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut de Sociologie, 1962. – Il faut noter que l’Institut de Sociologie avait déjà consacré sa XXIIème semaine sociale universitaire, en 1950, à la reconversion mais cette réflexion avait uniquement porté sur Le Borinage, Revue de l’Institut de Sociologie Solvay, Bruxelles, 1950, p. 45-417.

[11] Régionale wallonne pour l’Urbanisme, l’Habitation le Développement et l’Aménagement du Territoire, présidée par Charles Bailly, sénateur et bourgmestre honoraire de la Ville de Liège.

[12] Richard STIEVENART, XXème anniversaire de l’IDEA, Les activités de l’IDEA : projets et faits, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 5.

[13] L’IDEA a été créée en 1961 à partir de l’Association intercommunale pour le Démergement et l’Assainissement de la Vallée de la Haine inférieure (IDAVHI) fondée le 11 juillet 1956 et devenue le 16 mars 1961 l’Association intercommunale pour le Développement, l’Expansion et l’Équipement économique et social du Borinage, appelée aussi l’Interboraine. Cet organisme sera agréé le 19 mai 1961 par le Comité d’Expansion économique et de Politique régionale comme société régionale d’équipement. Son champ d’application sera étendu aux deux régions du Centre et du Borinage par l’arrêté royal du 12 juin 1962 et elle prendra alors le nom d’Association intercommunale pour le Développement économique et l’Aménagement des Régions du Centre et du Borinage (IDEA Centre et Borinage). La Région du Centre (II), dans Cahiers hebdomadaires du CRISP, n°440, 1969/14, p. 1-2. – Richard STIEVENART place cette création en 1953. R. STIEVENART, Les conditions de la reconversion économique du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 121-122. – Ph. DESTATTE, Jalons pour une définition des territoires, dans Ph. DESTATTE et Michaël VAN CUTSEM dir., Quelle(s) vision(s) pour les territoire(s) wallon(s), Les territoires dialoguent avec leur région, p. 21-22, Namur, Institut Destrée, 2013.

[14] Pour l’arrondissement de Mons, Marinette BRUWIER donne les chiffres de – 2500 emplois de mineurs perdus en cinq ans de 1952 à 1956, – 3600 en 1957 et 1958, et – 11.000 en 1959, 1960, 1961. En fait les quelques 20.000 mineurs licenciés de 1952 à 1961, s’ils ne se sont pas reconvertis, ont été admis à la pension beaucoup d’étrangers sont retournés dans leur pays. M. BRUWIER, Connaissance historique de la zone de reconversion, dans Réseaux, 1985, p. 13-27. – Article repris dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie du XVIIIe au XXe siècles, Recueil d’articles de Marinette Bruwier, p. 387 et 391, Bruxelles, Crédit communal, 1996. – De 1948 à 1961, le Borinage a perdu 18.922 emplois de mineurs tandis que le Centre en a perdu 18.033. Pour le “Cœur du Hainaut”, on atteint les 36.955 emplois directs supprimés. M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ? Une première approche : problématique et méthodologie, dans Revue belge d’Histoire contemporaine, t. 19, 1988, p. 173-203, reproduit dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie…, p. 363.

[15] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique, Le pouvoir et les groupes, p. 271, Paris, A. Colin, 1965. – François VINKT, Le problème charbonnier, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 154-169.

[16] Ibidem, p. 271-272. – Réforme de l’exploitation charbonnière dans le bassin du Centre, dans Cahiers hebdomadaires du CRISP, n° 12, 3 avril 1959.

[17] Intervention du député Hilaire Willot à la Chambre, le 18 février 1959. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 39.

[18] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique…, p. 271sv. – René EVALENKO, Régime économique de la Belgique, p. 294, Bruxelles-Louvain, Vander, 1968. – Francis BISMANS, Croissance et régulation, La Belgique 1944-1974, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique, p. 529-530, Bruxelles, Palais des Académies, 1992.

[19] Ibidem, p. 276-277. – W. DEGRYSE, Michel FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage, avec une introduction de Max GOTTSCHALK, Bruxelles, coll. Etudes d’Économie régionale, Bruxelles, Institut Solvay, 1958. – Un groupe de pression, le Comité de Défense du Borinage, dans Courrier hebdomadaire, Bruxelles, CRISP, n° 3, 23 janvier 1959, p. 2-9, et n° 31, 11 septembre 1959, p. 19-21. – Décisions et réalisations des Communautés européennes, dans Le Hainaut économique, n° 1, 1961, p. 120.

[20] Le problème des reconversions régionales en Belgique, dans Courrier hebdomadaire, Bruxelles, CRISP, n° 85, 18 novembre 1960, p. 13. – Marinette Bruwier écrit : La participation décidée du Borinage à la grève nationale de 1961 témoigne également du mécontentement profond, de la rancœur qui habite la région. Il est certain qu’une perception confuse du déclin, une peur des mutations, la crainte du chômage planaient et empoisonnaient l’atmosphère. M. BRUWIER, Connaissance historique de la zone de reconversion, dans Réseaux, 1985, p. 13-27. – Article repris dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie…, p. 388, Bruxelles, Crédit communal, 1996.

[21] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique…, p. 285. – voir aussi Gaston EYSKENS, Mémoires, p. 585sv, Bruxelles, CRISP, 2012.

[22] Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 38-39.

[23] Ibid., p. 17.

[24] Interpellation du ministre des Affaires économiques Jacques Van der Schueren, Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 20 janvier 1960, p. 28-29. – Une Commission élargie de Défense du Borinage s’était déjà mise en place à l’été 1959, à la suite et en concurrence du Comité de Défense présidé par Max Lux, dessinateur au Levant et militant de Wallonie libre. Voir Comité de Défense et Commission élargie de Défense du Borinage, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, n°31, 11 septembre 1959, p. 19sv.

[25] Max DRECHSEL, Introduction à l’étude des problèmes de la reconversion du Centre et du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 20.

[26] Antoine SPINOY, Exposé des plans gouvernementaux, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 311-247. – La Région du Centre…, p. 5.

[27] J-J MERLOT, Conséquences socio-économiques d’une politique de grands travaux, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 349-361.

[28] CRAINQUEBILLE, L’agonie du Hainaut, dans Combat, 26 avril 1962, p. 1.

[29] Voir l’interpellation du député Clotaire Cornet au ministre des Travaux publics sur “les retards apportés à la reconversion du Borinage, à la construction de l’autoroute de Wallonie et à l’aménagement du canal de Charleroi et de la Basse-Sambre“, Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 16 juin 1964, p. 56-66. Outre l’avancement des travaux, le Ministre Georges Bohy donnera notamment les renseignements suivant concernant les entreprises : dans le zoning de Ghlin-Baudour, – créé en 1951 à l’initiative de la Province – Brasseries de Ghlin réunies, Verlica (verreries, flaconneries) filiale des Verreries de Momignies et du Val Saint-Lambert réunis, Aleurop (profilés d’aluminium), Pirelli (accessoires en caoutchouc autres que les pneus). Stewart Warner (appareils échangeurs de chaleur), et Papercraft (emballages et fournitures de bureau) étaient en voie d’installation ; Weyerhaeuser Belgium (emballages en carton), Centre métallurgique européen, Mirgaux (entreprises de transports et réparations de moteurs), Pourveur (éléments en béton préfabriqués). Dans le zoning industriel de Frameries, Warner Brothers (bonneteries) et Real Estate Belgium (fabrication de halls d’usines) sont en construction. Dans le zoning de Seneffe-Manage a été inaugurée la première usine de montage d’automobiles existant en Wallonie. (p. 72). – Notons que Antoine Spinoy précisait dans son intervention que dans une reconversion, il n’importe pas seulement de réaliser ce qui est prévu. Il faut le réaliser à temps. Op. cit., p. 316.

[30] Sur l’action de Fernand Delmotte voir Marnix BEYENS et Philippe DESTATTE, Un autre pays, Nouvelle Histoire de Belgique, 1970-2000, p. 217-220, Bruxelles, Le Cri, 2009. – F. DELMOTTE, 22 mois d’Economie régionale, slnd (1970).

[31] Voir notamment les intéressantes interpellations des députés Guy Piérard et Willy Burgeon, avec une intervention d’Albert Liénard, à l’égard du ministre des Affaires économiques Marc Eyskens, le 1er février 1984. Interpellation de M. Piérard à M. le Ministre des Affaires économiques sur la “politique de reconversion menée à l’égard des régions et les nouvelles modalités du Fonds de Rénovation industrielle. Interpellation de M. Burgeon à M. le Ministre des Affaires économiques ” à propos du projet gouvernemental de reconversion qui lèse la Wallonie et aggrave la situation de certaines sous-régions, en particulier le Centre et le Borinage. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 1er février 1984, p. 1293-1298.

[32] M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?…, p. 381.

[33] http://borinage.blogspot.be/p/charbonnages-dhensies-pommeroeul.html – Jacques LIEBIN, Les sociétés charbonnières de Mariemont et Bois-du-Luc : villages ouvriers, pragmatisme et idéologie, dans Villages ouvriers, Utopie et réalités, Actes du colloque international au Familistère de Guise (16-17 octobre 1993), dans L’Archéologie industrielle en France, n° 24-25, 1994.

[34] M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?…, p. 363.

[35] Ibidem, p. 7 et 10.

[36] Eric DEFFET, La mort lente et programmée de Brassico à Ghlin, dans Le Soir, 10 mars 1992, p. 16.

[37] Un plan de relance pour Mons-Borinage, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 13.

[38] Bernard LUX, Segmentation du marché du travail et analyse dynamique du chômage en Belgique, Le cas des régions de Mons et de La Louvière, Saint-Saphorin, Georgi, 1983. – Marcel COLLART, La situation économique et sociale de la région de Mons-Borinage, dans Wallonie 85 (5), p. 299-314. – Martine DUREZ et Bernard LUX, Analyse du positionnement compétitif dans l’Europe 1992, La Région de Mons-Borinage, dans Wallonie 90 (10), p. 13-23. – Myriam HONOREZ, Une région de tradition industrielle : Mons-Borinage, dans Bulletin de la Société géographique de Liège, n°30, p. 85-98 (Article fondé sur un mémoire de licence sur le même sujet à l’Université de Liège sous la direction de Bernadette Mérenne-Schoumaker).

[39] Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONDT et Georges HANSOTTE, Essai sur la Révolution industrielle en Belgique…,t. 2, vol. 1, p. 30, notamment note 2.

[40] Ibidem, p. 31-35. – Voir aussi Francis BISMANS, Croissance et régulation…, p. 17, 35, 149. – Ph. DESTATTE, La Révolution industrielle, Une accélération de l’esprit humain, dans Anne STAQUET éd., XIXème siècle : quand l’éclectisme devient un art, Approches, p. 7-24, Mons, Editions de l’UMons, 2013.

[41] Etienne BALIBAR, Eléments pour une théorie du passage, dans Louis ALTHUSSER et Etienne BALIBAR, Lire le Capital, II, p. 178, 224-225, Paris, Maspero, 1969. http://digamo.free.fr/lirecap2.pdf

[42] Pierre Lebrun distinguait quatre révolutions selon la source d’énergie : vapeur, électricité, pétrole et atome, et trois révolutions selon le processus productif (mécanisation, rationalisation, automation). Il indiquait au même endroit : il nous semble inutile et dangereux de galvauder le terme. Nous préférons le réserver au changement de civilisation qui s’est effectué dans nos pays de 1700 à 1850 environ. Les confusions et les extensions indues sont ainsi évitées ; les effets de l’accélération du rythme économique qu’entraîna la seule révolution industrielle sont mieux mis en lumière dans les “renouveaux” techniques qui se succèdent après elle (le mode de production capitaliste se caractérise par “une révolution ininterrompue dans les moyens de production”, avant tout dans les instruments de production”, L. ALTHUSSER, Avertissement à l’édition du Capital, éd. Garnier-Flammarion, Paris, 1969, p. 15, p. 15) ; enfin le terme ainsi réservé a l’avantage de désigner le “cœur” d’une des grandes transformations économiques de l’humanité, d’un de ses grands changements de civilisation. (…) P. LEBRUN e.a., Essai…, p. 28, n. 2.

[43] Ph. DESTATTE, Le Nouveau paradigme industriel, Une grille de lecture, Blog PhD2050, 19 octobre 2014. https://phd2050.org/2014/10/19/npi/