archive

Archives de Tag: Commémoration

Arolla, le 31 juillet 2013

La Grande Guerre des commémorations du centenaire de 1914 a, en Belgique, manifestement commencé bien avant le centième anniversaire du déclenchement des hostilités. Chacun anticipe évidemment ce qu’il peut… Comme le montre un article particulièrement éclairant de l’historien Jean Lefèvre (Institut Emile Vandervelde) [1], ce qui ne change pas, par contre, c’est que l’objectif des institutions « francophones »  est de porter bien haut le drapeau tricolore du patriotisme national belge tandis que les Flamands joueront eux leur propre carte nationale. In Flanders fieldsas usual. Il est assurément utile, et il faut remercier l’archiviste de l’IEV de mettre en évidence les risques d' »instrumentalisation » identitaire de la Première Guerre mondiale et de s’interroger sur la place réservée aux historiens dans les commémorations ou sur le fait que d’éminents spécialistes comme Sophie de Schaepdrijver [2] ou Bruno De Wever aient été écartés de la préparation des commémorations officielles en Flandre. On s’étonnera cependant que l’histoire wallonne de la Grande Guerre ne soit pas évoquée dans ce panorama. Ce que l’on reproche en fait aux autorités flamandes, c’est de faire comme si la Belgique n’existait pas. On peut relever que, parallèlement, la Wallonie en tant qu’enjeu n’est pas présente non plus, sauf pour rappeler les montants considérables qui vont être engagés par son gouvernement pour ces commémorations, justement. Que l’on ne nous réponde pas que la Wallonie n’existait pas en 1914 : même si elle n’était pas encore une entité de droit public, elle était suffisamment tangible pour que le roi Albert Ier l’évoque adroitement dans son discours mobilisateur et dramatique prononcé au Parlement belge le 4 août 1914 : partout, en Flandre et en Wallonie, dans les villes et dans les campagnes, un seul sentiment emplit les coeurs : le Patriotisme [3], tandis que, le lendemain, dans un message à ses troupes, le même roi leur demande de se souvenir, Flamands, de la Bataille des Eperons d’Or, et vous, Wallons de Liège, qui êtes en ce moment à l’honneur, des 600 Franchimontois [4].

Sans, évidemment, privilégier une approche « spécifiquement wallonne » comme le soulignait la Commission présidée par Laurence Van Yperseel, on pouvait éviter de retomber dans une histoire nationale belge et, à l’heure de l’Europe, essayer d’épouser une approche transnationale mieux équilibrée, articulant les différents niveaux de lecture et de gouvernance. Et donc aussi la Wallonie. En effet, entre les mythiques tranchées de l’Yser et le souvenir de quelques massacres locaux – dont les mécanismes doivent surtout être compris – une place devrait être réservée non à une mémoire wallonne mais à une histoire wallonne de la Grande Guerre. S’interroger sur la place des régions dans le premier conflit mondial, est-ce vraiment faire de l’ombre à l’image de la grande Belgique nationaliste valorisée par Henri Pirenne et Jean Stengers ? N’est-ce pas, au contraire, comme l’a observé Paul Delforge en 2008, reconnaître que la Grande Guerre a eu aussi pour conséquence de hisser sur le plan international les questions flamande et wallonne ? [5] Dans l’ouvrage magistral qu’il a publié sur « la Wallonie et la Première Guerre mondiale », l’historien liégeois et directeur de recherche à l’Institut Destrée observe que, malgré le renouveau d’intérêt pour la Grande Guerre et la publication d’ouvrages apportant de nouveaux éclairages, la place réservée à la Wallonie y est quasi inexistante [6]. Cela pourrait paraître dérisoire et mesquin à certains si la période de 1914-1918 n’avait pas aussi été celle des 14 points de la déclaration du Président Woodrow Wilson le 23 janvier 1917 et de l’affirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes…

En quoi la Wallonie est-elle concernée par la Grande Guerre ? Nous pensons que beaucoup reste à écrire et à faire connaître, tant en ce qui concerne l’invasion que l’occupation allemandes.

L’invasion sanglante

C’est le processus déclenché le 28 juin 1914 à Sarajevo qui mène à l’ultimatum allemand du 2 août 1914. Le refus de laisser passer l’armée allemande provoque l’invasion de la Belgique le 4 août. Une partie des 117.000 soldats belges se porte à la frontière que franchissent ou vont franchir 1.000.000 d’Allemands. Ces troupes allemandes, qui ont pour objectif d’encercler l’armée française par le nord, se dirigent non vers la France, mais vers Liège et la Hesbaye. La bataille de la Meuse commence. Le général Erich Ludendorff s’empare de la Cité ardente le 7 août. La position fortifiée résiste encore jusqu’au 15, moment où son commandant, le général Gérard Leman, grièvement blessé dans l’écrasement du fort de Loncin par les mortiers allemands, doit laisser  la place aux envahisseurs. Comme l’indiquent les historiens irlandais John Horne et Alan Kramer, le commandant en chef allemand, le général Helmuth von Moltke, a sous-estimé la puissance du système des forts de Liège et la capacité de résistance de l’armée belge : là où le général allemand Alfred von Schlieffen, révisant son fameux plan en 1912, n’avait prévu qu’une seule division pour investir à la fois Liège et Namur, il en a fallu huit pour réduire Liège seule, au prix d’un temps précieux et de pertes évaluées à cinq mille trois cents hommes environ [7]. Les retards affectent la bonne réalisation du plan allemand et le redéploiement de leurs armées face aux Russes.

Alors que, après son combat de Haelen (bataille de la Gette, 12 août), l’armée belge se retire sur le réduit fortifié d’Anvers, la Wallonie est livrée aux Allemands, comme l’avaient craint Jules Destrée et de nombreux élus et entrepreneurs wallons [8]. Les massacres de population jalonnent l’avancée des troupes impériales dont la culture et les règles d’engagement restent ceux de la Guerre de 1870, renforcés par les usages brutaux des guerres coloniales qui ont suivi. Les troupes allemandes sont marquées par la peur des francs-tireurs parfois incarnés la Garde civique belge [9] mais que déclenchent souvent des friendly shouts ou l’incompréhension des assaillants devant la nouvelle puissance de feu des snipers ennemis : Soumagne (118 civils tués dès le 5 août), Olne-Saint-Hadelin (64 civils tués le 6 août), Melen (108 civils tués le 8 août), Liège (67 civils tués le 20 août), Andenne-Seilles (262 civils tués les 20 et 21 août), Tintigny (63 civils tués le 22 août), Tamines (383 civils tués les 22 et 23 août), Monceau-sur-Sambre (63 civils tués le 22 août), Dinant-Neffe-Leffe-Anseremme (674 civils tués le 23 août), Ethe (218 civils tués le 23 août), Quaregnon (66 civils tués le 23 août), Latour (71 civils tués le 24 août), Surice (56 civils tués le 25 août), Arlon-Rossignol (133 civils tués le 26 août), et de nombreuses autres exécutions non seulement dans une multitude de communes wallonnes mais aussi en Meurthe-et-Moselle, où le phénomène est similaire, et en Flandre. Là, on se souvient en particulier d’Aarschot (156 civils tués le 19 août) et de Louvain (258 civils tués le 25 août) [10]. Ainsi, plus de 6.000 civils belges ont été tués en quelques semaines de cette invasion sanglante alors que la grande majorité des atrocités allemandes se produisent lorsque la garde civique n’est pas engagée [11]. Nous n’avons pas réalisé le recensement précis, mais le nombre total des Wallonnes et Wallons massacrés pourrait dépasser les 4.000 en août 1914…  

Attaqués le 20 août, les neuf forts de Namur et leur garnison de 24.000 hommes ne peuvent résister au delà du 25 août aux 150.000 Allemands qui les assaillent. Une large partie des troupes belges peut toutefois se replier vers la France. Arrivés en renfort sur le canal de Mons, la Haine, la Sambre et la Meuse, les corps expéditionnaires anglais (maréchal John French, BEF) et français (général Charles Lanzerac, Ve Armée) trouvent la voie barrée par les 15 corps d’armée de l’aile droite allemande. Les Anglais et les Français livrent respectivement les batailles de Mons (22-23 août) et de Charleroi (21-23 août). Après de furieux affrontements, les uns et les autres sont repoussés par les armées des généraux Karl Von Bülow et Alexander Von Kluck au prix de fortes pertes. La bataille de la Meuse est perdue. Attaquée le 27 septembre, la fortification anversoise, qui menaçait encore le flanc de l’armée allemande par d’épiques sorties en force, ne peut tenir au delà du début du mois d’octobre. Une partie de l’armée belge peut néanmoins se soustraire à l’assiégeant et, couverte par un corps d’armée français, se retirer derrière l’Yser où elle résistera, avec le soutien des alliés, jusqu’à l’offensive victorieuse du 28 septembre 1918.

Si au lieu d’être Prussiens, les soldats avaient été Français, comment les Wallons auraient-ils réagi ?

Entre ces deux dates de 1914 et 1918, ce sont quatre ans de misère, de déportations, de travaux obligatoires, d’effondrement économique… C’est à partir de janvier 1915 que les Allemands conçoivent puis mettent progressivement en place la Flamenpolititik destinée à s’attacher les Flamands, « peuple frère opprimé par les Wallons », en vue de faire de la Belgique un futur protectorat du Reich dans le cadre de la Mitteleuropa germanique. Des Flamands vont être sensibles à cette main tendue et s’inscrire dans une logique de fraternisation sinon de collaboration : on les appellera « activistes ».  À partir de février 1915, mais surtout du début 1916, les occupants appliquent leur Flamenpolitik aux prisonniers de guerre en séparant les Flamands et les Wallons dans les camps allemands, pour les regrouper dans des lieux différents et surtout leur appliquer des régimes distincts, plus favorables aux Flamands [12]. A Bruxelles, le budget de la Belgique est scindé en budget de la Flandre et en budget de la Wallonie par l’arrêté du 4 octobre 1916 [13], tandis que l’Université de Gand, flamande, vieille revendication du Mouvement flamand, est inaugurée officiellement par le gouverneur général allemand Von Bissing, le 24 octobre de la même année. Le Raad van Vlaanderen est officiellement fondé le 11 février 1917 et reconnu par Berlin quelques semaines plus tard lorsqu’une délégation de ce Conseil est reçue dans la capitale impériale par le chancelier Theobald von Bethmann-Hollweg. Une séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre, sauce prussienne, est promulguée par les Allemands le 21 mars 1917. Mais ceux-ci sont partiellement débordés par les plus radicaux parmi les activistes et qui, à la faveur du processus d’élection du second Raad Van Vlaanderen, proclament l’indépendance de la Flandre le 20 janvier 1918 à Bruxelles. Ni les autorités allemandes ni de nombreux leaders du Mouvement flamand d’avant-guerre ne couvriront ce coup de force [14].

Il en sera de même en 1940 : on ne saurait nier que, dès avant le conflit de 1914-1918, les opinions publiques flamande et wallonne avaient des sentiments différenciés concernant l’Allemagne et la France, tout comme ces regards variaient suivant que l’on était catholique, libéral ou socialiste. Réagissant surtout contre tout ce qui est français, les militants flamands se rapprochaient en fait des intérêts allemands [15]. Mais une question a bien été posée au sortir de la Guerre par le Liégeois Gustave Wathelet qui constatait, comme bien autres l’on fait, que l’activisme wallon n’avait pas existé : « si au lieu d’être Prussiens, les soldats avaient été Français, comment les Wallons auraient-ils réagi ?  » [16]. L’accueil fondamentalement chaleureux réservé aux armées françaises dans le Hainaut en dit déjà beaucoup sur la réponse … [17]

Le conflit mondial de 1914-1918 a également de lourdes retombées économiques pour la Wallonie. Certes, l’attaque allemande par le bassin industriel, de Liège à Namur, puis Charleroi et Mons affecte peu les infrastructures. Par contre, très rapidement, l’épuisement progressif du stock de matières premières et son non-remplacement par l’arrêt des importations et de la circulation des marchandises, provoqué par le blocus allié dans les zones du front avec les envahisseurs allemands, menace la production sidérurgique. Pour les aciéries, celle-ci passe de 1.409.460 tonnes en 1913 à 2.380 tonnes en 1918. Comme l’indique l’économiste Fernand Baudhuin, le nombre des hauts-fourneaux allumés, qui était encore de 6 sur 54 en 1915 et en 1916, n’est plus que de 1 en 1917. En 1918, ils sont tous éteints. À partir de 1917, l’occupant allemand détruit systématiquement les usines afin de se procurer fonte et acier pour ses fabrications de guerre. En 1918, seuls deux haut-fourneaux sur 7 restent actifs à la société Cockerill : 4.500 wagons de débris de machine en en ont été extorqués vers  l’Allemagne [18].

Beaucoup reste donc à comprendre, à écrire, à enseigner sur la manière dont la Wallonie a vécu, subi, participé et combattu à  la Première Guerre mondiale, dans tous les domaines. Il importe de découvrir la manière dont elle a tenté de se relever, de comprendre ses relations avec les nouveaux Cantons de l’Est, rattachés par Versailles. Les chercheurs et enseignants ne pourront évidemment le faire qu’en inscrivant les approches locales dans l’ensemble régional et en articulant celui-ci avec l’histoire de Belgique, l’histoire de l’Europe et bien sûr l’histoire universelle, comme on l’écrivait jadis.

Conclusion : l’occasion manquée d’une année 2014 plus paisible…

Le 24 août 1914, sur leur route d’invasion, les Allemands jettaient bas le Coq de Jemappes, haut lieu du Mouvement wallon, inauguré le 24 septembre 1911 notamment par Jules Destrée pour commémorer la victoire française du 6 novembre 1792. Comme l’a écrit Reinhart Kosseleck, les destructions de monuments ont lieu quand la génération des fondateurs n’est pas encore éteinte, tant qu’elle peut encore être considérée comme un adversaire politique direct. Assurémment, à Jemappes, c’est l’ennemi wallon qui est visé par les Prussiens. Comme l’observe l’historien allemand, le cas individuel de la mort a beau être passé, il n’en est pas moins l’avenir de chaque observateur  [19].

Les monuments aux morts, même s’ils peuvent être virtuels comme les commémorations, sont bien les lieux de fondation de l’identité des survivants. C’est vrai pour le Coq de Jemappes comme pour l’Aigle blessé de Waterloo. C’est probablement exact aussi pour la Tour de l’Yser.

Tout en gardant notre profond respect aux anciens combattants qui ont fait leur devoir, être historien et être Européen aujourd’hui signifie aussi, face aux événements de la Grande Guerre, faire l’effort de comprendre pourquoi une Flandre a essayé d’émerger en 1914-1918, et pourquoi la Wallonie ne l’a pas fait, malgré la tardive Wallonenpolitik ouverte par l’occupant en décembre 1917. Loin d’être l’apothéose de la nationalité belge comme aimait à le rappeler le professeur Jean Stengers, la Grande Guerre fut avant tout le révélateur de la faillite des institutions de 1830. Le moment est peut-être également venu de s’interroger : à l’instar de ce qui s’est passé à Lophem, le 11 novembre 1918, pour l’octroi du suffrage universel, n’aurait-il pas fallu, en 1919, avoir la sagesse d’instaurer la séparation administrative plutôt que de la réprimer ? Cela aurait épargné à la Belgique, devenue fédérale cinquante ou soixante ans plus tôt, un nouveau et plus durable déchirement entre Flamands et Wallons en 1940. Cela nous aurait peut-être également annoncé une année 2014 plus paisible… Toutes les parties prenantes de l’actuel Etat fédéral belge devraient considérer le centième anniversaire de la Première Guerre mondiale avec réalisme et compréhension de l’autre comme autant de partenaires, qu’ils proviennent de l’une ou lautre des quatres régions. Cette compréhension donnera peut-être l’occasion au monde politique, aux entrepreneurs et à la société civile de construire enfin, en 2014, une Belgique qui corresponde au dialogue et à l’harmonie nécessaires entre Flamands, Bruxellois, Germanophones et Wallons.

 

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050


[1] Jean LEFEVRE, Les enjeux politiques autour des commémorations de la Première Guerre mondiale, Bruxelles, Institut Emile Vandervelde, Juillet 2013. http://www.iev.be

[2] Voir notamment son ouvrage : Sophie DE SCHAEPDRIJVER, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 2004.

[3] Annales parlementaires, Chambres réunies, Séance royale du 4 août 1914, p. 1.

[4] La proclamation est reproduite dans Henri PIRENNE, Histoire de Belgique des origines à nos jours, t. 4, p. 288, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1948.

[5] Paul DELFORGE, La Wallonie et la Première Guerre mondiale, Pour une histoire de la séparation administrative, p. 13, Namur, Institut Destrée, 2008. – On peut relever que cet ouvrage magistral, primé par le prix Halkin-Williot de la critique historique et le Prix Jean Stengers de l’Académie royale de Belgique, n’est malheureusement pas cité dans l’article de Jean Lefèvre…

[6] Paul DELFORGE, La Wallonie et la Première Guerre mondiale…, p. 9, Namur, Institut Destrée, 2008.

[7] John HORNE & Alan KRAMER, 1914, Les atrocités allemandes, La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique, p. 40,41 et 184, Paris, Tallandier, 2011.

[8] Ils nous ont pris notre sécurité. Nous ne sommes plus à l’aise vis-à-vis d’eux ; nous sommes, à cause d’eux, inquiets vis-à-vis de l’étranger. Nous la sentons chaque jour approcher comme un fléau terrible, la guerre entre nos voisins du sud et de l’est et nous savons par des révélations récentes, que nous sommes le chemin de l’invasion et impuissants à l’empêcher. La répugnance des Flamands à accepter le devoir militaire, le niemand gedwongen soldaat, la veulerie des gouvernants fait que nous n’avons pas préparé la résistance nécessaire. Les Flandres resteront loin des conflits ; Anvers, réduit national, s’il n’est pas aux mains des Allemands qui y sont déjà installés en maîtres, laissera passer l’orage à l’abri de ses forts, mais nous, Wallons, nous seront livrés aux horreurs des combats. Les vallées de la Meuse et de Sambre sont un chemin commode pour l’envahisseur, – on le lui facilite encore par la construction d’un chemin de fer de Malmédy à Stavelot ! – et les grandes plaines de Fleurus, un merveilleux champ de bataille. Ah ! Si, au lieu de nous demander chaque année des sacrifices énormes pour un vain simulacre de protection, on nous laissait libres d’organiser nous-mêmes la garde de nos frontières ! La seule Wallonie, avec le système suisse de la nation armée, pourrait mettre en ligne une armée de 200,000 hommes, supérieure à tout ce que pourrait donner l’organisation militaire de la Belgique entière à l’heure actuelle ; et cette armée, ayant à défendre ses foyers et sa terre, aurait une cohésion et une énergie morales incomparables dans l’action défensive ! Jules DESTREE, La Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre, Extrait de la Revue de Belgique, Bruxelles, Weissenbruch, 15 août-1er septembre 1912, p. 16.  

[9] John HORNE & Alan KRAMER, 1914 … p. 75-77 et 200-201. Les auteurs indiquent que la Garde civique est présente dans l’incident qui se déroule le 22 août à Tamines. Rappelons, qu’à côté de la Garde civique active dont la quarantaine de milliers de membres devaient agir sous commandement militaire, près de 100.000 hommes de la garde civique non active, organisée dans les petites villes, les villages et les campagnes avaient été rappelés par arrêté royal du 5 août 1914 (p. 198-199). Comme l’indiquent les auteurs, pour différentes raisons qu’ils expliquent longtemps, les deux corps ont pu être confondus par les Allemands avec des francs-tireurs.

[10] Voir l’Annexe I, Les atrocités allemandes en 1914 : incidents ayant causé la mort de dix civils ou plus, dans l’ouvrage de J. HORNE et A. KRAMER, op. cit. :, p. 625-632 et 633-639 pour la méthodologie et la définition des « incidents ». Nous avons limité notre énumération aux communes où cinquante civils ont été abattus. A noter que ces données qui se réfèrent souvent uniquement aux fusilliés sont discutables. Dans certains cas, le nombre de victimes peut être plus important comme le montrent certaines monographies communales. AInsi, un recensement des communes wallonnes où plus de 50 civils ont été condamnés à mort ou sont tombés victimes de l’invasion ou de l’occupation, établi par l’historienne Marie Dewez à partir de l’ouvrage dirigé par René LYR, Nos héros morts pour la patrie. L’épopée belge de 1914 à 1918 (histoire et documentation), Bruxelles, E. Van der Elst, 1920, donne le tableau suivant :

Province

Ville

Nombre de victimes

Hainaut Charleroi 89
  Lessines 86
  Monceau-sur-Sambre 66
  Nimy 55
  Quaregnon 109
Liège Liège 121
  Melen 74
  Olne 63
Luxembourg Ethe 218
  Latour 71
  Rossignol 108
  Tintigny 91
Namur Andenne 236
  Anseremme 62
  Auvelais 59
  Dinant 605
  Tamines 364

[11] J. HORNE & A. KRAMER, 1914, Les atrocités allemandes…, p. 340 et 606.

[12] Jean DESFLANDRES, Rennbahn, Trente-deux mois de captivité en Allemagne (1914-1917), Souvenirs d’un soldat belge, étudiant à l’Université libre de Bruxelles, t. 1, p. 353-354 et t. 2, p. 16-33, Paris, Plon, 1920. – Paul DELFORGE, op. cit., p. 85.

[13] Paul DELFORGE, La Wallonie et la Première Guerre mondiale…, p. 90.

[14]. Daniel VANACKER, Het Aktivistisch Avontuur, Gent, Academie Press, 2006.

[15] Ibidem, p. 51, en particulier la note 12 et 133.

[16] L’Opinion wallonne, n°131, 15 février 1920, p. 1, cité par P. DELFORGE, op. cit., p. 482. Gustave Wathelet était alors membre de l’Assemblée wallonne.

[17] Damien BALDIN et Emmanuel SAINT-FUSCIEN, Charleroi 21-23 août 1914, Paris, Tallandier, 2012.

[18] Fernand BAUDHUIN, Histoire économique de la Belgique (1914-1939), t. 1, p. 45 et 67 sv., Bruxelles, Bruylandt, 1944. (C. de KERCHOVE de DENTERGHEM, L’industrie belge pendant l’occupation allemande, p. 54.).

[19] Reinhart KOSELLECK, Les monuments aux morts, lieux de fondation de l’identité des survivants, dans R. KOSELLECK, L’expérience de l’histoire,  p. 209-210, Paris, Gallimard-Seuil, 1997.