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Hour-en-Famenne, 9 avril 2022

Who is the strongest ? Who is the best ? Who holds the aces ?
The East ?
Or the West ?

This is the crap our children are learning…

Roger Waters, The Tide is Turning, 1987 https://www.youtube.com/watch?v=td6CD3J9kiY

 

Penser hors du cadre convenu. Tel est le message que nous adresse le dessin de presse de Nicolas Vadot paru dans L’Écho du samedi 12 mars 2022, 17ème jour de l’agression de l’armée russe contre l’Ukraine. Sur le premier tiers de cette planche, un groupe d’officiers supérieurs de l’OTAN donne le ton. Celui qui est au centre propose une solution à laquelle, dit-on, personne n’a pensé et qui règlerait tout : et si on intégrait les Russes ? On formerait une grande famille otanesque unifiée, de Washington à Moscou, de Paris à Ankara, d’Ottawa à Kiev ! [1]

A la manière des Habits neufs de l’empereur, ce conte du Danois Hans Christian Andersen (1805-1875) où seul un petit garçon ose dire la vérité – « Mais il n’a pas d’habits » -, Vadot, avec la finesse qui caractérise ses dessins et ses analyses, met le doigt sur une dimension essentielle de l’évolution des rapports que nous, l’Alliance atlantique, et donc aussi une part de l’Union européenne, entretenons avec la Russie. Il n’existe pas de bon moment pour penser hors du cadre, même quand l’orientation médiatique globale porte sur le martyre de l’Ukraine, ou lorsqu’on se focalise sur la personnalité désormais honnie en Occident de Vladimir Poutine.

Pour l’historien comme pour le prospectiviste, l’impensable n’est pas toujours très loin… [2], conscient que l’exercice n’est pas sans danger tant la guerre – comme toute guerre – charrie son lot de sang, de mort, de larmes et de violences, y compris – nous le voyons chaque jour – dans l’information ou la désinformation [3]. Partout dans le monde, mais aussi parfois en Europe. C’est certainement le moment de se souvenir de nos leçons de critique des sources et d’heuristique [4]. Tenter de voir clair sur un sujet aussi brûlant que la candidature de la Russie à l’élargissement de l’OTAN, n’en est pas moins périlleux, d’autant que cet enjeu s’inscrit dans un système beaucoup plus large que nous ne pourrons assurément pas explorer : la défense européenne, le désarmement mondial, la conquête des marchés, etc.

Une mise en garde encore, celle que nous faisait Edgar Morin ce 20 mars 2022, en rappelant que c‘est une faiblesse intellectuelle extrêmement répandue de considérer que l’explication est une justification [5]. Je ne sais pas à quel contexte précis le sociologue faisait allusion, mais son constat vaut assurément pour le sujet traité ici.

1. Une relation ambivalente (1954-1998)

 

1.1. Une demande de Nikita Khrouchtchev en 1955

Moscou, 31 mars 1954. Joseph Staline est décédé voici juste un an. Le terrible Lavrenti Beria (1899-1953), ancien chef du NKVD [6] et alors vice-président du Conseil des ministres de l’URSS, est emprisonné et va bientôt être exécuté. Dans la lutte de succession de Staline, le Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste d’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev (1894-1971) vient également d’évincer Gueorgui Malenkov (1901-1988) sur sa route vers le pouvoir. Nicolas Boulganine (1895-1975) est ministre de la Défense. C’est de nouveau le célèbre Viatcheslav Molotov (1890-1986) – l’homme des cocktails – qui est en charge des relations internationales.

Lors de la Conférence des Quatre, réunissant les ministres des Affaires étrangères des vainqueurs du nazisme (URSS, États-Unis, Grande-Bretagne et France), tenue à Berlin du 25 janvier au 18 février 1954, Molotov a proposé une alternative soviétique aux plans occidentaux de création d’une Communauté européenne de Défense (CED), impliquant la participation de l’Allemagne de l’Ouest réarmée [7]. Le Plan Molotov du 10 février 1954 constituait un projet de sécurité collective en Europe inspiré du pacte interaméricain conclu à Rio en 1947 [8]. Ce projet ayant été rejeté par les Alliés, après la clôture de la conférence, le Kremlin prend une nouvelle initiative. Ainsi, la proposition soviétique du 31 mars 1954 vise tout simplement à faire entrer, sous certaines conditions, l’URSS dans l’OTAN, fondée cinq ans auparavant [9]. En mai 1954, les puissances occidentales rejettent la proposition soviétique d’adhésion à l’Alliance au motif que l’entrée de l’URSS dans l’organisation est incompatible avec les objectifs démocratiques et défensifs de l’Alliance. Torpillée à la fois par les communistes, par les gaullistes et par quelques autres députés français, la Communauté européenne de Défense (CED) sombre après l’échec de sa ratification à l’Assemblée nationale fin août 1954. Le 9 mai 1955, la République fédérale allemande (RFA) devient membre de l’OTAN. Moscou, qui en a été préalablement informée, craint qu’un esprit revanchard allemand fasse passer l’Alliance de système défensif à coalition agressive. Le 14 mai, en guise de réponse, l’URSS rassemble les pays de l’Est du rideau de fer sous l’appellation d’Organisation du Traité de Varsovie. Les blocs sont désormais bien face à face [10].

 

1.2. Après la chute du Rideau de fer

Il faudra, bien entendu, attendre la chute du Rideau de fer et l’effondrement accéléré du communisme à l’Est, 45 ans plus tard, pour qu’une idée aussi disruptive que l’entrée de la Russie dans l’OTAN refasse surface. On s’étonnera peu que ce soit ce grand réformateur, le président Mikhaïl Gorbatchev, qui en ait évoqué la possibilité. Selon le secrétaire d’État américain sous la présidence de George H. Bush (1924-2018), James A. Baker, Gorbatchev l’aurait même fait au moins à trois reprises en 1990. Le leader russe aurait modéré son propos par le fait qu’il jugeait lui-même l’idée à la fois prématurée et ambitieuse [11]. L’ancien président n’était pourtant pas le seul à y penser.

Y avait-il de la place pour la Russie dans la pensée des Alliés ? Le 12 décembre 1989, dans un célèbre discours qu’il prononce au Club de la Presse de Berlin-Ouest, le même James Baker avait ébauché le schéma d’un nouvel ordre atlantique dans lequel le rôle de l’Alliance serait plus politique que militaire. Il avait plaidé en faveur du renforcement de la Communauté européenne, prôné le développement de liens institutionnels et économiques plus étroits entre cette institution et les États-Unis [12]. Pour apaiser les inquiétudes soviétiques au moment où se négociait la réunification allemande, James Baker devait bientôt s’appuyer sur les idées développées plus tôt par le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale allemande, Hans Dietrich Genscher (1927-2016) [13]. En effet, dans l’exposé fait à l’Evangelische Akademie Tutzing, en Bavière, le 31 janvier 1990, Genscher a déclaré que, quel que soit l’avenir du Pacte de Varsovie, l’OTAN ne cherchera pas à accroître son territoire à l’Est, c’est-à-dire plus près des frontières de l’Union soviétique [14]. Lors de sa rencontre avec Michaël Gorbatchev, le 9 février 1990, soit à peine une semaine plus tard, James Baker s’est aligné sur cette position, disant à son interlocuteur que : nous comprenons que, non seulement pour l’Union soviétique, mais aussi pour les autres pays européens, il est important d’avoir la garantie que si les États-Unis maintiennent leur présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, pas un pouce de la juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra dans la direction de l’Est [15]. Baker a interrogé le dirigeant russe sur les liens possibles de l’Allemagne réunifiée avec l’Alliance atlantique. Répondant qu’il allait discuter de cette question avec ses collègues du Kremlin, Gorbatchev a précisé que l’élargissement de la zone OTAN était inacceptable, ce que le secrétaire d’État US a confirmé par la formule : nous sommes d’accord avec cela [16]. Le lendemain, 10 février 1990, le Chancelier Helmut Kohl est également venu à Moscou dire que l’OTAN ne devait pas s’élargir au-delà de l’Allemagne de l’Est et qu’il comprenait bien les intérêts de la Russie en matière de sécurité [17].

Le Secrétaire général de l’OTAN, l’Allemand Manfred Wörner (1934-1994) se veut, lui aussi rassurant, en rappelant quelques mois plus tard que la stratégie de l’Alliance est purement défensive, que l’OTAN ne menacera jamais personne et qu’elle est favorable à un désarmement d’envergure. Cette affirmation, ajoute le porte-parole de l’Alliance en mai 1990, et l’assurance que les troupes de l’OTAN ne dépasseront pas le territoire de la République fédérale d’Allemagne, offrent à l’Union soviétique de solides garanties de sécurité [18].

Dans son exposé introductif lors du Sommet de l’OTAN tenu au Lancaster House de Londres le 5 juillet 1990, George H. W. Bush (1924-2018) confirme devant le Conseil atlantique la demande de Mikhaïl Gorbatchev d’adhésion de l’Union soviétique à l’OTAN. Pour le président des États-Unis, cette idée est out of question. Néanmoins, il se dit favorable à la proposition de créer une mission de liaison qui pourrait aider à repousser chez les Russes l’image de l’OTAN en tant qu’ennemi, une image si profondément ancrée dans l’esprit du public soviétique [19]. Lors du même sommet, le président français François Mitterrand (1916-1996) affirme que l’OTAN doit prendre en compte les intérêts de tous les pays d’Europe, y compris ceux qui sont encore aujourd’hui membres du Pacte de Varsovie, bien qu’on ne sache pas exactement lesquels, et notamment, je n’hésite pas à le dire, de l’Union soviétique [20]. Wilfried Martens (1936-2013) affirme que l’Union soviétique a sa place dans le concert européen. Observant que ce pays resterait la principale puissance militaire du continent, le Premier ministre belge n’estime ni souhaitable, ni raisonnable, ni même pensable de la maintenir dans une position marginale. Cela ne voulait pas dire, ajoute-t-il, que l’Union soviétique, facteur important de sécurité en Europe doive aussi s’inscrire dans le processus d’intégration en Europe, car, pense-t-il, elle ne pourrait y participer sans le dénaturer [21].

 

1.3. La main tendue et la porte fermée de l’OTAN

Au lendemain de ce Sommet, Manfred Wörner se rend à Moscou à l’invitation du ministre soviétique des Affaires étrangères Édouard Chevardnadze (1928-2014). C’était la première fois qu’un secrétaire général de l’OTAN était reçu à Moscou. Wörner prononce devant le Soviet suprême un discours resté célèbre :

Je suis venu à Moscou avec un message très simple : nous vous offrons notre amitié. J’ai aussi une proposition très directe à vous faire : coopérer. L’époque de la confrontation est révolue. Oublions l’hostilité et la méfiance du passé. Nous voyons dans votre pays, et dans tous les autres États membres de l’Organisation du Traité de Varsovie, non plus des adversaires, mais bien des partenaires, engagés avec nous dans une entreprise commune : la construction de ce que vous appelez la maison commune européenne, bâtie sur les principes de la démocratie, des libertés fondamentales et de la coopération.

Nous pouvons laisser derrière nous la confrontation et avancer sur la voie d’une Europe entière et libre; il s’agit pour cela :

– de construire de nouvelles structures, une nouvelle architecture qui englobe chacun d’entre nous ;

– de négocier sur la maîtrise des armements, pour réduire au maximum nos arsenaux et pour renforcer la stabilité et la confiance mutuelle ;

– de coopérer dans tous les domaines : politique, économie, sciences, culture [22].

C’est pour rester dans cette perspective de main tendue, mais sans toutefois intégrer la Russie que, faisant suite aux décisions prises au Sommet de Rome de novembre 1991, l’OTAN fonde le Conseil de Coopération nord-atlantique (CCNA ou COCONA). Lors de la séance inaugurale, un mois plus tard, l’ambassadeur d’Union soviétique annonce qu’il ne représente désormais plus l’URSS, mais la Fédération de Russie. Les Républiques de Géorgie et d’Azerbaïdjan rejoindront le CCNA dès l’année suivante. Ce Conseil va jouer un rôle positif dans des questions comme le retrait des troupes russes des États baltes ou les conflits régionaux en ex-URSS et en Yougoslavie [23].

Au mois de décembre 1991, le président de la Fédération de Russie Boris Eltsine (1931-2007) écrit au Conseil de Coopération pour demander l’adhésion pure et simple de son pays à l’OTAN [24]. Cette demande aurait été fraîchement accueillie par les Alliés [25]. Le secrétaire d’Etat et premier vice-premier ministre de Russie Gennady Burbulis s’est rendu au siège de l’OTAN en ce même mois de décembre 1991 où il été reçu par le secrétaire général de l’Alliance Manfred Wörner. Burbulis a, sans succès, abordé la question de l’entrée de la Russie dans l’OTAN [26]. Cette idée aurait également été soutenue par le vice-président Alexander Rutskoy et l’économiste Iegor Gaidar (1956-2009), Premier ministre russe en 1992 [27]. En février 1992, Wörner, en visite à Moscou, rencontre non seulement Boris Eltsine, mais aussi le ministre russe des Affaires étrangères Andrei Kozyrev qui occupa cette fonction de 1990 à 1996. Ce dernier aurait insisté davantage sur des mécanismes réels de coopération plutôt que sur des idées grandioses comme celle d’une adhésion rapide à l’OTAN [28].

Au moment où les Russes manifestent leur intérêt pour l’OTAN, ils se montrent également très sensibles aux demandes d’adhésion de certains de leurs anciens alliés d’Europe centrale au système de défense atlantique. À la mi-septembre 1993, Boris Eltsine adresse une lettre secrète aux leaders de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne et des États-Unis en rappelant l’esprit du Traité portant unification de l’Allemagne qui stipulait le renoncement à toute expansion de l’OTAN à l’Est de cette frontière. Le président de la Fédération de Russie estime que la relation de son pays avec l’Alliance doit être several degrees warmer que les relations entre l’OTAN et les pays de l’Est de l’Europe. Eltsine déclare aussi dans ce courrier que, même si une telle relation semble actuellement purement théorique, la Russie pourrait rejoindre l’OTAN dans une perspective de long terme [29]. En octobre 1993, lors d’une réunion de l’OTAN à Travemünde, dans la baie baltique de Lübeck (DE), le secrétaire américain à la Défense de l’Administration Clinton, Les[lie] Aspin (1938-1995), dit également s’opposer à cet élargissement. Au même moment, le ministre fédéral allemand de la Défense, Volker Rühe, indique qu’on ne pourrait parvenir à la stabilité en Europe qu’avec, et non contre, la Russie. De son côté, le ministre belge des Affaires étrangères, Willy Claes – qui succèdera à Manfred Wörner un an plus tard – estime qu’un nouveau membre de l’OTAN doit au moins être candidat à l’adhésion à l’Union européenne, ce qui constitue une manière d’expliquer à Moscou pourquoi d’autres pays pourraient rejoindre l’Alliance avant la Russie [30]. La formule choisie par l’Alliance pour les anciens membres du Pacte de Varsovie semble alors plutôt porter sur des contrats de collaboration, sans accorder de garantie d’assistance à l’Est [31].

 

1.4. La feuille de route de James Baker

Du côté américain, c’est James Baker qui, cette année-là, prend une initiative pour étendre l’OTAN, non seulement aux pays d’Europe centrale et orientale, mais aussi à une Russie démocratique [32]. En effet, en perspective du Sommet de Bruxelles de janvier 1994, le secrétaire d’État américain écrit une carte blanche dans le Los Angeles Times [33] :

À Bruxelles, les dirigeants de l’OTAN devraient établir une feuille de route claire pour élargir l’alliance vers l’est afin d’inclure les États d’Europe centrale et orientale et l’ex-Union soviétique, en particulier une Russie démocratique. Sinon, l’alliance la plus réussie de l’histoire est destinée à suivre la menace qui l’a créée dans la poubelle de l’histoire [34].

 Baker note que les peuples de la Russie, de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchéquie et les autres démocraties émergentes ont les yeux tournés vers le Sommet de l’Alliance et qu’ils espèrent que l’OTAN leur donnera la chance de la rejoindre. Il observe que deux camps émettent des objections à l’égard de l’élargissement : le premier, composé des puristes de l’Alliance, craint l’inefficacité, l’impuissance et l’implosion si on étend l’OTAN au-delà de ses seize membres historiques. Le second camp s’inquiète du fait que l’élargissement pourrait constituer une provocation à l’égard de la Russie et générer une réaction de colère de la part de Moscou en proie à un nouvel affrontement entre slavophiles et occidentalistes. Pour le secrétaire d’État US, ces préoccupations auraient du crédit si l’expansion de l’OTAN devait inclure les États d’Europe centrale et orientale, tout en excluant les États de l’ex-Union soviétique. Une approche aussi peu judicieuse constate-t-il, ne sèmerait pas seulement les graines du revanchisme et d’un empire russe ravivé, elle saperait également l’indépendance des onze États indépendants non russes de l’ex-Union soviétique [35].

Et James Baker de poursuivre :

C’est pourquoi l’éligibilité de la Russie à l’adhésion est essentielle à toute vision à long terme de l’OTAN et devrait être annoncée comme un objectif lors du sommet. Une Russie démocratique peut jouer un rôle constructif dans la sécurité européenne et le jouer au mieux dans le cadre institutionnel de l’OTAN.

De toute évidence, l’adhésion complète de la Russie à l’OTAN ne se fera pas du jour au lendemain. La démocratie russe, quel que soit le résultat des élections de cette semaine, reste précaire et l’avenir de la réforme économique incertain. Mais offrir la possibilité d’adhérer à l’OTAN signalera un soutien à la réforme et soutiendra les réformateurs.

 Tout comme le peuple russe peut choisir la démocratie cette semaine, les dirigeants russes dans les mois à venir devraient avoir le choix de s’aligner sur l’Occident. Expulser la Russie de l’OTAN ne ferait que saper les espoirs des occidentalistes russes tout en alimentant les néo-fascistes alarmistes [36].

Après avoir souligné qu’on ne pouvait accorder un droit de veto contre l’entrée des pays démocratiques à ceux qui ne voudraient pas réformer la Russie, James Baker concluait son papier en affirmant que si la démocratie prévaut, l’adhésion de la Russie à l’OTAN marquera une étape importante sur la voie de la pleine intégration avec l’Occident. Si la réforme échoue, une OTAN élargie protégera la démocratie là où elle s’est solidement enracinée – à Varsovie, Prague et Budapest [37].

C’est dans cette logique que, à l’initiative des États-Unis de Bill Clinton, le Sommet de l’OTAN tenu à Bruxelles en janvier 1994 établit le Partenariat pour la Paix (PpP/PfP) comme nouveau programme de coopération, surtout militaire. Cette plateforme de coopération vise à rassembler les membres du Conseil de Coopération nord-atlantique (CCNA) – 47 pays parmi lesquels la Russie et l’Ukraine – et d’autres pays, dont ceux de l’OSCE [38]. La Fédération de Russie adhère au partenariat dès juin 1994. L’objectif est de promouvoir une culture commune de sécurité autour de l’Alliance et de permettre à chaque membre de renforcer ses propres liens avec l’OTAN. Certains pays membres du PfP le voyaient comme une salle d’attente avant leur admission dans l’Alliance, ce qui n’est d’ailleurs pas surprenant, compte tenu du fait que certains officiels américains présentaient le mécanisme de la sorte [39].

En août 1994, Boris Eltsine aurait à nouveau déclaré que la Russie pourrait rejoindre l’OTAN en temps voulu [40].

 

1.5. Les Russes au SHAPE à Mons

Le ministre russe de la Défense Pavel Gratchev, le Général Chevtsov et le Commandant suprême des Forces armées alliées de l’OTAN, le General George A. Joulwan, au SHAPE à Mons (Wallonie – Belgique), Novembre 1995 [41]

Qui se souvient aujourd’hui de la présence de Russes au SHAPE à Mons (Wallonie), venus pour préparer l’opération menée en Bosnie sous le commandement de l’OTAN ? [42]

En effet, le 15 octobre 1995, un groupe d’officiers d’état-major de l’Armée russe est arrivé au quartier général des forces alliées en Europe sous la direction du Général Leonty Chevtsov (Leontiy Pavlovich Shevtsov) [43]. Celui-ci allait devenir l’adjoint au commandant suprême de la Force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (SFOR). Leur mission émanait directement du président de la Russie Boris Eltsine et de son ministre de la Défense, le général Pavel Gratchev (1948-2012). Il s’agissait de négocier avec le Supreme Allied Commander Europe (SACEUR) [44], le Général américain George A. Joulwan, afin de définir les principes et critères de participation d’un contingent militaire russe à l’Implementation Force (IFOR). Cette force opérationnelle de l’OTAN était destinée à succéder à la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU) en Bosnie laquelle se transformera plus tard en SFOR. Le mécanisme de commandement et de conduite qui encadrait ces opérations de troupes russes dans l’IFOR a fait l’objet d’un protocole signé le 8 novembre 1995 par les ministres de la Défense des États-Unis et de la Russie. Ce protocole a permis l’implantation au SHAPE d’un groupe opérationnel de liaison et de décision sous le commandement du général Chevtsov [45], ainsi qu’une coordination sur le terrain à Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, afin d’assurer la liaison avec la brigade russe en déploiement. Un autre groupe de liaison russe a également été actif sur la base aérienne de Vicence en Italie, état-major de la 5ème ATAF (Allied Tactical Air Force). La brigade russe était déployée et opérationnelle sur le terrain bosniaque le 2 février 1996 et a poursuivi sa mission dans le cadre de la force de stabilisation (SFOR) à partir de décembre 1996, en vue de l’application des accords paraphés à Dayton (Ohio) le 21 novembre 1995 et ratifiés à Paris le 14 décembre 1995 [46].

Comme l’écrira plus tard le Général Chevtsov dans la Revue de l’OTAN :

Notre participation à l’IFOR a donné une nouvelle impulsion à la coopération militaire entre les forces de la Russie et celles de l’OTAN.

 Alors que nous avons été divisés pendant cinquante ans, maintenant, pour la première fois dans l’histoire, des officiers du ministère de la Défense de Russie ont travaillé pendant plus d’une année au SHAPE. Bien entendu, les choses n’ont pas toujours été faciles, mais peu à peu, en travaillant côte à côte au SHAPE, nous apprenons à œuvrer ensemble. Le groupe opérationnel du ministère de la Défense de Russie au SHAPE guide le contingent russe en Bosnie-Herzégovine, mais constitue également un canal de transmission opérationnel entre le siège de l’OTAN et l’état-major des forces armées russes [47].

À ce moment, Chevtsov se réjouit des échanges de missions permanentes entre les forces armées russes au SHAPE et celles de l’OTAN au quartier général des forces armées de Russie. Le général russe observe que chacune des parties commence à comprendre que l’interaction devrait continuer et s’étendre tant aux hauts fonctionnaires du gouvernement qu’aux experts et aux institutions diplomatiques et politiques. Il estime évident que si la coopération entre la Russie et l’OTAN doit se renforcer, il faudra mettre en place des structures habilitées permanentes capables d’affronter un large éventail de problèmes de coopération [48]. De même, pour le général, il devient envisageable d’envoyer, à titre permanent, des officiers de l’OTAN au QG des forces armées russes afin de renforcer la confiance entre l’Alliance et la Fédération de Russie.

 L’OTAN pense également que la coopération avec la Russie au sein de l’IFOR a été particulièrement remarquable et sa direction souhaite aller plus loin et approfondir les relations avec Moscou, tant au niveau politique que militaire. En juin 1996, le Conseil de l’Atlantique Nord estime que cette collaboration pourrait servir de catalyseur pour le développement des relations entre l’OTAN et la Russie. Ces relations, l’Alliance les veut fondées sur le respect mutuel, la confiance réciproque et l’amitié. Dans le même temps, le Conseil dit attacher beaucoup de prix aux relations avec l’Ukraine, étant persuadé qu’une Ukraine indépendante, démocratique et stable a un rôle important à jouer dans le renforcement de l’équilibre de l’Europe [49].

Néanmoins, lors de la Wehrkunde Tagung, la conférence annuelle de haut niveau sur la politique de sécurité, qui s’était tenue en février 1996 à Munich, le chancelier allemand Helmut Kohl (1930-2017) avait lancé une mise en garde contre une extension trop rapide de l’Alliance aux anciens membres du Pacte de Varsovie, ajoutant que l’Occident doit prendre en considération la position de la Russie. Ceux qui traiteront cette question à la légère se retrouveront dans une impasse, soulignait le chancelier [50].

 

Keep the Russians out, the Americans in, and the Germans down

La Russie avait connu, avec l’arrivée au pouvoir de Boris Eltsine en décembre 1991, le gouvernement sans doute le plus pro-occidental de son histoire [51]. La politique intérieure libérale et extérieure assez idéaliste, voire amicale envers l’Ouest, était néanmoins constamment balisée, même si le Kremlin devait prendre en compte, avec réalisme, son affaiblissement structurel depuis la fin de l’Union soviétique.

Du côté occidental, plus que jamais, les buts de l’OTAN, définis par Lord Hastings Lionel Ismay (1887-1965), plus proche conseiller militaire de Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale et premier Secrétaire général de l’Alliance, de 1952 à 1957, ont été maintenus : keep the Russians out, the Americans in, and the Germans down [52]. Alors que l’OTAN aurait pu disparaître à la suite de l’effondrement de l’URSS et de la dissolution du Pacte de Varsovie, et avec elle la présence permanente des troupes américaines, Washington et Evere ont trouvé une nouvelle dynamique. Londres était d’ailleurs très favorable au maintien de cette présence tandis qu’elle rassurait plusieurs capitales européennes face à la réunification allemande. Pour les Américains, le maintien de l’OTAN, au détriment de toute autre configuration strictement européenne, avait l’avantage de maintenir l’influence américaine en Europe. Dans le même temps, comme l’avait souhaité James Baker lors de son discours de Berlin du 12 décembre 1989, Washington s’activait pour donner à l’OTAN une portée géographique plus large et lui assignait une fonction générale de sécurité européenne au-delà de la défense territoriale [53].

Le tournant vers le XXIème siècle va engendrer un basculement majeur, dans un paysage refaçonné.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

Suite :

2. 1999 : quand l’horizon s’obscurcit…

 

[1] Vadot au carré 2022. Consulté le 24 mars 2022. https://www.nicolasvadot.com/fr/dessins-de-presse/dessins-de-presse-2022/vadot-au-carre-2022/

[2] Richard J. KRICKUS, Russia in NATO: Thinking about the Unthinkable, Copenhagen, Danish Institute of International Affairs, 2002.

[3] A noter qu’à la RTBF, Nicolas Vadot avait la prudence de rappeler la nécessité de mettre les faits à distance dans Le Parti pris. Comment et pourquoi dessiner Boutcha ?, avec Pascal Claude et Kroll, RTBF, La Première, le 5 avril 2022.

[4] Philippe DESTATTE, Les opinions partiales altèrent la rectitude du jugement, Heuristique et critique des sources dans les sciences, Conférence présentée à la Salle académique de l’Université de Mons, dans le cadre du Réseau EUNICE, le 21 octobre 2021, Blog PhD2050, 1er novembre 2021. https://phd2050.org/2021/11/01/heuristique/

[5] Tweet d’Edgar Morin, 20 mars 2021.

[6] Le NKVD (Народный комиссариат внутренних дел – НКВД), Narodnieï Komissariat Vnoutrennikh Diel, créé en 1917, était l’organe soviétique chargé de la défense de l’ordre révolutionnaire.

[7] Ph. DESTATTE, L’ambition précoce d’une Communauté politique européenne, Blog PhD2050, Namur, 25 mars 2017, https://phd2050.wordpress.com/2017/03/31/rome1/

[8] André FONTAINE, Histoire de la Guerre froide, 2. De la Guerre de Corée à la crise des alliances, 1950-1963, p. 91-92, Paris, Fayard-Seuil, 1983. – Projet de Traité général de Sécurité collective en Europe, Projet Molotov, Berlin, 10 février 1954.  https://www.cvce.eu/content/publication/2013/10/28/f0b7a4a0-3f40-46ed-90df-5155d2e4df79/publishable_fr.pdf

[9] Molotov’s Proposal that the USSR Join NATO, March 1954, » March 26, 1954, History and Public Policy Program Digital Archive, Foreign Policy Archives of the Russian Federation (Arkhiv Vneshnei Politiki Rossiiskoi Federatsii, or AVP RF), F. 6, Op. 13, Pap. 2, D. 9, L1. 56-59. Translated for CWIHP by Geoffrey Roberts and included in CWIHP e-Dossier No. 27. https://digitalarchive.wilsoncenter.org/document/113924 – Geoffrey ROBERTS, A Chance for Peace? The Soviet Campaign to End the Cold War, 1953-1955, Working Paper No. 57, Cold War International History Project, December 2008. https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/documents/publication/WP57_WebFinal.pdf

[10] Robert SERVICE, The Penguin History of Modern Russia, From Tsarism to Twenty-First Century, p. 337, Penguin Random House, UK, 4th ed., 2020.

[11] James A. BAKER III, Russia in NATO, in The Washington Quarterly, Vol. 25, Nr. 1, Winter 2002, p. 102 et 103. https://muse.jhu.edu/article/36660/pdf

[12] James BAKER, A New Europe, a New Atlanticism: Architecture for a New Era, 12 dec. 1989, in US Department of State Current Policy, nr. 1233. http://aei.pitt.edu/101501/1/1.pdf12-16 décembre 1989États-Unis. Le « nouvel atlantisme » de George Bush, dans Encyclopædia Universalis, consulté le 25 mars 2022. http://www.universalis.fr/evenement/12-16-decembre-1989-le-nouvel-atlantisme-de-george-bush/ – Voir aussi l’interview de James Baker : James Baker : La guerre froide aurait pu se terminer en big bang, dans Le Figaro, 31 octobre 2009.

https://www.lefigaro.fr/international/2009/10/31/01003-20091031ARTFIG00257–la-guerre-froide-aurait-pu-se-terminer-en-big-bang-.php

[13] Melvyn P. LEFFLER & Odd Arne WESTAD dir., The Cambridge History of the Cold War, Vol. 3, Endings, p. 344, Cambridge University Press, 2012. – Helmut KOHL, Erinnerungen 1982-1990, p. 584–85, Munich, Droemer Knaur, 2005.

[14] Helmut KOHL, Erinnerungen 1982-1990, p. 584–85, Munich, Droemer Knaur, 2005. – Stephen F. SZABO, The diplomacy of German unification, p. 58, New York, St Martin’s, 1992.

[15] We understand that not only for the Soviet Union but for other European countries as well it is important to have guarantees that if the United States keeps its presence in Germany within the framework of NATO, not an inch of NATO’s present military jurisdiction will spread in an eastern direction. Record of Conversation between Mikhail Gorbachev and James Baker February 9, 1990, Dossiers déclassifiés publiés par le National Security Archive, Svetlana Savranskaya & Tom Blanton, 12-12-2017. https://nsarchive.gwu.edu/document/16117-document-06-record-conversation-between – Gorbachev Foundation Archive, Fond 1, Opis 1 – NATO Expansion: What Gorbatchev Heard? Declassified documents show security assurances against NATO expansion to Soviet leaders from Baker, Bush, Genscher, Kohl, Gates, Mitterrand, Thatcher, Hurd, Major, and Woerner. Slavic Studies Panel Addresses Who Promised What to Whom on NATO Expansion?, National Security Archiv, Washington, The Georg Washington University, Dec 12, 2017. https://nsarchive.gwu.edu/briefing-book/russia-programs/2017-12-12/nato-expansion-what-gorbachev-heard-western-leaders-early

not one inch eastward” formula with Gorbachev in the February 9, 1990, meeting. https://nsarchive.gwu.edu/briefing-book/russia-programs/2017-12-12/nato-expansion-what-gorbachev-heard-western-leaders-early

[16] Ibidem.

[17] Philippe DESCAMPS, Quand la Russie rêvait d’Europe, « L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est » , dans Le Monde diplomatique,  Septembre 2018, p. 10 et 11. https://www.monde-diplomatique.fr/2018/09/DESCAMPS/59053

[18] Manfred WÖRNER, L’Alliance Atlantique et la Sécurité européenne dans les années 1990, Discours du Secrétaire général, de l’OTAN prononcé devant le Bremer Tabaks Collegium, 17 May. 1990, OTAN, 1990. https://www.nato.int/cps/fr/natohq/opinions_23732.htm?selectedLocale=fr – Manfred WÖRNER, La sécurité européenne et l’avenir de l’Alliance, dans Politique étrangère, 1990, 55-3, p. 609-615. https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1990_num_55_3_3972

[19] Gorbachev has even p u b l i c l y suggested Soviet membership in NATO. Now that is in our view out of the question but the Liaison Mission proposal could help him work to push aside the image of NATO as an enemy, an image so deeply ingrained in the mind of the Soviet public. CONSEIL DE L’ATLANTIQUE NORD – NORTH ATLANTIC COUNCIL, Verbatim Record of the North Atlantic Council Meeting with the participation of Heads of State and Government held on Thursday, 5th July 1990 at Lancaster House, London,  Nato Confidential, Verbatim Record C-VR(90) 36, PART I, 5th July 1990. Document déclassifié des Archives de l’OTAN p. 8. https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_archives/20141218_C-VR-90-36-PART1.PDF

[20] Ibidem, p. 5.

[21] Ibidem, p. 45.

[22] Une Europe commune, Partenaires dans la stabilité, Discours du Secrétaire général de l’OTAN, Manfred Wörner prononcé devant les membres du Soviet suprême de l’URSS, 16 juillet 1990. OTAN, 4 novembre 2008. Consulté le 26 mars 2022. https://www.nato.int/cps/fr/natolive/opinions_23719.htm

[23] Conseil de Coopération nord-atlantique (CCNA) Archives, OTAN, 24 octobre 2011. https://www.nato.int/cps/fr/natolive/topics_69344.htm

[24] Gerald B. SOLOMON, The NATO enlargement debate, 1990–1997: Blessings of Liberty, K190/2221, Westport (CT) – London, Praeger, 1998.

[25] OTAN, La visite de M. Manfred Woerner à Moscou, Assaut de bonnes intentions, dans Le Monde, 27 février 1992. https://www.lemonde.fr/archives/article/1992/02/27/otan-la-visite-de-m-manfred-woerner-a-moscou-assaut-de-bonnes-intentions_3880346_1819218.html

[26] Yuriy DAVYDOV (Nato Research Fellow), Should Russia Join Nato?, Final Report, p. 21, Moscow, Nato Office of Information and Press, Academic Affairs Unit, 2000. https://www.nato.int/acad/fellow/98-00/davydov.pdf

[27] Yuriy DAVYDOV, op. cit., p. 21.

[28] Ibidem.

[29] Gerald B. SOLOMON, The NATO enlargement debate, 1990–1997: Blessings of Liberty, K 312/2221, Westport (CT) – London, Praeger, 1998. (USIS WF, October 4, 1991)

[30] G. B. SOLOMON, The NATO enlargement debate…, p. 21.

[31] Lors d’une réunion en Allemagne, l’OTAN rejette les demandes de garanties militaires des pays d’Europe occidentale, dans Le Monde 22 octobre 1993 (avec AFP et Reuter). https://www.lemonde.fr/archives/article/1993/10/22/lors-d-une-reunion-en-allemagne-l-otan-rejette-les-demandes-de-garanties-militaires-des-pays-d-europe-centrale_3941046_1819218.html

[32] In 1993 I proposed that NATO draw up a clear road map for expanding the alliance eastward to include not only the states of Central and Eastern Europe but also a democratic Russia. « Otherwise, the most successful alliance in history is destined to follow the threat that created it into the dustbin of history. » James A. BAKER III, Expanding to the East, A New NATO, Alliance, Full membership may be the most sought-after ‘good’ now enticing Eastern and Central European states–particularly, Russia, in Los Angeles Times, Dec 5, 1993. https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1993-12-05-op-64339-story.html

[33] Le correspondant en chef du New York Time à la Maison Blanche, Peter Baker, ne partage pas cette analyse des déclarations de James Baker, notamment parce que le secrétaire d’État n’a pas inscrit dans un traité cette question de l’expansion de l’OTAN à l’Est. Peter BAKER, In Ukraine Conflict, Putin relies on a promise that ultimately wasn’t, in New York Times, Jan 9, 2022. https://www.nytimes.com/2022/01/09/us/politics/russia-ukraine-james-baker.html

[34] In Brussels, the NATO leaders should draw up a clear road map for expanding the alliance eastward to include the states of Central and Eastern Europe and the former Soviet Union, especially a democratic Russia. Otherwise, the most successful alliance in history is destined to follow the threat that created it into the dustbin of history.

[35] Such an ill-advised approach would not only sow the seeds for revanchism and a revived Russian empire, it would also undermine the independence of the 11 non-Russian independent states of the former Soviet Union.

[36] This is why Russian eligibility for membership is key to any long-term vision for NATO and should be announced as a goal at the summit. A democratic Russia can play a constructive role in European security and play it best through NATO’s institutional framework.

Clearly, full Russian membership in NATO will not occur overnight. Russian democracy, whatever the outcome of this week’s election, remains precarious and the future of economic reform in doubt. But offering the possibility of NATO membership will signal support for reform and bolster reformers.

Much as the Russian people can choose democracy this week, the Russian leadership in the months ahead should be given the choice of aligning with the West. Ruling Russia out of NATO would only undercut the hopes of Russia’s Westernizers while fueling the fear-mongering neo-fascists.

[37] If democracy prevails, NATO membership for Russia will mark a milestone on the road to full integration with the West. If reform fails, an expanded NATO will protect democracy where it has taken firm root–in Warsaw, Prague, and Budapest.

[38] L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe est une organisation régionale de sécurité qui a succédé en 1995 à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) fondée par l’Acte final d’Helsinski en 1975 et qui avait constitué pendant la Guerre froide un lieu de dialogue entre l’Est et l’Ouest.

https://www.osce.org/files/f/documents/3/7/35779_0.pdf

[39] Les ASPIN, A Nouvelle Europe, nouvelle OTAN, dans Revue de l’OTAN, Vol. 42, N°1, Février 1994, p. 12-14. https://www.nato.int/docu/revue/1994/9401-03.htm

[40] Yuriy DAVYDOV, op. cit., p. 22.

[41] Le ministre russe de la Défense Pavel Grachev, Le Général Leonty Chevtsov et le commandant suprême des Forces armées alliées de l’OTAN, le General George A. Joulwan, au SHAPE à Mons (Wallonie – Belgique), Novembre 1995. Archives russes.

https://m-eng.ru/en/plumbing/shevcov-ivan-andreevich-kto-est-kto-v-rvsn-shevcov-ivan-andreevich.html

[42] Did you know that SACEUR had a Russian General as his deputy au SHAPE in the 1990s? Consulté le 12 mars 2022. https://shape.nato.int/page2148203020

[43] Шевцов Леонтий Павлович – биография Shevtsov Leontiy Pavlovich, 14 марта 1946 года – http://viperson.ru/people/shevtsov-leontiy-pavlovich

[44] Le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), qui est l’un des deux commandants stratégiques de l’OTAN, dirige le Commandement allié Opérations (ACO). Il est responsable devant le Comité militaire, l’instance militaire suprême de l’OTAN, de la conduite de l’ensemble des opérations militaires de l’Alliance. Le commandant est basé au SHAPE à Casteau, en Belgique. Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), OTAN, 6 mai 2019. https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50110.htm

[45] Ce centre était situé à l’intérieur du bâtiment Live Oak, qui jusqu’en 1991 avait accueilli le personnel de planification allié chargé de préserver l’accès à Berlin en cas de blocus soviétique.

[46] Le rôle de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, Otan, 1999. https://www.nato.int/docu/comm/1999/9904-wsh/pres-fra/06bosni.pdf

[47] Leonty P. CHESTOV, La coopération militaire entre la Russie et l’OTAN en Bosnie, une base pour l’avenir ? dans Revue de l’OTAN, Vol. 45, n°2, Mars 1997, p. 17-21. https://www.nato.int/docu/revue/1997/9702-5.htm

[48] L. P. CHESTOV, La coopération…

[49] Communiqué final du Conseil de l’Atlantique Nord réuni en session des ministres de la Défense, juin 1996 https://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_25065.htm?selectedLocale=fr

[50] Frits BOLKESTEIN, Approfondir et élargir l’OTAN ? dans Revue de l’OTAN, n°4, Juillet 1996, p. 20-24. F. Bolkestein était alors membre VVD du Parlement néerlandais. https://www.nato.int/docu/revue/1996/9604-5.htm – L’OTAN en était consciente, en tout cas avertie. Dans l’étude préparatoire à tout élargissement qu’elle avait commandé, il était bien acquis que : la Russie a fait part de préoccupations à l’égard de l’élargissement de l’Alliance. L’Alliance prend en compte ces préoccupations en développant des relations renforcées avec la Russie et elle a bien indiqué que le processus d’élargissement, y compris les arrangements militaires de l’Alliance qui y sont associés, ne menacerait personne et apporterait une contribution à une vaste architecture de sécurité européenne en pleine évolution, fondée sur une coopération véritable à travers toute l’Europe, en accroissant la sécurité et la stabilité pour tous. Étude sur l’élargissement de l’OTAN, Bruxelles, OTAN, 3 septembre 1995.

https://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_24733.htm?selectedLocale=fr

[51] David TEURTRIE, Russie, Le retour de la puissance, p. 126, Paris, Armand Colin, 2021.

[52] Peter HENNESSY, Whitehall, p. 412, London, Free Press, 1989. – NATO Leaders : Lord Ismay, https://www.nato.int/cps/en/natohq/declassified_137930.htm A noter que dans ce texte de l’OTAN, la formule est : keep the Soviets out

[53] Roland Lomme, alors chargé de recherche à l’Observatoire sociologique de l’Europe de l’Est (CNRS), écrivait en 1991, après l’annonce du retrait unilatéral des forces soviétiques d’Europe de l’Est, qu’il est à parier enfin que l’OTAN ne survivra pas longtemps au Pacte de Varsovie, dont on annonce la dissolution officielle pour 1991. R. LOMME, L’URSS et le désarmement, dans Universalia 1991, p. 142, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1991.André FONTAINE, Pierre MELANDRI, Guillaume PARMENTIER, OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord), Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 9 avril 2022. https://www.universalis.fr/encyclopedie/otan-organisation-du-traite-de-l-atlantique-nord/ – Notamment en référence au Sommet de l’OTAN tenu à Rome en 1991, Georges Labaki alors directeur des relations internationales à l’Université Notre-Dame de Louaizé (Liban) écrivait : même s’ils reconnaissent à la Communauté européenne un rôle croissant dans sa défense, il existe un consensus chez les responsables américains sur la nécessité de conserver une présence américaine permanente en Europe, même réduite. (…) En effet, les États-Unis considèrent que cette présence est essentielle pour la stabilité de l’Europe, qui a été le théâtre de deux guerres mondiales en moins d’un siècle. En outre, cette présence assure la pérennité de leur influence en Europe. Cependant, les véritables enjeux en ce qui concernent les intérêts américains en Europe, se situent davantage sur le plan économique que sur le plan militaire ou économique.  Georges T. LABAKI, Les États Unis et l’intégration européenne, dans Universalia 1993, p. 133, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1993. Georges Labaki est directeur des relations internationales à l’Université Notre-Dame, Liban.