archive

Archives de Tag: Jacques Lesourne

Hour-en-Famenne, le 31 décembre 2013

From anticipation to action est un livre fondateur de la prospective, dû à la plume de Michel Godet en 1994 [1]. Préfacé par le prospectiviste américain Joseph F. Coates, ce texte constituait la première mouture de ce qui allait devenir, au fil de nouvelles expériences du terrain, le manuel bien connu de prospective stratégique [2]. Ainsi, cet ouvrage, publié par l’UNESCO, valorisait une des marques de fabrique du disciple de Jacques Lesourne et son successeur à la chaire de Prospective industrielle du Conservatoire national des Arts et Métiers à Paris (CNAM) : le fameux triangle grec qui figurait d’ailleurs sur la couverture de l’édition française de ce texte (1991). Ce schéma pédagogique met en évidence et en interrelation trois composantes essentielles de l’attitude et du processus de la prospective : l’anticipation que favorise la réflexion prospective, l’appropriation intellectuelle et affective des enjeux et des réponses à y apporter, la volonté stratégique qui se décline en actions collectives et adéquates. La leçon enseignée par Michel Godet est que le passage de l’anticipation à l’acte stratégique ne peut se passer du sens, de la mobilisation et de l’appropriation du processus prospectif par les parties prenantes.

Anticipation, appropriation et action sont des concepts-clefs que les entreprises et les organisations attentives à l’intelligence stratégique, et donc à la prospective, ont intérêt à avoir à l’esprit.

L’anticipation de mon avenir est constitutive de mon présent

Comme le relevait le pionnier de la prospective Gaston Berger (1896-1960) citant l’académicien Jules Chaix-Ruy, l’anticipation de mon avenir est constitutive de mon présent : on ne saurait dans sa vie se couper de cet amont que constitue le passé et de cet aval que sera  le futur. Cet isolement rendrait le présent absurde [3]. La faculté d’anticipation permet non seulement de se représenter une évolution ou un événement ainsi que ses conséquences avant qu’ils ne se réalisent, mais aussi et surtout d’agir, en prévenant ou en devançant ce moment favorable ou fatidique. L’action, voire la réaction, à cette connaissance générée, est indissociable de l’anticipation. En prospective, à l’initiative semble-t-il de Hasan Ozbekhan (1921-2007) [4], on parle de préactivité lorsque l’acteur prend en considération les changements possibles et qu’il s’y prépare, et de proactivité lorsque, ayant identifié l’intérêt de cet événement ou de cette évolution, il mène une action volontariste destinée à le ou la provoquer. C’est aussi ce professeur à l’Université de Pennsylvanie qui a popularisé le terme d’anticipation dans le monde de la prospective, y voyant un modèle construit logiquement et concernant un avenir possible, assorti d’un degré de confiance non encore défini [5]. L’astrophysicien autrichien Erich Jantsch (1929-1980), qui s’en est considérablement inspiré, assimilait les anticipations aux futuribles chers à Bertrand de Jouvenel ou les alternative world futures d’Herman Kahn [6].

Le concept d’anticipation fait actuellement l’objet d’un effort tangible de clarification et d’approfondissement par les prospectivistes Riel Miller (UNESCO), Roberto Poli (UNESCO Chair of Anticipatory Systems, University of Trente) et Pierre Rossel (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne). Se basant notamment sur les travaux des Américains Robert Rosen (1934-1997) [7] et John W. Bennett (1915-2005) [8], ces chercheurs réunis autour de la direction de la prospective de l’UNESCO s’interrogent sur la possibilité de fonder explicitement l’anticipation comme une discipline constituant un ensemble de compétences qui permettent aux êtres humains de prendre en compte et d’évaluer des évolutions futures [9]. Cette réflexion est assurément stimulante sur le plan de la prospective d’autant qu’elle rejoint l’effort de la Commission européenne de désenclaver les recherches prospectives. Ainsi, la direction générale de la Recherche et de l’Innovation s’investit-elle de son côté, et depuis plusieurs années, dans les Forward Looking Activities (FLA), les activités à vocation prospective  [10], comme jadis l’Institut européen de Séville l’avait fait en développant, autour de la prospective, les outils d’intelligence stratégique en politiques publiques (Strategic Policy Intelligence – SPI) [11].

L’anticipation, si elle s’écarte résolument de la simple imagination prophétique ou de la prévision sans vocation stratégique, pour intégrer des méthodes de veille et de recherche prospectives et en faire un outil d’intelligence économique ou territoriale, constitue une ressource de premier choix pour l’entreprise.

L’appropriation des enjeux et des réponses à y apporter, premier facteur de changement

Intuitivement mais aussi par expérience, le responsable de toute organisation sait que le pilotage de l’entreprise ne saurait se faire à partir d’une tour de contrôle coupée des laboratoires, des ateliers et de l’ensemble des services qui contribuent à son fonctionnement, pas plus que de ses bénéficiaires extérieurs. Toute dynamique d’évolution, de changement est fondée sur l’interaction, la communication, l’implication de chaque acteur. Comme le rappelait Michel Crozier, les moyens, surtout quand ils sont humains, ne se plient pas aussi facilement aux objectifs et bloquent finalement – et heureusement – la belle ordonnance rationnelle [12]. Ce sont donc le pragmatisme et la réalité du terrain qui prévalent.

Philippe Bernoux a montré que, dans une vision du changement non imposé (différent du loyalty or exit de Hirshman [13]…), deux principes sont prépondérants : l’autonomie des acteurs et la légitimité qu’ils accordent aux décisions les concernant, et qu’ils exprimeront par leur “voice”, la prise de parole protestataire [14]. Pour l’auteur de Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations, le changement constitue bien un apprentissage de nouvelles manières de faire, de nouvelles règles, un apprentissage par assimilation de nouvelles régulations. Le changement ne peut être que coproduit, fabriqué par tous les acteurs [15]. Le changement ne peut avoir lieu que s’il y a construction de nouvelles relations : changer, c’est rendre possible le développement de nouveaux jeux de relations. Cet ajustement ne peut d’ailleurs être que le fait des personnes en interrelations ainsi que des systèmes de relations qu’elles contribuent à créer [16]. Bernoux rappelle que, plus que les structures des organismes et des institutions, l’interaction entre les acteurs est centrale. Elle suppose l’autonomie réelle des acteurs, même s’ils ne peuvent tout faire puisqu’il y a des règles : sans leur capacité d’action, le changement ne peut avoir lieu. Ainsi, ces acteurs sont-ils de vrais acteurs et ne peuvent être réduits à un rôle d’agents agis [17]. Et même davantage : comme l’indique le psychologue du management Harold J. Leavitt (1922-2007), quel que soit le pouvoir que possède le l’acteur- “changeur”, quel que soit son rang dans la hiérarchie, l’acteur “changé” reste maître de la décision finale [18]. Cette observation est valable pour l’entreprise qui, bien qu’institution, est aussi actrice : elle conserve toujours la capacité d’influer sur un environnement auquel elle n’est pas soumise, de participer à la construction sociale du marché, de garder en partie la maîtrise de ses interactions avec la société [19]. Ainsi, les changements ne réussissent que s’ils sont acceptés, légitimés et transformés par les acteurs chargés de les mettre en œuvre [20].

Arrêtons donc de penser que l’on puisse transformer en restant extérieur au système ou en se cantonnant dans un rôle de grand architecte. C’est parce que les acteurs seront concernés et impliqués qu’ils porteront la stratégie du changement. Cela induit qu’ils co-construisent et partagent la vision de l’entreprise, ses finalités, les enjeux de l’environnement et les bonnes réponses à y apporter. Collectivement.

L’action : des finalités au processus de transformation

Dans une célèbre conférence donnée au Centre de Recherches et d’Etudes des Chefs d’Entreprises, Gaston Berger définissait l’action véritable comme une série de mouvements tendant à une fin; elle n’est pas, disait-il, l’agitation par laquelle on cherche à faire croire aux autres qu’on est puissant et efficace [21]. Comme l’avait bien observé l’ancien directeur général de l’Enseignement supérieur français [22], ces finalités sont d’abord celles du changement et des processus de transformation étudiés en psychologie sociale. Ces théories ont été décrites par le chercheur américain d’origine allemande Kurt Lewin (1890-1947) [23]. Celui-ci a développé la science expérimentale de la dynamique des groupes, avant de s’intéresser au changement social. Lewin a travaillé sur la notion d’équilibre des forces égales et opposées permettant d’atteindre un état quasi stationnaire. La recherche d’un nouvel équilibre se fait après modification des forces pour provoquer un changement vers cet objectif. Trois périodes marquent ce processus : d’abord, une période de décristallisation pendant laquelle le système remet en question ses perceptions, habitudes et comportements. Les acteurs se motivent. Ensuite, une période de transition, pendant laquelle les comportements et attitudes deviennent instables et contradictoires. Les acteurs en expérimentent puis en adoptent certains. Enfin, une période de recristalisation pendant laquelle le système généralise les comportements pilotes adaptés à la nouvelle situation et harmonise les nouvelles pratiques.

PhD2050_Lewin_2013-12-31Comme le décrivent Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin : comment surmonter la résistance initiale qui tend à ramener l’équilibre au niveau supérieur ? En “décristallisant” peu à peu les habitudes par des méthodes de discussion non directives, jusqu’au point de rupture, de choc, où une recristallisation différente peut s’opérer. Autrement dit, abaisser le seuil de résistance et amener le groupe à un degré de crise qui produit une mutation des attitudes chez ses membres, puis, par influence, dans les zones voisines du corps social [24].

Berger le rappelle : les Américains Lippitt, Watson et Westley [25] ont poursuivi cette réflexion. Ainsi, ont-ils découpé ce processus en sept phases qui s’articulent assez bien avec les étapes d’un processus prospectif : 1. développement d’un désir de changement, 2. création d’un cadre de relations orienté changement, 3. établissement du diagnostic des enjeux du système, 4 examen des chemins alternatifs et choix du plan d’action, 5. transformation des intentions en efforts de changement, 6. généralisation et stabilisation du changement, 7. détermination des relations finales avec les agents de changement. D’autres modèles existent, largement utilisés par les prospectivistes qui puisent dans la psychologie sociale et la sociologie comportementale pour mieux comprendre les processus de transformation qu’ils observent et les optimaliser lorsqu’ils veulent les mettre en œuvre eux-mêmes [26].

Conclusion : volonté et leadership

Les plans stratégiques ne se mettent pas en œuvre d’eux-mêmes, rappelle souvent le professeur Peter Bishop de l’Université de Houston. Ce sont des gens qui les mettent en œuvre. Et ces gens s’appellent des leaders [27].

Dans un débat récent portant sur le décret dit paysage, tenu au Salon du Livre politique le 10 novembre 2013 à Liège, Jean-Claude Marcourt, vice-président du gouvernement de Wallonie, en charge de l’Économie, des Technologies nouvelles et de l’Enseignement supérieur, estimait que l’on peut être progressiste sur le plan des idées et conservateur quand on vous propose le principe du changement. Hors de toute considération sur la droite, la gauche ou le centre, cette formule est particulièrement heureuse. Dans le landerneau politique comme dans le monde de l’entreprise ou des organisations, la capacité stratégique ne peut exister sans réelle volonté de transformation. Celle-ci peut et doit être portée par un leadership qui, de nos jours, ne peut être que collectif pour être puissant, même si, de l’anticipation à l’action, il s’organise sous la houlette de femmes ou d’hommes dont on reconnaît les capacités effectives à impulser et catalyser ce changement.

Ce qui rapproche la ou le responsable d’un gouvernement et celle ou celui d’une entreprise, c’est le même défi à activer les parties prenantes pour favoriser l’anticipation et faire en sorte que, s’appropriant les enjeux et la stratégie, elles passent à l’action.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050


[1] Michel GODET, From anticipation to action, A handbook of strategic prospective, coll. Futures-oriented Studies, Paris, Unesco Publishing, 1994. – En 1991 était parue chez Dunod la version française de ce livre : De l’anticipation à l’action, Manuel de prospective et de stratégie.

[2] M.GODET, Manuel de prospective stratégique, 2 tomes, Paris, Dunod, 3e éd., 2007.

[3] Gaston BERGER, Le temps (1959) dans Phénoménologie et prospective, p. 198, Paris, PUF, 1964. Jules CHAIX-RUY, Les dimensions de l’être et du temps, Paris-Lyon, Vitte, 1953.

[4] Selon Michel Godet, aux Assises de la prospective, organisées par Futuribles à Paris Dauphine, les 8 et 9 décembre 1999.-  M. GODET, La boîte à outils de la prospective stratégique, Problèmes et méthodes, coll. Cahier du Lips, p. 14, Paris, CNAM, 5e éd., 2001.

[5] Cité par Eric JANTSCH, La prévision technologique : cadre, techniques et organisation, p. 16, Paris, OCDE, 1967.

[6]The possibility of acting upon present reality by starting from an imagined or anticipated future situation affords great freedom to the decision maker while at the same time providing him with better controls with which to guide events. Thus, planning becomes in the true sense “future-creative” and the very fact of anticipating becomes causative of action. (p. 89 & 139) ” Hasan OZBEKHAN, The Triumph of Technology: “can implies ought”, in Joseph P. MARTINO, An Introduction to Technological Forecasting, p. 83-92, New York, Gordon & Breach Science publishers, 1972. – Eleonora BARBIERI MASINI, Why Futures Studies?, p. 56, London, Grey Seal, 1993. – Erich JANTSCH, Technological Planning and Social Futures, p. 17 & 37, London, Associated Business Programmes, 2nd éd., 1974. Anticipations are “intellectively constructed models of possible futures”.

[7] Robert ROSEN, Anticipatory Systems, Philosophical, Mathematical and Methodological Foundations, Oxford, Pergamon Press, 1985. – R. ROSEN, Essays on Life itself, New York, Columbia University Press, 2000.

[8] John W. BENNETT, Human Ecology as Human Behavior: Essays in Environmental and Development Anthropology, New Brunswick, NJ, Transaction Publishers, 1993.

[9] Riel MILLER, Roberto POLI & Pierre ROSSEL, The Discipline of Anticipation: Exploring Key Issues, Unesco Working Paper nr. 1, Paris, May 2013. http://www.academia.edu/3523348/The_Discipline_of_Anticipation_Miller_Poli_Rossel_-_DRAFT

[10] Domenico ROSSETTI di VALDALBERO & Parla SROUR-GANDON, European Forward Looking Activities, EU Research in Foresight and Forecast, Socio-Economic Sciences & Humanities, List of Activities, Brussels, European Commission, DGR, Directorate L, Science, Economy & Society, 2010. http://ec.europa.eu/research/social-sciences/forward-looking_en.htmlEuropean forward-looking activities, Building the future of “Innovation Union” and ERA, Brussels, European Commission, Directorate-General for Research and Innovation, 2011. ftp://ftp.cordis.europa.eu/pub/fp7/ssh/docs/european-forward-looking-activities_en.pdf

[11] Alexander TÜBKE, Ken DUCATEL, James P. GAVIGAN, Pietro MONCADA-PATERNO-CASTELLO éd., Strategic Policy Intelligence: Current Trends, the State of the Play and perspectives, S&T Intelligence for Policy-Making Processes, IPTS, Seville, Dec. 2001.

[12] Michel CROZIER, La crise de l’intelligence, Essai sur l’impuissance des élites à se réformer, p. 19, Paris, InterEditions, 1995.

[13] A.O. HIRSCHMAN, Exit, Voice and Loyalty, Paris, Editions ouvrières, 1973.

[14] Philippe BERNOUX, Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations, p. 10-11, Paris, Seuil, 2010.

[15] Ph. BERNOUX, Sociologie du changement..., p. 191.

[16] Ibidem, p. 11, 85 et 308.

[17] Ibidem, p. 11 et 13.

[18] Harold J. LEAVITT, Psychologie des fonctions de direction dans l’entreprise, Paris, Editions d’Organisation, 1973. Cité par Ph. BERNOUX, op. cit., p. 15-16.

[19] Ph. BERNOUX, Sociologie du changement…, p. 144.

[20] Ibidem, p. 51.

[21] Gaston BERGER, Le chef d’entreprise, philosophe en action, 8 mars 1955, dans Prospective n°7, Gaston Berger, Un philosophe dans le monde moderne, p. 50, Paris, PUF, Avril 1961.

[22] G. BERGER, L’Encyclopédie française, t. XX : Le Monde en devenir, 1959, p. 12-14, 20, 54, , reproduit dans Phénoménologie du temps et prospective, p. 271, Paris, PuF, 1964.

[23] Kurt LEWIN, Frontiers in Group Dynamics, dans Human Relations, 1947, n° 1, p. 2-38. – K. LEWIN, Psychologie dynamique, Les relations humaines, coll. Bibliothèque scientifique internationale, p. 244sv., Paris, PuF, 1964. – Bernard BURNES, Kurt Lewin and the Planned Approach to change: A Re-appraisal, Journal of Management Studies, septembre 2004, p. 977-1002. – Voir aussi Karl E. WEICK and Robert E. QUINN, Organizational Change and Development, Annual Review of Psychology, 1999, p. 361-386.

[24] Didier ANZIEU et Jacques-Yves MARTIN, La dynamique des groupes restreints, p. 86, Paris, PuF, 2007.

[25] Ronald LIPPITT, Jeanne WATSON & Bruce WESTLEY, The Dynamics of Planned Change, A Comparative Study of Principles and Techniques, New York, Harcourt, Brace & Cie, 1958.

[26] Chris ARGYRIS & Donald A. SCHON, Organizational Learning, A Theory of Action Perspective, Reading, Mass. Addison Wesley, 1978. – Gregory BATESON, Steps to an Ecology of Mind: Collected Essays in Antropology, Psychiatry, Evolution and Epistemology, University of Chicago Press, 1972. – Notamment La double contrainte (1969), dans G. BATESON, Vers une écologie de l’esprit, Paris, Seuil, 1980. – Jean-Philippe BOOTZ, Prospective et apprentissage organisationnel, coll. Travaux et recherches de prospective, Paris, Futuribles international, LIPSOR, Datar, Commissariat général du Plan, 2001. – Richard A. SLAUGHTER, The Transformative Cycle : a Tool for Illuminating Change, in Richard A. SLAUGHTER, Luke NAISMITH and Neil HOUGHTON, The Transformative Cycle, p. 5-19, Australian Foresight Institute, Swinburne University, 2004.

[27] Peter C. BISHOP and Andy HINES, Teaching about the Future, p. 225, New York, Palgrave Macmillan, 2012.


Brussels, May 30, 2013

At the beginning of the 2000s, a semantic and methodological consensus was established at various levels, built upon the framework of the intellectually creative convergence between the Latin or French prospective and the Anglo-Saxon foresight, especially the initiatives taken by the K2 Unit of the Research Directorate-General of the European Commission under the impetus of Paraskevas Caracostas, Günter Clar, Elie Faroult and Christian Svanfeldt in particular [1]. A formal definition emerged from this, of the sort that we hope for, because our rationality wants it, but that we also fear, because our freedom may suffer from it. This formalisation, fostered by the work of Futuribles (Paris), LIPSOR (CNAM, Paris), PREST (Manchester) and The Destree Institute (Namur, Wallonia), has been successively adopted by the Wallonia Evaluation and Foresight Society, the Mutual Learning Platform of the European Commission and the European Foresight College, originating in and supported by the DATAR in the second half of the years 2000. It is, roughly speaking, this definition that appears in the Regional Foresight Glossary that constitutes the outcome of the work of this College:

Foresight is an independent, dialectical and rigorous process conducted in a cross-disciplinary and collective way and intended to shed light on questions of the present and the future, on the one hand by considering them in their holistic, systemic and complex setting and on the other hand by relating them, over and above their historicity, to temporality.

This is supplemented by two paragraphs, placed in the comments in the glossary, which elucidate the field:

Exploratory foresight allows evolving trends and counter-trends to be detected, continuities, discontinuities and bifurcations of the environmental variables (actors and factors) to be identified, and the spectrum of possible futures to be determined.

Normative foresight allows visions of desirable futures to be constructed, possible collective strategies and rationales for action to be developed and, consequently, the quality of the necessary decisions to be improved [2].

A rich but unsatisfactory definition

On the one hand this is a rich definition, as it emphasises a process that frees itself from powers and doctrines to involve a perspective of free thought, exchanges with others, open deliberation, and teamwork, all while affirming the requirements of methodological rigour, a cross-disciplinary approach and collective intelligence, usually so difficult to achieve. Modern foresight incorporates these systemic and complex reflections which, from Teilhard de Chardin [3] to Edgar Morin [4], including Jacques Lesourne [5], Joël de Rosnay [6], Pierre Gonod [7] and Thierry Gaudin [8], have modelled or reinvigorated foresight. The author of La Méthode (Method) states the essence when he stresses that the interaction of the variables in a complex system is such that it is impossible for the human mind to conceive of them analytically or to attempt to proceed by isolation of these variables if one wants to understand an entire complex system, or even a sub-system [9].

On the other hand, this definition of foresight now appears unsatisfactory to me and has a manifest weakness insofar as it does not clearly indicate that foresight is resolutely oriented toward action. It must also be noted that it should be oriented toward an aim: action for action’s sake, noted Gaston Berger, the leap into the absurd that leads to anything whatsoever, is not genuine action either. This is a series of movements tending toward an end; it is not the agitation by which one seeks to make others believe that one is powerful and efficient [10].

The action that results from foresight aims for change, that is, transformation of a part or all of a system. Peter Bishop and Andy Hines were not mistaken: the first words of the reference work of these professors of Strategic Foresight at the University of Houston are: Foresight is fundamentally about the study of change [11]. This change, as has been known since the work of Gregory Bateson [12], can only be the result of a collective, motivational process. Far from just thinking that one could modify the future simply by looking at it, Gaston Berger saw change as a dynamic that is hard to implement and difficult to conduct, as the American researchers in social psychology whose models inspired him had shown [13]. The theories of change and transformation processes described by Kurt Lewin[14], one of the most important figures in 20th century psychology, or of Lippitt, Watson and Westley[15], up to those of Edgar Morin [16] or Richard Slaughter cited below, all show the difficulty of changing the balances of power, of breaking through inertia and putting the system in motion.

The profundity of the changes to be realized must also be distinguished. Making use of the work of Chris Argyris and Donald A. Schön [17], Jean-Philippe Bootz has shown that foresight operates according to double-loop models of organisational learning, meaning that its mission is to convey innovative strategies, to make structural, intentional and non-routine changes [18]. The work of Australian foresight experts Richard Slaughter and Luke Naismith, used by the Regional Foresight College of Wallonia for the past ten years, has in fact shown the difference between a simple change as a variation in a given situation, repetitive and cyclic by nature, while a transformation consists of an essential alteration. Transformation assumes the need for a fundamental transition to another level of thought and action, a change in awareness [19]. Thus, to constitute a transformation, change must be systemic, of a magnitude that affects all the aspects of institutional functioning, rather than a simple change that affects only a part of it.

Observational foresight or transformational foresight?

In the tripod that supports foresight – long term, systemic approach to complexity, and change process – the first two features are in fact means, while the last involves ultimate aims.

Foresight for transformation is substituted for observational foresight, involving cosmetic regulation. However, this cannot be taken for granted. As Crozier and Friedberg indicate, even in the most humble context, the decisive factor in behaviour is the play of forces and influence in which the individual participates, and through which he affirms his social existence despite the constraints. But all change is dangerous, as it inevitably brings into question the terms of his operation, his sources of power and his freedom of action by modifying or eliminating the relevant areas of uncertainty that he controls [20]. One understands better why foresight frightens all those who want to see the system of former values, attitudes, behaviours and powers perpetuated. And if, by chance, they feel obliged to become involved, they will constantly attempt to control it. Of course, the insurmountable task, of this indiscipline, as Michel Godet indicates, can only be practised in a context of freedom [21]. Moreover, and this is the cornerstone of the classic L’Acteur et le système (The Actor and the System), which should never leave the bedside table of the corporate manager and the political decision maker: successful change cannot be the consequence of replacement of a former model by a new model that has been designed in advance by sages of some sort; it is the result of a collective process through which are mobilised, or even created, the resources and capacities of the participants necessary for developing new methods, free not constrained implementation of which will allow the system to orient or reorient itself as a human ensemble and not like a machine[22]. Indeed, we have experienced this in Wallonia several times…[23]

A definition of foresight that better takes these considerations into account could be written as follows. Foresight is an independent, dialectical and rigorous process, conducted in a cross-disciplinary way and based on the long term. It can elucidate questions of the present and of the future, on the one hand by considering them in their holistic, systemic and complex setting and, on the other hand, by relating them, over and above historicity, to temporality. Resolutely oriented toward projects and action, foresight aims at bringing about one or more transformations in the system that it comprehends by mobilising collective intelligence.

As for the distinction between normative and exploratory foresight, even if it seems enlightening as to the method that will be used – one explores possible futures before considering long-term issues, constructing a vision of the desirable future and building the pathways to resolve the issues and achieve the vision – it can lead to believe that one can confine oneself to one without stimulating the other. Exploratory foresight consequently becomes confused with a sort of forecast that keeps its distance from the system to be stimulated. Epistemologically attractive perhaps, but contrary to the ambition of foresight…

Certainly, much remains to be said beyond this definition, which is only just one among those that are possible. Openness to discussion is fruitful. Foresight is also a part of governance, which is now its particular field, of businesses, organisations or regions. It is probably the preferred method for approaching sustainable development, which by its nature calls for change, and for managing in this so-called transition period [24]. Moreover, this constitutes one of the phases of the change process incorporated into the model of Kurt Lewin, already cited… These considerations may seem abstract. But didn’t the German-American psychologist say that there is nothing so practical as a good theory? [25]

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050


[1] See for example and among many other productions: A Practical Guide to Regional Foresight, FOREN Network, December 2001.

[2] Philippe DESTATTE et Philippe DURANCE dir., Les mots-clefs de la prospective territoriale, p. 43, coll. Travaux, Paris, La Documentation française – DATAR, 2009.

[3] Pierre TEILHARD de CHARDIN, Écrits du temps de la Guerre, 1916-1919, Paris, Seuil, 1976. – André DANZIN et Jacques MASUREL, Teilhard de Chardin, visionnaire du monde nouveau, Paris, Editions du Rocher, 2005.

[4] Edgar MORIN, Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, 2005.

[5] Jacques LESOURNE, Les systèmes du destin, Paris, Dalloz, 1976.

[6] Joël DE ROSNAY, Le macroscope, Vers une vision globale, Paris, Seuil, 1975.

[7] Pierre GONOD, Dynamique des systèmes et méthodes prospectives, coll. Travaux et recherches de foresight, Paris, Futuribles international – LIPS – DATAR, Mars 1996.

[8] Thierry GAUDIN, Discours de la méthode créatrice, Entretiens avec François L’Yvonnet, Gordes, Ose savoir-Le Relié, 2003.

[9] Edgar MORIN, Sociologie, p. 191, Paris, Fayard, 1994.

[10] Gaston BERGER, Le chef d’entreprise, philosophe en action, Conference done on the 8th March 1955, in Prospective 7, PuF-Centre d’Études prospectives, Avril 1961, p. 50.

[11] Peter BISHOP & Andy HINES, Teaching about the Future, p. 1, New York, Palgrave Macmillan, 2012.

[12] Gregory BATESON, Steps to an Ecology of Mind: Collected Essays in Antropology, Psychiatry, Evolution and Epistemology, University of Chicago Press, 1972.

[13] Gaston BERGER, L’Encyclopédie française, t. XX : Le Monde en devenir, 1959, p. 12-14, 20, 54, in Phénoménologie du temps et prospective, p. 271, Paris, PuF, 1964.

[14] Kurt LEWIN, Frontiers in Group Dynamics, dans Human Relations, 1947, n° 1, p. 2-38. – Bernard BURNES, Kurt Lewin and the Planned Approach to change: A Re-appraisal, Journal of Management Studies, septembre 2004, p. 977-1002. – See also Karl E. WEICK and Robert E. QUINN, Organizational Change and Development, Annual Review of Psychology, 1999, p. 361-386.

[15] Ronald LIPPITT, Jeanne WATSON & Bruce WESTLEY, The Dynamics of Planned Change, A Comparative Study of Principles and Techniques, New York, Harcourt, Brace & Cie, 1958.

[16] Edgar MORIN, La méthode, 1. La Nature de la Nature, p. 158sv., Paris, Seuil, 1977.

[17] Chris ARGYRIS & Donald A. SCHON, Organizational Learning, A Theory of Action Perspective, Reading, Mass., Addison Wesley, 1978.

[18] Jean-Philippe BOOTZ, Prospective et apprentissage organisationnel, coll. Travaux et recherches de prospective, Paris, Futuribles international, LIPSOR, Datar, Commissariat général du Plan, 2001.

[19] Richard A. SLAUGHTER, The Transformative Cycle : a Tool for Illuminating Change, in Richard A. SLAUGHTER, Luke NAISMITH and Neil HOUGHTON, The Transformative Cycle, p. 5-19, Australian Foresight Institute, Swinburne University, 2004.

[20] Michel CROZIER & Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système, p. 386, Paris, Le Seuil, 1977.

[21] Pierre SEIN, Prospective, Réfléchir librement et ensemble, dans Sud-Ouest basque, 10 juin 1992, p. 1. – Voir aussi Michel GODET, Prospective et dynamique des territoires, dans Futuribles, Novembre 2001, p. 25-34.

[22] M. CROZIER et E. FRIEDBERG, L’acteur et le système…, p. 391.

[23] Philippe DESTATTE, Les questions ouvertes de la prospective wallonne ou quand la société civile appelle le changement, dans Territoires 2020, Revue d’études et de prospective de la DATAR, n° 3, Juin 2001, p. 139-153.

[24] Philippe DESTATTE, Une transition…. mais vers quoi ? Blog PhD2050, 12 mai 2013, http://phd2050.org/2013/05/12/une-transition/

[25] Kurt LEWIN, Problems of research in social psychology in D. CARTWRIGHT, ed., Field Theory in Social Science, London, Social Science Paperbacks, 1943-1944.

Paris – Liège, le 9 mai 2013

Un séminaire européen organisé à Paris par la Mission Prospective du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, avec l’appui de la Fondation Prospective 2100, s’interrogeait ces 25 et 26 avril 2013 sur la “Transition vers une économie écologique“. L’ambition de cette réflexion, pilotée par la responsable de la Mission Prospective Nathalie Etahiri, appuyée notamment par les prospectivistes de renom Thierry Gaudin et Elie Faroult, consistait à approcher ces concepts de manière comparative et transdisciplinaire, de tenter de retenir une définition de travail fondée sur les expérimentations européennes en cours. De même s’agissait-il de s’interroger d’une part sur les articulations entre les innovations technologiques, l’efficacité économique et les contraintes environnementales et, d’autre part, de tenter de mesurer quel impact la transition vers une économie écologique peut avoir sur les territoires.

Question délicate, débat passionnant. La littérature, autant que les informations quotidiennes ne manquent pas pour nous rappeler les enjeux majeurs que constituent le changement climatique, l’épuisement progressif des énergies fossiles ainsi que de bon nombre des éléments de notre bon vieux tableau de Mendeleïev, la croissance et le vieillissement de la population mondiale, les risques liés à la biodiversité ou encore l’ensemble des défis associés qui interpellent les habitants de notre planète bleue. Un page sur trois du fameux rapport Brundtland (Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, 1987) nous invite – depuis maintenant 25 ans ! – à changer nos pratiques tandis que, tous les dix ans, l’on commémore, avec chaque fois plus d’éclat le Meadows Report, The Limits to Growth, les limites à la croissance, réalisé sous l’égide du Club de Rome en 1972. Il est en effet courant aujourd’hui de rappeler qu’une transition est en cours au niveau mondial, qu’il s’agit de l’accompagner, d’en prévenir les effets négatifs voire de l’orienter pour atteindre une société plus durable. Sans cultiver le goût théologique de la définition – pour reprendre une formule de Fernand Braudel -, on peut quand même se demander ce qu’est cette Transition ? Et, de surcroît, vers quoi transite-t-on en fait ?

La transition dans un modèle de changement

Définir ce qu’est une transition dans un modèle de changement ne pose pas trop de difficulté. Nous avons évoqué par ailleurs le modèle de Kurt Lewin qui faisait de la transition le cœur du processus de transformation, entre décristallisation et recristallisation, en identifiant dans la transition cette période pendant laquelle les comportements et attitudes deviennent instables et contradictoires, pendant laquelle les acteurs en expérimentent puis en adoptent certains [1]. La définition de cette transition, avec un petit t, pourrait donc être la suivante : dans un modèle de changement systémique, la transition est la période pendant laquelle un système déstructuré et en rupture de sens voit les transformations majeures se réaliser dans l’ensemble de ses sous-systèmes, jusqu’à provoquer la mutation de l’ensemble du système lui-même. Cette phase de transition est suivie d’une étape finale de recherche et de recouvrement d’un nouvel équilibre (que l’on peut appeler harmonie) au cours de laquelle la mutation peut devenir irréversible.

Mais, les mots ont leur histoire, rappelait à Paris Notis Lebessis, cheville ouvrière de l’ancienne cellule de prospective de la Commission européenne. En effet, depuis au moins le milieu du XIXème siècle, le concept de transition porte l’idée de passage d’un état stationnaire, d’un ordre des choses, d’un type de société à un autre. C’est ce que Marx, puis les marxistes ont tenté de théoriser, jusqu’à la fin du XXème siècle [2]. Maurice Godelier, professeur à l’École des Hautes Etudes en Sciences sociales, observe que la notion de transition (en allemand Ubergang), “passage”, désigne chez l’auteur du Capital, les formes et les processus de transformation d’un mode de production en un ou plusieurs autres, et d’une formation économique et sociale en une ou plusieurs autres. Une transition serait donc, en théorie marxiste, une époque de révolution sociale et politique correspondant à des révolutions dans le développement des forces productives et des rapports de production. C’est l’époque de l’arrivée à terme du développement des contradictions d’un système socio-économique, l’achèvement d’un développement contradictoire [3]. Godelier voit dans cette théorie de la transition une série de processus qui peuvent s’enchaîner pour déboucher sur un nouveau modèle historique :

– décomposition générale d’un mode de production et d’une formation économique et sociale;

– dissolution locale et de plus en plus générale des anciens rapports dont les éléments libérés se combinent en un rapport social nouveau;

– développement de ce rapport social nouveau sur une base ancienne;

– création dans la dynamique d’un nouveau rapport social d’une base matérielle nouvelle qui lui correspond et qui, en se développant, entrera elle-même en contradiction avec ce rapport.

Dès lors, trois moments apparaissent dans l’évolution du système : d’abord, naissance et essor du nouveau mode social de production ainsi que déclin de l’ancien; ensuite, maturation, épanouissement et domination du nouveau mode de production; enfin, période de déclin, de dissolution de ce mode de production et d’apparition de nouvelles formes sociales de production [4]. Ce modèle n’est évidemment pas unique et les débats sur la transition au capitalisme débordent largement les cercles marxistes pour se poser en termes épistémologiques en histoire, en sociologie ou en économie [5]. C’est toutefois, rappelait à Paris le prospectiviste hongrois Attila Havas, dans la même logique que, par un retour de l’histoire, on a parlé d’économie de la transition lorsque les anciennes économies planifiées, y compris la Chine, ont entamé plus ou moins rapidement leur chemin vers l’économie libérale, l’économie de marché. Ainsi, se sont-elles rapprochées, voire sont entrées dans la sphère du système capitaliste. C’est cette mutation-là que, en ce qui concerne la Russie, Joseph Stiglitz a décrit en 2002, dans son ouvrage intitulé La Grande Désillusion, comme une des plus importantes transitions de tous les temps [6].

Transition vers le socialisme ou transition vers l’économie de marché portent en elles deux travers qu’il nous faudra garder à l’esprit. Le premier est idéologique : la transition mène-t-elle à un progrès philosophique voire politique ? Le bonheur, le bien, le mieux, le progrès, la prospérité sont-ils au bout de la transition ? Le second nous renvoie à notre capacité d’agir sur la trajectoire historique : la transition est-elle inéluctablement en cours ? Peut-on faire autrement que de la subir, peut-on l’accompagner ? C’est la question du déterminisme évolutionniste que l’on a tant dénoncé dans le marxisme mais aussi lorsqu’on a abordé dans les années soixante les problématiques des sociétés postindustrielles puis de la société de l’information ou celle de la connaissance… Ne sommes-nous pas les jouets des forces qui nous dépassent ? S’adapter ou mourir ? Questions classiques de l’analyse du changement… [7]

La transition vers le développement durable

Le Rapport Meadows, déjà évoqué, abordait d’emblée ce sujet, et dès 1972, en appelant le lecteur à rejoindre les auteurs, chercheurs au MIT, dans la compréhension et la préparation en vue d’une période de grande transition (“great transition”) – la transition de la croissance vers l’équilibre global [8]. Dans leurs conclusions, les auteurs de Limits to Growth revenaient sur cette question pour exprimer leur difficulté à expliciter cette transition : nous pouvons dire très peu de chose à ce stade quant aux étapes pratiques qui, jour après jour, devront être mises en œuvre pour atteindre un état souhaitable, soutenable, d’équilibre global. Jamais le modèle mondial ni nos propres réflexions n’ont été développées suffisamment en détail pour comprendre toutes les implications de la transition qui va de la croissance à l’équilibre. Avant qu’une partie quelconque de la société mondiale ne s’engage délibérément dans une telle transition, il doit y avoir davantage de débats, davantage d’analyses précises, et de nombreuses nouvelles idées produites par beaucoup de gens différents. La société équilibrée aura à négocier les compromis provoqués par un monde limité non seulement en prenant en compte les valeurs humaines actuelles mais aussi en considérant les générations futures. Des objectifs de long terme doivent être spécifiés et des objectifs de court terme mis en concordance avec ceux-là [9]. On voit à quel point l’édifice était fragile à un moment où le concept de développement durable n’était pas encore établi sémantiquement. On n’en était pourtant guère loin si l’on se rappelle que le fondateur du Club de Rome, l’entrepreneur italien Aurelio Peccei, expliquait en 1976 que, d’une part, le concept de croissance soutenable apparaissait tandis que le concept de développement était en train de remplacer rapidement le concept de croissance… [10] La concurrence des mots sera d’ailleurs très vive avec l’idée d’écodéveloppement, chère à Ignacy Sachs et à Maurice Strong, intellectuels actifs aux Nations Unies, qui renverront eux aussi aux stratégies de la transition [11].

Le rapport Interfuturs de l’OCDE, mené quelques années plus tard sous la direction de Jacques Lesourne et conçu pour contrer Les Limites à la croissance, fera également largement appel à la notion de transition, notamment comme passage – pendant un demi-siècle au moins – entre le système énergétique en vigueur en 1978, basé sur le pétrole, et les systèmes énergétiques futurs [12]. Progressivement, bien sûr, la question de la transition énergétique [13] va devenir aussi familière que ne l’étaient les modèles de la transition démographique ou de la transition démocratique.

C’est probablement avec le rapport Brundtland du 20 mars 1987 – dont on peut souvent se demander si ceux qui en parlent l’ont lu – que l’idée d’une transition vers le développement durable va s’affirmer le plus nettement, parallèlement à des mutations plus spécifiques, énergétiques, par exemple, également présentées sous ce vocable [14]. Rappelons que le rapport, demandé à la Première ministre norvégienne par l’Assemblée générale des Nations Unies, se veut un programme global de changement, même s’il est orienté vers des stratégies de long terme en matière d’environnement. Ce texte évoque clairement la transition collective et concertée vers le développement durable.

Les mécanismes précis de la coopération internationale nécessaires pour assurer le développement durable varieront d’un secteur à l’autre et d’une institution à l’autre. Cela dit, il est indispensable que la transition vers ce développement durable soit gérée conjointement par toutes les nations du monde. L’unité des besoins de l’être humain nécessite un système multilatéral qui s’appuie sur le principe démocratique du libre consentement et qui admette que la planète, certes est une, mais que le monde aussi est un [15].

De même, le rapport considérait inconcevable qu’une transition vers un développement durable puisse être menée à bien sans que les politiques et les pratiques soient réorientées vers des objectifs de développement durable (p. 189). Les auteurs observaient que la façon de réaliser un développement durable variera selon le contexte politique et économique de chaque pays mais que malgré la diversité des mises en œuvre, plusieurs caractéristiques devraient néanmoins se retrouver dans la plupart des pays. Ainsi, les réformes institutionnelles et juridiques que la Commission Brundtland préconisait aux niveaux national, régional et international portaient sur six domaines prioritaires : aller aux sources des problèmes, s’occuper des répercussions sur l’environnement et les ressources naturelles, évaluer les risques mondiaux macro-écologiques, choisir en connaissance de cause en informant le public et en s’appuyant sur l’expertise, fournir les moyens légaux notamment en préparant sous les auspices des Nations Unies une Déclaration universelle puis une Convention sur la protection de l’environnement et le développement durable, et investir dans notre avenir en s’appuyant sur la Banque mondiale, les banques régionales de développement et le Fonds monétaire international. Prises ensemble, ces six priorités correspondent aux principales orientations de la réforme institutionnelle et juridique qui doit opérer la transition vers un développement durable. Une action concertée est désormais nécessaire dans chacune de ces directions (p. 257).

Ainsi, tout en s’inscrivant dans l’ordre institutionnel mondial ainsi que dans le cadre économique et social défini – ce qui lui sera parfois reproché [16] -, le rapport préparatif à la conférence de Rio se voulait, sinon un instrument du ruptures, un outil de changement et de réorientation des politiques aux différents niveaux de gouvernance. La définition systémique qu’il donnait du développement durable en constituait le levier essentiel même si le concept fut bien vite caricaturé dans un triptyque stérilisant.

Après Stockholm (1972), Nairobi (1982), Rio (1992), Johannesburg (2002), Rio à nouveau (2012), quarante ans de suivi des Sommets de la Terre, un certain désenchantement s’installe progressivement chez les uns, s’accroît chez les autres. Comme le rappelait Pierre Calame à Paris, en paraphrasant les textes qu’il a écrits, les changements introduits jusqu’à présent ne sont pas à l’échelle des défis qui nous attendent. Pour les concevoir et les conduire, il faut oser mettre en question les concepts, les acteurs et les politiques qui ont été élaborés au cours des deux derniers siècles [17]. Selon le président de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, il nous faut changer de concept et passer de l’économie à l’œconomie, c’est-à-dire à l’art de gérer les ressources rares au profit de l’humanité. L’œconomie désigne exactement le contenu de la grande transition. A maints égards, la nouvelle économie que nous devons créer pour le XXIème siècle ressemble beaucoup, mais à une échelle globale, à celle qui se déployait dans les siècles passés à une échelle locale, aux situations que nous connaissions avant la révolution industrielle, à l’époque où chaque communauté locale devait veiller à préserver sa viabilité à long terme dans un contexte de ressources naturelles limitées. Ainsi, l’œconomie suppose de parvenir à un véritable équilibre entre les individus, les sociétés et entre l’humanité et la biosphère [18].

Le mérite majeur de la réflexion conceptuelle de Pierre Calame est de montrer que le résultat de la transition bien plus qu’une économie d’une nature nouvelle. Est-ce une économie teintée d’écologie ou unie à celle-ci comme pourrait le suggérer le terme économie écologique ? Elie Faroult en a proposé une définition rédigée par Aurélie Maréchal, économiste et conseillère d’un eurodéputé écologiste belge : l’économie écologique est une approche originale de l’économie qui a la particularité de tenir compte des limites naturelles de la planète et de la réalité sociale dans ses analyses et équations. Par son approche radicalement différente des théories économiques classiques, l’économie écologique – souvent présentée comme une “transdiscipline” – propose un cadre théorique et des outils analytiques pour comprendre, analyser et créer les conditions d’un futur soutenable pour tous [19].

Cette définition est interpellante à deux égards. Le premier est que la fonction affirmée de la chercheuse qui l’a produite nous renvoie dans le champ idéologique des partis politiques. Certes, il existe un écologisme scientifique comme il existe un marxisme scientifique mais convenons que, dans un cas comme dans l’autre, cela ne favorise pas l’adhésion unanime des acteurs au modèle qui serait défendu. C’est une remarque qui fut entendue à Paris, tout en rappelant dans le même temps que Madame Brundtland n’était pas, non plus, apolitique. Le second aspect nous ramène au modèle lui-même d’un futur souhaitable pour tous et à cette question existentielle de savoir si cet avenir existe de fait, en lui-même, voire scientifiquement [20]. A force d’entendre et de lire à tout vent le messianique Jeremy Rifkin, on pourrait s’en convaincre [21]. Ajoutons la question de savoir si l’on se trouve toujours dans le champ de l’économie ou bien si, comme nous y invitait Pierre Calame et Paul-Marie Boulanger [22], nous abordons la question du changement sociétal, la question systémique de la transition sociétale [23].

Une transition sociétale vers un modèle qui reste à imaginer ?

C’est à l’initiative du think tank européen Pour la Solidarité et du ministre wallon de l’Économie, des Technologies nouvelles et de l’Enseignement supérieur que cette réflexion entamée à Paris a pu se poursuivre – au moins dans mon esprit – ce 8 mai 2013 à Liège. En ouverture du colloque consacré à l’économie sociale : l’avant-garde pour une société en transition, le ministre Jean-Claude Marcourt notait judicieusement que tout le monde parle de transition, mais avec des significations différentes. De même, posait-il la question de savoir quel est le prix que nous sommes prêts à payer pour passer d’une économie productiviste à une situation plus respectueuse de l’environnement et où les émissions de carbone sont considérablement réduites.

La réponse de l’économiste Sybille Mertens, titulaire de la Chaire Cera en Social Entrepreneurship à HEC-Université de Liège, était volontariste, pour souligner à la fois que nous sommes responsables de la manière dont le système fonctionne, que nous avons des marges de manœuvre mais que nous devons toutefois reconnaître que le système économique de marché est incapable de répondre aux inégalités, ni de gérer le bien commun ou ses externalités. S’appuyant sur le cadre théorique du Management de la Transition, notamment sur les travaux du réseau hollandais Knowledge Network for system Innovations and Transitions [24], la professeure Mertens doutait que des transformations à la marge, fondées notamment sur l’économie sociale, puissent avoir des effets suffisants pour permettre d’atteindre une société durable et observait que la reconfiguration du système capitaliste est probablement nécessaire. Cette reconfiguration ne peut passer que par la construction d’une vision partagée d’un avenir alternatif souhaitable… Cette tension entre développement durable et l’économie de marché était palpable aussi chez les acteurs invités à témoigner dans une table ronde. Coordinateur de l’asbl Barricade et membre actif du collectif Liège en transition, Christian Jonet rappelait que la notion de transition éveille des imaginaires différents et qu’il paraît vain d’évoquer la résilience, la croissance stationnaire ou la transition juste quand, finalement, le système économique capitaliste ne connaitrait que deux évolutions possibles : la croissance ou l’effondrement… Se basant sur l’analyse de Tim Jackson [25], il estimait que l’on ne sait pas où on va mais que lorsqu’on y sera arrivé, le capitalisme sera probablement tellement transfiguré qu’on ne le reconnaîtra plus. Coordinatrice de la Cellule RISE (Réseau intersyndical de sensibilisation à l’environnement) à la FGTB wallonne, Lydie Gaudier se référait elle aussi au modèle de l’auteur de Prosperity without Growth pour revendiquer des normes sociales et environnementales suffisantes mais en s’en distanciant pour observer que la société est aujourd’hui dans une situation défensive, inconfortable, avec un sentiment d’impuissance face aux enjeux mondiaux : l’utopie attendue tarde à se dessiner, on cherche le projet de société commun et il faut reconnaître qu’on ne sait pas de quoi sera fait le modèle nouveau, même si on peut y mettre quelques balises telles que bien commun ou contrôle public. Lydie Gaudier concluait avec raison que, face à la mondialisation, l’investissement dans des projets locaux rend du pouvoir aux acteurs. Sébastien Perreau, secrétaire général de ConcertES, la plateforme de l’économie sociale en Wallonie et à Bruxelles, s’interrogeait sur les rapports entre le capitalisme et la démocratie, et en particulier sur le type de capital compatible avec le développement durable dans une logique de transition. Notons que savoir si le développement durable renouvelle ou met en cause le capitalisme, est une question essentielle que deux chercheurs, Sandrine Rousseau et Bertrand Zuindeau, posaient déjà en juin 2007 [26]. Organisateur de la journée, l’économiste Denis Stokkink, président de Pour la Solidarité, qui a dirigé le rapport qui était présenté sur l’économie sociale et la transition [27], a conclu par l’absence de vision globalisante anticipant l’aboutissement d’un processus de transition. Comme il l’a bien indiqué, ce travail reste à faire par les acteurs, en pratiquant l’intelligence collective aux différents niveaux et avec l’appui des prospectivistes et des experts, non tant pour explorer mais pour co-construire l’avenir.

Ce questionnement sur la transition et l’économie sociale et ce tour de table étaient saisissants. En quelques formules, les participants du tour de table à Liège ont cerné, complémentairement au panel de prospectivistes réunis à Paris, la difficulté d’échapper à la trajectoire catastrophiste dans laquelle nous enferment les menaces qui pèsent sur la planète. Il a montré aussi l’importance, comme le remarque Jean-Pierre Le Goff, de réinscrire le pays, l’Europe, le monde, dans un récit historique [28]. Le monde durable, soutenable, viable est à construire. Certes, il devra être fait d’équilibre et d’harmonie, prendre en compte les limites des ressources, être parcimonieux et plus équitable. Mais, concrètement, tout reste à déterminer et probablement à redéfinir [29]. Il importe de le faire ensemble, en sortant du chemin qui se trace de lui-même, par le dialogue, et en toute liberté. En trouvant les voies politiques qui dépassent les débats idéologiques [30] , en générant un accord, comme l’indique Pierre Calame, sur des principes éthiques globaux et des textes fondateurs permettant de construire une communauté mondiale. Thierry Gaudin y apporte d’ailleurs sa pierre en contribuant à une nouvelle Déclaration des droits de l’homme et de la nature qui prenne en compte l’impératif du vivant [31]. Ainsi, la question de la transition vers le développement durable est-elle avant tout, une question de gouvernance, idée qui constituait la conclusion du séminaire parisien. Non dans le sens de la dégradation du gouvernement, y notait Françoise Roure, présidente de la section “Technologies et Société” du Conseil général des Technologies de l’Information, mais dans le sens de partage du pouvoir avec les acteurs.

Qu’attendons-nous encore pour avancer à la vitesse supérieure ? Probablement moins d’idéologie et davantage de jeu collectif et d’horizon commun.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050


[1] Philippe DESTATTE, Qu’est-ce que la prospective ?, Blog PhD2050, 10 avril 2013, http://phd2050.org/2013/04/10/prospective/

[2] Maurice LACHÂTRE, Dictionnaire français illustré, p. 1453, Paris, Librairie du Progrès, 1890. – Maurice GODELIER, La théorie de la transition chez Marx, dans Sociologie et société, vol. 22, 1, 1990, p. 53-81. – Sur la vigueur du débat, voir par exemple Maurice DOBB, Christopher HILL, Paul SWEEZY e.a., Du féodalisme au capitalisme, Problème de la transition, Paris, Maspero, 2 vol. , 1977.

[3] M. GODELIER, La théorie de la transition chez Marx…, p. 57. Il faut noter que, dans le même article, Maurice Godelier indique en introduction – nous sommes en 1990, c’est-à-dire dans une période pendant laquelle on évoque la transition des anciens pays de l’Est, dits socialistes, vers l’économie de marché – ce qu’on désigne alors par transition : une phase très particulière de l’évolution d’une société, la phase où celle-ci rencontre de plus en plus de difficultés, internes et / ou externes, à reproduire le système économique et social sur lequel elle se fonde et commence à se réorganiser, plus ou moins vite ou plus ou moins violemment, sur la base d’un autre système qui finalement devient à son tour la forme générale des conditions nouvelles d’existence.

[4] M. GODELIER, op. cit., p. 72.

[5] voir par exemple Frédérick-Guillaume DUFOUR, Les débats de la transition au capitalisme : une défense de l’approche qualitative, dans Cahiers de recherche sociologique, Janvier 2008, n°45, p. 73-91.

Cliquer pour accéder à 1002500ar.pdf

[6] Joseph E. STIGLITZ, Globalization and its Discontents, New York, WW Norton & Cie, 2002. – J. STIGLITZ, La Grande désillusion, p. 219sv, Paris, Fayard, 2002.

[7] Philippe BERNOUX, Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations, p. 22-23, Paris, Seuil, 2010.

[8] Donella H. MEADOWS, Dennis L. MEADOWS, Jørgen RANDERS, William W. BEHRENS III, The Limits to Growth, A report of the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind, p. 24, New York, Universe Books, 1972.

[9] Ibidem, p. p. 180.

[10] Aurelio PECCEI, La qualité humaine, p. 258-261, Paris, Stock, 1976.

[11] Ignacy SACHS, La troisième rive, A la recherche de l’écodéveloppement, p. 251sv , Paris, Bourin, 2007. – Ignacy SACHS, Le Développement durable ou l’écodéveloppement : du concept à l’action, Paris, 1994. – I. SACHS, Stratégies de l’écodéveloppement, Paris, Édtions ouvrières, 1980. – L’écodéveloppement, Stratégies de transition vers le XXIème siècle, Paris, Syros, 1993.

[12] INTERFUTURS, Face aux futurs, Pour une maîtrise du vraisemblable et une gestion de l’imprévisible, p. 28, Paris, OCDE, 1979. Voir à ce sujet : Ph. DESTATTE, Foresight: A major tool in tackling sustainable development, TFSC, 77, 2010, p. 1575-1587. http://www.institut-destree.eu/Documents/Chantiers/ID-EP-2010/EP_A09_PhilippeDestatte-Prospective_Outil_Developpement_durable_2010-04-27.pdf

[13] WORLD BANK, The Energy Transition in Developing Countries, Washington, DC,  1983. – N.J.D. LUCAS, The Influence of Existing Institutions on the European Transition from Oil, The European, p. 173-89, 1981.

[14] La Première ministre norvégienne considérait par ailleurs qu’il fallait voir dans les années à venir une période de transition, faisant suite à une période où l’on a fait un usage abusif de l’énergie (p. 137), elle évoquait ceux qui voient dans leur capacité nucléaire actuelle une nécessité pendant une période de transition limitée en attendant une solution de rechange plus sécuritaire (p. 150). Harlem Gro Brundtland avait perçu dans la chute des prix du pétrole un risque de voir réduire les investissements dans les énergies renouvelables, les procédés industriels, les véhicules de transport et les services à haut rendement énergétique. La plupart, écrivait-elle, sont nécessaires pour faciliter la transition vers un avenir plus sûr et plus stable de l’énergie, au-delà de ce siècle. Seule une action constante et de longue durée permettra d’atteindre cet objectif (p. 161). Le rapport Brundtland envisageait également un scénario de basse consommation énergétique permettant de maintenir le niveau de services tout en mobilisant la moitié de l’énergie primaire alors utilisée. Pour atteindre cet objectif, le texte appelait à de profonds remaniements socio-économiques institutionnels. Ces efforts donneraient le temps de mettre sur pied de vastes programmes portant sur les sources d’énergie renouvelables et d’assurer la transition vers une ère énergétique plus sûre, plus durable (p. 162). Harlem Gro BRUNDTLAND, Notre avenir à tous, New York, Nations Unies, 1987.

[15] Harlem Gro BRUNDTLAND, Notre avenir à tous, New York, Nations Unies, 1987.

Cliquer pour accéder à rapport_brundtland.pdf

[16] Catherine FIGUIERE et Michel ROCCA, Un développement véritablement durable : quelle compatibilité avec le capitalisme financier ? Intervention au colloque La problématique du développement durable vingt ans après : nouvelles lectures théoriques, innovations méthodologiques et domaines d’extension, Lille, Novembre 2008.

http://creg.upmf-grenoble.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1343379276182

[17] Pierre CALAME, Les leviers de la grande transition économique, Traduction française du texte Leverage points for the great transition in the field of economy, Note de réflexion, Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, 29 mars 2011, 11 pages (bip 4267), p.3.

[18] Ibidem, p. 6 et 10.

[19] Aurélie MARECHAL, Économie écologique, Principes de bases, dans Revue Etopia, n°8, Autour de Tim Jackson, Inventer la prospérité sans croissance, 27 janvier 2011, p. 137-148.

[20] Cette question est d’autant plus nécessaire qu’Aurélie Maréchal précise que l’économie écologique a comme point de départ une vision du monde qualifiée de pré-analytique par Herman Daly, concevant l’économie comme un sous-système ouvert d’un système fermé, l’écosystème (op. cit., p. 138).

[21] Jeremy RIFKIN, La Troisième Révolution industrielle, Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Paris, LLL, 2011.

[22] voir Paul-Marie BOULANGER, Une gouvernance du changement sociétal : le transition management, dans La Revue nouvelle, 2008, n°11, p. 61-73. P-M Boulanger note que dans le Transition Management, la transition est définie comme un processus de transformation au cours duquel un système complexe passe d’un état d’équilibre dynamique (un régime) à un autre régime. De façon générale, cette transition résulte de l’apparition de multiples changements qui se produisent simultanément à différents niveaux  et dans différents secteurs de la société (la technologie, l’économie, les institutions, les comportements, la culture, l’écologie…) et qui se renforcent et s’amplifient mutuellement jusqu’à entraîner – en cas de transition réussie – une configuration globale du système (p. 61-62). – Aurélien BOUTAUD, La transition : l’après-développement durable, dans M3, Grand Lyon-Prospective, n°4, Hiver 2012-2013, p. 16-19. – Vicky DE MEYERE & Peter TOM JONES, Terra Reversa, De Transitie naar Rechtvaardige Duurzaamheid, EPO-Jan Van Arkel, 2009.

[23] Miklos ANTAL, Jeroen C.J.M. van den BERGH, Macroeconomics, financial and the environment: strategies for a sustainability transition, in Environmental Innovation and Societal Transitions, 6 (2013) p. 47-66. – Marina FISCHER-KOWALSKI and Jan ROTMANS, Conceptualizing, observing, and influencing social–ecological transitions in Ecology and Society 14 (2), 2009, 3. http://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art3/

[24] Knowledge Network for System Innovations and Transitions, http://www.ksinetwork.nl/home

[25] Tim JACKSON, Prosperity without Growth, Economics for Finite Planet, London, Earthscan, 2009. – Voir aussi Prosperity without Growth ? The transition to a sustainable economy, London, UK Sustainable Commission, 2009.

[26] Sandrine ROUSSEAU et Bertrand ZUINDEAU, Théorie de la régulation et développement durable, dans Revue de la Régulation, Capitalisme, Institutions, Pouvoirs, n°1, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, Juin 2007.

http://regulation.revues.org/1298?&id=1298

[27] Denis STOKKINK dir., La transition : un enjeu économique et social pour la Wallonie, Bruxelles, Pour la Solidarité, Mars 2013.

[28] Jean-Pierre LE GOFF, Réinscrire le pays dans un récit historique, dans Millénaire 3 (M3), Société urbaine et action publique pour penser les mutations, Hors-Série, Grand Lyon – Prospective, Avril 2013, p. 5-13.

[29] Isabelle CASSIERS dir., Redéfinir la prospérité, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2013.

[30] Les sciences sociales sont toujours plus ou moins entachées de prise de position idéologique et c’est particulièrement vrai en ce qui concerne les écrits sur l’environnement, car toute réaction dans ce domaine suscite forcément l’action de larges couches de la population. Ignacy SACHS, Pour une économie politique du développement, p. 289, Paris, Flammarion, 1977.

[31] Thierry GAUDIN, L’impératif du vivant, coll. Géographie du futur, p. 271sv, Paris, L’Archipel, 2013.