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Bruxelles, Parlement flamand, 6 décembre 2021 [1]

Aborder un modèle institutionnel nécessite avant d’en présenter l’ingénierie, d’en décrire la philosophie ainsi que les fondements. Cet effort passe par une double clarification. La première est celle du récit qui justifie le modèle. La seconde est la grille de lecture qui porte sur les identités des collectivités politiques qui, elles-mêmes, fondent les institutions qui les représentent et permettent le bon fonctionnement de la démocratie.

Mon propos est celui d’un historien. Nous savons que l’évolution constitutionnelle de la Belgique leur a réservé une place de choix. Cela signifie que j’inscris mon analyse dans une relecture du passé, ce qui est le propre de mon métier. Mon propos est aussi celui d’un prospectiviste. Cela veut dire que je ne m’interdis pas d’ouvrir largement le champ des possibles avant d’exprimer ce qui me paraît souhaitable et, ensuite, de tenter de le réaliser.

Ce propos est enfin le mien, celui d’un citoyen wallon. Je n’engage personne d’autre en m’exprimant à votre tribune. Je vous remercie donc de m’accorder cette liberté et d’accepter l’indépendance et la franchise que l’on me prête généralement.

 

 1. Le récit qui fonde le modèle

1.1. Le regard que je porte sur l’évolution institutionnelle remonte au-delà de 1830, dans le Royaume des Pays-Bas, lorsque la distinction est faite, par exemple dans la circulaire du 15 septembre 1819, entre les Waalsche provinciën et le reste du pays. Telle qu’elle évolue jusqu’à la Révolution de Septembre 1830, et encore dans l’arrêté du 4 juin 1830, la législation hollandaise dessine un Pays wallon composé de ses quatre provinces et de l’arrondissement de Nivelles où le français, le wallon et l’allemand peuvent être utilisés, la frontière avec le Grand-Duché n’étant déterminée qu’en application du traité du 19 avril 1839 [2]. La territorialisation du droit précède ainsi l’existence même de la Belgique.

1.2. Après la période de drame culturel et moral que constitue pour les Flamandes et les Flamands la construction en 1830 d’un État unitaire centralisé et le rejet de leur langue du cadre législatif nouveau, cette territorialisation du droit va reprendre sa route par le vote de la loi du 17 août 1873 sur l’emploi du flamand en matière judiciaire, même si on sait que ses effets furent plutôt modestes au XIXe siècle. Quand la loi définit territorialement son champ d’application, on distingue à nouveau clairement les provinces flamandes et l’arrondissement judiciaire de Louvain, des provinces wallonnes et de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles [3]. La loi du 3 mai 1889 sur l’emploi de la langue flamande en matière répressive va plus loin puisque déterminant son champ d’application au travers des communes flamandes du Royaume, elle oblige le gouvernement à déterminer quelles sont les communes où elle va s’appliquer [4]. Reportez-les sur une carte, vous verrez émerger la Flandre. Les lois qui vont suivre – et qu’il ne m’appartient pas de rappeler ici – vont renforcer cette dimension territoriale dessinant progressivement une Belgique à quatre régions linguistiques telles qu’elles apparaissent à l’article 4 de la Constitution depuis le 24 décembre 1970. Il n’est nul besoin de rappeler que les limites de ces quatre entités : région de langue néerlandaise, région de langue française, région de langue allemande, région bilingue de Bruxelles-Capitale, n’ont pas été modifiées depuis plus de cinquante ans. Ces quatre territoires ainsi définis constituent l’élément fondamental de la structure interne du fédéralisme belge sur laquelle communautés et régions se sont définies. Leurs frontières m’apparaissent comme intangibles, car, politiquement on a vainement tenté de les modifier et on voit mal comment on pourrait le faire dans un horizon lointain et dans le cadre belge. Le constitutionnaliste Francis Delpérée a qualifié ces régions de quasiment immuables [5], ce qui veut dire qu’elles ne devraient plus changer. C’est sur cette base que, avec Jacques Brassinne de la Buissière, l’auteur de La Belgique fédérale [6], et à la suite, de l’ancien Sénateur Robert Collignon qui en a été le pionnier en 1989 [7], nous avons tenté, dès le milieu des années 2000, de construire un modèle à quatre régions.

Audition au Parlement flamand – 6 décembre 2021

2. Les identités politiques

Les territoires, même bien définis, ne suffisent pas pour fonder un modèle institutionnel. Il faut encore que les habitants s’y identifient et se reconnaissent les uns les autres, d’un territoire à l’autre. Cela, n’en doutons pas, nécessite des clarifications.

Ainsi, Jules Destrée – dont je suis loin d’épouser la doctrine en toute chose -, a-t-il eu le mérite de comprendre et d’expliquer dès 1923 que la bourgeoisie francophone de Flandre – les fransquillons – ne partage pas le projet des Wallons, que les Wallons doivent cesser de soutenir le bilinguisme en Flandre et que l’avenir de la Flandre s’écrit et se dit en flamand, celui de la Wallonie se fait en français [8]. Comme vous le savez, et après quelques hésitations – le geste était osé – le fondateur de l’Assemblée wallonne confirmera cette vision en signant en mars 1929 le Compromis des Belges avec son collègue anversois Kamiel Huysmans [9]. Ils ouvraient ainsi la porte à la nouvelle vague législative des années trente, mais surtout à un fédéralisme régional.

En fait ce que les fédéralistes wallons avaient compris depuis le début de leurs revendications, c’est que, contrairement à ce que chante Angèle aujourd’hui, la préoccupation principale n’est pas une histoire de langue, mais une histoire de projet de société, de vision politique.

Pour l’effort institutionnel qui nous occupe, nous devons en déduire – ou postuler si l’on n’est pas convaincu – que les habitants de la Wallonie sont des Wallonnes et des Wallons, non des francophones, mot qui m’apparaît assez vide de sens sauf quand il relève de la Francophonie internationale. Il faut d’ailleurs regretter que, depuis bien longtemps, la presse flamande et souvent aussi les élus utilisent les deux mots Wallen et Franstalligen, l’un pour l’autre, ce qui est très dommageable pour les Wallons. A mes yeux, les habitants de la Flandre sont des Flamandes et des Flamands tandis que ceux de Bruxelles sont des Bruxelloises et des Bruxellois. Même si l’article 30 de la Constitution, selon lequel l’emploi des langues est facultatif, leur laisse la liberté, ils devraient pouvoir vivre dans un bilinguisme parfait. Quant aux habitants de la région linguistique allemande, ils sont… ou devraient être germanophones et refusent généralement, ce que nous pouvons comprendre, qu’on les désigne comme des Wallons.

Ces identifications, vous l’avez compris, ne relèvent pas d’un recensement, d’une quelconque enquête sociologique ni d’un sondage portant sur les appartenances, concept que j’ai toujours trouvé violent, mais simplement sur le fait que le territoire détermine une identité objective porteuse de citoyenneté pour ses résidents, à certaines conditions écrites dans la loi. D’autres identités habitent évidemment ces citoyennes et citoyens, mais elles leur sont personnelles. Pour aller un pas plus loin, je dirai que se dessinent ainsi quatre collectivités politiques. Sans être provocateur, je compte aussi quatre démocraties. Plus une, faîtière, si on veut bien accorder au fédéral cette vocation en fonction des compétences importantes qui sont encore les siennes. Au stade d’avancement de notre fédéralisme, je m’inspirerai de la formule du professeur carolorégien Élie Baussart pour dire qu’à mes yeux, la Belgique est faite pour la Flandre, l’OstBelgien, Bruxelles et la Wallonie. Et non le contraire.

 

3. La trajectoire de la réforme de l’État

Indépendamment des préférences des parties prenantes, préférences qui évoluent depuis les débuts des mouvements qui ont souhaité la réforme de l’État, la trajectoire de la réforme franchit des bifurcations, des choix institutionnels, que l’on juge sur le moment favorables ou défavorables. Observons d’abord qu’il est rare que l’on fasse marche arrière et que, après avoir transféré des compétences, on les remette en place. Cela ne veut pas dire que ce soit impossible et qu’on doive y renoncer. Ainsi, lorsqu’en 1980, la Flandre a décidé la fusion – ou plutôt l’absorption – de ses compétences régionales et communautaires suivant la logique qui était la sienne, les mondes politiques wallon et bruxellois francophone auraient pu suivre cette voie. On sait qu’une personnalité aussi éminente que Jean Gol l’aurait souhaité au nom d’une “nation francophone”. Les sociaux-chrétiens francophones, à quelques exceptions près, étaient prêts à le suivre, mais une majorité de Wallons l’ont refusé, car il se serait agi pour eux de renoncer à l’autonomie régionale à laquelle ils aspiraient. Le modèle d’une Belgique à deux communautés principales devenait ainsi obsolète aux yeux de la plupart des Wallons. En concrétisant en 1989 la Région de Bruxelles-Capitale, on entrait d’ailleurs concrètement dans un modèle institutionnel à trois. Ceci répond partiellement à la question 21, troisième question qui m’a été posée par le Groupe CD&V et sur laquelle je reviendrai en évoquant les articles 138 et 139 de la Constitution qui permettent des transferts entre certaines entités fédérées.

Après la réforme de 1993, le travail qui y a été mené autour de ces articles a permis le transfert ou l’exercice de compétences de la Communauté française par la Région wallonne et de compétences de la Région wallonne vers la Communauté germanophone. Cette évolution brouille les cartes d’un fédéralisme qu’on avait qualifié d’asymétrique et, dans le même temps, fait émerger des entités fédérées hybrides qui sont à la fois des Communautés et des Régions et ont vocation à devenir des États fédérés à part entière, comme la Flandre l’avait partiellement anticipé. On peut, on doit, relever la timidité des élus wallons à aller de l’avant dans le transfert des compétences de la Communauté française vers la Wallonie alors qu’ils se plaignent depuis des décennies de la mauvaise gestion de ces compétences. Le discours sur la solidarité que la Wallonie devrait à un Bruxelles francophone face à ce que certains élus et journalistes des 19 communes qualifient de menace flamande sur Bruxelles pollue ce débat depuis 1970. Cette tension renforce la conviction de nombreuses Wallonnes et de nombreux Wallons que leur problème de relation dans l’État belge se pose moins avec la Flandre qu’avec les Bruxellois francophones. Or, comme le soulignait très justement Karl-Heinz Lambertz en 2014, le maintien d’un lien francophone institutionnel de la Wallonie avec Bruxelles est incompatible avec le fait de revendiquer que Bruxelles soit une région à part entière. Cela revient à dire aux Flamands, que dès que l’on sera à trois acteurs, ce sera deux (Bruxelles, Wallonie) contre un (Flandre). Comment voulez-vous qu’ils acceptent cela ?, concluait celui qui était alors le ministre-président de la Communauté germanophone [10]. Nous sommes au cœur du sujet. Mais en disant cela, l’actuel président du Parlement de l’OstBelgien esquissait quel devait être un des fondements et la finalité d’un fédéralisme à quatre : des relations décrispées entre entités fédérées sans préférence quelconque. Il s’agit donc d’une condition sine qua non. Ceux qui m’écoutent depuis plusieurs années savent que, personnellement, je plaide pour des relations de qualité entre la Wallonie et la Flandre, en oubliant les fantasmes territoriaux dépassés comme l’élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale que ressortent cycliquement les directions bruxelloises de certains partis politiques francophones.

Comme Wallon, je mesure également le temps perdu à déclarer depuis cinquante ans du côté francophone que les limites géographiques des régions définies par l’article 107quater ne coïncident pas avec celles des régions linguistiques organisées par l’article 3bis. Dans un de mes livres j’ai moi-même recopié cette formule, répétée par de nombreux juristes francophones [11] avant de constater, lorsqu’un étudiant me l’a livrée à l’examen, son insignifiance, sauf évidemment en ce qui concerne la région de langue allemande. Dans ce cadre, je ne peux m’empêcher de penser au temps qui aurait été gagné si on s’était collectivement rallié à l’amendement déposé par Hugo Schiltz à la Chambre, le 18 décembre 1970. Le député VU avait demandé qu’au 107quater, soit ajouté :  De grenzen van deze gewesten vallen samen met de grenzen van de respektievelijke taalgebieden. – Les limites de ces régions coïncident avec celles des régions linguistiques correspondantes. L’amendement a été rejeté par 176 voix contre 20 [12], nouveau témoignage de la discipline des partis. C’est, en toute logique cette réalité qui a prévalu et va continuer longtemps à le faire malgré toutes les autres options avancées par le groupe des 28 [13]. On a trop souvent oublié du côté bruxellois francophone et wallon que lorsqu’en 1953, le Centre Harmel a émis l’avis qu’on adjoigne à l’agglomération bruxelloise les communes d’Evere, de Ganshoren et de Berchem-Ste-Agathe, ses membres, wallons et flamands, parlementaires et représentants de la société civile, avaient considéré, qu’il ne peut s’agir d’aller au-delà et d’admettre la bilinguisation d’autres communes flamandes de l’arrondissement de Bruxelles. En décider autrement – écrivaient-ils – serait à la fois favoriser une centralisation bruxelloise dont se plaignent Wallons et Flamands et entretenir une plaie à laquelle les Flamands sont particulièrement sensibles [14]. On sait que ces trois communes ont été les dernières à être rattachées à l’agglomération bruxelloise en 1954 [15].

En rappelant ces différents éléments, je n’ai d’autre intention que de souligner que dans la volonté de pacification, mais aussi de construire des chemins différents entre collectivités politiques, les Flamands, Bruxellois, Belges de langue allemande et Wallons ont fait des choix institutionnels dictés par la conjoncture politique, une inspiration qui n’était pas toujours la plus raisonnable ou conforme au bien commun de l’État. Je ne suis d’ailleurs pas naïf au point de croire qu’il n’existe qu’un seul intérêt général pour toute la Belgique. C’est à la fois la raison pour laquelle nous rouvrons constamment ce chantier institutionnel et pourquoi nous espérons chacun d’entre nous obtenir des résultats plus conformes à nos aspirations.

Peut-on repartir d’une feuille blanche ? J’en doute, même si, à la suite du constitutionnaliste Hugues Dumont, j’ai proposé de réunir un nouveau congrès national, en faisant preuve, comme en 1830, d’une grande innovation pour son recrutement. Il faudrait pour ce faire que les partis politiques le permettent, ce dont je doute, tant leurs intérêts particuliers seraient en jeu. Nous semblons donc condamnés à adapter le système, ce qui est très difficile. Chacun se souvient de la formule de Machiavel à cet égard : songez qu’il n’est d’affaire plus difficile, plus dangereuse à manier, plus incertaine de son succès qu’entreprendre d’introduire de nouvelles institutions ; car le novateur a pour ennemis tous ceux que l’ordre ancien favorisait, et ne trouve que de tièdes défenseurs chez ceux qui favoriseraient l’ordre nouveau. Leur tiédeur vient en partie de la crainte des adversaires qui ont les lois pour eux, en partie du scepticisme naturel aux hommes : ils ne croient pas volontiers aux nouveautés, tant qu’ils ne les ont touchées du doigt ? [16].

Voyez-vous même la difficulté de s’approprier les nouveautés que Jacques Brassinne et moi-même avons mises sur la table de la réforme de l’État en 2007, après avoir animé un groupe de travail de fédéralistes wallons convaincus, provenant de différents horizons politiques et philosophiques.

Dans un premier temps, je vous présenterai succinctement le contenu de ce projet. Je n’ignore pas que, voulant se limiter à un texte aussi bref que clair en vue des négociations futures, ce texte ne répond évidemment pas à toutes les questions qu’on est en droit de se poser en 2021. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Institut Destrée a lancé au printemps dernier un nouveau groupe de travail, présidé par Philippe Suinen, ancien haut fonctionnaire et actuel président de l’Institut Destrée. Il est assisté par mon collègue Paul Delforge qui en est le rapporteur. Ce sont deux fins connaisseurs du fédéralisme. L’objet de ce travail est d’approfondir et de mettre à jour le projet de 2007 à la lumière de l’évolution institutionnelle ainsi que des nouveaux enjeux qui se posent à l’État fédéral et aux États fédérés. Je ne vous dirai rien de ces travaux qui devraient aboutir à la mi-2022.

Par contre, je n’hésiterai pas, en conclusion à vous préciser quelques éléments et peut-être innovations nées des nombreux contacts que j’ai eus ces derniers mois avec des chercheurs, des élus, des journalistes, des organismes et des citoyens flamands, bruxellois, d’OstBelgien et wallons, notamment à l’occasion de la sortie de mon livre sur Le confédéralisme, spectre institutionnel [17].  J’en profiterai également pour répondre aux questions parmi celles que vous avez posées, qui seraient encore en suspens et pour lesquelles je pense pouvoir dire quelque chose.

 

4. Un fédéralisme raisonnable et efficace pour un État équilibré

Le texte que nous avons présenté à la presse, en français et en néerlandais [18], début mars 2007, commence par un préambule qui rappelle qu’un État fédéral n’a de raison d’être que dans la mesure où il fédère plusieurs entités décidées à vivre ou à travailler ensemble. En effet, les auteurs voulaient affirmer d’emblée leur pleine conscience qu’il n’existe pas de trajectoire unique au vivre ensemble des groupes de populations ou des nations qui peuplent la Belgique et que le schéma institutionnel qui est dessiné dans la proposition appelle une adhésion de ses différentes composantes. C’est d’ailleurs ce que j’ai essayé de montrer dans mon dernier ouvrage en confrontant ce modèle fédéral à 4 aux propositions dites confédéralistes à 2+2 de la NVA [19].

En matière de compétences territoriales, le projet dit “Brassinne-Destatte” de fédéralisme à quatre indique qu’elles seront identiques pour les quatre entités. Dans la logique de la mise en application de l’article 35 de la Constitution, celles-ci seront donc compétentes pour toutes les matières qui ne sont pas attribuées formellement à l’État fédéral : économie, environnement, rénovation rurale, politique de l’eau, énergie, urbanisme, aménagement du territoire, pouvoirs subordonnés, travaux publics et transports. De plus, les États fédérés seront également responsables pour tout ce qui concerne les niveaux d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, la recherche scientifique dans toutes ses composantes, ainsi que pour la culture et les matières personnalisables, en tout cas les compétences toujours exercées par les communautés.

En vue de mieux responsabiliser les quatre États fédérés, ceux-ci assumeront la pleine responsabilité de leurs actes politiques. Le projet précise que la détermination des impôts fédéraux et des impôts régionaux serait établie de telle manière que toutes les entités puissent se financer par elles-mêmes. Toutefois, cette responsabilisation accrue n’empêche pas, dans l’esprit des auteurs du projet, des mécanismes de solidarité et de coopération, en vue de l’amélioration de la condition des citoyens. Le projet précise néanmoins que cette solidarité n’a de chance de s’instaurer de manière équilibrée que dans la mesure où elle est transparente, définie dans le temps et acceptée par toutes les parties. Notons que ce principe ne vaut pas uniquement pour les relations économiques et sociales entre la Flandre et la Wallonie, qui font l’objet de nombreuses tensions sur la question dite des transferts nord-sud, mais aussi des relations entre Bruxelles et la Wallonie, ainsi qu’entre cette dernière et la Région germanophone.

C’est sans aucun angélisme ni naïveté que le projet préconise que chaque Région s’engage à respecter les droits de l’Homme, les libertés fondamentales, ainsi que les droits des minorités.

Dans le projet “Brassinne-Destatte” de fédéralisme à quatre, le pouvoir fédéral n’exerce de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution fédérale et les lois portées en vertu de cette Constitution, à savoir : la cohésion économique, sociale et monétaire dans le cadre européen, la politique étrangère, la défense, la justice, la police fédérale, la sécurité sociale, les pensions, la santé publique, la dette publique, l’octroi de la garantie de l’État, la fiscalité fédérale et la coordination dans le domaine de la recherche scientifique. La sixième révision constitutionnelle n’a pas fondamentalement remis en question ces principes même après le transfert les allocations familiales et d’une partie des soins de santé aux entités fédérées.

Outre l’Exécutif, les institutions fédérales se composeraient d’une Chambre de cent cinquante député-e-s élus au suffrage universel dans quatre circonscriptions électorales régionales, proportionnellement à la population de chacune des quatre Régions, selon le système électoral fixé par la Chambre. Quant au Sénat, il était question qu’il devienne une véritable Chambre des Régions composée de soixante sénatrices et sénateurs élus par chacun des Parlements régionaux. Cette formule apparaît aujourd’hui dépassée par les faits.

Le projet de fédéralisme raisonnable et efficace propose in fine que le gouvernement fédéral compte des membres (au moins un) domiciliés dans chacune des quatre entités. Cela nous paraît une position minimum. Certains, dans le groupe de travail, – c’était mon cas – ont évoqué la parité entre les quatre entités.

Ce projet volontariste de fédéralisme renouvelé, fondé sur quatre États fédérés égaux en droit, est simple, pédagogique et facilement appropriable par les citoyen-ne-s, ce qui constitue une véritable innovation. Sa vertu profonde réside dans le fait qu’il permet de faire échapper la Belgique à la logique néfaste de l’affrontement entre les clans linguistiques, de rompre le face-à-face destructeur entre Wallons, Bruxellois et Flamands, en recherchant un nouvel équilibre. Le fédéralisme à quatre entités égales en compétences permet de donner à Bruxelles une vraie chance de trouver une cohésion territoriale répondant aux multiples enjeux que cette région doit relever : capitale européenne, métropole multiculturelle, désindustrialisation, paupérisation urbaine. La région-communauté germanophone peut émerger davantage sur le plan des compétences régionales et contribuer à l’équilibre de l’ensemble. La Flandre y trouve l’occasion d’un redéploiement territorial sur la métropole anversoise ou sur toute autre capitale qu’elle se choisira. Rappelons qu’aux lendemains de la réforme de 1970, elle avait choisi Mechelen comme siège du Conseil culturel. Quant à la Wallonie, elle peut sortir l’enseignement, la recherche et la culture de leur ghetto moral et financier. De plus, à l’heure de la société de la connaissance, elle a l’opportunité de retisser ces compétences avec celles de l’aménagement du territoire, de l’action sociale et du développement des entreprises.

Les esprits chagrins qui voudraient voir dans une telle Belgique à quatre, un modèle fédéral dans lequel la Flandre démographiquement majoritaire se retrouverait désormais seule face à un bloc de trois opposants (au lieu de deux auparavant) seront vite détrompés par le principe élémentaire selon lequel il faut un accord et une majorité politique provenant des quatre entités pour piloter l’état fédéral, chacune étant par ailleurs autonome dans le domaine de ses propres compétences.

Je pense avoir ainsi répondu à la cinquième question posée par le Groupe NVA. Je reconnais – et c’était dans la question – avoir réfléchi dans une certaine abstraction de la faisabilité politique et des seuils constitutionnels. Tout cela ne sera pas simple assurément. J’ai aussi répondu, je pense aux deux premières questions du Groupe CD&V, les 19 et 21 sur l’évolution du fédéralisme et le fédéralisme belge à 4, ainsi qu’à la quatrième question de l’Open VlD (Question 33.).

 

5. Conclusion : créativité, innovation et ingénierie institutionnelles

Ainsi que je l’ai indiqué, cette conclusion doit permettre d’intégrer à la fois des questions que nous n’avions pas traitées initialement dans notre projet Brassinne-Destatte et de répondre aux problématiques qui ont été mises en avant par vos groupes parlementaires et qui n’ont pas été abordées.

5.1. La faisabilité institutionnelle du modèle à quatre se heurte d’abord à une première difficulté qu’on ne saurait sous-estimer. Il s’agit de savoir comment faire évoluer un système conçu pour protéger des minorités, évoqué par l’Open VlD dans sa deuxième question (question 31) : en gros, les francophones au niveau fédéral, les Flamands au niveau bruxellois, vers un système où nous nous reconnaissons quatre partenaires. Cette transition sera complexe, n’en doutons pas. Ainsi, j’ai toujours été positivement impressionné par le fait que les Flamands aient accepté en 1970 une parité au Conseil des Ministres fédéral entre néerlandophones et francophones. Le constitutionnaliste anversois Karel Rimanque y voyait déjà une marque de confédéralisme [20]. J’observe aujourd’hui que la NVA n’hésite pas à proposer un Parlement belge paritaire suivant le même découpage. En tant que Wallon, je souhaiterais que les dispositions constitutionnelles inscrivent précisément la représentation de la Wallonie dans ces deux instances. Pour notamment une question d’équilibre global, j’aimerais aussi que l’entité OstBelgien y soit explicitement présente. Je mesure qu’il s’agit d’une révolution copernicienne.

5.2. Le changement de paradigme majeur se ferait à Bruxelles. Au risque de fâcher les francophones bruxellois, – ce qui ne constitue pas un grand risque dans cette Assemblée – je les vois disparaître en tant que tels. Au profit de Bruxelloises et de Bruxellois qui sont simplement attachés à leur région. Dans notre modèle, et c’est en cela que c’est un modèle global, la Communauté française ne disparaît pas uniquement en Wallonie, elle disparaît également à Bruxelles, de même que la Communauté flamande, ce qui répond clairement et sans ambiguïté aux questions 23 et 24, les questions 4 et 5 du Groupe CD&V. La Région bilingue de Bruxelles-Capitale devient vraiment le nom qu’on lui a donné. Cela veut dire que toutes les compétences sont exercées par la Région-communauté-province bruxelloise et donc que, durant l’évolution du modèle, de nouvelles garanties doivent être données aux Flamands qui, je le comprends, n’ont pas a priori confiance dans la majorité francophone et dont la Vlaamse Gemeenschap constitue aujourd’hui le bouclier. J’ai pu moi-même observer et entendre que les Flamands ne sont toujours pas chez eux à Bruxelles, ce que je considère insupportable. Évidemment, à terme, ce n’est pas en tant que Flamands qu’ils doivent se sentir chez eux à Bruxelles, mais en tant que Bruxellois, les conflits linguistiques étant appelés à disparaître. Cette évolution est d’autant plus vraie que les technologies numériques permettront à plus ou moins courte échéance d’échanger automatiquement et verbalement dans n’importe quelle langue.

Les Flamands de Bruxelles doivent pouvoir être chez eux en tant que Bruxellois dans une région bilingue. Mais permettez-moi de dire qu’ils ne constitueront plus une minorité puisque leur identité future sera d’être Bruxellois, tout comme celle des francophones sera d’être Bruxellois. Un enseignement bruxellois bilingue, de la maternelle à l’Université, ainsi que des services personnalisables vraiment bilingues doivent pouvoir réaliser ce qui n’a pu être fait jusqu’ici. Il faut donc que les Bruxellois repensent leurs institutions sans tabou par un nouveau pacte à Bruxelles, qui pourrait être garanti par la Flandre, la Wallonie et l’OstBelgien, mais en laissant la liberté complète aux Bruxellois dans des institutions repensées, où un nouvel équilibre serait trouvé. Quand je dis garanties et sans tabou : pourquoi ne pas instaurer une vraie parité au gouvernement bruxellois et une alternance de ministres-président(e)s d’origine flamande et francophone, des listes électorales uniques, avec des logiques transitoires, si on les estime nécessaires. L’objectif est que, dans les cinquante prochaines années du fédéralisme, nous aboutissions à une situation satisfaisante pour toutes et tous à la Région bilingue de Bruxelles-Capitale et dans les dix-neuf communes qui la composent. Je réponds ainsi partiellement, je pense, à la troisième question, mais aussi aux 11 et 12èmes questions formulées par le Groupe NVA et à la dernière question de l’Open VlD (Question 34). Je pense que, lorsque l’État fédéré bilingue de Bruxelles-Capitale aura réalisé sa métamorphose, il devra s’affranchir de la tutelle fédérale et ses ordonnances devront être des décrets comme pour les trois autres entités. Mais il est certain que la future loi de financement devra permettre à Bruxelles de continuer à assumer ses tâches métropolitaines, européennes et internationales. Ni la Flandre, ni la Wallonie, ni l’OstBelgien n’ont intérêt à ce que la capitale de la Belgique et de l’Europe perde le rayonnement qui doit être le sien. …

5.3. Plusieurs questions qui m’ont été posées, notamment par le Groupe Vooruit (n°39) portent sur les ajustements immédiats, les quick-wins, qui pourraient être obtenus dans le cadre de cette législature. Indépendamment du fait d’activer du côté du Parlement de la Wallonie et de celui de la Communauté française l’article 138 de la Constitution pour transférer des compétences à la Wallonie, je ne crois pas que l’on puisse faire grand-chose. D’une part, l’heure ne me paraît pas aux petits ajustements représentant quelques trophées pour les partis politiques – on a parlé de jeu de Pokémon dernièrement [21] -, d’autre part, les grands discours sur la refédéralisation des compétences faisant suite aux crises du Covid, de l’énergie ou du climat me paraissent un peu vains, superficiels, voire démagogiques. J’observe que du côté wallon, par exemple, les élus grincheux et “demandeurs de rien” au moment des transferts importants de la dernière réforme de l’État s’en accommodent fort bien aujourd’hui. Et, pour tout dire, font le job qui leur était demandé. Dès lors, et pour répondre aux deux premières questions, formulées par le Groupe NVA, il me paraît plus utile de préparer une grande réforme en profitant de l’échéance symbolique de 2030 que de procéder à des ajustements. Peut-être la plateforme citoyenne qui sera lancée début 2022 y aidera-t-elle. C’est la question 10, formulée par le groupe NVA. Écouter le citoyen n’est jamais inutile en démocratie. Néanmoins, mon expérience de la délibération citoyenne et de l’Open Government me renvoie à la nécessaire encapacitation, à l’empowerment. Jouer les Omer Vanaudenhove en 2022 et déclarer qu’il faut instaurer une hiérarchie des normes au profit du Fédéral ne nous aidera certainement pas. J’espère ne pas heurter l’Open VlD qui posait la question (n°32), mais l’absence de hiérarchie et l’équipollence des normes constituent une chaîne de l’ADN du fédéralisme belge.

Ceci dit, ce qui a manqué à la réforme de l’État, au moins depuis le Rapport Harmel, c’est une vision d’ensemble et à long terme, répondant aux enjeux de la deuxième partie du siècle. Construisons-la collectivement. C’est le prospectiviste qui parle. Et puis, pour la mettre en œuvre, si on n’opte pas pour l’idée révolutionnaire du Congrès national et de la Constituante, il faudra bien ouvrir à révision tous les articles de la Constitution. Nous savons que cela pourrait s’opérer avec davantage de souplesse que jadis. La révision du seul article 195 le permettrait-elle ? Je préfère laisser des juristes chevronnés répondre à cette question n° 6 formulée par la NVA. Par contre, et pour répondre au Groupe CD&V (question 29), je pense intelligent et indispensable d’inventer des mécanismes concrets et démocratiques d’association des entités fédérées au processus de révision constitutionnelle, en tout cas lorsqu’il s’agit de réforme de l’État et de transferts de compétences.

5.4. Dans une démocratie, la lisibilité des institutions apparaît primordiale. Vous avez compris que l’attente d’un fédéralisme plus simple, plus logique, plus cohérent, est incompatible avec les recouvrements et asymétries de ce monstre que nous avons créé au fil du temps. Certes, vous et moi en connaissons l’historique et l’essentiel des logiques. Mais celles-ci sont datées, voire globalement obsolètes. Aucune de nos entités fédérées ne me paraît devoir connaître une réduction de son autonomie, au contraire. Et comme en toute chose, la responsabilisation doit aller de pair. C’était la septième question que posait le Groupe NVA. La question de l’attribution des compétences et de l’activation de l’article 35 de la Constitution, évoquée par le Groupe NVA (Question 8) mais aussi la première question de l’Open VlD (Question 30), est celle qui a été très succinctement utilisée pour le projet Brassinne-Destatte que j’ai décrit. Je ne dévoile pas grand-chose en disant que le nouveau groupe de travail de l’Institut Destrée s’est attelé à cette tâche depuis plusieurs mois. Cette opération n’est pas aisée, mais elle nous paraît possible à réaliser. Elle implique de mettre de l’ordre dans les blocs de compétence. Le modèle à seulement quatre entités aide à résoudre le problème de la dispersion et de l’émiettement, sujets que le CD&V a soulevés dans les questions 24, 25 et 26 sur la répartition des pouvoirs, les ensembles homogènes ainsi que l’application du principe de subsidiarité. Tous ces mécanismes impliquent la fin des concurrences entre entités fédérées, particulièrement à Bruxelles, nous l’avons vu.

La simplification des institutions passe également par la suppression du Sénat dans sa forme actuelle, c’est une opinion personnelle qui répond à la neuvième question, posée par le Groupe NVA mais aussi à la dernière question du Groupe Vooruit (n°41). Le Sénat d’antan aurait pu devenir celui des entités fédérées. L’occasion a été manquée. Portons notre attention sur une Chambre fédérale pertinente.

5.5. Les questions portant sur les instruments de coopération et de concertation sont vraiment très importantes. Elles sont posées par le CD&V et Vooruit (questions 28 et 37) Je pense que, malgré tous les aléas et les difficultés qui sont innombrables, la crise du Corona a révélé, au moins aux yeux du grand public l’intérêt du Comité de Concertation comme outil de pilotage partenarial du fédéralisme belge. Le Groupe Vooruit l’a souligné dans une question (n°40). Il me semble que les prérogatives du Codeco devraient être étendues et permettre de décrisper des relations entre entités fédérées. Ainsi, sauf si je suis mal informé, j’ai trouvé très maladroit que la demande wallonne de soutien financier dans le cadre des inondations de l’été 2021 ait été relayée par des ministres fédéraux à l’initiative d’un président de parti politique. Pour moi, c’est l’ensemble du Gouvernement de Wallonie qui aurait dû demander l’organisation d’un Comité de Concertation pour examiner objectivement la demande et voir si elle pouvait être honorée par le biais du Fédéral. Le Comité de Concertation devrait pouvoir dépolitiser – au sens d’arrêter de faire de la petite politique – les enjeux de l’État. Je ne suis pas aveugle et je sais, bien entendu, que ce n’est pas toujours le cas. Une des innovations que j’ai trouvé séduisante dans le projet de confédéralisme de la NVA de 2014, c’est précisément l’idée de mise en place d’un Comité de Concertation permanent entre les quatre entités confédérées. Cela permettrait certainement d’éviter des conflits que nous connaissons aujourd’hui ainsi que les risques futurs que pointe le Groupe Vooruit dans sa première question (n° 35), notamment sur la mise en œuvre de l’article 35 et les dangers qui pourraient en découler. À la question du Groupe Vooruit (n°38) sur les modes de coopération des fédéralismes étrangers, notamment en Allemagne, je ne peux que vous recommander de faire appel à des spécialistes de ce domaine et que vous connaissez bien : le professeur Christian Behrendt de l’Université de Liège bien sûr et l’excellent connaisseur et praticien du fédéralisme européen qu’est le Président du parlement de l’OstBelgien, M. Karl-Heinz Lambertz.

La question n°27 du CD&V sur l’accord intervenu entre les communautés sur le Jardin botanique de Meise est un sac de nœuds qui mériterait une thèse de doctorat sous la direction du professeur Hervé Hasquin… Vous me permettrez de ne pas y répondre.

5.6. Dans sa première question (n°14), le Groupe du Vlaams Belang souligne la difficulté de faire fonctionner le fédéralisme et, en tout cas, de former des gouvernements fédéraux. On ne peut le nier même si les causes en sont multiples, l’archipellisation du paysage politique belge, mais aussi au sein des régions et communautés n’étant certainement pas la moindre. J’ai répondu sur le nombre de démocraties : il en existe davantage que le face-à-face entre Flamands et francophones, qui est réducteur, qui me nie en tant que Wallon, comme il nie le Bruxellois et le citoyen d’OstBelgien. J’ai également répondu clairement, je l’espère, à la question (n°15) de savoir s’il fallait réformer l’État. Ma formule est radicale puisque j’ai parlé de révolution copernicienne et de changement de paradigme, même si elle tient compte de l’histoire et de la réalité d’aujourd’hui. J’ai dit aussi ma préférence pour repartir de zéro, lors d’un Congrès national, qui modernise fondamentalement l’habitation, de la cave au grenier, mais en gardant la maison… J’ai souligné que les chances de succès de ce processus étaient faibles, compte tenu du jeu des partis politiques, organes néanmoins fondamentaux et précieux dans nos démocraties… À la question de savoir si la Flandre est devenue une nation, je rappellerai que déjà en 1905, le grand historien Henri Pirenne, peu suspect de flamingantisme reconnaissait déjà l’existence, dans le cadre de ce qu’il appelait la civilisation belge, d’un sentiment national flamand et d’un sentiment national wallon [22]. Que ceux-ci se soient vivifiés, peut-être. Mais l’essentiel me paraît davantage de savoir comment nous allons vivre ensemble, en articulant des territoires de citoyennes et de citoyens qui se prennent en charge sous les divers plans, y compris de la création de valeur, de la démocratie, de la coopération, de la participation. Nul ne sert d’agiter des drapeaux, quelles qu’en soient les couleurs. Ce à quoi je pense, c’est de pouvoir vivre ensemble, de cultiver nos ressemblances et nos différences dans le cadre que l’on se choisit et en particulier de l’Europe et du monde. Pour moi, fédéralisme et même confédéralisme – Fernand Dehousse disait qu’il n’y avait en fait qu’une différence d’intensité – permettent d’ouvrir ces portes-là. Nations ou pas nations.

Demain ou après-demain, et ce sont vos questions 17 et 18, la Flandre, la Wallonie, Bruxelles, OstBelgien prendront peut-être d’autres chemins que ceux que nous essayons ensemble de tracer dans le cadre belge. Ce ne sera certainement pas la fin du monde. Mais cela constituera sans aucun doute la fin d’un monde, celui de la créativité, de l’innovation et de l’ingénierie institutionnelles que nous aurons déployées depuis le début du XXe siècle pour concilier nos différentes visions de la société.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

 

 

Annexe :

Vragen en aandachtspunten n.a.v. de hoorzittingen over ‘Staatsstructuur en toekomstig staatsmodel’

 

1. Waarin schiet het huidige federale België volgens u tekort in termen van efficiëntie, transparantie, democratie, eenvoud? (NVA)

2. Welke institutionele-operationele bijsturingen of klemtonen zijn mogelijk op korte termijn (zonder wetgevend initiatief en/of zonder bijzondere meerderheid)? (NVA)

3. Welke acties zouden op wenselijk of mogelijk zijn om zo snel mogelijk reeds op het terrein ‘operationeel’ gedifferentieerd beleid tussen de deelstaten mogelijk te maken (het voeren van ‘asymmetrisch beleid’ met behoud van de federale juridische bevoegdheid stricto sensu, waarbij beleid en bevoegdheden dus niet formeel-juridisch, maar wel nu al direct operationeel worden gesplitst/gedifferentieerd)? (NVA)

4. Heel wat individuele grondrechten werden constitutioneel verankerd. Zij beschermen onze persoonlijke autonomie en beschermen de minderheid tegen tirannieke meerderheden, willekeur en machtsmisbruik. In hoeverre is extra bescherming van de (taalkundige of politieke) minderheid dan nog nodig? Hoe beoordeelt u de Belgische ‘grendels’ en hun impact op de democratische besluitvorming? Welke kunnen eventueel op de schop? (NVA)

5. Hoe zou het (federale?) België er uitzien indien u een blauwdruk kon maken en van een wit blad kon beginnen? Hoe zou u de staat hertekenen om tot betere bestuurlijke besluitvorming te komen? Abstractie makende van politieke haalbaarheid en huidige grondwettelijke drempels. (NVA)

6. Een eerste stap in het hervormen van de staat is het voor herziening vatbaar verklaren van een aantal artikelen in de grondwet. Welke artikelen dienen volgens u minimaal voor herziening vatbaar verklaard te worden om tot een grondige staatshervorming te komen? Men verwijst in dat kader vaak naar artikel 195 van de grondwet dat, indien voor herziening vatbaar verklaard, op zich zou volstaan om om het even wat aan de grondwet te wijzigen. Wat is uw standpunt daarover?(NVA)

7. Hoe beoordeelt u de mogelijkheid van institutionele asymmetrie, waarbij bepaalde deelstaten meer of minder autonomie krijgen? (NVA)

8. Beoordeelt u de top down bevoegdheidsverdeling (federale overheid bepaalt waar de deelstaten voor bevoegd zijn) als de meest passende aanpak om samenwerking vorm te geven? Of vertrekt samenwerking uw inziens best vanuit de samenstellende delen? Hoe opportuun is het om artikel 35 van de Grondwet alsnog uit te voeren? (NVA)

9. Hoe beoordeelt u de rol, toekomst, meerwaarde van de Senaat? (NVA)

10. Hoe beoordeelt u het dialoogplatform dat de federale regering opzet om een staatshervorming te begeleiden adhv burgerparticipatie? (NVA)

11. Op welke manier kunnen de belangen van de Vlamingen in Brussel op de meest geschikte manier worden behartigd (Nederlandstalig onderwijs en Welzijn,  Cultuur van de Vlaamse Gemeenschap, Vlaams-Brusselse media)? (NVA)

12. Hoe kan tweetaligheid worden gegarandeerd in de Brusselse instellingen: lokale en gewestelijke besturen, gemeentelijke diensten, politie, brandweer, veiligheidsdiensten,…maw. bij de dienstverlening ten aanzien van alle Nederlandstaligen in Brussel. (NVA)

13. Federaal ging in 2007 10% van de bestuursperiode op in pogingen tot regeringsvorming; in 2010 was dat 37,5%; in 2014 7,5% van de bestuursperiode van 5 jaar (9,4% op 4-jarige basis; met de val van de regering in 2018 zat men feitelijk 17% van de bestuursperiode met een regering in lopende zaken); in 2019 ging 27% van de bestuursperiode op in pogingen tot regeringsvorming. Mogen we ter zake spreken van een structurele en existentiële crisis van het federale staatsbestel ingevolge het bestaan van de welgekende ‘twee democratieën’ in dit land? Kan men daardoor stellen dat de houdbaarheidsdatum van het federalisme en van dit land stilaan aan het verstrijken is of helemaal verstreken is? (VB)

14. Is de staat België nog wel het geschikte institutionele kader als het erop aankomt om op structurele wijze uitdrukking en uitvoering te geven aan de democratische volkswil zoals die zich in Vlaanderen én Wallonië tijdens democratische verkiezingen uitdrukt? Zo neen, is op Belgisch niveau nog een institutioneel kader denkbaar waarmee dat wel mogelijk zou zijn en in bevestigend geval, hoe ziet dat eruit? Heeft dit land niet veeleer nood aan nieuwe staatsvorming in plaats van aan een zevende staatshervorming? (VB)

15. Dit land telt sinds 1970 diverse institutionele ‘grendels’ die niet alleen de meerderheid vergrendelen, maar hervormingen van dit land ook bijzonder moeilijk, zo niet onmogelijk maken en alleszins nodige fundamentele hervormingen volledig blokkeren. Ziet u vanuit dit perspectief nog mogelijkheden om dit land nog institutioneel te hervormen? (VB)

16. Vlaanderen heeft al een heel ontvoogdingsproces achter de rug. Kan inmiddels gesteld worden dat Vlaanderen is uitgegroeid tot een natie, zoals de Waalse publicist Jules Gheude stelt? Zo ja, heeft dat logischerwijze geen gevolgen voor de staatsinrichting? (VB)

17. Beschikt Vlaanderen internationaalrechtelijk over alle nodige voorwaarden en over de nodige legitimiteit om zich tot een soevereine en onafhankelijke staat om te vormen? (VB)

18. Welke nodige en nuttige stappen kunnen / moeten de Vlaamse politieke instellingen (Vlaamse regering en Vlaams Parlement) zetten op weg naar een soevereine en onafhankelijke staat? (VB)

19. Hoe ziet u de verdere evolutie van het Belgisch federalisme? Het Belgisch federalisme kent immers wezenlijke kenmerken, met name de tweeledigheid en de centrifugaliteit. Het is tevens een asymmetrisch federalisme, geënt op 4 taalgebieden en met drie gemeenschappen en drie gewesten. (CD&V)

20. Hoe staat u tegenover de piste die wordt naar voren geschoven i.v.m. een nieuw “Belgisch federalisme met vier”? Is het niet zo dat deze piste verduidelijkingen vereist en moeten er hierbij niet een aantal voorbehouden gemaakt worden, rekening houdende met de bijzondere situatie van het Brussels Hoofdstedelijk Gewest en van de Duitstalige Gemeenschap? (CD&V)

21. Is de vraag naar de vereenvoudiging van de instellingen, niet veeleer een probleem aan Franstalige kant, aangezien Vlaanderen reeds sedert 1980 een “fusie” tussen de Vlaamse Gemeenschap en het Vlaamse Gewest kent? (CD&V)

22. Hoe ziet u de toekomst van de instellingen in het Brussels Hoofdstedelijk Gewest, rekening houdende met de waarborgen die de Brusselse Vlamingen momenteel genieten en die gekoppeld zijn aan de waarborgen van de Franstaligen op het federale niveau? Er dient er daarbij ook aan herinnerd te worden dat het Brussels Hoofdstedelijk Gewest op meerdere vlakken over een bijzondere positie beschikt, zoals het feit dat ordonnanties onderworpen zijn aan een ruimer rechterlijk toezicht en waarbij er in welbepaalde materies een toezicht door de federale overheid bestaat met het oog op het beschermen van de internationale en hoofdstedelijke rol van Brussel. Hoe kan de tweetaligheid op het vlak van de verschillende Brusselse instellingen verder worden gewaarborgd? (CD&V)

23. De zesde staatshervorming verandert, vanuit het oogpunt van de Vlaamse Gemeenschap, ten gronde niets aan de wezenlijke rol van de gemeenschappen in het tweetalig gebied Brussel-Hoofdstad. Hoe ziet u voor de toekomst de mogelijkheden voor de invulling van de (nog meer uitgebreide) bevoegdheden van de Vlaamse Gemeenschap in Brussel? (CD&V)

24. De zesde staatshervorming was een heel brede staatshervorming, die bevoegdheidsoverdrachten met zich meebracht op diverse beleidsdomeinen. Welke zijn volgens u de grootste problemen en/of hindernissen in de huidige bevoegdheidsverdeling? (CD&V)

25. Wat is volgens u beste manier om tot een heldere bevoegdheidsafbakening te komen? Is het tot stand brengen van volledig homogene bevoegdheidspakketten mogelijk en op welke manier? (CD&V)

26. Hoe staat u tegenover de uitvoering van artikel 35 van de Grondwet? Is het mogelijk om op die manier het subsidiariteits- en homogeniteitsbeginsel op een efficiëntere manier toe te passen? Hoe ziet u dergelijke essentiële en complexe operatie voorbereid en uitgevoerd worden? (CD&V)

27. Is de wijze waarop de bevoegdheid van de Nationale Plantentuin werd toegewezen, met name de twee betrokken Gemeenschappen bepalen via samenwerkingsakkoord welke bevoegdheden of aspecten daarvan zij aan zichzelf overdragen/voorbehouden, een volgens u een interessant precedent als methode van bevoegdheidstoewijzing? (CD&V)

28. Wat kan er volgens u verbeterd worden inzake de overleg- en samenwerkingsinstrumenten zowel federaal – deelstatelijk als tussen de deelstaten onderling? Zijn er daaromtrent interessante voorbeelden uit andere federale landen? (CD&V)

29. Hoe staat u tegenover de procedure van Grondwetsherziening en de inbreng van de deelstaten daarin? (CD&V)

30. Moet aan art. 35 G.W. uitvoering gegeven worden. Zo ja, waarom? Zo neen, waarom niet? Zijn er mogelijkse andere wijzen van uitvoering van art. 35 G.W.? Met als doel: homogene(re) bevoegdheidspaketten. (Open Vld)

31. Quid blokkeringsmechanismen (dubbele grendels, pariteiten) vs. Federale loyale solidariteit? (Open Vld)

32. Is een hiërarchie der normen haalbaar/wenselijk? Hoe kan hieraan uitvoering gegeven worden? Quid substitutierecht? (Open Vld)

33. Voor- en nadelen van een ‘België met 4’ of een ‘België 2+2’? (Open Vld)

34. Quid band Vlaanderen-Brussel? (Open Vld)

35. Zin en onzin van de invulling van artikel 35 GW: zal dit een betere bevoegdheidsverdeling mogelijk maken? Zal dit bevoegdheidsconflicten voorkomen? Hoe moet dit artikel concreet worden ingevuld? Hoe verzekeren dat er nog steeds samenwerking en afstemming is indien residuaire bevoegdheden volledig bij de deelstaten zitten? Dient de invulling dan niet sowieso gepaard te gaan met een hiërarchie der normen, dan wel een hiërarchie van bevoegdheden? De opvatting over de exclusiviteit van de bevoegdheden brengt immers een risico op (bevoegdheids)conflicten tussen deelstaten onderling of de deelstaten en het federale niveau met zich mee. (Vooruit)

36. Wat is de institutionele haalbaarheid van het model van de federale staat bestaande uit 1 federaal niveau en 4 deelstaten/regio’s, nl. Wallonië, Vlaanderen, Brussel en Oost-België? (Vooruit)

37. Samenwerkingsmechanismen: wat is de evaluatie van de huidige samenwerkingsmechanismen zoals het Overlegcomité, de samenwerkingsakkoorden, de gezamenlijke decreten? (Vooruit)

38. Zijn er andere vormen van samenwerkingsmechanismen die tot een betere samenwerking kunnen leiden tussen het federale niveau en de deelstaten of de deelstaten onderling? Bestaan er succesvolle voorbeelden uit andere federale staten die als inspiratie kunnen dienen? (Vooruit)

39. Welke quick wins ziet u voor een meer heldere bevoegdheidsverdeling en betere samenwerking tussen deelstaten? (Vooruit)

40. Zijn er institutionele good practices uit de aanpak van de corona-crisis die moeten worden meegenomen / versterkt? (Vooruit)

41. Ziet u een rol weggelegd voor een (niet-rechtstreeks verkozen) Senaat van de deelstaatparlementen? Eventueel bevoegd voor institutionele dossiers of internationale verdragen? (Vooruit)

 

[1] Ce texte constitue mon intervention au Werkgroep Institutionele Zaken du Vlaams Parlement le 6 décembre 2021, à l’invitation de sa présidente Mme Liesbeth Homans. Ce groupe de travail “Affaires institutionnelles” été mis en place en décembre 2020 au sein du Parlement afin d’élaborer des propositions concrètes pour une nouvelle réforme de l’État. Quarante et une question m’avaient été adressées avant l’audition qui a fait l’objet de nombreuses autres questions. Ces 41 questions préalables auxquelles je fais référence dans mon exposé ont été annexée à la fin de mon texte.

[2] Voir Philippe DESTATTE, Retour sur 1830 : méprises et ambiguïté d’une Révolution, Contribution au colloque organisé par le Parlement de la Communauté française “27 septembre 1830 : une révolution francophone ?”, Salle académique de l’Université de Liège, 24 septembre 2010, 14 p. https://www.institut-destree.eu/wa_files/ep_a05_philippe-destatte_revolution-belge_liege_2010-09-24ter.pdf

[3] Maarten VAN GINDERACHTER, De polititieke partijen en de taalwetgeving, Een argumentatieanalyse van de Karmerdebatten (1873-1963), Gent, Universiteit Gent, 1998. (Mémoire de Licence)

http://www.ethesis.net/taalwetgeving/taalwetgeving_bijlagen.htm – Eliane GUBIN et Jean-Pierre NANDRIN, La Belgique libérale et bourgeoise, p. 143, dans Nouvelle Histoire de Belgique, 1846-1878, Bruxelles, Le Cri, 2010.

[4] Loi concernant l’emploi de la langue flamande en matière répressive, Moniteur belge du 11 mai 1889, p. 1 et 2. Arrêtés royaux du 3 mai 1889, du 31 mai 1891 et du 23 janvier 1896.

[5] Francis DELPEREE, Le nouvel État belge, p. 37, Bruxelles, Labor, 1986.

[6] Jacques BRASSINNE, La Belgique fédérale, Bruxelles, CRISP, 1994.

[7] Robert COLLIGNON, La Communauté française ou le paradoxe de la réforme de l’État, dans A l’enseigne de la Belgique nouvelle, Revue de l’ULB, Bruxelles, 1989, 3-4, p. 179-180.

[8] Annales parlementaires, Chambre des Représentants, Séance du 14 février 1923, p. 717-719. – Ph. DESTATTE, Séparation, décentralisation, fédéralisme, La pensée régionaliste de Jules Destrée, 1895-1936, Bruxelles, Ministère de la Communauté française, Direction générale de l’Enseignement, de la Formation et de la Recherche, 1988.

[9] Texte reproduit dans Maurice-Pierre HERREMANS, La Wallonie, ses griefs, ses aspirations, p. 310 à 312, Bruxelles, Ed. Marie-Julienne, 1951. Cet accord s’articule implicitement avec le statut linguistique que propose, au même moment, la Ligue nationale des Travailleurs chrétiens qui affirme que la Flandre et la Wallonie prises dans leur ensemble sont unilingues et que par conséquent la vie publique et toutes les relations officielles doivent être flamandes en Flandre et françaises en Wallonie : à l’exception du Grand-Bruxelles, des communes mixtes de la frontière linguistique et des communes de langue allemande, qui exigent des régimes spéciaux Statut linguistique de la LNTC, 13 mars 1929, Archives de la LNTC, KADOC, Louvain, reproduit dans Emmanuel GERARD, La démocratie rêvée, bridée et bafouée, p. 153-154, Bruxelles, Le Cri, 2010.

[10] Entretien avec M. Karl-Heinz Lambertz, ministre-président de la Communauté germanophone, Propos recueillis par Vincent Laborderie, dans Outre-Terre, Revue européenne de Géopolitique, (Dé)blocage belge, n°40, p. 238, Paris, L’Esprit du Temps, 2014.

[11] Ph. DESTATTE, Histoire de la Belgique contemporaine, Société et institutions, p. 144, Bruxelles, Larcier, 2019. – Voir, par exemple : Charles-Etienne LAGASSE et Bernard REMICHE, Une constitution inachevée, p. 143, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1973.

[12] Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 décembre 1970.

[13] Paul de STEXHE, La Révision de la Constitution belge 1968-1971, p. 177, Namur, Société d’Études morales, sociales et juridiques, Bruxelles, Larcier, 1972.

[14] ARCHIVES DE L’INSTITUT DESTREE, Centre Harmel, Ministère de l’Intérieur, Centre de recherche pour la solution des problèmes sociaux, politiques et juridiques en régions wallonne et flamande, Document n° 255, Assemblée plénière, Motion n° 9, Réponse au ministre de l’Intérieur concernant le projet de loi modifiant la loi de 1932, texte adopté au cours de la séance du 27 janvier 1953, p. 2-4.

[15] Document 940 (1957-1958). – Fernand SCHREURS, Les conclusions générales du Centre Harmel, dans La Nouvelle Revue wallonne, 2ème trimestre 1955, p. 165-177.

[16] Nicolas MACHIAVEL, Le Prince (1513) suivi de choix de lettres, Préface de Raymond Aron,  p. 29-30, Paris, Librairie générale française, 1972.

[17] Ph. DESTATTE, Le confédéralisme, spectre institutionnel, Namur, Institut Destrée, 2021.

https://www.institut-destree.eu/confederalisme_spectre-institutionnel.html

[18] Une version en allemand a été publiée à l’initiative de la Communauté germanophone.

[19] Ph. DESTATTE, Le confédéralisme, spectre institutionnel…, p. 52sv.

[20] Karel RIMANQUE, Réflexions concernant la question oratoire : y a-t-il un État belge ? dans Hugues DUMONT e.a., (dir.), Belgitude et crise de l’État belge, p. 67, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1989.

[21] Christophe DE CAEVEL, Vivaldi, La politique des Pokémon, dans Trends, 21 octobre 2021.

[22] Compte rendu analytique du Congrès wallon de Liège, dans Wallonia, 13e année, Liège, 1905, t. XIII, p. 512.

Hour-en-Famenne, le 22 août 2020

L’attention que j’ai portée aux questions du fédéralisme et du confédéralisme depuis plus de trente ans [1] est d’abord professionnelle : j’ai commencé à expliquer à des étudiants en 1980 que le fédéralisme était une doctrine préconisant une certaine liberté d’action des parties associées, combinée à une unité d’ensemble, plutôt qu’un dogme de division. Je continue à le faire aujourd’hui, notamment à l’École de Droit de l’Université de Mons. Parallèlement, le fédéralisme est devenu chez moi la meilleure réponse aux difficultés de répondre aux enjeux d’un pays complexe et la meilleure manière d’organiser l’État pour répondre à ses enjeux de manière pacifique. Cette conviction je l’ai acquise en fréquentant, écoutant, lisant François Perin, Jean-Maurice Dehousse, Jacques Hoyaux, Robert Collignon, Jacques Brassinne, Philippe Suinen, Karl-Heinz Lambertz et quelques autres…

Au-delà de la mécanique fédéraliste et de toutes ses variantes, il reste toujours pour moi une interrogation de l’ancien secrétaire général de la Commission européenne, Émile Noël, que j’ai connu comme président de l’Institut européen de Florence dans les années 1990. J’avais eu l’occasion de l’accueillir à Liège en 1995 pour un colloque européen. À cette occasion, celui qui était alors président du Centre de Formation européenne (CIFE) de Nice avait posé cette question fondamentale : la structure fédérale contribue-t-elle véritablement à l’épanouissement culturel, au dynamisme politique, au développement économique ? [2]

Ce doute, je ne suis pas le seul à le partager aujourd’hui. Une classe politique tout entière s’interroge, qui semble à la fois déconnectée du passé, victime d’amnésie et frappée d’effroi, celui qui empêche d’avancer dans l’avenir. Et j’ai de surcroît l’impression que de nombreux experts, politologues et constitutionnalistes sont figés dans des postures qui les empêchent eux aussi de franchir le pas vers l’avenir, et qu’ils participent à ce que Michel Crozier appelait “une société bloquée”.

Dans un débat organisé par Henri Goldman à paraître dans le numéro de septembre 2020 de la revue Politique, j’ai eu l’occasion d’échanger avec Philippe Van Parijs et Hugues Dumont sur l’évolution institutionnelle de la Belgique. Après ces échanges cordiaux que l’on découvrira dans peu de temps, j’ai voulu lever quelques ambiguïtés et rendre claire ma position en sept points.

  1. Je défends pour la Belgique un projet – que j’appelle fédéraliste – de quatre entités fédérées – des régions-communautés distinctes et territorialisées – intitulées Flandre, Bruxelles, OstBelgien et Wallonie, disposant des mêmes droits, des mêmes devoirs et des mêmes compétences, ainsi que nous le présentons avec Jacques Brassinne depuis 2007 [3].
  1. Comme le constitutionnaliste Fernand Dehousse – qui n’était pas un Flamand – l’a fait de 1938 à la fin de sa vie, au milieu des années 1970, je persiste à considérer que le confédéralisme n’est somme toute qu’une forme différente de fédéralisme [4].
  1. Si on veut appeler cela du confédéralisme et que cela fait plaisir aux partis politiques flamands qui ont tous – sauf le Belang et le Partij van de Arbeid – prôné cette formule confédérale à un certain moment, je n’y vois pas d’inconvénient : bien sûr, mon (con)fédéralisme à moi est à quatre composantes, à statut égal.
  1. De plus en plus, je pense que notre exécutif et notre législatif, au niveau fédéral, doivent abandonner un nationalisme désuet et dépassé, que quelques masques tricolores de mauvais goût ne parviendront pas à ranimer, et s’emparer de la formule que le professeur Élie Baussart exposait déjà en 1928 : “la Flandre et la Wallonie ne sont pas faites pour la Belgique, la Belgique est faite pour la Flandre et la Wallonie. Comme l’État, observait-il, est fait pour le citoyen et non le citoyen pour l’État” [5]. Sans doute, en 2020, aurait-il ajouté les entités de Bruxelles et de l’OstBelgien.
  1. Comme nous l’avions affirmé avec mon collègue historien de l’Université d’Anvers Marnix Beyen, en conclusion générale de la Nouvelle Histoire de Belgique (1970-2008), une fédération simplifiée et transparente aurait pour vertu d’augmenter l’attachement des citoyennes et des citoyens aux structures politiques, sans pour autant les exclure des identités multiples. Dans une telle configuration, l’identité belge ne reposerait plus en premier lieu sur des sentiments négatifs [6].
  1. Car, c’est un autre Dehousse – Franklin – petit fils de Fernand et fils de Jean-Maurice, ces deux réformateurs wallons de l’État belge, qui le constate avec force et raison aujourd’hui, ce 18 août 2020 : la Belgique est malade de sa mauvaise gestion publique – et de la particratie – bien plus que du fédéralisme [7].
  1. Les outils existent, tant pour soigner les plaies d’un État inachevé que celles de sa gestion chaotique. Au lieu de maudire les élues et les élus ainsi que les experts, il appartient aux citoyennes et aux citoyens de se saisir des enjeux de la Cité. Initiative de l’Observatoire québécois de la Démocratie de l’UQAM, l’Université d’été de la participation citoyenne et de la gouvernance démocratique en Wallonie et au Québec l’a bien montré en cette troisième semaine d’août 2020 : la santé démocratique d’un pays ne peut aujourd’hui se fonder que sur l’interaction constante entre, d’une part, une représentation solide d’élus déterminés à chercher le bien commun et, d’autre part, l’implication et l’expertise citoyennes que les parlements et autres assemblées nationales se doivent de mobiliser.

Il ne s’agit plus de gadgets pour faire semblant, mais d’innovations sociales et de contrôle démocratique.

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] Notamment : Ph. DESTATTE, Séparation, décentralisation fédéralisme, La pensée régionaliste de Jules Destrée (1895-1936), Bruxelles, Direction générale de l’Enseignement, de la Formation et de la Recherche de la Communauté française, 1988. – Ph. DESTATTE, La Wallonie : une entité fédérée ? dans La Wallonie, une Région en Europe, coll. Études et documents, p. 382-392, Nice – Charleroi, Cife – Institut Destrée, 1997. – Ph. DESTATTE dir., Le fédéralisme dans les États-nations, Regards croisés entre la Wallonie et le monde, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 1999. – Ph. DESTATTE, Bruxelles, la Flandre et la Wallonie, un nouveau paradigme pour la Belgique ? dans Fédéralisme : stop ou encore ? p. 113-120, Numéro spécial des Cahiers marxistes, octobre-novembre 2000. https://phd2050.org/2020/08/21/resurgence-paradigme/ – Ph. DESTATTE, Le (con)fédéralisme en Belgique n’est pas un problème, c’est une solution, conférence (Con)federalism: cure or curse, Rethinking Belgium’s institutions in the European Context, 11th public event of the Re-Bel initiative, Fondation universitaire, Bruxelles,19 juin 2014. Blog PhD2050, 14 juillet 2014. https://phd2050.org/2014/07/14/confederalisme/ – Ph. DESTATTE, Quel avenir pour le fédéralisme belge ?, in Die Besonderheiten des belgischen Bundesstaatsmodells und ihre Auswirkungen auf die Rechtsstellung der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Beiträge zum Kolloquium vom 16. September 2016 im Parlament der Der Deutschsprachigen in Eupen, Scriftenreihe der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Band 3, 63-69, 2017. – Ph. DESTATTE, Le confédéralisme, spectre institutionnel, Blog PhD2050, Institut Destrée, Working Paper, 31 p., 28 décembre 2019, http://www.institut-destree.eu/wa_files/philippe-destatte_confederalisme_spectre-institutionnel_consolide_2019-12-31.pdf

[2] Ph. DESTATTE, A Émile Noël, La Wallonie, une Région en Europe, p. 9, Nice – Charleroi, Cife – Institut Destrée, 1997.

[3] Jacques BRASSINNE de LA BUISSIERE et Philippe DESTATTE, Un fédéralisme raisonnable et efficace pour un État équilibré, 24 février 2007, 4p. http://www.institut-destree.eu/Archives/2007-02-24_J-Brassinne_Ph-Destatte_Quatrieme-Voie_FR.pdf

[4] Notamment : Fernand DEHOUSSE et Georges TRUFFAUT, L’État fédéral en Belgique, p. 15, Liège, Éditions de l’Action wallonne, 1938. – Fernand DEHOUSSE, Les projets fédéralistes de 1938 à nos jours, dans Jacques LANOTTE éd., L’histoire du mouvement wallon, Journée d’étude de Charleroi, 26 février 1976, p. 27, Charleroi, Institut Destrée, 1978.

[5] Elie BAUSSART, 1930 verra-t-il la faillite de 1830 ?, dans La Terre wallonne, Octobre 1928, p. 24.

[6] Marnix BEYEN et Philippe DESTATTE, Un autre pays, Nouvelle histoire de Belgique 1970-2000, [volume 9 de la Nouvelle Histoire politique de la Belgique contemporaine de 1830 à nos jours, sous la direction de Michel Dumoulin, Vincent Dujardin et Mark Van den Wijngaert], coll. Histoire, p. 395, Bruxelles, Le Cri, 2009.

[7] Franklin DEHOUSSE, La Belgique, malade de sa mauvaise gestion publique bien plus que du fédéralisme, dans L’Écho, 18 août 2020, p. 9.

Ce texte constitue la suite de la mise au net de mon exposé au terme du colloque prospectif Liège à l’horizon 2037, organisé au Palais des Congrès de Liège par l’association Le Grand Liège, le 21 janvier 2017. La première partie rassemblait les constats émis par les deux panels tournés sur l’avenir de Liège à l’horizon 2037 piloté par Jacques Pélerin, président du Comité exécutif du GRE-Liège, et  par Philippe Suinen, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Wallonie et de l’Institut Destrée. Cette deuxième partie énonce une série de propositions concrètes formulées par ces tables rondes.

Esquisser de nouveaux chantiers ambitieux, et y répondre collectivement

Ces chantiers devront être précisés, affinés, préparés, avant d’être réellement ouverts. Ils ne naissent pas non plus de rien et bourgeonnent aussi probablement sur des initiatives qui sont en train de se construire. Là, Le Grand Liège devra probablement venir en appui, en alliance, en allié, de ce qui est peut-être déjà en émergence ou en cours.

  1. A nouveau, au centre de ces chantiers, nous voyons l’idée puissante d’une université du futur, qui réconcilie véritablement la communauté universitaire et la société liégeoise, dans laquelle l’université s’affirme comme un lieu d’apprentissage complètement différent de ce qu’il est aujourd’hui, un grand smart learning center : apprentissage mental, apprentissage technologique, apprentissage linguistique, en étant orienté citoyen, volonté réaffirmée à la fois par les ténors de l’Université Albert Corhay et Eric Haubruge, et par Pierre Labalue, CEO de LetsGo-City, aussi. Les jeunes attendent en effet la réponse à leurs besoins de formation et d’émancipation.
  2. Parmi ces chantiers, le moindre n’est pas l’importance de renforcer notre image à l’étranger, de répondre au déficit d’image que certains perçoivent et auquel Liège Together s’attache déjà avec beaucoup de détermination. La meilleure façon d’exister dans la modernité reste d’apparaître comme un lieu de création de valeurs dans la mondialisation, valeurs positives immatérielles, valeurs matérielles en excédents pour favoriser la cohésion sociale, ici bien sûr, mais aussi avec les nations et régions moins développées qui ont besoin de notre cohésion. Cela paraît un projet plus motivant qu’être un lieu d’autarcie, de contraction et de repli. Ce que bien sûr nous ne sommes pas, mais dont la tentation nous menace constamment.
  3. Comment faire nôtre la langue des voisins pour investir l’espace eurégional, qui est un marché ? Comment valoriser au mieux pour Liège les outils de la capitale économique de la Wallonie – et Liège ne doit jamais oublier qu’elle l’est – ? Il s’agit d’un atout dans le quotidien du traitement des dossiers. La SRIW à Liège, on sait que cela existe, à côté de Meusinvest ou d’autres institutions plus liégeoises, et on y a recours. Mais peut-être pourrait-on valoriser davantage cette image et cette réalité d’être la capitale de la Wallonie, d’être davantage un des phares de cette région. L’arrivée prochaine du siège de l’AWEX à Liège devrait renforcer ce positionnement.
  4. Sortir de l’inadéquation des compétences, a dit Marie-Kristine Vanbokestal, c’est anticiper. Quels seront les métiers de demain ? Comment articuler les acteurs de l’éducation et de la formation ? Comment valoriser à notre profit les outils collaboratifs ? Prôner davantage les parcours des individus – étudiants, chercheurs, travailleurs, enseignants -, pour que chacun améliore ses compétences, en accroissant les interactions entre la société et le système éducatif, comme l’a souligné le recteur Albert Corhay. La Cité des Métiers et les dispositifs mis en place par l’Université et par le Pôle académique Liège-Luxembourg devraient y contribuer. Il s’agit de travailler davantage comme le Pays de Galles a pu le faire dès le début des années 2000, – et que nous avions du reste proposé au Gouvernement wallon en 2004 – et aussi ce que la loi El Khomri met en place aujourd’hui au travers du compte personnel d’activité et en particulier du compte personnel de formation, c’est-à-dire valoriser davantage les compétences des porte-folios individuels, pouvoir se présenter à tous au travers de ces compétences. Il s’agit de dynamiques qui démontrent que l’éducation est un investissement et que, si on casse les silos, si on décloisonne l’emploi, la recherche, la formation, si on collabore réellement entre institutions au profit des parcours des personnes, on peut changer les mentalités et on peut créer des dynamiques de progrès. C’est probablement en cette matière que la marge de manœuvre des institutions liégeoises est la plus grande, c’est-à-dire que l’on peut aller davantage sut la coordination, sur la collaboration, sur le rapprochement, mettre les gens autour de la table pour aller davantage vers l’un ou vers l’autre. Car, de l’extérieur, même s’ils sont nombreux et s’ils sont dynamiques, il est rare de voir les Liégeois parler d’une seule voix, plusieurs intervenants l’ont souligné.
  5. Le vieillissement actif comme source de développement apparaît comme un axe moteur de redéploiement. Yves Henrotin, professeur de pathologie générale à l’ULg et CEO d’Artalis, a fort bien expliqué quelles sont les bases d’une réflexion comme celle-là : le passage possible en Wallonie du coefficient de vieillissement (ou taux de dépendance vieillissement) de 90 à 160 à l’horizon 2030 [1]. Les 300.000 personnes de plus anticipées à ce moment en région liégeoise pourraient constituer un foyer potentiel d’activités. Ainsi, en écoutant Yves Henrotin, on pourrait, pour éviter la déprise, rebondir positivement sur un projet de type Liège-Seniorfriendly (Liège amie des seniors), c’est-à-dire se demander comment on pourrait rassembler des éléments disparates, de technologies ou d’aménités au travers d’un projet de ce type en mobilisant les capacités robotiques, les biotechnologies, le thermalisme, l’encadrement médical, ambulatoire ou social, au travers des smartcities, les slow-mobilities, etc. au profit d’une société qui est vieillissante. Une task force pourrait être créée à cet effet.
  6. Parallèlement, il existerait également, une Liège-Youthfriendly, projet où les jeunes commenceraient, depuis la maternelle, à se former régulièrement pour, a dit Yves Petre, être à haut niveau tant en français qu’en calcul à l’âge de 12 ans. Et on sait que la préoccupation de la ministre Marie-Martine Schyns, qui était présente au Grand Liège, est de la même nature. Peut-être pourrait-on dès lors imaginer une expérience pilote liégeoise en cette matière ?
  7. L’idée d’un grand projet industriel inscrit dans la société de la connaissance et répondant à ces problématiques d’âges a été avancée avec une certaine force. Il s’agirait de mobiliser des compétences en matière de santé, de génie mécanique, de mobilité, du numérique, etc. Ce projet pourrait constituer un axe complémentaire des projets de renouveau liégeois. Il pourrait s’inscrire dans une logique de convergence des technologies, rassembler l’Université, Biowin, Mecatech, Agoria, l’Union wallonne, le CCI, Meusinvest, etc. avec la question : quel pourrait être, sur ces bases, le grand projet industriel que l’on pourrait faire émerger autour d’une cinquantaine de PME ? Peut-être ce projet existe-t-il déjà au niveau de la recherche ? Dès lors, il s’agira de contribuer à l’industrialiser.
  8. Alain Lesage et Luc Chefneux faisaient justement remarquer que la plupart de ces projets ont une véritable cohérence et des effets systémiques. Lorsque, d’une part, nous évoquons le développement de services aux seniors et que, d’autre part, avec Yves Petre, l’on conçoit l’idée de développer l’usage de la voiture électrique – c’est l’idée de Liège-Electricfriendly, la ville la mieux équipée pour accueillir les voitures électriques -, on constate qu’il existe des relations évidentes entre ces projets. Ainsi, les premières “lignes” de voitures électriques sur les axes latéraux de Liège pourraient-elles trouver demain leur vocation dans la mobilité des seniors ?

Faire converger les technologies, marier les idées et les projets, pourraient constituer les maîtres mots d’une nouvelle façon de concevoir l’avenir de Liège.

Ces avant-projets, que j’ai voulu mettre en évidence parmi le grand nombre d’idées avancées par les participants aux deux tables rondes ont ainsi, chacun, des dimensions d’internationalisation et de développement économique potentiels. Je répète qu’un certain nombre de chantiers sont peut-être déjà ouverts et que, dès lors, ils peuvent être encouragés par le Grand Liège et ses partenaires.

grand-liege_philippe-destatte_2017-01-21Photo Le Grand Liège

Conclusion : les Liégeois ont la bougeotte

Ce qui a été dit par François Honhon est important : cette idée de travailler à 20 ou 25 ans, de manière générationnelle, de se reporter sur le long terme, d’essayer de créer des dynamiques communes. Et de l’enseigner à nos enfants pour qu’ils développent une culture du long terme et de l’anticipation. Cette idée rejoint un des projets heureusement soutenus par le ministre Jean-Claude Marcourt et qui viennent d’être approuvés par le Gouvernement de la Communauté française : celui qui porte sur le Young Foresight : l’enseignement de la prospective aux jeunes. Ce projet interuniversitaire, réunissant les universités de Liège, de Mons et de Louvain-la-Neuve autour de l’Institut Destrée, a vocation à s’interroger sur la manière de permettre aux jeunes de se projeter dans 15 ou 20 ans pour anticiper les mutations et construire leur propre trajectoire dans ce monde en évolution qu’ils vont eux-mêmes parcourir. En effet, on ne peut pas baser la manière dont on va appréhender la société uniquement sur l’expérience des anciens. Nous devons apprendre à coloniser le futur, à le comprendre pour s’y mouvoir. Cela demande évidemment une mentalité prospective, des attitudes adéquates et quelques méthodes qui peuvent être acquises comme un bagage à emporter dans sa vie et celle de la société à laquelle on participe. Nous pourrons en dire davantage dans les mois qui viennent.

Il faut donc valoriser les capacités anticipatrice et créative des jeunes. On a souligné, ce qui m’a rendu particulièrement heureux, que finalement cette dynamique prospective doit déboucher sur la stratégie. Je le répète constamment : une prospective qui n’a pas vocation au changement structurel, à la métamorphose, à la transformation, à l’action, du territoire, de l’entreprise ou de l’organisation, n’a pas de sens.

Qui dit prospective dit stratégie. C’est pourquoi le président de NMC, Yves Noël, a repris l’exemple, le modèle de la Communauté germanophone. Nous sommes quelques-uns à observer et à essayer de valoriser ces expériences, nombreuses, qui en Communauté germanophone ont réussi, notamment à l’initiative du ministre-président Karl-Heinz Lambertz, et qui pourraient être transposées en Région wallonne. C’est particulièrement vrai dans le domaine de l’éducation. Or, Liège est plus proche de Eupen que Namur. Liège devrait probablement davantage regarder ce qui se passe dans la Deutschsprachige Gemeinschaft pour s’en inspirer utilement.

C’est sur le mot de confiance que je voudrais terminer. Car cette idée a été soulignée et mise en avant à de nombreuses reprises. Confiance dans les organisations et entre les organisations qui agissent à Liège et pour Liège, confiance envers l’Université et envers toutes les institutions qui ont été mentionnées : tous ces acteurs du quotidien liégeois comme la SPI, le GRE-Liège, Liège-Together, etc. sont ceux qui peuvent être les acteurs dynamiques du renouveau liégeois s’ils veulent bien se faire confiance les uns les autres. Et se poser constamment cette question : que voulons-nous faire ensemble ? Bouger, bien sûr. Concrétiser ce besoin liégeois de renouveau. En se donnant quelques priorités fortes : l’enseignement de très haut niveau dès le plus jeune âge, la visibilité et l’attractivité internationales de la métropole, l’incubation d’un projet majeur d’entreprise de niveau mondial dans un domaine de pointe, un modèle entrepreneurial de qualité qui assure le bien être des seniors.

Ce renouveau liégeois, le Grand Liège veut y contribuer, dans le respect de ses partenaires, et avec le volontarisme qui est le sien.

Philippe Destatte

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[1] Le coefficient de vieillissement ou taux de dépendance vieillesse est le rapport entre le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus et le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans.