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Liège, le 28 février 2018

1. Qu’est-ce que la prospective, en quoi est-elle stratégique ?

Telle que nous la connaissons aujourd’hui en Europe, la prospective constitue une rencontre entre des dynamiques françaises et latines, d’une part, anglo-saxonnes, de l’autre. Les évolutions entre ces deux sources apparaissent croisées. Ainsi, le foresight a-t-il évolué au fil du temps, de préoccupations militaires (améliorer les systèmes de défense) vers des objectifs industriels (accroître la compétitivité) et les questions sociétales (assurer le bien-être de la population, mettre le système en harmonie). Depuis les années 1960 jusqu’à nos jours, ses sujets de prédilection sont passés des sciences de base aux technologies-clefs, puis à l’analyse des systèmes d’innovation, enfin à l’étude du système sociétal dans sa totalité. De disciplinaire, orienté vers les sciences dites exactes, le foresight est devenu pluri, multi, et interdisciplinaire, ouvert aux sciences sociales [1]. Ainsi, s’est-il rapproché considérablement de la prospective, abandonnant une bonne partie des ambitions prévisionnistes héritées du forecasting pour devenir davantage stratégique.

La prospective française trouve notamment son origine dans la pensée du philosophe et entrepreneur Gaston Berger. Née d’une philosophie de l’action collective et de l’engagement, elle travaille les systèmes de valeurs et construit de la connaissance en vue du projet politique [2], s’affirmant elle aussi de plus en plus stratégique au contact des mondes des organisations internationales, des entreprises et de celui des territoires [3]. Prenant en compte le long terme et la longue durée, en postulant la pluralité des futurs possibles, faisant sienne l’analyse des systèmes complexes ainsi que mobilisant la théorie et la pratique de la modélisation, la prospective construit du désir et de la volonté stratégique pour mettre en mouvement et agir sur l’histoire. Ainsi que j’ai contribué à la définir dans des cadres européens (Mutual Learning Platform des DG Research, DG Enterprises & Industry, et DG Regio, appuyés par le Comité des Régions) [4], français (Collège européen de Prospective territoriale, créé dans le cadre de la DATAR à Paris) [5] ou wallon (Société wallonne de l’Evaluation et de la Prospective) [6], la prospective est une démarche indépendante, dialectique et rigoureuse, menée de manière transdisciplinaire en s’appuyant sur la longue durée. La prospective peut éclairer les questions du présent et de l’avenir, d’une part en les considérant dans leur cadre holistique, systémique et complexe et, d’autre part, en les inscrivant, au delà de l’historicité, dans la temporalité. Résolument tournée vers le projet et vers l’action, elle a vocation à provoquer une ou plusieurs transformations au sein du système qu’elle appréhende en mobilisant l’intelligence collective [7]. Cette définition, qui existe également en anglais, est celle à la fois de la prospective et du foresight. Elle a, en tout cas, été conçue comme telle, dans le cadre d’un véritable effort de convergence entre ces deux outils, porté notamment par l’équipe de l’Unité K2 de la DG RTD de la Commission européenne, alors dirigée par Paraskevas Caracostas.

Ce qui distingue fondamentalement la stratégie du processus de la prospective ou du foresight – certains disent prospective stratégique ou strategic foresight, ce qui constitue à mes yeux des pléonasmes -, c’est le fait que, dans la prospective, la stratégie qu’elle élabore n’est pas linéaire par rapport au diagnostic ou aux enjeux. Fondamentalement, la prospective s’arrime à la fois à des enjeux de long terme auxquels elle veut répondre et à une vision de l’avenir souhaitable, qu’elle a construite avec les acteurs concernés. Son processus, circulaire, mobilise à chaque étape l’intelligence collective et collaborative, pour donner réalité à une action désirée et co-construite, inscrite dans le long terme et se voulant efficiente et opérationnelle. La veille prospective s’active à chacune des étapes de ce processus. Je la définis comme une activité continue et en grande partie itérative d’observation active et d’analyse systémique de l’environnement, sur les court, moyen et long termes, pour anticiper les évolutions, identifier les enjeux du présent et de l’avenir, afin de construire des visions collectives et des stratégies d’actions. Elle s’articule à la création et à la gestion de la connaissance nécessaire pour nourrir le processus prospectif lui-même. Ce processus s’étend à partir du choix des chantiers d’opération (enjeux de long terme) et de la nécessaire heuristique, jusqu’à la communication et l’évaluation, en passant par l’analyse et la capitalisation des informations et leur transformation en connaissance utile [8].

2. La prospective à côté de l’intelligence stratégique

Le Groupe de Recherche en Intelligence stratégique (GRIS), ancré à HEC Liège, sous la direction de la professeure Claire Gruslin, voit l’intelligence stratégique comme un mode de gouvernance basé sur la maîtrise et la protection de l’information stratégique et pertinente, sur le potentiel d’influence, indispensable à tous les acteurs économiques soucieux de participer proactivement au développement et à l’innovation, en construisant un avantage distinctif durable dans un environnement hyper compétitif et turbulent [9].

De son côté, le célèbre Rapport Martre, daté de 1994, ouvrait, dans sa définition de l’intelligence économique, le champ d’un processus assez semblable de celui que j’ai évoqué pour la prospective, intégrant lui aussi la veille, l’heuristique, le questionnement des problématiques, la vision partagée, ainsi que la stratégie pour l’atteindre, articulés dans un cycle ininterrompu :

L’intelligence économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l’entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût. L’information utile est celle dont ont besoin les différents niveaux de décision de l’entreprise ou de la collectivité, pour élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d’améliorer sa position dans son environnement concurrentiel. Ces actions, au sein de l’entreprise, s’ordonnent en un cycle ininterrompu, générateur d’une vision partagée des objectifs à atteindre [10].

Ce qui est particulièrement intéressant dans la recherche de parallélismes ou de convergences entre intelligence économique et prospective, c’est l’idée, développée par Henri Martre, Philippe Clerc et Christian Harbulot que la notion d’intelligence économique dépasse la documentation, la veille, la protection des données, voire l’influence, pour s’inscrire dans une véritable intention stratégique et tactique, porteuse d’actions aux différents niveaux de l’activité, de la base de l’entreprise au niveau global, international [11].

 3. La prospective dans l’intelligence stratégique

Au tournant des années 2000, dans le cadre du programme européen ESTO (European Science and Technology Observatory), l’Institut d’Etudes en Prospective technologique (IPTS) de Séville avait rassemblé une série de chercheurs autour de l’idée d’intelligence stratégique comme réceptacle ou chapeau méthodologique orienté vers les politiques publiques. Cette démarche visait à reconnaître et prendre en compte la diversité de l’ensemble des méthodes mises à la disposition des décideurs, afin de les articuler et de les mobiliser au profit de la réussite des politiques publiques [12]. Comme l’indiquait alors un des animateurs de cette réflexion, Ken Ducatel, le concept d’intelligence stratégique n’offre pas seulement une force méthodologique pour répondre aux enjeux (de l’UE) mais dispose aussi de suffisamment de flexibilité pour se connecter à d’autres formes d’interactions, s’adapter à de nouveaux modèles de gouvernance et s’ouvrir à des changements technologiques et des évolutions sociales qui sont plus rapides que nous n’en n’avons jamais connus [13].

Lors du projet REGSTRAT, notamment porté en 2006 par Steinbeis Europa Zentrum à Stuttgart, la notion de Strategic Policy Intelligence Tools (SPI) – les outils d’intelligence appliqués aux politiques publiques – s’était imposée, notamment aux représentants de la Mutual Learning Platform, déjà évoquée. Comme nous l’indiquions avec mon collègue prospectiviste Günter Clar dans le rapport dédié au foresight, l’intelligence stratégique appliquée aux politiques publiques peut être définie comme un ensemble d’actions destinées à rechercher, mettre en œuvre, diffuser et protéger l’information en vue de la rendre disponible à la bonne personne, au moment adéquat, avec l’objectif de prendre la bonne décision. Ainsi que cela était clairement apparu lors des travaux, les outils du SPI comprennent la prospective, l’évaluation des choix technologiques, l’évaluation, le benchmarking, les démarches de qualité appliquées au territoire, etc. Ces outils sont utilisés pour fournir aux décideurs et aux parties prenantes une information claire, objective, non biaisée politiquement, indépendante et, le plus important, anticipatrice [14].

Ces travaux ont aussi permis de caractériser l’intelligence stratégique telle qu’observée dans ce contexte. Le contenu y apparaît taillé sur mesure, avec des côtés hard et soft, avec également un caractère distribué, sous-tendu par des effets d’échelle, la facilitation de l’apprentissage, un équilibre entre approches spécifique et générique, ainsi qu’une accessibilité accrue. Son processus s’articule sur la demande, la nécessité de la mobilisation de la créativité, une explicitation de la connaissance tacite, l’évaluation du potentiel technologique, une facilitation du processus, ainsi que le lien optimal avec la prise de décision [15].

Dans cette perspective, la prospective apparaît bien comme un outil, parmi d’autres, de l’intelligence stratégique, au service des décideurs et des parties prenantes.

4. Anticipation, innovation, décision

La direction générale de la Recherche et de l’Innovation de la Commission européenne s’investit depuis plusieurs années, dans les Forward Looking Activities (FLAs), les activités à vocation prospective [16], comme jadis – nous l’avons vu – l’Institut européen de Séville l’avait fait en développant, les outils d’intelligence stratégique [17] en politiques publiques (Strategic Policy Intelligence – SPI) [18]. Les FLA’s comprennent toutes les études et tous les processus systématiques et participatifs destinés à envisager les futurs possibles, de manière proactive et stratégique, ainsi qu’à examiner et tracer des chemins vers des objectifs souhaitables [19]. On retrouve évidemment dans ce champ un grand nombre de méthodes d’anticipation, d’évaluation des choix technologiques, d’évaluation ex ante, etc.

En 2001, Ruud Smits, préconisait trois axes qu’il considérait comme essentiels. D’abord, soulignait-il, il s’agit d’arrêter le débat sur les définitions et d’exploiter les synergies entre les différentes branches de l’intelligence stratégique. Ensuite, notait le professeur de Technologie et d’Innovation à l’Université d’Utrecht, il est nécessaire d’améliorer la qualité et de renforcer les sources existantes de l’intelligence stratégique. Enfin, Ruud Smits demandait que l’on développe une interface entre les sources de l’intelligence stratégique et leurs usagers [20]. Ce programme reste à mettre en œuvre et nous pourrions considérer que notre réflexion au GRIS s’inscrit dans cette ambition.

Cette approche cognitive nous renvoie sans nul doute à la distinction que prône le psychologue et Prix Nobel d’Economie Daniel Kahneman lorsqu’il met en évidence, d’une part, un Système cérébral n°1, qu’il voit comme automatique, direct, impulsif, quotidien, rapide, intuitif, sans effort réel, et que nous mobilisons dans 95% des circonstances. D’autre part, l’auteur de Thinking fast and slow, décrit un second système cérébral qui est à la fois conscient, rationnel, délibératif, lent, analytique, logique, celui que nous ne mobilisons que dans 5% des cas, notamment pour prendre des décisions quand nous nous mouvons dans des systèmes que nous appréhendons comme complexes [21]. C’est à ce moment, en effet, que nous devons faire l’effort de mobiliser des outils à la mesure des tâches dont nous nous saisissons.

Cette question affecte bien tous les outils d’intelligence stratégique, y compris la prospective. Non seulement parce que les investissements à fournir pour ces champs de recherche sont considérables, mais aussi parce que, souvent, beaucoup d’entre nous ne sont pas conscients de l’étendue de ce que nous ne pouvons saisir. Trop souvent en effet nous pensons que ce que nous voyons est ce qui existe. Nous nous limitons aux variables que nous pouvons détecter, embrasser, mesurer. Avec une capacité considérable de refuser de reconnaître les autres variables. Ce syndrome du WYSIATI (What you see is all there is) est, nous le savons dévastateur. Car il nous empêche de saisir la réalité dans toute son ampleur en nous laissant penser que nous maîtrisons l’espace et l’horizon. On ne peut pas s’empêcher de faire avec l’information qu’on a comme si on disposait de tout ce qu’on doit savoir, dit Kahneman [22].

Cette faille – il en est d’autres – doit nous inciter à unir nos forces pour surmonter les chapelles méthodologiques et épistémologiques et travailler à fonder des instruments plus robustes au service de politiques publiques plus volontaristes et mieux armées.

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] Paraskevas CARACOSTAS & Ugar MULDUR, Society, The Endless Frontier, A European Vision of Research and Innovation Policies for the 21st Century, Brussels, European Commission, 1997. – Une première mouture de ce papier a été présentée lors du colloque du Groupe de REcherche en Intelligence stratégique (GRIS) à HEC Liège, le 28 septembre 2016.

[2] (…) en appliquant les principes de l’analyse intentionnelle, propre à la phénoménologie, à l’expérience du temps, Gaston Berger substitue au «mythe du temps» une norme temporelle, construction intersubjective pour l’action collective. Sa philosophie de la connaissance se constitue ainsi comme une science de la pratique prospective dont la finalité́ est normative : elle est orientée vers le travail des valeurs et la construction d’un projet politique ; elle est une «philosophie en action ». Chloë VIDAL, La prospective territoriale dans tous ses états, Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957-2014), p. 31, Lyon, Thèse ENS, 2015.

[3] Sur la prospective territoriale, rencontre entre les principes de la prospective et ceux du développement territorial, voir la référence au colloque international de la DATAR en mars 1968. Chloë VIDAL, La prospective territoriale dans tous ses états, Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957-2014), p. 214-215, Lyon, ENS, 2015.

[4] Günter CLAR & Philippe DESTATTE, Regional Foresight, Boosting Regional Potential, Mutual Learning Platform Regional Foresight Report, Luxembourg, European Commission, Committee of the Regions and Innovative Regions in Europe Network, 2006.

http://www.institut-destree.eu/Documents/Reseaux/Günter-CLAR_Philippe-DESTATTE_Boosting-Regional-Potential_MLP-Foresight-2006.pdf

[5] Ph. DESTATTE & Ph. DURANCE dir., Les mots-clefs de la prospective territoriale, p. 43, Paris, DIACT-DATAR, La Documentation française, 2009.

[6] Ph. DESTATTE, Evaluation, prospective et développement régional, p. 381, Charleroi, Institut Destrée, 2001.

[7] Philippe DESTATTE, Qu’est-ce que la prospective ?, Blog PhD2050, 10 avril 2013.

Qu’est-ce que la prospective ?

[8] René-Charles TISSEYRE, Knowledge Management, Théorie et pratique de la gestion des connaissances, Paris, Hermès-Lavoisier, 1999.

[9] Guy GOERMANNE, Note de réflexion, Tentatives de rapprochement entre la prospective et l’intelligence stratégique en Wallonie, p. 7, Bruxelles, Août 2016, 64 p.

[10] Henri MARTRE, Philippe CLERC, Christian HARBULOT, Intelligence économique et stratégie des entreprises, p. 12-13, Paris, Commissariat général au Plan – La Documentation française, Février 1994. http://bdc.aege.fr/public/Intelligence_Economique_et_strategie_des_entreprises_1994.pdf

[11] La notion d’intelligence économique implique le dépassement des actions partielles désignées par les vocables de documentation, de veille (scientifique et technologique, concurrentielle, financière, juridique et réglementaire…), de protection du patrimoine concurrentiel, d’influence (stratégie d’influence des États-nations, rôle des cabinets de consultants étrangers, opérations d’information et de désinformation…). Ce dépassement résulte de l’intention stratégique et tactique, qui doit présider au pilotage des actions partielles et su succès des actions concernées, ainsi que de l’interaction entre tous les niveaux de l’activité, auxquels s’exerce la fonction d’intelligence économique : depuis la base (internes à l’entreprise) en passant par des niveaux intermédiaires (interprofessionnels, locaux) jusqu’aux niveaux nationaux (stratégies concertées entre les différents centres de décision), transnationaux (groupes multinationaux) ou internationaux (stratégies d’influence des États-nations). H. MARTRE, Ph. CLERC, Ch. HARBULOT, Intelligence économique et stratégie des entreprises…, p. 12-13.

[12] L’intelligence stratégique peut-être définie comme un ensemble d’actions destinées à rechercher, mettre en œuvre, diffuser et protéger l’information en vue de la rendre disponible à la bonne personne, au moment adéquat avec l’objectif de prendre la bonne décision. (…) L’intelligence stratégique appliquée aux politiques publiques offre une variété de méthodologies afin de rencontrer les demandes des décideurs politiques. Derived from Daniel ROUACH, La veille technologique et l’intelligence économique, Paris, PUF, 1996, p. 7 & Intelligence économique et stratégie d’entreprises, Paris, Commissariat général au Plan, 1994. – Alexander TÜBKE, Ken DUCATEL, James P. GAVIGAN, Pietro MONCADA-PATERNO-CASTELLO éd., Strategic Policy Intelligence: Current Trends, the State of the Play and perspectives, S&T Intelligence for Policy-Making Processes, p. V & VII, IPTS, Seville, Dec. 2001.

[13] Ibidem, p. IV.

[14] Günter CLAR & Ph. DESTATTE, Mutual Learning Platform Regional Foresight Report, p. 4, Luxembourg, IRE, EC-CoR, 2006.

[15] Ruud SMITS, The New Role of Strategic Intelligence, in A. TÜBKE, K. DUCATEL, J. P. GAVIGAN, P. MONCADA-PATERNO-CASTELLO éd., Strategic Policy Intelligence: Current Trends, p. 17.

[16] Domenico ROSSETTI di VALDALBERO & Parla SROUR-GANDON, European Forward Looking Activities, EU Research in Foresight and Forecast, Socio-Economic Sciences & Humanities, List of Activities, Brussels, European Commission, DGR, Directorate L, Science, Economy & Society, 2010. http://ec.europa.eu/research/social-sciences/forward-looking_en.htmlEuropean forward-looking activities, Building the future of “Innovation Union” and ERA, Brussels, European Commission, Directorate-General for Research and Innovation, 2011. ftp://ftp.cordis.europa.eu/pub/fp7/ssh/docs/european-forward-looking-activities_en.pdf

[17] Strategic Intelligence is all about feeding actors (including policy makers) with the tailor made information they need to play their role in innovation systems (content) and with bringing the together to interact (amongst others to create common ground). Ruud SMITS, Technology Assessment and Innovation Policy, Séville, 5 Dec. 2002. ppt.

[18] A. TÜBKE, K. DUCATEL, J. P. GAVIGAN, P. MONCADA-PATERNO-CASTELLO éd., Strategic Policy Intelligence: Current Trends, …

[19] Innovation Union Information and Intelligence System I3S – EC 09/06/2011.

[20] R. SMITS, The New Role of Strategic Intelligence…, p. 17. – voir aussi R. SMITS & Stefan KUHLMANN, Strenghtening interfaces in innovation systems: rationale, concepts and (new) instruments, Strata Consolidating Workshop, Brussels, 22-23 April 2002, RTD-K2, June 2002. – R. SMITS, Stefan KUHLMANN and Philip SHAPIRA eds., The Theory and Practice of Innovation Policy, An International Research Handbook, Cheltenham UK, Northampton MA USA, Edward Elgar, 2010.

[21] Daniel KAHNEMAN, Thinking fast and slow, p. 201, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2011.

[22] You cannot help dealing with limited information you have as it were all there is to know. D. KAHNEMAN, Thinking fast and slow…, p. 201.

Liège, January 19, 2018

1. What is foresight, and in what way is it strategic? [1]

 In the form in which we know it today in Europe, foresight represents an encounter and interaction between French and Latin developments, on the one hand, and those in the Anglosphere on the other. In English-speaking countries, the practice of foresight has evolved over time from a concern with military interests (such as improving defence systems) to industrial objectives (such as increasing competitiveness) and societal issues (such as ensuring the welfare of the population or ensuring social harmony). Since the 1960s, its chosen field has shifted from fundamental science to key technologies, then to the analysis of innovation systems, and finally to the study of the entire societal system. Having started out within a single discipline, namely the exact sciences, foresight has become pluridisciplinary, multidisciplinary and interdisciplinary, with an openness to the social sciences [2]. In doing so, it has moved considerably closer to the French approach, abandoning many of its earlier forecasting ambitions for a more strategic focus.

The French school of foresight (referred to as la prospective) originates in the thought of the philosopher and entrepreneur Gaston Berger. Deriving from a philosophy of collective action and engagement, it deals with value systems and constructs knowledge for political purposes [3], and has likewise become increasingly strategic in nature through contact with the worlds of international organisations, companies and regional territories [4]. Taking account of the long-term and la longue durée by postulating the plurality of possible futures, adopting the analysis of complex systems and deploying the theory and practice of modelling, foresight generates a strategic desire and willingness in order to influence and affect history. As I have helped to define it in various contexts – European (the Mutual Learning Platform of DG Research, DG Enterprise & Industry, and DG Regional & Urban Policy, supported by the Committee of the Regions) [5], French (the European Regional Foresight College) created under the auspices of the Interministerial Delegation of Land Planning and Regional Attractiveness (DATAR) in Paris) [6] or in Wallonia (the Wallonia Evaluation and Foresight Society) [7] – foresight is an independent, dialectical and rigorous process, conducted in a transdisciplinary way and taking in the longer sweep of history. It can shed light on questions of the present and the future, firstly by considering them in a holistic, systemic and complex framework, and secondly by setting them in a temporal context over and beyond historicity. Concerned above all with planning and action, its purpose is to provoke one or more transformations within the system that it apprehends by mobilising collective intelligence [8]. This definition is that of both la prospective and foresight; at any rate it was designed as such, as part of a serious effort to bring about convergence between these two tools undertaken by, in particular, the team of Unit K2 of DG Research and Innovation at the European Commission, led at the time by Paraskevas Caracostas.

The main distinguishing characteristic of the strategy behind the process of la prospective or foresight – some refer to la prospective stratégique or strategic foresight, which to my mind are pleonasms – is that it does not have a linear relationship with the diagnosis or the issues. Fundamentally, this tool reflects both the long-term issues it seeks to address and a vision of a desirable future that it has constructed with the actors concerned. Its circular process mobilises collective and collaborative intelligence at every step in order to bring about in reality a desired and jointly constructed action that operates over the long term and is intended to be efficient and operational. Foresight watch takes place at every step of this process. I define this as a continuous and largely iterative activity of active observation and systemic analysis of the environment, in the short, medium and long term, to anticipate developments and identify present and future issues with the ultimate purpose of forming collective visions and action strategies. It is based on creating and managing the knowledge needed as input into the process of foresight itself. This process extends from the choice of areas to work on (long-term issues) and of the necessary heuristic, via the analysis and capitalisation of information and its transformation into useful knowledge, to communication and evaluation [9].

2. Foresight and strategic intelligence

The Strategic Intelligence Research Group (GRIS) at HEC Liège, under the direction of Professor Claire Gruslin, sees strategic intelligence as ‘a mode of governance based on the acquisition and protection of strategic and relevant information and on the potential for influence, which is essential for all economic actors wishing to participate proactively in development and innovation by building a distinctive and lasting advantage in a highly competitive and turbulent environment[10].

For its part, the famous Martre Report of 1994, in its definition of economic intelligence, delineated a process fairly similar to that which I mentioned for foresight, likewise including monitoring, heuristics, the examination of issues, a shared vision and the strategy to achieve it, all set in a ‘continuous cycle’:

Economic intelligence can be defined as the set of coordinated actions by which information that is useful to economic actors is sought out, processed and distributed for exploitation. These various actions are carried out legally and benefit from the protection necessary to preserve the company’s assets, under optimal quality, time and cost conditions. Useful information is that needed by the different decision-making levels in the company or the community in order to develop and implement in a coherent manner the strategy and tactics necessary to achieve its objectives, with the goal of improving its position in its competitive context. These actions within the company are organised in a continuous cycle, generating a shared vision of the objectives to be achieved[11].

What is of particular interest in the search for parallels or convergences between economic intelligence and foresight is the idea, developed by Henri Martre, Philippe Clerc and Christian Harbulot, that the notion of economic intelligence goes beyond documentation, monitoring, data protection or even influence, to become part of ‘a true strategic and tactical intention’, supporting actions at different levels, from the company up to the global, international level[12].

 3. Foresight in strategic intelligence

At the turn of the millennium, as part of the European ESTO (European Science and Technology Observatory) programme, the Institute for Prospective Technological Studies (IPTS) in Seville gathered a series of researchers to examine the idea of ​​strategic intelligence as a methodological vehicle or umbrella for public policy-making. The idea was to recognise and take account of the diversity of methods made available to decision-makers in order to structure and mobilise them to ensure successful policy-making [13]. As Ken Ducatel, one of the coordinators of this discussion, put it, ‘The concept of strategic intelligence not only offers a powerful methodology for addressing (EU) issues, but has the flexibility to connect to other forms of interaction, adapt to new models of governance and open up to technological changes and social developments that are faster than we have ever known before[14].

At the time of the REGSTRAT project coordinated by the Stuttgart-based Steinbeis Europa Zentrum in 2006, the concept of Strategic Policy Intelligence (SPI) tools – i.e. intelligence tools applied to public policy – had become accepted, in particular among the representatives of the Mutual Learning Platform referred to earlier. As my fellow foresight specialist Günter Clar and I pointed out in the report on the subject of foresight, strategic intelligence as applied to public policy can be defined as a set of actions designed to identify, implement, disseminate and protect information in order to make it available to the right person, at the right time, with the goal of making the right decision. As had become clear during the work, SPI’s tools include foresight, evaluation of technological choices, evaluation, benchmarking, quality procedures applied to territories, and so on. These tools are used to provide decision-makers and stakeholders with clear, objective, politically unbiased, independent and, most importantly, anticipatory information [15].

This work also made it possible to define strategic intelligence as observed in this context. Its content is adapted to the context, with hard and soft sides and a distributed character, underpinned by scale effects, the facilitation of learning, a balance between specific and generic approaches and increased accessibility. Its process is based on demand, the need to mobilise creativity, making tacit knowledge explicit, the evaluation of technological potential, a facilitation of the process and an optimal link with decision-making [16].

From this viewpoint, foresight is clearly one of the tools of strategic intelligence for the use of policy-makers and stakeholders.

 Anticipation, innovation and decision-making

The Directorate General for Research and Innovation of the European Commission has been involved for some years in forward-looking activities (FLAs) [17], just as the European Institute in Seville had been – as we saw – when it developed strategic policy intelligence (SPI) [18] tools for use in public policy-making[19]. FLAs include all systematic and participatory studies and processes designed to consider possible futures, proactively and strategically, and to explore and map out paths towards desirable goals [20]. This field obviously includes numerous different methods for anticipation of future developments, evaluation of technological choices, ex-ante evaluation, and so on.

In 2001, Ruud Smits, Professor of Technology and Innovation at the University of Utrecht, made three recommendations that he regarded as essential. First, he stressed, it was time to call a halt to the debate about definitions and to exploit the synergies between the different branches of strategic intelligence. Next, he noted the need to improve the quality of strategic intelligence and reinforce its existing sources. Finally, Smits called for the development of an interface between strategic intelligence sources and their users[21]. This programme has yet to be implemented, and our work at GRIS could be seen as reflecting this ambition.

This cognitive approach without a doubt brings us back to the distinction put forward by psychologist and Nobel Prize winner Daniel Kahneman, who refers in his book Thinking fast and slow to two cerebral systems. He describes System 1 as automatic, direct, impulsive, everyday, fast, intuitive, and involving no real effort; we use it in 95% of circumstances. System 2, by contrast, is conscious, rational, deliberative, slow, analytical and logical; we only use it 5% of the time, especially to make decisions when we find ourselves in systems that we consider complex[22]. It is at such times that we have to make the effort to mobilise tools suited to the tasks we are tackling.

This question concerns all strategic intelligence tools, including foresight. Not just because the investments to be made in these fields of research are considerable, but because, often, many of us are unaware of the extent of that which we are unable to understand. All too commonly, we think that what we can see represents the full extent of what exists. We confine ourselves to the variables that we are able to detect, embrace and measure, and have a considerable capacity to refuse to recognise other variables. We know that this syndrome of WYSIATI (‘what you see is all there is’) is devastating: it prevents us from grasping reality in its entirety by making us think that we are in full command of the territory around us and the horizon. As Kahneman puts it, ‘You cannot help dealing with limited information you have as if it were all there is to know[23].

This flaw – and there are others – should encourage us to join forces to cross methodological and epistemological boundaries and work to create more robust instruments that can be used to design more proactive and better-equipped public policies.

 

Philippe Destatte

@PhD2050

 

[1] A first version of this paper was presented at the Liège Business School on September 28, 2016.

[2] Paraskevas CARACOSTAS & Ugar MULDUR, Society, The Endless Frontier, A European Vision of Research and Innovation Policies for the 21st Century, Brussels, European Commission, 1997.

[3] ‘(…) By applying the principles of intentional analysis associated with phenomenology to the experience of time, Gaston Berger substitutes for the “myth of time” a temporal norm, an intersubjective construct for collective action. His philosophy of knowledge is thus constituted as a science of foresight practice whose purpose is normative: it is oriented towards work on values and the construction of a political project; it is a “philosophy in action”.‘ Chloë VIDAL, La prospective territoriale dans tous ses états, Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957-2014), p. 31, Lyon, Thèse ENS, 2015. Our translation.

[4] On la prospective territoriale, representing an encounter between the principles of foresight and those of regional development, see the reference to the DATAR international conference in March 1968. Chloë VIDAL, La prospective territoriale dans tous ses états, Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957-2014)…, p. 214-215.

[5] Günter CLAR & Philippe DESTATTE, Regional Foresight, Boosting Regional Potential, Mutual Learning Platform Regional Foresight Report, Luxembourg, European Commission, Committee of the Regions and Innovative Regions in Europe Network, 2006.

http://www.institut-destree.eu/Documents/Reseaux/Günter-CLAR_Philippe-DESTATTE_Boosting-Regional-Potential_MLP-Foresight-2006.pdf

[6] Ph. DESTATTE & Ph. DURANCE eds, Les mots-clefs de la prospective territoriale, p. 43, Paris, DIACT-DATAR, La Documentation française, 2009.

[7] Ph. DESTATTE, Evaluation, prospective et développement régional, p. 381, Charleroi, Institut Destrée, 2001.

[8] Ph. Destatte, What is foresight ?, Blog PhD2050, May 30, 2013.

https://phd2050.org/2013/05/30/what-is-foresight/

[9] René-Charles TISSEYRE, Knowledge Management, Théorie et pratique de la gestion des connaissances, Paris, Hermès-Lavoisier, 1999.

[10] Guy GOERMANNE, Note de réflexion, Tentatives de rapprochement entre la prospective et l’intelligence stratégique en Wallonie, p. 7, Brussels, August 2016, 64 p.

[11] Henri MARTRE, Philippe CLERC, Christian HARBULOT, Intelligence économique et stratégie des entreprises, p. 12-13, Paris, Commissariat général au Plan (Plan Commission) – La Documentation française, February 1994.

http://bdc.aege.fr/public/Intelligence_Economique_et_strategie_des_entreprises_1994.pdf

[12] ‘The notion of economic intelligence implies transcending the piecemeal actions designated by the terms documentation, monitoring (scientific and technological, competitive, financial, legal and regulatory etc.), protection of competitive capital, and influencing (strategy for influencing nation-states, role of foreign consultancies, information and misinformation operations, etc). It succeeds in transcending these things as a result of the strategic and tactical intention which is supposed to preside over the steering of piecemeal actions and over ensuring their success, and of the interaction between all levels of activity at which the economic intelligence function is exercised: from the grassroots (within companies), through intermediate levels (interprofessional, local), up to the national (concerted strategies between different decision-making centres), transnational (multinational groups) or international (strategies for influencing nation-states) levels.’ H. MARTRE, Ph. CLERC, Ch. HARBULOT, Intelligence économique et stratégie des entreprises…, p. 12-13. Our translation.

[13] Strategic intelligence can be defined as a set of actions designed to identify, implement, disseminate and protect information in order to make it available to the right person, at the right time, with the goal of making the right decision. (…) Strategic intelligence applied to public policy offers a variety of methodologies to meet the requirements of policy-makers. Derived from Daniel ROUACH, La veille technologique et l’intelligence économique, Paris, PUF, 1996, p. 7 & Intelligence économique et stratégie d’entreprises, Paris, Commissariat général au Plan (Plan Commission), 1994. Alexander TÜBKE, Ken DUCATEL, James P. GAVIGAN, Pietro MONCADA-PATERNO-CASTELLO eds, Strategic Policy Intelligence: Current Trends, the State of the Play and perspectives, S&T Intelligence for Policy-Making Processes, p. V & VII, IPTS, Seville, Dec. 2001.

[14] Ibidem, p. IV.

[15] Günter CLAR & Ph. DESTATTE, Mutual Learning Platform Regional Foresight Report, p. 4, Luxembourg, IRE, EC-CoR, 2006.

[16] Ruud SMITS, The New Role of Strategic Intelligence, in A. TÜBKE, K. DUCATEL, J. P. GAVIGAN, P. MONCADA-PATERNO-CASTELLO eds, Strategic Policy Intelligence: Current Trends, p. 17.

[17] Domenico ROSSETTI di VALDALBERO & Parla SROUR-GANDON, European Forward Looking Activities, EU Research in Foresight and Forecast, Socio-Economic Sciences & Humanities, List of Activities, Brussels, European Commission, DGR, Directorate L, Science, Economy & Society, 2010. http://ec.europa.eu/research/social-sciences/forward-looking_en.htmlEuropean forward-looking activities, Building the future of “Innovation Union” and ERA, Brussels, European Commission, Directorate-General for Research and Innovation, 2011. ftp://ftp.cordis.europa.eu/pub/fp7/ssh/docs/european-forward-looking-activities_en.pdf

[18] ‘Strategic Intelligence is all about feeding actors (including policy makers) with the tailor made information they need to play their role in innovation systems (content) and with bringing them together to interact (amongst others to create common ground).’ Ruud SMITS, Technology Assessment and Innovation Policy, Seville, 5 Dec. 2002. ppt.

[19] A. TÜBKE, K. DUCATEL, J. P. GAVIGAN, P. MONCADA-PATERNO-CASTELLO eds, Strategic Policy Intelligence: Current Trends, …

[20] Innovation Union Information and Intelligence System I3S – EC 09/06/2011.

[21] R. SMITS, The New Role of Strategic Intelligence…, p. 17. – see also R. SMITS & Stefan KUHLMANN, Strengthening interfaces in innovation systems: rationale, concepts and (new) instruments, Strata Consolidating Workshop, Brussels, 22-23 April 2002, RTD-K2, June 2002. – R. SMITS, Stefan KUHLMANN and Philip SHAPIRA eds, The Theory and Practice of Innovation Policy, An International Research Handbook, Cheltenham UK, Northampton MA USA, Edward Elgar, 2010.

[22] Daniel KAHNEMAN, Thinking fast and slow, p. 201, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2011.

[23] D. KAHNEMAN, Thinking fast and slow, p. 201.