archive

Archives de Tag: Liège 2017

Juste avant 1960, et l’accélération de son déclin, au moment où José Sporck la décrivait avec tant de minutie, la Région industrielle liégeoise, composée de 64 anciennes communes, d’Engis à Visé, ou de Hermalle-sous-Huy à Lixhe, était structurée par ce que le géographe économique appelait quatre activités caractéristiques, qui occupaient près de 80 % de la main-d’œuvre totale de cet espace, et révélait une personnalité industrielle remarquable. Derrière une série de compartiments homogènes articulés mais différenciés, Sporck identifiait surtout le poids déterminant et considérable des industries des métaux, du charbon, des industries verrières, ainsi que des industries chimiques minérales dépendant essentiellement des deux premières [1]. Tout au long de son travail, le jeune chercheur liégeois ne cachait pas les difficultés présentes et à venir de la zone, parmi lesquelles le vieillissement de l’industrie et la localisation des entreprises nouvelles étaient des problèmes centraux [2].

Carte_RILg_Sporck_1957La Région industrielle liégeoise en 1957 [3]

On sait le sort que l’histoire du demi-siècle qui a suivi a réservé à ces quatre activités caractéristiques. Et les transformations que la carte de 1957 a pu subir. On sait aussi quelles émergences et résurgences sont apparues depuis avec notamment des réalisations comme GIGA créé en 2002 dans le domaine des biotechnologies [4] ou la grappe e-Mage, le cluster puis le Pôle Image [5]. Et on espère que les vieilles terres, mêmes chargées en métaux lourds et en poisons divers, seront encore fertiles de nouvelles industries.

Une dynamique de redéploiement d’Engis à Visé (2003-2013)

Lorsque, début 2003, Arcelor a annoncé ses orientations stratégiques visant à concentrer ses investissements importants et nécessaires au fonctionnement des lignes à chaud sur les sites maritimes, ce fut un choc considérable à Liège : l’impression que l’histoire s’arrêtait. En effet, ces nouvelles orientations devaient conduire à fermer l’un des deux hauts-fourneaux mi-2004 et à mettre à l’arrêt les lignes à chaud liégeoises au plus tard en 2009 [6].

Le 28 juin 2003, l’association Avenir du Pays de Liège confiait à Guy Mathot et à Michel Foret une mission exploratoire d’information pour éclairer un groupe de travail chargé de coordonner un plan de reconversion pour la zone touchée par la fermeture de la sidérurgie à chaud. Le message qui ressortait de ce travail, déposé à la fin 2003, et des nombreux entretiens des deux personnalités, tant avec les forces vives liégeoises qu’avec les responsables politiques et administratifs wallons, c’est que les Liégeois ne réussiraient à redéployer leur économie que s’ils parvenaient à décider, à coordonner leurs actions, à tirer parti de toutes les synergies entre eux [7] . Au delà, ils proposaient trois choix stratégiques : le premier était de considérer que le bassin de la Meuse, d’Engis à Visé, constitue le périmètre de la reconversion, le second est de s’inscrire résolument dans les objectifs économiques du gouvernement wallon, le troisième de mettre en place un Groupe ad-hoc qui fédère et coordonne les instruments de la vallée [8]. En termes de type d’activités à développer, il était question, dans le rapport, de l’aval de la sidérurgie et du redéploiement du secteur métal, des nouvelles technologies, de la logistique ainsi que de diverses activités de services [9].

Suite logique au rapport Mathot-Foret [10], le Schéma de Développement de l’Espace liégeois était présenté, fin mai 2004, après avoir été approuvé par un comité d’accompagnement composé de la Région wallonne, de la SPI+, d’Arcelor, du Port autonome de Liège et de chacune des communes concernées. Comme devait le dire Michel Foret, alors ministre wallon en charge de l’Aménagement du territoire, ce document avait été élaboré en vue, notamment, de revoir l’aménagement de la vallée de la Meuse dans sa partie territoriale touchée par la fermeture de la phase à chaud d’Arcelor. L’étude montrait que, en plus des 310 hectares qui pourraient être libérés par Arcelor, 1.700 hectares pourraient devenir disponibles pour implanter des activités nouvelles : zones d’activité économique prioritaires (ZAE), zones de réserves inscrites au plan de secteur (ZAD) ou encore des friches industrielles (SAED). Les consultants qui avaient travaillé à ce plan de développement – IBM Conseil et D+A – avaient identifié quelques filières-cibles en prenant en compte une trentaine d’indicateurs. Le travail avait permis de mettre en évidence les domaines suivants comme axes de réindustrialisation : le travail des métaux, la fabrication de machines et d’équipements, la fabrication d’instruments fins, la récupération, le traitement et la valorisation de matières recyclables, la recherche développement, la distribution logistique à haute valeur ajoutée [11].

C’est au GRE-Liège (Groupe économique de Reconversion) que la mission de soutenir la reconversion industrielle liégeoise a été confiée, en 2004, par le gouvernement wallon. Il s’agit, pour cette structure voulue par les forces vives de l’agglomération liégeoise, d’assumer la structuration et la coordination des outils économiques du territoire ainsi que de fixer, collectivement, les grands axes économiques prioritaires pour l’avenir du bassin liégeois. Le GRE dispose, dès lors, de la mission spécifique de s’interroger sur l’affectation des terrains libérés par la fermeture des outils de la sidérurgie liégeoise. Néanmoins, ses animateurs s’aperçurent bien vite que la dynamique du développement dépassait cette seule problématique. Ils étendirent dès lors l’objet du GRE à l’ensemble des stratégies de développement ainsi qu’à tout l’espace provincial [12].

Alors que la SPI+, avec son exercice Liège 2020, réalisé de 2002 à 2004, avec l’appui de Futuribles, avait conforté l’idée de la mise en convergence des forces vives liégeoises pour construire une stratégie efficiente pour la province de Liège [13], c’est le Plan prioritaire wallon (dit Plan Marshall) qui, en 2005, a donné de premières orientations stratégiques claires à la reconversion du bassin liégeois. Les cinq axes prioritaires wallons au travers des pôles de compétitivité ont donc également constitué les axes de développement industriel liégeois : la logistique, le génie mécanique, les sciences de la vie, l’agro-alimentaire, l’aéronautique et – dans un deuxième temps – les technologies environnementales.

Le Plan élaboré par McKinsey et l’Union wallonne des Entreprises Liège, au profit du GRE, a identifié, en 2009, des pistes pour accélérer le redéploiement de Liège, de 2009 à 2014, mais a également proposé des axes de redéploiement complémentaires à ceux de la Région wallonne, en prenant en compte les spécificités liégeoises. Les pôles du tourisme, de la culture, de l’eau, de la santé et de la formation ont dès lors complété le dispositif wallon et ajouté de la transversalité aux premiers axes [14].

La démarche de Liège 2017 correspondait à la volonté de renforcer l’image de la zone par de grandes actions culturelles, touristiques mais aussi industrielles au travers des technologies nouvelles et de la société de la connaissance [15]. Décidée par le Conseil communal de Liège en décembre 2009, cette initiative a été qualifiée d’irréversible malgré l’attribution de l’organisation à la ville d’Astana au Kazakhstan, le 22 novembre 2012 [16]. Plusieurs projets majeurs ont été lancés ou encouragés dans ce cadre mais surtout l’Union sacrée liégeoise a été confortée et a pris, notamment, la forme de Liège, Métropole Puissance Trois [17] puis de LIEGETOGETHER [18]. Dans une logique parallèle, lancée en 2010, la conférence des 24 bourgmestres de l’arrondissement de Liège et les représentants du Conseil provincial ont pris le nom de Liège Métropole pour renforcer leur initiative supracommunale [19]. Forte de ses 50 ans, fêtés en 2011, l’intercommunale SPI, reste un opérateur partenaire de tous ces dispositifs.

2013 : la bifurcation ?

La relance temporaire de la phase à chaud après la constitution du groupe ArcelorMittal, en 2006, et l’annonce de l’abandon du projet de fermeture de la phase à chaud, en 2008, avaient permis de gagner quelques années, même si la phase liquide n’avait redémarré qu’en avril 2010. L’annonce de fermeture définitive en 2011 ainsi que l’intention communiquée fin 2012 et début 2013 d’arrêter des outils importants comme le train à large bande (TLB) de Chertal et plusieurs lignes du finishing [20] confortaient la thèse d’une fermeture définitive de la sidérurgie liégeoise [21]. L’inutilité des efforts réalisés pour trouver un repreneur à la cokerie d’Ougrée et le refus final de la société américaine de racheter le terrain pollué et de relancer une activité aggravaient encore le sentiment que tout allait être emporté [22]. Cette situation relançait néanmoins la mise en œuvre des stratégies élaborées, depuis le Plan Mathot-Foret puis le Plan McKinsey – UWEL, par les travaux du SEGEFA de l’Université de Liège (2012-2013) dans le but de construire un écosystème d’acteurs efficace [23].

Ce nouveau projet, intitulé DiverCity, a constitué le troisième plan stratégique du GRE. Il avait vocation à définir les socles et les principaux piliers de la diversification économique liégeoise. Comme programme d’actions, Divercity a pour objectif d’activer les priorités suivantes à l’horizon 2018 : la mise en œuvre de la diversification industrielle via l’innovation et la créativité, l’engagement dans la transition énergétique, la promotion et l’implémentation de l’économie circulaire, la mise en place de programmes de formation adaptés à la vie professionnelle et anticipant l’évolution de l’économie. C’est dans la foulée de ce travail que des enjeux ont été identifiés avec l’objectif de servir de questionnement pour le séminaire résidentiel des forces vives liégeoises, tenu à Spa, les 9, 10 et 11 septembre 2013. Comment développer un processus complet d’économie rentable dans la région ? Comment faire fonctionner l’économie circulaire ? Comment mobiliser l’ensemble des acteurs actuels et nouveaux de l’économie liégeoise, notamment clients – partenaires – investisseurs ? Comment transférer le potentiel de la recherche vers l’entreprise ? Comment transformer des produits créatifs et innovants en organisations créatives et innovantes ? Comment les entreprises de haute technologie peuvent-elles bénéficier des success stories du monde des technologies de l’information (IT) ? Quels business models s’offrent aux jeunes entreprises ? La réponse à ces enjeux pouvait permettre d’accélérer le passage de la recherche-développement vers la production et la croissance des entreprises dans les domaines de la biotechnologie, des nouveaux matériaux dans la construction, l’économie circulaire (Reverse Metallurgy), les technologies additives, celles de l’information et de la communication, l’audiovisuel, les nanomatériaux, les surfaces du futur (Surface Energy), le spatial et la miniaturisation. Ces ateliers du GRE-Liège intitulés « Propulsez la croissance économique » pourraient constituer une bifurcation dans le processus de réindustrialisation [24]. Ainsi, 40 actions concrètes ont été identifiées permettant de viser trois objectifs :

– consolider les atouts économiques existants en vue de permettre un développement pérenne à l’international ;

– développer des projets industriels spécifiques ;

– mieux identifier et communiquer sur le savoir-faire des nouvelles filières industrielles locales afin de les développer [25].

Les accords tripartites, signés pour la partie industrielle le 30 septembre 2013 entre le gouvernement wallon et le Groupe ArcelorMittal, et qui ont fait l’objet d’une convention le 27 février 2014, ont ouvert la route à la mise en place d’une plateforme destinée à coordonner les acteurs wallons et liégeois dans leur volonté de sélectionner des projets à financer pour renouveler l’industrie liégeoise [26]. Cette plateforme est constituée des Cabinets des ministres wallons de l’Économie, de l’Emploi et de l’Aménagement du territoire, de la FGTB et de la CSC, de représentants du Comité exécutif du GRE-Liège, de la SOGEPA et du Forem. Elle accompagne la réalisation des schémas de reconversion des sites sidérurgiques. De son côté, le GRE-Liège est chargé, depuis février 2014, de suivre la mise en œuvre de ces accords.

Comme incubateur de projets destinés à développer les conditions nécessaires à la création d’emplois durables en province de Liège [27], le GRE-Liège a porté, souvent en partenariats, une série de projets-phares : Reverse Metallurgy (plateforme d’excellence scientifique et industrielle en économie circulaire), le Pôle Image de Liège, le développement des PME dans le domaine des biotechnologies, Verdir, MecaTech Aval, Aval de l’Aval, etc. [28]. Le GRE-Liège prépare son troisième plan stratégique de développement économique 2016-2020 dont l’axe prioritaire sera la diversification économique et les industries du futur. Dans ce cadre, une des priorités, en collaboration avec la Foncière liégeoise et la SPI, sera la reconversion des sites sidérurgiques [29]. La Foncière liégeoise a en effet lancé début 2015 une étude portant sur la réaffectation économique des sites sidérurgiques désaffectés du bassin liégeois. Société anonyme, elle entend agir selon les principes de gestion et de valorisation de l’économie privée tout en respectant l’intérêt général [30]. En janvier 2015, elle était en charge de la reconversion de plus de 327 hectares parmi lesquels 214 hectares d’outils sous cocons.

Le Master plan économique proposera des orientations et affectations des terrains industriels libérés par la sidérurgie et des zones urbaines limitrophes. Le Schéma industriel du GRE-Liège précise que ce Master plan comprendra : l’analyse des potentialités de redéploiement et de diversification économique, les études de faisabilité et de financement, la planification du programme de réhabilitation et les objectifs intermédiaires, les études complémentaires en aménagement du territoire des sites libérés par la sidérurgie, les études d’aménagement des quartiers limitrophes aux sites sidérurgiques, les études juridiques ainsi que des volets de participation citoyenne et de communication [31]. Ainsi, les priorités qui seront issues de cette démarche définiront la participation, avec la Foncière liégeoise, aux études Masters Plans des terrains libérés par la sidérurgie ainsi que la proposition qui sera faite aux porteurs de projets d’une deuxième vague de projets prioritaires à lancer. L’objectif commun des forces vives ainsi réunies sera de réinscrire Liège sur la carte économique et industrielle mondiale [32].

Conclusion : Industries du futur 4.0., une leçon de dynamisme stratégique

Acteur majeur du redéploiement de la Wallonie par la vigueur de ses forces vives, le dynamisme de ses outils wallons (SOGEPA, SRIW, SPAQuE, pôles de compétitivité en particulier Mecatech et Logistics in Wallonia, etc.) et spécifiquement liégeois (Université de Liège, GRE-Liège, SPI, Meusinvest, Liège-Métropole, Ville de Liège, AREBS, etc.), le bassin liégeois est certainement à une bifurcation, c’est-à-dire ce moment où, plusieurs voies étant possibles, il s’agit de choisir la meilleure [33].

La réaffectation économique des sites sidérurgiques désaffectés constitue une occasion unique de prendre cette voie. Les ateliers lancés par le GRE-Liège, depuis le début 2015, et intitulés Industries du futur 4.0., sont en train de donner du contenu à la démarche de reconversion. En activant des acteurs de premier plan – scientifiques, créateurs, entrepreneurs et organisateurs ensemble –, autour d’idées innovantes d’abord, de priorités crédibles ensuite, de projets de plus en plus concrets, enfin, les Liégeois nous donnent une leçon de dynamisme stratégique. L’union et l’articulation des forces de l’Université, de l’intercommunale de développement, de poids lourds politiques, le soutien tangible de la Région wallonne et le leadership assumé par des entrepreneurs de premier plan au travers du GRE donnent à l’ensemble une réelle force de frappe dont les effets doivent maintenant se traduire sur le terrain.

A nous qui pensons depuis longtemps que la reconversion de la Wallonie se fera surtout par ses territoires, les Liégeois nous rassurent et nous encouragent. Liège est au cœur de la reconversion industrielle wallonne. Par leur action et leur exemple, les acteurs liégeois nous inquiètent également. Pas tant parce qu’on ne retrouve pas partout en Wallonie la même cohésion et la même détermination : en Wallonie picarde, dans le Cœur du Hainaut, dans le Pays de Charleroi, à Namur et dans le Luxembourg, sans parler même du Brabant wallon, des efforts comparables existent. Notre inquiétude vient plutôt du fait que, ce que les Liégeois nous rappellent, c’est qu’on chercherait en vain un effort concerté, de Comines à Welkenraedt, et de Rixensart à Arlon. Or, comme l’écrivait dernièrement l’ancien président de l’Union wallonne des Entreprises de Liège et actuel président du Comité exécutif du GRE, Jacques Pélerin, l’efficacité d’une dynamique de redéploiement économique doit s’articuler (…) autour d’un processus « en engrenage », entre instances régionales et sous-régionales, dans un enrichissement mutuel. Selon les axes de développement, l’implémentation se fera plus efficacement à travers les instances régionales ou à travers les rouages locaux [34]. On ne saurait mieux dire. Malgré les initiatives prises dans le cadre des Plans prioritaires wallons ou même des programmes d’appuis structurels européens, on peut se demander si les différentes dynamiques territoriales s’inscrivent bien dans un effort collectif, porté et coordonné par un élan commun. Il manque probablement ici des outils comme celui qui a été développé depuis 2006 dans le domaine de l’aménagement du territoire, avec la Plateforme d’Intelligence territoriale wallonne, qui active les acteurs de ce domaine autour d’un schéma général qui est le SDER – malheureusement lui-même trop déconnecté des dynamiques économiques – et encourage leurs interactions avec le ministre et l’administration. Peut-être, comme le suggérait il y a peu le directeur général du GRE-Liège, Jean-Luc Pluymers [35], cette tâche de coordination et d’interaction wallonnes dans le domaine de la réindustrialisation devrait-elle être menée par l’AEI, la nouvelle Agence de l’Entreprise et de l’Innovation, fruit de la fusion entre l’ASE et l’AST ? Mais probablement que le SPW devrait, ici aussi, être en première ligne.

Faut-il rappeler, à quelques jours de la commémoration du 18 juin 1815, qu’il est, dans l’histoire, des rendez-vous historiques manqués, et… funestes ?

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

Sur le même sujet :

Les conditions d’un redéploiement de la Wallonie

Éclairer les systèmes territoriaux d’innovation au profit des entreprises

Liège 2017 : une voie pour la métamorphose de la Wallonie

[1] José A. SPORCK, L’activité industrielle dans la Région liégeoise, Etude de géographie économique, p. 65-71, Liège, Georges Thone, 1957. – Sur José Sporck, voir Bernadette MÉRENNE-SCHOUMAKER, In Memoriam José A. Sporck (1922-1988), dans Bulletin de la Société géographique de Liège, 1989, 25, p. III-IV.

Cliquer pour accéder à M%C3%A9renne%201988%20In%20memoriam%20J.A.%20Sporck.pdf

[2] Voir en particulier ses suggestions en vue d’un développement optimum de l’activité industrielle liégeoise, p. 133-141.

[3] État actuel des sites industriels, carte reproduite dans J. A. SPORCQ, L’activité industrielle dans la Région liégeoise…, p. 36.

[4] Groupe interdisciplinaire de Génoprotéomique appliquée. Henri DUPUIS, Une Giga naissance en région liégeoise, dans Athena n°181, Mai 2002, p. 41.

[5] Avec Wallimage, la grappe e-Mage, le cluster Twist (Technologies wallonnes de l’Image, du Son et du Texte), puis le Pôle Image, c’est toute une galaxie d’entreprises qui se construit progressivement sur Liège :

http://www.ulg.ac.be/cms/c_40482/fr/grappes-clusters-et-poles

[6] ArcelorMittal Liège, Historique. http://www.cockerill-sambre.com/fr/historique/historique.htm, 1er mars 2015.

[7] Redéploiement du Pays de Liège, Méthodes et perspectives, Rapport de la mission exploratoire menée par Michel Foret et Guy Mathot, p. 5-6, Liège, Avenir du Pays de Liège asbl, Groupe de reconversion, 1er décembre 2003.

[8] Ibidem, p. 7.

[9] Ibidem, p. 31-32.

[10] SDEL, Le plan de stratégie territoriale, dans La Libre Belgique – Gazette de Liège, 28 mai 2004.

http://www.lalibre.be/regions/liege/sdel-le-plan-de-strategie-territoriale-51b88429e4b0de6db9aa58e2

[11] Ibidem.

[12] Entretien avec Jacques Pélerin, 22 mai 2015.

[13] La province de Liège à l’horizon 2020, Liège, SPI+ – Futuribles, 2004.

www.liege2020.be

[14] Accélérer  le  redéploiement  de  Liège, Liège, GRE – UWEL –  McKinsey, 2009.

[15] Philippe DESTATTE, Liège : entre innovation et prospective, Pour une vision renouvelée du système territorial, dans Veille, Le magazine professionnel de l’Intelligence économique et du Management de la Connaissance, Numéro spécial Liège 2017 – Wallonie, n° 132, Paris-Vendôme, Juillet-Août 2012, p. 34-36.

[16] Liège Expo 2017 : le meilleur reste à venir ! (23 novembre 2012) http://www.liege-expo2017.com/fr/actualites.html

[17] Liège Expo 2017 devient Liège 3, Connected, Open-minded, Creative, Bilan de la candidature de Liège à l’exposition internationale 2017 et Initiatives nouvelles.

http://www.liege.be/nouveautes/liege-metropole-puissance3 – 15 octobre 2013.

[18] http://www.liegetogether.be – 2 avril 2014.

[19] Philippe DESTATTE, Liège 2017 : une voie pour la métamorphose de la Wallonie, Blog PhD2050, 25 novembre 2012, http://phd2050.org/2012/11/25/liege-2017-une-voie-pour-la-metamorphose-de-la-wallonie/.

Version actualisée publiée dans Les Cahiers nouveaux, Discours politiques et aménagements du territoire, n° 88, Juin 2014, p. 113-116.

[20] ArcelorMittal Liège, Historique. http://www.cockerill-sambre.com/fr/historique/historique.htm, 1er mars 2015.

[21] Willy Demeyer : « la fermeture définitive de la sidérurgie liégeoise », RTBF, 25 octobre 2012.

http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_w-demeyer-la-fermeture-definitive-de-la-siderurgie-liegeoise-prend-corps?id=7863425

[22] Merci à la Professeure Bernadette Mérenne d’avoir attiré mon attention sur l’importance de cet aspect. Voir La direction annonce la fermeture de la cokerie d’Ougrée d’ici fin juin, dans La Libre Belgique, 3 juin 2014. – Isabelle LEMAIRE, Mittal : « Ils peuvent avoir la cokerie », dans La Libre Belgique, 16 mars 2013. – I. LEMAIRE, Oxbow ne veut pas racheter le terrain de la cokerie de Mittal, dans La Libre Belgique, 30 mars 2014.

[23] Jean-Luc PLUYMERS, Préambule de Propulsons la croissance économique, Schéma industriel intégré pour le redéploiement et la diversification économiques de Liège, p. 5, Liège, GRE, Novembre 2014.

[24] Liège diverCité, Propulsez la croissance économique de la métropole, dans Les Cahiers du GRE-Liège, n° 2, p. 20-25, Liège, GRE-Liège – SEGEFA, s.d.

[25] Propulsons la croissance économique…, p. 23.

[26] Parlement wallon, L’aboutissement de la convention juridique et le renforcement du secteur métallurgique liégeois, Questions orales de Christine Defraigne et d’Alain Onkelinx à Jean-Claude Marcourt, 11 mars 2014.

[27] Propulsons la croissance économique…, p. 9.

[28] Ibidem, p. 24-25.

[29] Ibidem, p. 14.

[30] Appel d’offre, contrat de prestation de services, Réalisation d’une étude portant sur la réaffectation économique des sites sidérurgiques désaffectés du bassin liégeois, Liège, La Foncière liégeoise, 20 janvier 2015.

[31] Ibidem, p. 27.

[32] Ibidem, p. 37.

[33] Philippe DESTATTE, Cinq défis de long terme pour rencontrer le Nouveau Paradigme industriel, Blog PhD2050, 31 décembre 2014.

https://phd2050.org/2014/12/31/npi2/

[34] Jacques PELERIN, Wallonie, Réindustrialisation et innovation, « Sortir par le haut ? », p. 112, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2015.

[35] Courriel de Jean-Luc Pluymers, 27 mai 2015.

Namur, May 9, 2014

In most regions that are undergoing industrial restructuring, despite the benefit of considerable care and attention from the major players and undoubted strengths, many business leaders and not a few leading academics display a certain scepticism in their day-to-day approach that is in stark contrast with the collective ambition to bring about regeneration locally [1]. Much of the effort focuses on links, synergies and interfaces between research and industry, yet the issue of channels for the distribution and integration of innovation [2] remains sensitive. We know that the tools exist, that they are available and often effective, but we do not really see them… The boss of an SME in will still tell you that, despite being located near a leading university, he benefits little from this proximity, in terms of either patents or quality of recruitment. And yet he himself is a product of this self-same university, and knows everyone there, or almost everyone. The director of a laboratory or a research centre, meanwhile, will express surprise at the lack of interest from the business world in the work being done – remarkable though it is – in his chosen field, and will persist in the belief that were he to leave his home region for a more dynamic part of the world, he would be welcomed with open arms, if not an open wallet.

So what is the problem, given all the positive initiatives and proactive speeches? Analysis reveals that some players have real difficulty in clearly identifying both the current environment and the future landscape of development and innovation. And yet that same landscape is of manifest relevance right now, and has the potential to develop so as to boost competitiveness and benefit everyone in the future. Many territories and regions probably need a better conception, image and understanding – both today and tomorrow – of their territorial innovation system [3].

1. Developing a clear vision of the innovation system and what happens in it

To understand the territorial innovation system, one must of course study the networks created by and for businesses. This involves a description, taking account of the passage of time and of change, of the structure of the system for the production of the products under consideration and an analysis of the sequence of actions that are or need to be taken by actors in order to design, produce, process, sell and consume a product, whether agricultural, industrial, artistic, computer-related, etc. [4] These actions may be carried out sequentially, in parallel or to complement one another, and are organised into subsystems such as design, production, processing, marketing and consumption. Each of these subsystems encompasses a series of more or less important actions that make the transition possible from one set to another in a logical result of interventions; thus actions are said to be upstream or downstream of the network. Since Michael Porter’s work in this area, it has been customary to represent these activities as a value chain [5].

This analysis of the industry and/or value chain highlights the strengths and weaknesses of the system as well as the actors who are directly or indirectly involved, synergies, external effects, relations of cooperation and/or influence and strategic nodes whose control ensures domination by certain agents, bottlenecks and intersectoral linkages, the degree of competition and transparency at different levels of exchange, cost progression and so on. Although one of the approaches generally used to anticipate future sectors and industries is to rely on the identification of emerging key technologies which look promising within the chosen time period [6] – an analysis which should be done per sector – the most important thing is to take into account the potential of the region itself, and its ability to capture innovation and harness it in entrepreneurial processes.

The work carried out on the FutuRIS foresight platform [7] on the initiative of the French National Association for Research and Technology (ANRT) has made it clear that the scope of technological innovation has now expanded far beyond the confines of traditional product- and process-based research and development. It encompasses all aspects of the business (whether commercial or non-commercial), including marketing, organisational management, the training of human resources, financing methods, logistics and, more generally, any activity that helps put into practice a new idea or new expertise and improves part or all of the system. Globalisation has greatly increased companies’ needs for competitiveness. Whereas performance used to be measured by quality, cost and timing, a new competitive environment has developed in which, as FutuRIS noted in 2009, innovation turns out to be the only market penetration strategy that is effective in the long run. Similarly, in all the factors involved in the innovation process – the social climate, ease of entry into and exit from the market, a favourable market environment, the acceptance of experimentation, flexibility in response to economic, social and technological change, entrepreneurs who take risks, etc. – research and development appears to be just one factor among others, even though it is an element on which we can act in a territory. This point has two implications:

– on the one hand, it puts the importance of research and development into perspective compared with all the factors of the innovation process, showing that it is a necessary but not sufficient condition for restructuring;

– on the other hand, it puts research and development at the centre of the innovation process by showing that it is a variable on which direct action can be taken.

Factors of the Innovation Process

As FutuRIS researchers have noted, it is particularly important to act at the local level to develop close relationships between public-sector research and the business world.

2. Learning to model territorial innovation systems

Territorial innovation systems (TISs) are becoming increasingly well-known as models: they consist of all the actors and resources that interact more or less effectively to drive innovation in a given region, and they help optimise collective learning and partnerships between different development actors [8]. Drawing inspiration from the work of Jean-Claude Prager [9] on regional innovation systems, and applying it to an area the size of a city or a living zone, we can identify four modelled spaces:

– the global environment, which is of considerable importance, but over which little influence can be exerted at local level;

– the European, national and regional environment, which constitutes the framework for policies and actions in the areas of law, taxation, technology, culture, finance and science;

– the territorial innovation system itself and its basic physical characteristics: specialist structures, financial resources, the local dynamics of innovation, human resources, etc.

– the system of interaction between actors and their networks: this is about local efficiency and dynamism, and will play a key role in the long term.

The Territorial Innovation System

 

The closer we move towards the heart of the system, the more we go from the global to the specific and confront the actual room for manoeuvre of public and private actors, underlining the importance of the heart of the TIS in the dynamics of research, development and local innovation.

The Heart of the TIS

The heart of the system brings into play public or semi-public bodies that are highly diverse in terms of status and resources, and companies which differ greatly in nature, from multinationals to start-ups whose owners are themselves young researchers.

3. Envisioning the future territorial innovation system

The effort to build a clear vision of the future territorial innovation system in a territory involves a number of steps. The first is to describe the heart of the TIS as it currently exists, by creating a comprehensive model that includes actors, interactions and networks, the current research and development capacities of public and private laboratories and research centres and of businesses, and the open innovation approach that exists within the zone and towards the outside. Close attention will need to be paid to the different types of actors that drive the system. Manfred Fischer identifies four types:

– actors in the manufacturing sector: the companies that act as key players by funding R&D through their laboratories

– actors in the field of science: on the one hand education and training establishments, and on the other hand, the universities in their role as research bodies and various governmental research organisations, non-profit organisations, elite higher education establishments, etc.

– actors providing commercial assistance and support services to industrial companies in sectors such as finance, consultancy, expert appraisal, marketing, training, etc.
– actors in the institutional field – whether market coordinators or otherwise – such as those that regulate the relationships between the actors themselves (e.g. employers’ associations), the institutions that establish legal frameworks, or informal organisations [10].

The second step consists of explaining, on the basis of international comparative studies, how the system might evolve in the medium term (five to ten years), taking account of the current data (clusters, European Framework Programme for Research, European Structural Funds, etc.). Finally, in the third step a proactive model is developed for the construction of the heart of the TIS for open innovation over the long-term period chosen: until 2030, 2040, etc. This involves showing how the territory could reasonably develop its technological, cultural, creative, and economic systems during this period and what concrete results it could achieve in terms of specific strategies. This panoramic view must take account of the collective ambition of the major players over this time period.

Having described a new territorial innovation system model rooted in the near or not-so-near future, one can then work on describing the transition from one model to another on the basis of defined main strategic thrusts to which can be allocated specific and concrete actions leading to the collectively dreamed of, expected or envisaged structural change.

Conclusion: a step in the direction of intelligent specialisation

A recently compiled ‘decalogue’ of innovation policy criteria rightly pointed out that there is no automatic relationship between the amount of technology acquired and a company’s success or its propensity to innovate. It has been known for several decades that ‘the effectiveness of technological factors is closely linked to that of non-technological factors’ (economic environment, business strategies, cultural norms, management skills, etc.)[11].

Like the regional innovation system, the territorial innovation system (TIS) sheds light on the relationship between the key innovation players in a given area and the possible ways in which they could develop. The analysis also highlights the prerequisites for improving the organisation of the territory to allow businesses, industries and value chains to develop more effectively. Thus innovation and technology analysis (ITA), successfully developed by the German Federal Ministry of Education and Research (BMBF), shows that this approach can make useful knowledge available so that the actors involved in innovation processes can improve the quality of their decision-making in the fields of research, technology and innovation [12]. In addition, a better knowledge of the TIS promotes intelligent specialisation as an action framework reinforcing the scientific, technical and industrial capacities of business owners, and of all the agents involved in the territory’s economic development.

These models do not represent alternatives to other approaches that have been put to use: learning regions, creative territories, knowledge regions, sustainable cities, cities of tomorrow and so on. Rather, they can be added to them and overlap with them. In addition to the actors of the territorial innovation system, there are also certain structural factors arising from individual or collective strategic intentions: the examples of Lille 2004 or indeed Liège 2017 or Mons 2015, as well as territorial foresight initiatives that encourage the pooling of intelligence and projects, lead to the creation of development boards, city or regional contracts, and serve as accelerators of development and catalysts for entrepreneurship. As Thomas Froehlicher (HEC-Liège) suggested in a helpful response to a first version of this text, the creative and international polarities are fundamental for developing the TIS and making it an open system: the creative polarity because it introduces the ability to adopt a cross-sectoral approach, to self-reinvent using new business models and new practices and functionalities, and to use the skills of “creative agents”; and the international polarity because it strengthens our ability to forge links with other territories: the flow of talent and new ideas is an essential engine of transformation for the ecosystem. It is thus a question of ‘leaving in order to return refreshed’. Which sums it up beautifully.

At a time of a fresh overhaul of regional policies, which have been comprehensively called into question by the Europe 2020 strategy, the new ERDF programme and the preparation of a new EU Research Framework Programme Horizon 2, it is both salutary and a matter of some urgency to recall this…

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

 

[1] A shorter first version of this article was published in Veille Magazine, 132, Paris, July-August 2012, Spécial Liège 2017 et Cahier spécial Wallonie, p. 35-37.

[2] Innovation can be understood here as a resource of scarce information circulating at the heart of a systemic process mobilising diverse actors. Yves AUNEAU, Construire un système d’innovation régionalisée : propositions à partir d’exemples bretons, p. 40, Rennes, Université de Rennes 2, 2009 (Doctoral thesis in geography and spatial management). See also Bengt-Ake LUNDVALL ed., National Systems of Innovation: Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, London, Pinter, 1992.

[3] However, we should recall with Pierre Bitard that ‘systemic’ means that dealing with services cannot be reduced to considering the sum total of the sectors classified by the NACE nomenclature, and that innovations of products and services are often complementary.Pierre BITARD, Les innovations de modèle d’activité, in Jacques LESOURNE and Denis RANDET, La recherche et l’innovation en France, FutuRIS 2011, p. 191, Paris, Odile Jacob, 2011.

[4] Noëlle TERPEND, Guide pratique de l’approche filière, Le cas de l’approvisionnement et de la distribution des produits alimentaires dans les villes, p. 2, Rome, FAO, 1997.

[5] Michael PORTER, Competitive Advantage, Creating and Sustaining Superior Performance, p. 52, New York, The Free Press, 1985.

[6] See for example Les 40 technologies-clés pour la Wallonie, Les domaines technologiques du futur pour la Wallonie à l’horizon 2010, Une étude réalisée dans le cadre du projet RIS / Prométhée avec le soutien de la Commission européenne, Namur, MRW-DGTRE, 2001.

[7] In 2001, the Board of Directors of the ANRT launched the FutuRIS foresight exercise. The objective was to give fresh impetus to the French Research and Innovation System (FRIS). The operation mobilised business, government, the research community and members of civil society. The ambition was to build a shared vision of the future prospects for French research and innovation. In 2005, FutuRIS became a permanent platform hosted and moderated by the ANRT, but kept its original mission: to aid decision-making and support the deployment of concerted strategies.

[8] See also Manfred Fischer’s definition: A system of innovation may be thought of as a set of actors such as firms, other organisations, and institutions that interact in the generation, diffusion and use of new – and economically useful – knowledge in the production process. Manfred M. FISCHER, Innovation, knowledge, creation and systems of innovations, Paper presented at the 40th European Congress of the Regional Science Association, Barcelona, August 29 – Sept. 1, 2000. See also Annals of Regional Science, vol. 35/2, 2000, p. 199-216.

[9] Jean-Claude PRAGER, Méthode de diagnostic du système d’innovation dans les régions françaises, p. 26, Paris, Agence pour la Diffusion de l’Information technologique, 2009.

[10] Manfred M. FISCHER, Innovation, knowledge creation and systems of innovations…, p. 11-12.

[11] Canada’s future as an innovative society. A decalogue of policy criteria, p. 8, Ottawa, ISSP, 2013.

[12] Nora WEINBERGER, Michael DECKER, Torsten FLEISCHER, Jeno SCHIPPL, A new monitoring process of future topics for innovation and technological analysis: informing Germany’s innovation policy, in European Journal of Futures Research, vol. 1, Issue 19, October 2013, p. 3-9.

Namur, le 24 novembre 2012

L’expérience de Liège 2017 – que l’on aurait tort de clore – apparaît riche d’enseignements. Car en fait, de quoi s’agit-il ? De la mise en mouvement d’un territoire par la mobilisation de 150.000 citoyens et d’un nombre impressionnant d’acteurs autour d’un projet majeur capable de symboliser le redéploiement futur de la région liégeoise. Ainsi, a-t-on pu observer la capacité du bourgmestre Willy Demeyer, du président Robert Tollet, du porteur de la démarche Jean-Christophe Péterkenne, ainsi que d’un noyau de convictions partagées qu’il n’est pas utile ici de recenser, de créer une remarquable dynamique collective. Chefs d’entreprises, responsables associatifs, scientifiques, fonctionnaires, élus de tous bords ou simples citoyennes et citoyens ont porté une idée commune et forte qui a largement soulevé l’intérêt en-dehors des espaces liégeois. Voici quelques mois, j’avais d’ailleurs pu mesurer le réel enthousiasme que Liège 2017 suscitait à Mons auprès de chefs d’entreprises, lors d’une présentation du projet à l’initiative de l’AWEX et de Hainaut Développement.

Ce qui est marquant dans la dynamique liégeoise c’est que, comme le notent les organisateurs, elle pourrait bien être irréversible [1]. Bien sûr parce que plusieurs projets majeurs ont été lancés ou confortés comme le tram ou l’éco-quartiers de Coronmeuse, et qu’une formidable promotion de Liège a été réalisée en Europe et dans le monde. Mais le mouvement pourrait surtout être irréversible parce qu’un changement social s’est enclenché, voire une rupture dans la trajectoire liégeoise : ce que les Liégeois ont appelé l’Union sacrée.

L’Union sacrée autour d’une vision commune du territoire

On peut de nos jours concevoir l’action publique, tout comme le management d’entreprises de plusieurs manières. La première consiste à s’entourer d’experts avec lesquels on construit discrètement – ou même dans le plus grand secret – une stratégie sur laquelle on organise ensuite des concertations et des consultations pour essayer de disposer, par la négociation patiente, d’un appui minimal, voire d’un assentiment qui vous assure des appuis relatifs ou de complicités tacites pour soutenir vos décisions. La seconde manière consiste à co-construire les stratégies avec l’ensemble des acteurs qui seront parties-prenantes de la mise en œuvre. Cette stratégie s’élabore sur base d’une vision commune et partagée d’un avenir dans lequel acteurs et citoyens trouvent leur place. La première voie permettra la régulation du système, son adaptation, son maintien en équilibre, la tentative d’assurer son fonctionnement correct sur une durée limitée. La seconde voie est d’une autre nature : c’est celle qui ouvre les portes des changements structurels, qui amorce les transformations profondes et durables, celle que les sociologues appellent « changement social » : ce phénomène durable qui affecte la structure ou le fonctionnement d’une société en profondeur [2].

Il nous paraît que par son ouverture aux acteurs et sa mobilisation stratégique, Liège 2017 s’est engagée sur la deuxième voie, celle qui écoute, celle qui dialogue, celle qui crée du lien, celle qui associe, réunissant, comme l’écrivait Tocqueville, les efforts des esprits divergents, et les poussant vers un seul but clairement défini [3]. C’est donc un capital de confiance et un potentiel d’action extraordinaire que s’est constitué Liège, par son action volontariste.

Bien sûr, d’autres territoires wallons ont, ces dernières années, construit des visions communes et rassemblé leurs acteurs. Parmi eux, on peut sans se tromper citer RéseauLux, dans la prolongation de la démarche Luxembourg 2010, incarnée par le gouverneur Bernard Caprasse, la Wallonie picarde dans laquelle le géographe et spécialiste du développement territorial Pierre Vandewattyne, directeur général de l’intercommunale IDETA, a su allier les mondes politique, entrepreneurial et culturel, ou encore Le Cœur du Hainaut, centre d’énergie. Cette dernière démarche, portée par le patron de l’entreprise SBMI, François Goudaillez, ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Hainaut, parvient, dans un territoire de 500.000 habitants, à mobiliser les forces vives de Mons -Borinage – Centre – La Louvière, avec les appuis réellement tangibles de l’intercommunale IDEA, le soutien de la Communauté urbaine du Centre et les encouragements du Premier ministre Elio Di Rupo. Là aussi plusieurs chantiers ont été conçus qui pourraient faire rupture [4]. Reste à les concrétiser. Toutefois, malgré des ingénieries territoriales abouties et des mises en œuvre dynamiques, il faut reconnaître qu’aucune de ces trois démarches, malgré leurs forums délibératifs, n’a pu encore constituer le capital d’appui citoyen et d’Union sacrée que Liège 2017 a rassemblé.

De la pertinence des territoires au projet régional

Les territoires pertinents sont aujourd’hui les territoires qui allient les capacités d’apprentissage créatif, d’intelligence collective et de gouvernance démocratique (opposée à technocratique), c’est-à-dire comprise comme la faculté d’un territoire de se piloter à partir de ses acteurs et donc aussi à les mobiliser. Ces facultés déterminent dès lors l’attractivité, la compétitivité et la cohésion sociale du territoire. Les outils de planification se multiplient depuis le Contrat d’Avenir pour la Wallonie de 1999-2000 ainsi que le Plan Marshall qui l’a poursuivi. A ce dernier, sous sa version 2.Vert, s’ajoutent désormais les nouveaux chantiers que sont la révision du Schéma de Développement de l’Espace régional wallon (SDER), la dynamique Horizon 2022 ainsi que le nouvelle Stratégie régionale de Développement durable (SRDD). Pourtant, à notre connaissance, aucune de ces démarches ne s’est encore inscrite dans une logique de co-construction avec les acteurs, ne s’est ouverte aux entreprises et aux citoyens, aucune n’a marqué son intention d’élaborer collectivement une vision claire et volontariste de l’avenir wallon. Le fait que ces initiatives s’inscrivent dans la continuité des différents plans lancés ces dix dernières années indique qu’elles ne sont pas jusqu’ici porteuses d’un changement structurel. Or, j’observe que de nombreux acteurs majeurs du redéploiement, y compris dans les universités, appellent aujourd’hui de leurs vœux une vision unique et partagée par toutes et tous de l’avenir de la Wallonie.

L’appel pour un Contrat sociétal wallon, lancé par une vingtaine de personnalités, membres du Collège régional de Prospective le 4 mars 2011 ne disait pas autre chose lorsqu’il soulignait que La Wallonie ne se métamorphosera jamais pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain si elle se contente de faire porter les nouvelles responsabilités par ses seuls élus et par le seul secteur public. Elle doit mobiliser toutes ses ressources au service de son développement : ses entreprises, ses travailleurs, ses associations, ses administrations, ses acteurs de terrains, ses citoyens, ses jeunes et ses retraités… Les capacités qui sont les siennes comme ses potentialités sont immenses : de nombreux exemples existent des transformations importantes qu’elles ont déjà permises. En cela, la Wallonie de l’avenir réside déjà largement dans celle du présent, même s’il faut pouvoir reconnaître que le processus est loin d’être achevé [5].

La Wallonie : l’indispensable métamorphose

Les temps sont révolus où le professeur Michel Quévit pouvait regretter l’absence d’une classe dirigeante voire d’une société wallonne : les élites économiques, sociales, politiques liégeoises sont bien présentes aujourd’hui au Cercle de Wallonie à Namur tandis qu’à Wavre, à Mons ou à Marche on vibre pour Liège2017. On se déplace de partout en Wallonie pour se rendre au Verdbois ou au Val Saint-Lambert. Libramont s’est affirmée comme un autre pôle rassembleur à l’initiative de Benoit Coppée et, sur le plan scientifique, des échanges étroits se multiplient entre Mons et Louvain-la-Neuve, d’une part, Gembloux, Arlon et Liège d’autre part. Les écoles doctorales préfigurent pour demain une grande université de Wallonie, pourquoi pas avec l’Université libre de Bruxelles et Saint-Louis, si ces universités y perçoivent quelqu’intérêt.

Tout ce bouillonnement permet, dirait Edgar Morin, de rechercher une voie vers la métamorphose [6]. Pour la Région wallonne, cela signifie un changement de forme, de nature et de structure, si considérable que, tout en maintenant son identité, transformée dans l’altérité, la Wallonie ne sera plus reconnaissable. Un changement de paradigme, simple mais radical : plutôt que de consulter en silo et concerter a posteriori, la voie est de co-construire des stratégies avec les acteurs, définir une vision claire et partagée de l’avenir, mobiliser toutes les ressources et toutes les intelligences. Imaginez : 150.000 Wallonnes et Wallons s’engageant à redéployer la Wallonie, à la mettre en mouvement accéléré…

Philippe Destatte


[1] Liège Expo 2017 : le meilleur reste à venir ! (23 novembre 2012) http://www.liege-expo2017.com/fr/actualites.html

[2] Isabelle CHAPELLIERE et Natacha ORDIONI, Le changement social contemporain, coll. Les Economiques, Paris, Ellipses, 1996. – Edgar MORIN, Sociologie, p. 191sv, Fayard, 1984.

[3] Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, t.1, 2, p. 23, (1835), Montréal, Classique Uquam, 2002.

[5] Appel pour un contrat sociétal wallon, dans La Libre Belgique, 4 mars 2011. http://www.college-prospective-wallonie.org/Appel_Contrat-societal.htm

[6] Edgar MORIN, La voie, Pour l’avenir de l’humanité, p. 31sv, Paris, Fayard, 2011.